Séance du
vendredi 23 juin 2023 à
14h
3e
législature -
1re
année -
2e
session -
10e
séance
P 2147-A
Débat
La présidente. Notre prochain objet est la P 2147-A. Je donne la parole au rapporteur, M. Sandro Pistis.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Notre commission a été saisie d'une pétition signée par une seule personne, un pétitionnaire. Celui-ci souhaitait que l'on modifie les pratiques afin de faciliter l'accès au logement pour les Suisses ayant quitté la Suisse et étant revenus dans leur canton, en l'occurrence Genève.
Ce pétitionnaire a également fait mention d'une loi votée par le peuple suite à un référendum. Pour mémoire, notre Grand Conseil a adopté une loi pour la priorité du logement aux habitants du canton de Genève. Cette loi, qui a donc été acceptée par notre Grand Conseil, a fait l'objet d'un référendum. Celui-ci a abouti et le peuple genevois s'est exprimé en date du 13 février 2022. Le résultat était assez net, puisque plus de 40 000 votants et 36 communes ont dit oui à la priorité du logement aux habitants du canton de Genève en acceptant cette loi, qui favorisera - ou favorise déjà, puisqu'elle est déjà en application - toutes celles et tous ceux qui habitent le canton de Genève pour l'accès à certains logements dits d'utilité publique.
La majorité de la commission - une très large majorité - a décidé de classer cette pétition, puisqu'il était un peu étrange qu'un pétitionnaire agisse pour un cas particulier, en l'occurrence le sien. Pour ces motifs, la commission des pétitions n'a pas souhaité aller de l'avant, mais nous avons bien sûr procédé à diverses auditions. Je vous encourage à lire le rapport. Les diverses auditions ne traitaient pas de la pétition, qui concerne donc un cas particulier, mais de la loi votée par ce Grand Conseil et acceptée par le peuple. C'est pour cela que je ne m'exprimerai pas sur les auditions. Au nom de la majorité de la commission, je vous invite à classer cette pétition. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). D'abord, je rappellerai que le droit de pétition est garanti par la constitution et qu'effectivement une seule signature suffit pour déposer une pétition. Celle-ci est donc parfaitement conforme.
Maintenant, il ne s'agit pas d'un cas personnel: M. Marc-André Rudaz a déposé cette pétition sur la base de faits qu'on lui a rapportés. De plus, il connaît une personne, parmi les cas qui lui ont été relatés, qui s'est retrouvée dans cette situation.
Oui, il y a eu un vote cantonal - on s'en souvient tous, et même l'UDC avait soutenu la modification de la loi. Ce qui s'est passé, ce sont les modifications par règlement qui ont suivi... Il y a apparemment eu une certaine confusion dans son application. Il est remonté que certaines attributions - de toute façon, quand on a des retours, si on en a... Toujours est-il que les attributions de logements sociaux par certaines fondations HBM seraient un peu plus que douteuses, dans le sens qu'on n'est pas toujours persuadé que les personnes (quand on voit qui sont ces personnes) ont effectivement attendu quatre ans (sauf erreur, maintenant) pour obtenir un de ces logements.
C'est surtout cela, le problème de fond. C'est principalement cela qui a alerté le pétitionnaire, et il aurait été plus judicieux de demander une réponse concrète au département concerné, pour qu'il explique peut-être comment se passent réellement les attributions et quelles sont les modifications réglementaires qui pourraient découler du vote évoqué par le rapporteur de majorité.
Quant au vote final... Par courtoisie, cette pétition aurait pu être déposée sur le bureau du Grand Conseil, surtout que la question n'a pas été insultante. Elle est d'actualité, vous l'avez dit vous-même, Monsieur le rapporteur de majorité - vous transmettrez, Madame la présidente. Encore une fois, il n'a insulté personne, il est simplement venu avec une pétition. Je trouve que le classement est quand même inélégant pour ce type de pétition, et il aurait été peut-être opportun de la déposer, au pire. Mais, encore une fois, je vous enjoins de la renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'il s'explique sur ces pratiques. Merci. (Commentaires.)
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. David Martin. Peut-être que les discussions qui se déroulent juste à côté de lui pourront cesser ! Merci. Vous avez la parole.
M. David Martin (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette pétition nous ramène à un sujet qui est assez amusant, au fond, parce que lors de la législature précédente cela a été un des grands moments de gloire du MCG, qui a voulu changer les règles d'accès aux logements HBM en favorisant les Genevois - c'est bien logique, cela venait du MCG.
C'est un rapport qui n'avait pas obtenu de majorité en commission, mais qui l'avait obtenue en plénière, suite à un retournement du PDC. Le projet avait été voté par 45 oui, 38 non et 4 abstentions, ce qui n'est pas une large majorité. Evidemment, quand le sujet s'est retrouvé devant le peuple - le peuple des Genevois - auquel on a demandé s'il voulait favoriser l'accès pour les Genevois, tout le monde a dit oui, c'est bien normal ! Mais, résultat des courses, tel est pris qui croyait prendre - c'est l'expression que m'a soufflée mon collègue: les Genevois et les Suisses qui ont eu la bonne idée d'habiter en dehors du canton pendant un certain nombre d'années ont besoin d'être logés le jour où ils reviennent à Genève, or ce n'est plus possible. Pourquoi ? Parce que la loi dit textuellement que ce n'est pas possible. Ce n'est donc pas une question de règlement ou de mise en oeuvre: c'est que la loi votée par la majorité de droite exclut ces personnes-là.
Pour ma part, je n'étais pas en commission, je ne connais pas les discussions qui ont été menées, je n'ai pas d'avis particulier sur la décision de la commission quant au classement ou au renvoi, mais je tenais quand même à rappeler que la situation actuelle est simplement la conséquence d'une décision du parlement. Je vous lis un extrait de l'article de la «Tribune de Genève» portant sur ce sujet, à l'époque: «Acceptation surprise. Pour la gauche, c'est "un projet antisocial et discriminatoire" qui affectera des étrangers mais également des Genevois et des Suisses, et qui ne s'attaque en rien au vrai problème: la pénurie de logements.» Je m'arrête là, je voulais juste rappeler à quel point il faut parfois assumer les conséquences de ses actes. Je vous remercie. (Commentaires. Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC). Je remercie beaucoup le député David Martin d'avoir rappelé cet élément qui était effectivement très important. C'est ce vote populaire qui a des conséquences parfois un peu inattendues pour les Suisses qui rentrent de l'étranger et voudraient revenir dans leur canton d'origine. Cela étant, personne, personne n'est laissé à la rue ! Je crois que c'est important de le rappeler. Alors certes, un Suisse rentrant dans son canton devra maintenant peut-être un peu patienter, mais il n'est pas à la rue. Il est tenu compte de ces personnes, comme de toutes les autres qui ont besoin d'être logées. (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi. S'il vous plaît, je vous le répète: les discussions peuvent se faire dehors. Nous ferons bientôt une pause, mais il faudrait qu'on puisse finir le débat en s'entendant ! Continuez, Madame.
Mme Christina Meissner. J'avais terminé, Madame la présidente, je voulais juste dire que nous allions voter le classement de cette pétition !
M. François Baertschi (MCG). C'est vrai qu'à la faveur de cette pétition, on a la possibilité de répéter certains éléments et, si je puis dire, de remettre l'église au milieu du village. Que se passe-t-il ? On parle ici de logement social. On n'empêche personne de revenir à Genève ! Chacun est libre de venir. Si on a la possibilité de s'établir à Genève, qu'on est genevois, citoyen suisse, on peut venir à Genève. La seule différence, c'est que quand on entre dans un logement subventionné, c'est le contribuable qui paie ! Le contribuable qui finance, c'est l'Etat. Un certain nombre de logements ont des prix contrôlés, on y a accès quand on a un certain revenu.
Quelle était la situation avant cette loi critiquée ? C'étaient des files d'attente gigantesques, jusqu'à dix ans d'attente ! Alors ce citoyen genevois est bien gentil, mais il y a des gens qui habitent Genève, qui sont dans une situation de précarité, certains sont SDF et vivent dans la plus grande déchéance, et on leur dit: «Mais attendez, attendez plusieurs années !» A certains qui sont très mal logés et qui ont de bas revenus, on dit: «Attendez dix ans ! On s'en fiche ! On va donner les logements aux nouveaux, à ceux qui arrivent !»
Cette loi a eu des effets qui nous ont nous-mêmes surpris, quand on nous a indiqué que les files d'attente avaient baissé de manière très importante. Le MCG s'en réjouit, comme les autres partis qui ont voté cette loi, grâce à laquelle les habitants de ce canton peuvent profiter d'un accès plus facile aux logements sociaux - en réalité je ne dirais pas plus facile, mais moins difficile, parce qu'il est de toute manière difficile de trouver un logement social, à moins de ne véritablement plus avoir de toit, d'être dans une situation exceptionnelle où on fait en sorte de vous trouver un logement rapidement. Mais pour beaucoup de familles mal logées, pour beaucoup de personnes dans la précarité, c'est une difficulté. (Commentaires.)
On ne peut pas jouer avec cela, certains sont un peu des enfants gâtés et voudraient qu'on répartisse un peu n'importe qui ! Mais je ne sais pas, quelqu'un qui part à Fribourg, par exemple, et qui veut revenir à Genève n'a qu'à trouver un logement social à Fribourg ! (Exclamation.) Personne ne va le lui donner ! Personne ! Arrêtons avec cette mentalité stupide qui consiste à ne pas aider les résidents genevois ! (Remarque.)
Je rappelle aussi qu'il y a sauf erreur vingt ou trente ans, il fallait attendre cinq ans - cinq ans ! - pour obtenir un logement social. Il fallait être domicilié à Genève depuis cinq ans. Maintenant, c'est quatre ans. C'est donc quand même plus bas. Ne menons pas une politique irresponsable, qui va contre les résidents genevois. Je pense que c'est un progrès important. Alors bien sûr qu'on ne peut pas satisfaire tout le monde; ce Grand Conseil prend acte de la demande et de la préoccupation de cet habitant de Genève, mais il faut aller à l'essentiel. Merci, Madame la présidente.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), députée suppléante. Le groupe socialiste ne peut s'empêcher d'intervenir après avoir entendu notre préopinant MCG. Evidemment, nous sommes à ses côtés pour demander davantage de logements sociaux. Nous sommes donc étonnés - vous transmettrez à M. Baertschi, Madame la présidente - que son groupe soit revenu sur la position qu'il avait dans le cadre du PAV pour finalement s'associer à la modification de la loi PAV de sorte qu'il n'y ait pas de logements en PPE en droit de superficie. J'espère que quand le référendum aura abouti, le MCG se rangera aux côtés de l'ASLOCA et des partis qui s'engagent effectivement pour le logement social. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Alberto Velasco, vous avez la parole pour deux minutes.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Madame la présidente. Tout d'abord, j'aimerais dire qu'il y a effectivement eu une votation populaire, mais cette loi du MCG n'a pas été acceptée à une grande majorité. C'était assez serré, compte tenu du sujet et de la campagne qui a été menée.
Toujours est-il qu'il y a deux manières de répondre à cette question du logement et à la condition humaine, au sens large: soit bâtir, construire et donner des logements, soit changer les statistiques. Et là, Mesdames et Messieurs du MCG, vous avez changé les statistiques ! Vous n'avez pas construit un seul logement, la seule chose que vous avez faite, c'est limiter l'accès au logement. Pour qui ? Pour qui ? Pour les plus démunis. Parce que cette loi ne touchait pas les riches ! Elle touchait exactement les gens qui doivent aller à l'office cantonal du logement pour avoir accès à un logement social. Et pourquoi ces gens cherchent-ils un logement social ? Bien souvent, ils travaillent, ils ont des enfants, ils ne sont pas suisses, c'est vrai, mais ils ont passé peut-être deux ans en Suisse, ils ont payé des impôts, or ils n'ont pas droit à un logement social. Et voilà, c'est toujours cette catégorie sociale qui doit payer toutes les factures: celle des baisses d'impôts, celle liée au fait qu'on ne construit pas assez de logements...
Le MCG a donc enfin résolu le problème en stigmatisant une partie de la population et en opposant les uns aux autres: les Genevois qui, eux, ont droit au logement (les logements qui restent, hein, parce qu'il n'y en a pas beaucoup !) et les autres, qui n'auront pas cette possibilité. Je trouve que cette situation est assez indigne. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Monsieur David Martin, vous avez la parole pour dix-sept secondes.
M. David Martin (Ve). Merci, Madame la présidente. C'est juste pour ajouter que, parmi les personnes impactées, il y a également - cela m'a été rapporté - des familles avec enfants qui aimeraient s'inscrire pour un logement HM (accessible aux familles de la classe moyenne)...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. David Martin. Elles sont allées vivre quelques années en France voisine et ne peuvent donc plus accéder à ces HM.
La présidente. Merci. Monsieur Baertschi, il n'y a plus de temps de parole pour le MCG. (Remarque.) Non, vous n'avez pas été mis en cause ! (Rires.) Nous passons donc au vote.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (classement de la pétition 2147) sont adoptées par 72 oui contre 10 non (vote nominal).