Séance du
vendredi 22 septembre 2023 à
18h10
3e
législature -
1re
année -
4e
session -
24e
séance
M 2720-A
Débat
La présidente. Nous reprenons le traitement de notre ordre du jour et passons à la M 2720-A, classée en catégorie II, trente minutes. Madame Osmani, rapporteuse de majorité ad interim, vous avez la parole.
Mme Xhevrie Osmani (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion, déposée courant 2020, soit en pleine pandémie, fait suite au constat que les HUG ne respectaient pas les mécanismes salariaux relativement à la prise en compte des annuités à l'engagement - et ce depuis 2009 - ni les dispositions légales relativement au planning de travail, à la compensation ou à la récupération des heures supplémentaires; faisaient preuve d'une inégalité de traitement dans l'octroi des primes réglementaires; ne comptabilisaient pas le temps d'habillage comme temps de travail et ne prenaient pas en compte les pauses lumière prévues par le SECO - tant ce qui relève du temps de travail que les pauses lumière correspondent aux directives du SECO. La commission a mené plusieurs auditions, dont celle du magistrat de tutelle des HUG ainsi que celle des syndicats.
Cette motion est un rappel visant au respect et à l'application de nos lois et règlements: bien que l'exécutif, à travers le conseiller d'Etat auditionné, ait préféré renvoyer à la responsabilité de l'employeur, au respect de son autonomie, le texte rappelle que, dans le respect même de ce cadre, le gouvernement a aussi son rôle à jouer dans le partenariat social puisqu'il est l'autorité de tutelle. La loi sur le travail ainsi que la modification de la jurisprudence obligent les HUG à inclure davantage de choses dans le temps de travail ! A la fois les HUG et le Conseil d'Etat ont réaffirmé la nécessité d'une amélioration sur les questions de planning, tout comme en matière de temps d'habillage - la pratique n'est pas homogène à l'hôpital, dans le sens où des personnes l'incluent dans les temps de planning et d'autres dans l'organisation. Les HUG partagent globalement l'avis des syndicats sur ce point; il s'agit d'être attentif aux évolutions des pratiques et de la jurisprudence. Ce sont donc des points sur lesquels des corrections doivent être faites.
Les HUG ont toutefois relevé leurs difficultés à mettre en oeuvre la loi sur le travail au vu de la complexité de celle-ci: il est compliqué de l'appliquer dans des structures aussi particulières que les structures hospitalières, qui travaillent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. La question des annuités a également fait beaucoup de bruit à l'époque, puisque les HUG ont continué à les plafonner à un maximum de quinze à l'engagement. Bien que les HUG se soient engagés à y remédier, d'autres cas se sont manifestés, et cela vaut par ailleurs pour les pauses lumière, soit les pauses compensatoires pour permettre au personnel d'être en contact avec la lumière du jour: dans ce cas précis aussi, certains cas ont été réglés mais d'autres non.
Au vu de ce qui précède, la majorité de la commission a voté en faveur de cette motion, après l'avoir amendée pour que les HUG associent les représentants du personnel à l'évaluation et à la mise en place de l'outil OPTITEMPS et qu'ils communiquent sur cet outil auprès du personnel, et pour qu'un rapport soit rendu à notre Grand Conseil sur le bilan de douze mois d'application d'OPTITEMPS. Je vous remercie de votre écoute.
M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant et rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai bien sûr pas franchement traité cette question, mais vous avez remarqué que, d'une manière générale, lors de cette session, beaucoup de textes que vous avons traités - je vais peut-être utiliser un terme un peu fort - tirent à boulets rouges sur le Conseil d'Etat et sur l'organisation de l'hôpital. Est-ce que c'est justifié ?
Une voix. Non.
M. Patrick Lussi. On a constaté que certaines choses ne jouaient pas, mais aller jusque-là ! Vous avez vu que le groupe UDC, dans ce rapport de minorité, ne dénigre pas les faits. Je crois toutefois que quelqu'un avait fait une bonne intervention tout à l'heure en disant: s'agissant de ce qui est relaté ici, ce n'est pas notre travail de députés d'absolument tout entériner, mais il appartient plutôt aux syndicats de faire ce travail. Je dirai, pour aller un peu plus loin - je remplace un peu à la commission de la santé -, que nous avons entendu dernièrement le magistrat de tutelle des hôpitaux, et il a dit être conscient des difficultés qu'il y a, vouloir les prendre à bras-le-corps et aller vers un arrangement. Raison pour laquelle - je m'exprimerai peut-être plus avant ultérieurement - le groupe UDC vous recommande de rejeter cette motion, non parce qu'elle est injustifiée, mais parce que tout va être entrepris pour régler la situation et est entre les mains, je dirais, du Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Léo Peterschmitt (Ve). Cette motion Verte a été rédigée à la suite de préoccupations sérieuses s'agissant de la manière dont les HUG appliquent les lois relatives aux conditions de travail du personnel. Le respect des lois du travail n'est pas une option ! Les HUG mènent une mission fondamentale dans notre canton, et cela repose sur la santé et le bien-être de celles et ceux qui y travaillent. Le fait que le personnel soit démotivé, maltraité ou soumis au stress a des conséquences directes sur les personnes qui sont prises en charge. Pour une entité publique subventionnée, la récurrence de problèmes en matière de récupération et de compensation des heures supplémentaires, d'égalité de traitement, de gestion des horaires et de planification ne saurait être acceptable.
La revalorisation et le respect du travail du personnel soignant sont une nécessité au vu de la nature irremplaçable de l'activité que celui-ci accomplit. Les HUG doivent poursuivre les processus entamés qui visent à améliorer les conditions de travail et le respect des droits de leurs employés, et cela en matière de temps de travail, d'établissement et de modification du planning, tout comme de prise en compte des heures supplémentaires et de récupération. Et je tiens à souligner ici l'importance de la demande suivante: il faut le faire en incluant l'ensemble du personnel dans les différents processus d'évaluation des conditions et des outils de travail, notamment de l'outil OPTITEMPS.
Les HUG peuvent faire mieux - ce n'est pas la première fois que je le dis ce soir - et le groupe des Verts pense que le Grand Conseil a l'occasion de le rappeler ce soir également. C'est pourquoi nous vous invitons à voter cette motion amendée par la commission. Merci.
Mme Sophie Demaurex (S). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, je vous invite à suivre le vote de la commission en faveur de cette motion. Non, les syndicats ne peuvent pas faire le travail à la place des HUG: ils peuvent vérifier qu'il soit fait, mais pas le faire. Vous l'aurez compris, la mise en conformité des HUG avec la LTr est ardue et c'est bien la raison pour laquelle le Conseil d'Etat doit porter une attention particulière à cette régularisation. J'ai pris bonne note du fait qu'il s'en préoccupe et je l'en remercie.
Aujourd'hui, seule une des neuf thématiques prioritaires a été traitée, et le résultat n'est encore pas satisfaisant: il s'agit de la compensation du temps d'habillage, qui se ferait avec un arrangement interne, en quittant un petit peu plus tôt le travail ou en arrivant un petit peu plus tard pour rattraper ce temps - cela revient à diminuer le temps de présence au pied du lit des patientes et des patients et a un impact sur la qualité des soins. Alors que nous venons d'évoquer la problématique de l'absentéisme, des remplacements, de la pénurie de personnel, de la courte vie professionnelle des soignantes et des soignants et de toutes les mesures à prendre pour retenir les employées et les employés, il serait urgent de répondre rapidement aux autres priorités, à savoir, je cite: «la planification hebdomadaire sur 50 heures, l'annualisation de la semaine de travail du lundi au dimanche, l'organisation des temps de pause, la conformité de l'amplitude des nuits, le suivi des collaborateurs effectuant plus de 25 nuits par an, la proscription du travail au-delà de sept jours consécutifs, le repos compensatoire suite aux dimanches travaillés, les douze dimanches non travaillés par an, qui font partie des priorités à résoudre pour être en conformité avec la LTr.» Il faut encore ajouter à cela, selon un accord passé en 2002, la mise en application de décharges pour le personnel de plus de 57 ans.
Mesdames et Messieurs les députés, pour toutes ces raisons, cette motion reste d'actualité et ce dossier mérite tout le soutien du Grand Conseil. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. La parole va à Mme Masha Alimi. Je suis par ailleurs heureuse de constater que plusieurs personnes sont de retour de pause; n'hésitez toutefois pas à garder le silence.
Mme Masha Alimi (LJS). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, de l'exposé des motifs et selon plusieurs témoignages, il appert que la loi sur le personnel ne serait pas appliquée aux HUG. C'est étonnant; si l'intervention de l'autorité de tutelle des HUG peut contribuer à la bonne application de cette loi, eh bien oui, pourquoi pas, nous sommes d'accord avec cette proposition de motion.
Quant à M. le député UDC qui dit que ce n'est pas nécessaire: si le Conseil d'Etat a déjà pris la mesure de la problématique, ce texte ne servirait qu'à le légitimer pour intervenir de nouveau ! Voilà, j'en ai terminé, merci.
La présidente. Je vous remercie. Il n'y a plus de demande de parole... (Remarque.) Monsieur le rapporteur de minorité, vous souhaitez vous exprimer ? (Remarque.) Oui ? Alors il faut demander la parole; vous avez... (La présidente consulte le décompte des temps de parole.) ...largement le temps.
M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant et rapporteur de minorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Même si j'ai largement le temps, je serai bref. J'ai toutefois peut-être été trop bref au début; il est dommage que certaines personnes, dont ma préopinante, aient mal compris mon propos ! Je n'ai pas dit que ce n'est pas nécessaire: j'ai dit que c'est en voie de se régler, le rapport qu'a rendu mon collègue est assez clair à ce sujet. Alors deux-trois points sont mis en avant. On parle de la radiologie, évidemment: en radiologie, c'est dommage, on doit travailler un peu dans l'obscurité, dans le noir et sans fenêtre ! Bon ! Il y a des temps de pause à aménager, mais est-ce à nous, législateurs, de régler cela ?
Mon propos était uniquement de dire, comme avant: nous sommes là pour donner des moyens, nous sommes là pour observer, mais beaucoup de discussions... Je crois que la préopinante socialiste le disait, c'est aux syndicats de s'occuper du personnel ! Mon propos n'était pas que les syndicats vont s'occuper de la gestion de l'hôpital, mais, à mon sens, beaucoup d'objets que nous traitons - et je n'ai pas dit qu'ils étaient injustifiés - relèvent justement d'une négociation syndicale tripartite plutôt que du Grand Conseil. Franchement, si on faisait un petit questionnaire, un examen sur ce que l'on sait de tout cela... Est-ce que chacun d'entre vous - ce n'est pas mon cas, bien que j'aie été plusieurs fois à l'hôpital ces derniers temps - a les compétences pour juger tous les points abordés ? Non ! Il faut un peu plus d'expérience pour cela.
Raison pour laquelle l'Union démocratique du centre vous dit: nous refusons cette motion, non pas parce qu'elle est injustifiée mais parce que, comme je l'ai expliqué et comme on le voit, bien des choses sont en cours, elle risque donc... D'un certain côté, elle peut avoir été nécessaire à l'époque; elle est maintenant inutile, en ce sens que tout va être traité. Qu'est-ce qu'une motion ? Un texte que l'on envoie au Conseil d'Etat pour lui demander une réponse; ici, la réponse, les réponses sont presque déjà toutes données ou sont en passe d'arriver. Raison pour laquelle nous vous conseillons de refuser cette motion. Merci, Madame la présidente.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je m'exprimerai brièvement, Madame la présidente, pour confirmer le propos que j'ai tenu tout à l'heure en écho aux motionnaires sur le fait que le Conseil d'Etat s'est saisi de cette problématique. D'abord, vous avez raison: l'autorité de tutelle a son mot à dire. Certes, l'employeur, ce sont les hôpitaux universitaires, mais c'est le Conseil d'Etat, en fin de compte, qui répond devant vous - et c'est vous qui votez les budgets. Et évidemment que les questions posées à travers ces aspects relatifs au personnel sont des questions qui se règlent notamment par le biais du budget !
Un seul exemple: les médecins doivent passer à 50 heures par semaine. On sait l'engagement des médecins et un certain historique, pour ne pas dire une approche culturelle, qui voyait le corps médical avoir quasiment rétabli l'esclavage - on parle de 80 ou 100 heures hebdomadaires pour certains professeurs, pour certains internes qui ont beaucoup travaillé à une époque passée, époque aujourd'hui révolue dans la plupart des cas. Mais si vous bossiez, comme pour certains, 100 heures par semaine et que vous passez à 50, cela nécessite un doublement des postes ! C'est aussi simple que ça.
Alors ça pose la question financière, mais ça pose également la question - qu'on ne va pas régler en deux coups de cuillère à pot - de la capacité à trouver sur le marché du travail des médecins, respectivement des infirmières, des infirmiers, du personnel soignant en suffisance. On sait qu'on se trouve déjà dans une configuration de pénurie. Quelqu'un l'a dit dans un débat précédent, et il avait raison de le formuler ainsi: le pompage éhonté de personnel frontalier a été un oreiller de paresse et il doit cesser ! Toutes les questions posées ici sont donc pertinentes; le gouvernement et surtout l'hôpital ont des plans pour y répondre, mais on ne réglera pas ça en quelques mois.
Que vous votiez ou non la motion, nous serons appelés à vous rendre des comptes là-dessus. Nous vous remercions de votre témoignage de confiance, à l'UDC, mais nous prenons les questions qui nous sont adressées comme un autre témoignage de confiance. Vous pouvez renvoyer la motion au Conseil d'Etat et nous vous répondrons, comme vous pourrez assurément, dans le cadre du processus budgétaire, poser la question des sommes allouées au programme d'application stricte de la LTr.
Dans tous les cas de figure, nous nous ferons fort, dans les années qui viennent, de démontrer que nous pouvons non seulement satisfaire aux dispositions légales, mais aussi agir, de façon proactive, sur la question centrale du personnel, de la formation, de son recrutement, de sa rétention. Parce que c'est en ces termes qu'il faut aujourd'hui parler: la capacité à retenir le personnel. Le député Guinchard évoquait tout à l'heure une durée moyenne d'une infirmière dans ses attributions, au sortir de sa formation, de l'ordre de sept ou huit ans, si j'ai bien écouté... (Remarque.) ...six à sept ans, même: ce n'est évidemment pas possible de continuer ainsi. Madame la présidente, nous nous en remettons donc à la sagesse du parlement pour savoir ce qu'il convient de faire de cette motion et nous nous réjouissons de pouvoir faire des points d'étape dans les années à venir.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.
Mise aux voix, la motion 2720 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 39 oui contre 37 non et 2 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)