Séance du
vendredi 22 septembre 2023 à
16h
3e
législature -
1re
année -
4e
session -
23e
séance
M 2639-A
Débat
La présidente. Nous poursuivons avec la M 2639-A, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Juste le temps de m'installer ! (Un instant s'écoule.) Mesdames et Messieurs les députés, la commission des transports a traité cette proposition de motion du MCG intitulée «Pour une meilleure transversalité des transports publics, élargissons notre vision sur la politique de la mobilité» durant quatre séances. Lors de ces travaux, nous avons auditionné le premier signataire, le département des infrastructures, les Transports publics genevois ainsi que l'Union des taxis genevois.
Ce texte invite le Conseil d'Etat «à considérer la mise en place d'une plateforme informatique de service personnalisé [...]; à optimiser l'offre combinée des TPG avec celles des taxis [...]; à synchroniser l'offre des TPG avec celle des taxis genevois [...]; à tester ce service lors d'événements majeurs [...]; à garantir une traçabilité du service et une transparence des coûts [...]». Son étude a permis de mettre en lumière la problématique du transport à la demande et des plateformes numériques multimodales dans un contexte difficile de gestion des coûts et d'intégration tarifaire des acteurs de la mobilité.
Suite à de nombreuses explications du département, des Transports publics genevois et des taxis, la majorité de la commission a décidé de refuser cet objet pour les raisons suivantes. Tout d'abord, l'Union des taxis genevois n'a pas pris contact avec les TPG pour discuter du projet au préalable; du reste, il faudrait mettre toutes les compagnies de taxis à pied d'égalité. D'autre part, une démarche avait déjà été entreprise à ce moment-là entre les TPG et les services du canton pour réactiver le transport à la demande avec de nouveaux outils; dupliquer le travail en cours serait rédhibitoire en termes de coûts et d'organisation.
Par ailleurs, concernant la demande de la commune de Bardonnex, la réponse du département était le développement d'une navette des TPG portant le numéro 46 ainsi qu'un renforcement avec une ligne en rabattement dans le cadre du projet de tram à Perly. La volonté des TPG est suffisante, puisqu'ils ont annoncé à cette époque vouloir avancer et réenclencher l'application zenGo; cette proposition de motion n'est donc pas nécessaire. Enfin, il faut penser à la multimodalité non seulement entre les taxis et les TPG, mais également entre les vélos et les TPG. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des transports vous invite à refuser ce texte qui n'est pas nécessaire. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pour la première minorité de la commission des transports, cette proposition de motion soulève une véritable question. En effet, comme cela a été souligné, il existe une plateforme multimodale nommée zenGo aux TPG, mais celle-ci n'a de contrat qu'avec une seule compagnie de taxis, pas avec toutes. Il y a donc un problème de concurrence et d'égalité de traitement vis-à-vis des autres. Je le répète, les TPG ne travaillent qu'avec une seule société de taxis.
Les TPG, régie d'Etat bénéficiant de subventions au travers d'un contrat de prestations, sont une entreprise d'utilité publique. Il faudrait optimiser l'offre des TPG et la combiner avec celle des taxis afin de permettre aux Genevoises et aux Genevois de se déplacer dans le canton de manière efficace et sans faire appel à leurs propres véhicules.
La première minorité souhaite que l'offre des TPG soit une combinaison des TPG et des taxis, optimisée en fonction de la circulation et des disponibilités en temps réel des véhicules. Il s'agit de développer un nouveau modèle économique qui assurera une meilleure rentabilité du système de mobilité à un coût raisonnable pour les Genevois en visant une plus grande efficacité, plus de transversalité pour un meilleur report sur les TPG - il y aurait ainsi moins de voitures individuelles au centre-ville et dans les communes suburbaines - et, au terminus des bus et des trams, un meilleur report sur les taxis dans des endroits mal desservis et mal connectés. La première minorité de la commission des transports vous demande d'accepter la proposition de motion 2639.
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Vous savez, Mesdames et Messieurs, lorsqu'on veut se débarrasser de son chien, on dit qu'il a la rage; c'est un peu ce qui s'est passé avec cette proposition de motion. Le groupe PLR s'est montré fébrile, timide et n'a pas osé soutenir ce texte qui a pourtant du sens, parce qu'on essaie de se projeter plus loin que ce qui se pratique aujourd'hui. La plateforme zenGo a été évoquée; on constate que ce dispositif est un échec, qu'il ne fonctionne pas si bien que ça, alors que prendre une direction différente grâce à un vrai partenariat avec les taxis genevois, qui en sont demandeurs en l'occurrence, est une bonne idée.
Quant au PDC, il s'est un peu replié sur lui-même en voulant suivre son magistrat de façon... (Un instant s'écoule.) De façon...
Une voix. Servile.
M. Thierry Cerutti. Non, pas servile, je ne dirais pas servile...
Une voix. Loyale !
M. Thierry Cerutti. De façon loyale, oui, mais dans le fond, ils étaient plus ou moins d'accord avec cette proposition qui consiste à se dire: ouvrons nos chakras, allons voir ce qui se passe ailleurs, il y a peut-être quelque chose de bon à prendre. Alors c'est bien qu'il y ait différentes idées pour améliorer la mobilité, mais il se trouve que les taxis genevois sont demandeurs du système que nous proposons.
J'ai entendu la rapporteuse de majorité dire: «On n'a auditionné qu'une seule plateforme de taxis alors qu'on devrait auditionner toutes les compagnies.» Il n'y a pas de compagnies de taxis, Madame, ce sont tous des indépendants qui attendent juste une chose: pouvoir travailler de manière honnête et toucher des revenus décents à la fin du mois. Et il s'agit là d'une idée qu'ils sont venus eux-mêmes nous soumettre ! Ils nous ont dit: «Nous pourrions faire office de partenaires privilégiés des Transports publics genevois», lesquels ont réellement un fonctionnement désastreux dans la campagne genevoise: si vous loupez votre bus, il vous faut attendre quarante-cinq minutes, une heure, voire une heure et demie, parce qu'il n'y a pas de desserte dans ces régions.
Cette proposition de motion demande au Conseil d'Etat de mettre en place un système en collaboration avec les taxis, un partenariat multimodal comme tout le monde le souhaite. Il s'agit de pouvoir associer taxis et vélos, taxis et voitures, taxis et voitures de location, bus et taxis, etc. Voilà ce que nous proposons aujourd'hui avec ce texte.
Je vais vous en rappeler les invites, parce que c'est important - elles figurent à la page 2 du rapport. Que vise cet objet ? «A considérer la mise en place d'une plateforme informatique de service personnalisé, accessible à tous à travers un smartphone ou téléphone, satisfaisant à tout moment du jour et de la nuit les demandes de prise en charge à domicile et en tout lieu du canton» - ce que ne font pas les TPG actuellement de minuit ou de une heure à six heures du matin; «à optimiser l'offre combinée des TPG avec celles des taxis afin de permettre à tous les Genevois de se déplacer efficacement dans le canton sans faire appel à leur propre véhicule; à synchroniser l'offre des TPG avec celle des taxis genevois détenteurs ou utilisateurs d'une autorisation d'usage accru du domaine public; à tester ce service lors d'événements majeurs qui contribuent à la saturation du trafic routier» - lors du Salon de l'auto, par exemple, ou d'autres manifestations à Palexpo, nos routes sont surchargées et bloquées à certains endroits; «à garantir une traçabilité du service et une transparence des coûts d'opération qui permettront à chacun d'avoir un compte rendu de son utilisation du service».
Vous voulez jeter bébé dans le bain... (Exclamations.) ...tirer la chasse et passer à autre chose ! (Remarque.) Pardon ?
Une voix. Avec l'eau du bain.
M. Thierry Cerutti. Avec l'eau du bain, oui. (Rires.) Décidément ! Mais vous voyez, Mesdames et Messieurs les députés, ça vous a fait sourire ! J'amène au moins un peu de joie et de gaieté dans ce débat, parce que je vous sentais un peu tristounets à bientôt 17h !
Voilà, donc vous voulez vous débarrasser d'un dispositif qui aurait un fort impact sur la mobilité, qui nous permettrait d'ouvrir nos chakras et... (Commentaires.) Nos chakras, oui, c'est bien ce que j'ai dit, Mesdames et Messieurs. Arrêtez de m'interrompre et de me reprendre constamment ! Je vous invite à soutenir cette proposition de motion, parce qu'elle apporte une vision différente de ce qui se fait aujourd'hui. Merci.
M. Matthieu Jotterand (S). Cette proposition de motion est basée sur un constat que l'on peut partager, du moins en partie, même si je pense que l'avocat attitré des TPG dans ce parlement corrigera ensuite l'affirmation selon laquelle il n'y a pas de desserte entre minuit et six heures - elle est plus tardive et recommence plus tôt le matin. Cela étant, ce n'est pas en subventionnant des indépendants qu'on réglera la situation, ce n'est pas en plaçant des taxis au P+R Bernex ou au terminus du CERN qu'on résoudra les problèmes de mobilité dans le canton.
Plusieurs systèmes ont déjà été mis en place par les TPG. Je pense en particulier à tpgFlex, une offre tout à fait intéressante dont nous soutenons le développement, notamment le soir et le week-end. De même, le réseau nocturne va subir des refontes importantes ces prochaines années et sera renforcé, c'est une avancée qu'il faut absolument favoriser. Voilà comment on réglera certains problèmes, ainsi qu'en supprimant les cadences à l'heure là où elles existent encore. En effet, si on rate son bus - peut-être parce qu'on a attendu trop longtemps au feu rouge du passage piéton ! -, il n'est pas concevable de devoir patienter une heure pour prendre le prochain. Il est donc vrai que les cadences à l'heure doivent être abandonnées autant que faire se peut.
Pourquoi ne soutenons-nous pas la proposition de motion ? Parce qu'elle vise, plutôt que d'aller dans le sens des éléments précités, à mélanger transports collectifs et taxis. On a d'un côté un service privé sur mesure, mais très cher, et de l'autre un service public. Cela n'a rien à voir, l'enchevêtrement de ces deux prestataires n'est tout simplement pas souhaitable.
Nous devons garder et développer une offre de transports en commun à un prix raisonnable, qui couvre l'ensemble du territoire cantonal dans la mesure du possible et avec des plages horaires aussi larges que possible. Le renchérissement qui adviendrait forcément avec l'acceptation de ce texte et son application de même que l'absence d'offre concrète et globale qui en découlerait pour la population nous mènent à conclure que cet objet doit être refusé. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je rappelle que les discussions doivent avoir lieu à l'extérieur et que les rapporteurs feraient mieux d'écouter les interventions plutôt que de débattre entre eux. Monsieur Murat-Julian Alder, vous avez la parole.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce n'est pas par fébrilité que le PLR s'est abstenu sur cette proposition de motion. Nous ne voyons pas d'inconvénient majeur au texte en tant que tel, mais nous sommes quelque peu circonspects, il nous manque encore un certain nombre d'informations.
La proposition de motion a été déposée par le rapporteur de deuxième minorité le 12 mai 2020; c'était il y a plus de trois ans. Les auditions à la commission des transports ont eu lieu en 2021; c'était il y a deux ans. Quant au rapport de majorité, il a été déposé lors de la dernière Saint-Valentin, soit le 14 février 2023; ce n'est sans nul doute pas anodin, puisqu'on voit dans cet objet une très belle histoire d'amour entre d'une part le libre choix du mode de transport, principe auquel nous sommes attachés, et d'autre part l'impératif du transfert modal.
Ces plateformes, la collaboration entre les différents types de transport doivent être encouragée. Comme l'eau a coulé sous les ponts et parce que nous soutenons ces partenariats sur le principe de manière tout à fait convaincue et sans fébrilité aucune, mais que nous sommes désireux d'en savoir davantage et soucieux d'approfondir le sujet, nous invitons ce parlement à renvoyer cet objet à la commission des transports afin que nous puissions le reprendre et le traiter avec un regard neuf dans le cadre de cette nouvelle législature en conduisant de nouvelles auditions sur ce qui se pratique aujourd'hui et non plus sur ce qui se faisait au début de l'année 2020. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. Les rapporteurs ainsi que le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer sur cette proposition. Allez-y, Monsieur Cerutti.
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente... (L'orateur est inaudible.) Mon micro ne fonctionne pas, je vais prendre celui du voisin.
La présidente. Non, vous gardez le vôtre.
Une voix. Voleur !
M. Thierry Cerutti. Bon, comme il y a un nouveau magistrat chargé de la mobilité, ce serait intéressant qu'il puisse avoir le temps de mener des consultations afin de déterminer ce qu'on peut faire avec cette proposition de motion, donc je soutiens le renvoi en commission.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Je suis également en faveur du renvoi en commission.
La présidente. Merci. Madame de Chastonay, sur le renvoi en commission ? Si votre collègue pouvait éviter de vous parler maintenant, ce serait bien !
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. En effet, beaucoup de temps s'est écoulé, il y a une nouvelle législature, de nombreux changements sont intervenus aussi au niveau des TPG, donc on pourrait accepter un renvoi en commission pour actualiser des données qui semblent un peu caduques. Il n'empêche que la proposition telle que formulée dans le texte était inadéquate et insuffisante, voilà pourquoi nous l'avions rejetée. Peut-être y aura-t-il d'autres suggestions des TPG, notamment pour la mobilité à la demande; dans ce cas, on pourrait obtenir des informations supplémentaires, voire complémentaires. Du coup, oui, je suis favorable au renvoi en commission.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Je vais m'associer à cet oecuménisme sur les transports. Sur le fond, je pense que cette proposition de motion est tout à fait pertinente et soulève de bonnes questions. Dans l'intervalle, beaucoup de choses ont été entreprises, j'en signalerai deux. La première, c'est le système tpgFlex, qui a amené les TPG à adapter leur offre et à la déployer dans les zones plus rurales du canton; ce sera l'occasion pour les TPG de présenter cette option qui satisfait de nombreuses communes rurales. Quant à la deuxième, eh bien l'actualité a du talent, Monsieur le rapporteur de première minorité: figurez-vous que j'ai rencontré cette semaine les taxis - tous les taxis -, qui vont se fédérer à l'horizon du mois de novembre pour trouver une solution.
Le rapport met le doigt sur le principal problème dont nous pourrons parler en commission, à savoir la convention tarifaire. En réalité, Mesdames et Messieurs, pour que le système puisse fonctionner, il faut une incitation tarifaire, une offre commune. Les taxis, ce n'est pas la panacée, mais pour la mobilité de demain - comme vous le savez, plus de 60% des trajets motorisés s'effectuent dans un rayon de cinq kilomètres -, il s'agit d'une complémentarité véritablement intéressante. Dès lors, je me réjouirais, Madame la présidente, que ce Grand Conseil renvoie cette proposition de motion en commission, où je répondrai volontiers avec les TPG aux questions réactualisées et adéquates qui seront posées.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2639 à la commission des transports est adopté par 60 oui contre 28 non.