Séance du
vendredi 13 octobre 2023 à
14h
3e
législature -
1re
année -
5e
session -
27e
séance
RD 1133-B et objet(s) lié(s)
Débat
La présidente. C'est maintenant le tour du RD 1133-B et de la P 1854-E... (Brouhaha.) Excusez-moi de vous rappeler que nous sommes en plénière ! Si vous voulez discuter, n'hésitez pas à sortir - Monsieur Jotterand, ça vous concerne aussi ! (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Quand j'entends les remarques au fond, c'est que c'est trop fort ! (Un instant s'écoule.) Ces objets sont classés en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, les dates sont exactes: ça ne concerne pas 1916-1919, mais bien 2016-2019 ! Ça peut vous surprendre, mais il y a une raison très précise à cela, ce n'est pas parce que la commission a traîné les pieds que nous traitons le RD 1133-B aujourd'hui seulement. La raison très précise est la suivante, il me paraît important de l'indiquer ici: la planification hospitalière cantonale a évolué depuis la réforme de la LAMal en 2012, qui prévoit que le financement hospitalier se fait à l'activité et non plus par un subventionnement global. Cela donne la possibilité aux cantons, en appliquant des règles du jeu égales, de prévoir dans la liste hospitalière tant des établissements publics que des hôpitaux privés, qui reçoivent des mandats de prestations pour offrir des services à la population à charge de l'assurance obligatoire des soins.
Le choix fait initialement par le canton de Genève a été de considérer que l'hôpital universitaire public devait être en mesure d'assurer l'entier des besoins de la population, parce que cela fait partie de sa mission principale, et de prévoir que les hôpitaux et les cliniques privées, dans le cadre de quotas qui étaient définis «slash» négociés, pouvaient également bénéficier d'un certain nombre de prestations, mais quantifiées et définies quant au type d'intervention - je vous passe les détails sur la nature des interventions prévues. Un des partenaires privés a recouru au Tribunal fédéral et a obtenu gain de cause !
Les conclusions du Tribunal fédéral étaient que les prestataires privés et publics devaient être logés à la même enseigne, qu'on ne pouvait pas prévoir une offre de prestations entre guillemets «illimitée» dans le but de permettre aux établissements publics de répondre à l'ensemble des besoins de la population et puis définir des quotas pour les partenaires privés. C'est la raison pour laquelle le département a dû en quelque sorte revoir sa copie et définir de nouvelles règles de planification sanitaire. Il se trouve que la commission de la santé avait déjà rendu ses conclusions sur ce RD 1133 lorsque l'arrêt du Tribunal fédéral faisant suite au recours d'un des partenaires privés a été publié en janvier 2019, et nous avons souhaité renvoyer cet objet à la commission de la santé pour avoir justement toutes les explications nécessaires quant à l'obligation qui était faite au département de redéfinir une nouvelle planification sanitaire, c'est-à-dire une nouvelle liste hospitalière respectant, en tout cas pour le partenaire qui avait fait recours, ces nouvelles règles.
Voilà ! C'est la principale raison qui explique le retard avec lequel nous traitons ce texte. La majorité de la commission, que je représente ici, n'a pas de commentaires particuliers à faire aujourd'hui sur ce rapport de planification sanitaire pour ce qui est de l'ensemble des activités. Nous vous proposons par conséquent d'en prendre acte.
S'agissant de la pétition, elle a été déposée en 2012 et faisait suite à des préoccupations légitimes d'associations de patients et de membres du personnel des services hospitaliers psychiatriques - elle concerne donc la situation de la psychiatrie aux HUG -, argumentant que les services de psychiatrie des HUG étaient en quelque sorte devenus un désert médical et qu'il était urgent de recourir à des ressources supplémentaires simplement parce que la qualité et la sécurité des prestations médicales n'étaient pas assurées. Le personnel soignant se plaignait également du fait qu'il n'y avait plus suffisamment de médecins dans les services de psychiatrie.
Il me paraît aussi important de relever ici que c'est un effet, en quelque sorte une externalité, je dirais, de la décision de la Confédération de mettre fin au moratoire sur... qui était un moratoire provisoire sur l'installation des médecins, moratoire qui est tombé au 1er janvier 2012; de ce fait, sachant que... le... Je vais rembobiner et vous redire les choses parce que je n'ai pas pris la bonne voie ! (L'orateur rit.) Le moratoire existant a été levé au 1er janvier 2012 et des médecins qui étaient jusque-là empêchés de s'installer en cabinet privé ont tout d'un coup vu une opportunité pour le faire. C'est la raison pour laquelle il y a effectivement eu une hémorragie de psychiatres, qui ont quitté les HUG parce que leur formation était terminée: jusqu'à fin 2011, ils étaient en quelque sorte verrouillés dans les hôpitaux par ce moratoire, et là, ils se sont installés en cabinet. C'est la raison pour laquelle, effectivement, il y a eu de réelles difficultés, pendant une période heureusement assez courte, pour garantir un encadrement médical de qualité dans les hôpitaux universitaires et, en l'occurrence, les services de psychiatrie.
Alors évidemment, lorsqu'il a été donné suite à cette pétition, la qualité et la sécurité des soins en psychiatrie en tant que telles, s'agissant de la politique médicale, de la politique mise en oeuvre pour soigner les patients, n'ont pas du tout été évaluées, parce que ce n'était pas ce qui était mis en question; les pétitionnaires ne sont d'ailleurs pas revenus à la charge depuis. C'est donc bien ce motif particulier, soit l'installation en cabinet d'un grand nombre de médecins début 2012, qui était à l'origine du manque - cette situation étant évidemment depuis longtemps stabilisée. On peut aujourd'hui vraiment considérer cela comme un événement historique, que l'on mentionne ici. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission vous invite à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie de votre attention.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à la rapporteure de minorité sur la P 1854-E.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je précise que je suis effectivement rapporteure de minorité sur la P 1854-E, mais non sur le RD 1133 du Conseil d'Etat. Cette pétition, on l'a dit, a été déposée en 2012 par les milieux associatifs, dont les associations Pro mente sana et Le Relais; elle concerne la situation de la psychiatrie adulte de manière générale, globale, dans le canton de Genève. Elle a été traitée en lien avec ce RD 1133 puisque celui-ci portait justement sur la planification sanitaire du canton et qu'il mettait en évidence certaines problématiques. On peut voir dans mon rapport de minorité les allers et retours que cette pétition a faits puisqu'elle se retrouve aujourd'hui avec la lettre E: ça veut dire qu'elle a eu les lettres A, B, C, D et enfin E - peut-être F ensuite, selon sa destinée.
Si j'ai déposé un rapport de minorité en 2020, c'est parce que cette pétition garde tout son sens et sa pertinence malgré les années qui se sont écoulées. Effectivement, le contexte de 2012 était différent de celui de 2020, et il est encore devenu autre aujourd'hui, en 2023, mais certaines problématiques subsistent, notamment en lien avec plusieurs questions. Une des questions principales, une des problématiques principales, c'est la prise en charge ou plutôt l'accompagnement des personnes qui ont besoin d'un soutien, à un moment donné, s'agissant de leur santé mentale. Le but était d'alerter les autorités pour éviter que ces personnes, fragilisées à un moment de leur vie, passent de l'état de solitude, ou d'un mauvais accompagnement, à une institutionnalisation complète. L'idée était donc de proposer aux autorités de mettre en place une véritable politique cantonale de la psychiatrie, ou alors une politique cantonale en matière de santé mentale.
Quelques progrès ont été réalisés; citons notamment des propositions pour éviter les institutionnalisations ou les hospitalisations, qui coûtent cher, mais qui coûtent surtout cher en matière de santé humaine puisque l'état des personnes se détériorait à chaque hospitalisation ou à chaque institutionnalisation - c'est aussi à mettre en lien avec la pénurie de médecins aux HUG: il y en avait moins de disponibles à l'hôpital puisqu'ils étaient effectivement partis dans le privé. Il faut rappeler le contexte actuel - c'est pour ça que cette pétition est encore d'actualité: il faut encore améliorer l'accompagnement de ces personnes en proposant, par exemple, davantage de collaborations transversales et interdépartementales, notamment entre le département de la santé et le département de la cohésion sociale...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Marjorie de Chastonay. Très bien. ...puisque le contexte aujourd'hui, en 2023, c'est un contexte post-covid; c'est un contexte où l'on connaît à nouveau des conflits en Europe; c'est un contexte où la classe moyenne genevoise se trouve confrontée à une inflation de plus en plus difficile à gérer; c'est un contexte où tout devient plus difficile dans le quotidien - notamment payer son loyer, mais on connaît l'augmentation de plus de 9% des primes d'assurance-maladie; et c'est un contexte aussi, il faut le rappeler, de vieillissement de la population. S'il y a une augmentation des cas d'Alzheimer, évidemment liée au vieillissement, les problématiques relatives à la santé mentale des jeunes augmentent également, on le sait, et c'est un sujet récurrent dans les médias; là, il est question de la psychiatrie adulte et je parle par conséquent des jeunes adultes. Tout cela fait qu'il faut évidemment anticiper les besoins pour éviter que la situation des personnes concernées s'aggrave et s'assurer que l'accompagnement est suffisant.
L'idée est par ailleurs de traiter ces situations de manière ambulatoire, disons, et d'éviter justement l'enfermement; d'éviter aussi, naturellement, la surmédication, qui était aussi une source d'inquiétude pour les associations puisque, il faut quand même le rappeler, quand il y a moins de personnel et qu'il n'y a pas de structure intermédiaire - et c'est ce que propose la pétition: mettre en place des structures intermédiaires et avoir un personnel formé et en suffisance -, quand il n'y a pas de personnel formé en suffisance ni donc de structure intermédiaire, eh bien le personnel doit gérer ces situations en étant livré à lui-même: il les gère comme il peut et ça se termine parfois en violence institutionnelle, en surmédication, ce qui peut engendrer des conséquences extrêmement graves sur la santé des personnes concernées.
Je conclurai en disant qu'il faut effectivement que la politique cantonale de la santé en matière de psychiatrie et de santé mentale en général mise davantage sur la prévention, sur des structures en amont, sur des structures intermédiaires. Il faut plus de synergies et de collaborations, et augmenter le nombre d'infrastructures en amont, mais également plus de suivi, plus d'accompagnement, et évidemment aussi, pour que tout se passe bien, améliorer les conditions de travail du personnel. Pour toutes ces raisons, j'invite ce parlement à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.
M. François Baertschi (MCG). En portant un regard rétrospectif sur la planification sanitaire du canton de Genève de 2016 à 2019, un constat évident s'impose: la Confédération ne défend pas les intérêts de la population genevoise. Pire: la Confédération ne défend pas les intérêts de la population suisse, et cela sous la pression scandaleuse de divers lobbys, en particulier du lobby tout-puissant de l'assurance-maladie. Mauro Poggia, à la tête du département de la santé, a fait au mieux pour défendre nos intérêts. Maintenant, si le peuple le désire, il pourra faire le travail là où tout se décide, c'est-à-dire à Berne, en nous représentant au Parlement fédéral.
Des voix. Ah !
M. François Baertschi. Mais quelle que soit l'opinion des uns et des autres, chaque observateur honnête en conviendra: ça doit changer, à Berne ! Ça doit changer, à Berne. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. Je n'ai plus de demande de parole, nous allons donc passer au vote. J'invite l'assemblée à se prononcer tout d'abord sur la prise d'acte du RD 1133.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1133 par 54 oui et 25 abstentions (vote nominal).
La présidente. Nous passons à la pétition. Le vote porte sur le renvoi au Conseil d'Etat. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Une voix. On vote sur la prise d'acte du rapport du Conseil d'Etat.
Une autre voix. On vote sur la pétition !
Une autre voix. Mais non !
Une autre voix. Selon moi, soit on prend acte du rapport, soit on le refuse et on le renvoie au Conseil d'Etat. Je m'excuse, mais ce n'est pas très clair !
La présidente. Je vous ai dit que le vote portait sur le renvoi au Conseil d'Etat !
Une voix. Du rapport, pas de la pétition ! (Commentaires.)
La présidente. Je reconnais que je n'ai pas été très claire. (Un instant s'écoule.) Normalement, nous n'aurions pas besoin de voter sur une prise d'acte, mais la minorité a demandé le renvoi au Conseil d'Etat du rapport du Conseil d'Etat. Nous allons donc voter sur cette demande de la minorité: le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition. (Protestations.) Nous avions déjà voté sur la pétition ! Nous traitons un rapport du Conseil d'Etat, celui qui a été rendu au Grand Conseil sur une pétition ! C'est bien ce rapport-là que nous renverrons, si une majorité le veut, au Conseil d'Etat !
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 1854 est rejeté par 57 non contre 27 oui (vote nominal).
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1854.
Une voix. Voilà ! (Exclamations.)