Séance du
mercredi 31 mai 2023 à
17h
3e
législature -
1re
année -
1re
session -
7e
séance
Séance extraordinaire
Prestation de serment du Conseil d'Etat
La séance est ouverte à 17h en la cathédrale Saint-Pierre, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.
Prennent place sur le podium:
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat et conseiller d'Etat chargé du département du territoire;
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat chargée du département des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures;
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat chargé du département de la cohésion sociale;
Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat chargée du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse;
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat chargée du département des institutions et du numérique;
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat chargé du département de la santé et des mobilités;
Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat chargée du département de l'économie et de l'emploi;
Mme Michèle Righetti-El Zayadi, chancelière d'Etat.
Mme Céline Zuber-Roy, présidente du Grand Conseil;
M. Alberto Velasco, premier vice-président du Grand Conseil;
M. Thierry Cerutti, deuxième vice-président du Grand Conseil;
Mme Patricia Bidaux, membre du Bureau du Grand Conseil;
Mme Dilara Bayrak, membre du Bureau du Grand Conseil;
M. Laurent Seydoux, membre du Bureau du Grand Conseil;
M. Laurent Koelliker, sautier du Grand Conseil. (M. Laurent Koelliker porte la masse du sautier.)
M. Olivier Jornot, procureur général.
(Pendant l'entrée des autorités et jusqu'à ce que toutes les personnes prenant place sur le podium soient installées, M. Vincent Thévenaz, organiste de la cathédrale, interprète successivement la sinfonia de la cantate n° 29 de Johann Sebastian Bach et la toccata en si mineur d'Eugène Gigout.)
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées. Veuillez vous asseoir.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Pierre Conne, Jacques Jeannerat, David Martin, Guy Mettan, Cyril Mizrahi, Fabienne Monbaron, Philippe Morel, Charles Poncet et Caroline Renold, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Oriana Brücker, Monika Ducret, Sami Gashi, Uzma Khamis Vannini, Patrick Lussi, Thierry Oppikofer et Nicole Valiquer Grecuccio.
Appel nominal
La présidente. Je prie M. Alberto Velasco, premier vice-président du Grand Conseil, et Mme Patricia Bidaux, membre du Bureau du Grand Conseil, de procéder à l'appel nominal.
(M. Alberto Velasco commence l'appel nominal.)
Mmes et MM. Cyril Aellen (PLR), Sebastian Aeschbach (PLR), Murat-Julian Alder (PLR), Masha Alimi (LJS), Michael Andersen (UDC), Lara Atassi (Ve), François Baertschi (MCG), Stefan Balaban (LJS), Alexis Barbey (PLR), Diane Barbier-Mueller (PLR), Dilara Bayrak (Ve), Jacques Béné (PLR), Patricia Bidaux (LC), Jacques Blondin (LC), Sophie Bobillier (Ve), Oriana Brücker (S), Natacha Buffet-Desfayes (PLR), Vincent Canonica (LJS), Grégoire Carasso (S), Thierry Cerutti (MCG), Alia Chaker Mangeat (LC), Marjorie de Chastonay (Ve), Jennifer Conti (S), Virna Conti (UDC), Sophie Demaurex (S), Sébastien Desfayes (LC), Patrick Dimier (MCG), Monika Ducret (LJS), Florian Dugerdil (UDC), Lionel Dugerdil (UDC), Raphaël Dunand (LJS), Pierre Eckert (Ve), François Erard (LC), Diego Esteban (S), Marc Falquet (UDC), Jean-Louis Fazio (LJS), Leonard Ferati (S), Emilie Fernandez (Ve), Joëlle Fiss (PLR), Stéphane Florey (UDC), Sami Gashi (MCG), Adrien Genecand (PLR), Roger Golay (MCG), Jean-Marc Guinchard (LC), Angèle-Marie Habiyakare (Ve), Christo Ivanov (UDC), Arber Jahija (MCG), Cédric Jeanneret (Ve) et Matthieu Jotterand (S).
(M. Alberto Velasco cède sa place à Mme Patricia Bidaux, qui continue l'appel nominal.)
Mmes et MM. Jacklean Kalibala (S), Véronique Kämpfen (PLR), Uzma Khamis Vannini (Ve), Patrick Lussi (UDC), Laura Mach (Ve), Danièle Magnin (MCG), Xavier Magnin (LC), Caroline Marti (S), Yves de Matteis (Ve), Christina Meissner (LC), Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), Pierre Nicollier (PLR), Yves Nidegger (UDC), Thierry Oppikofer (PLR), Xhevrie Osmani (S), Jean-Pierre Pasquier (PLR), Léo Peterschmitt (Ve), André Pfeffer (UDC), Sandro Pistis (MCG), Francine de Planta (PLR), Julien Ramu (UDC), Jean-Charles Rielle (S), Ana Roch (MCG), Philippe de Rougemont (Ve), Romain de Sainte Marie (S), Skender Salihi (MCG), Djawed Sangdel (LJS), Marc Saudan (LJS), Souheil Sayegh (LC), Alexandre de Senarclens (PLR), Laurent Seydoux (LJS), Geoffray Sirolli (PLR), Gabriela Sonderegger (MCG), Daniel Sormanni (MCG), Léna Strasser (S), Vincent Subilia (PLR), Sylvain Thévoz (S), Celine van Till (PLR), Jean-Pierre Tombola (S), Louise Trottet (Ve), Pascal Uehlinger (PLR), Nicole Valiquer Grecuccio (S), Alberto Velasco (S), Jean-Marie Voumard (MCG), Thomas Wenger (S), François Wolfisberg (PLR), Céline Zuber-Roy (PLR) et Yvan Zweifel (PLR).
(Mmes et MM. Marine Margot, Léonie Cachelin, Augustin Laudet et Geoffroy Perruchoud interprètent «Just as the Tide Was Flowing» de Ralph Vaughan Williams.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de députés.
Le mandat de conseiller d'Etat de M. Mauro Poggia ayant pris fin ce jour, il est appelé à prêter serment. A la suite de la démission de M. Pierre Maudet, M. Francisco Taboada est également appelé à prêter serment. Je prie toute l'assemblée de se lever.
Monsieur Mauro Poggia et Monsieur Francisco Taboada, vous êtes appelés à prêter serment de vos fonctions de député au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
Ont prêté serment:
MM. Mauro Poggia (MCG) et Francisco Taboada (LJS).
La présidente. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. Je prie toute l'assemblée de s'asseoir.
Discours de la présidente du Grand Conseil
La présidente. Monsieur le président du Conseil d'Etat,
Monsieur le procureur général,
Madame la directrice générale de l'Office des Nations Unies à Genève,
Mesdames et Messieurs les directeurs et secrétaires généraux des organisations internationales,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat,
Madame la présidente du Conseil d'Etat vaudois,
Mesdames et Messieurs les députés genevois aux Chambres fédérales,
Madame et Messieurs les juges fédéraux,
Mesdames et Messieurs les membres du Bureau du Grand Conseil,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités de France voisine,
Mesdames et Messieurs les présidents de juridiction,
Mesdames et Messieurs les membres du Grand Conseil,
Madame la chancelière d'Etat,
Monsieur le sautier,
Madame la maire de la Ville de Genève,
Mesdames et Messieurs les anciens magistrats,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires,
Mesdames et Monsieur les magistrats de la Cour des comptes,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités communales,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités militaires, universitaires et ecclésiastiques,
Mesdames et Messieurs,
C'est depuis le XIVe siècle que les autorités de Genève se réunissent ici, à Saint-Pierre, pour inaugurer ce qu'on appellerait aujourd'hui la nouvelle législature. C'est dire que ce symbole fort perpétue l'intime lien entre la communauté genevoise et ses autorités. C'est le lieu de remercier une fois encore les magistrats sortants, M. Mauro Poggia, Mme Anne Emery-Torracinta, M. Serge Dal Busco et Mme Fabienne Fischer, pour leur engagement au service de Genève.
En cette veille du dixième anniversaire de l'entrée en vigueur de notre nouvelle constitution, je souhaite me référer à son article premier: «La République de Genève est un Etat de droit démocratique fondé sur la liberté, la justice, la responsabilité et la solidarité.» Notre canton a décidé il y a quinze ans de revoir intégralement sa charte fondamentale. 80 constituants ont débattu pendant quatre ans pour redéfinir les valeurs et principes qui lient notre société, ainsi que le rôle et l'organisation de l'Etat. Le peuple a accepté cette nouvelle constitution le 14 octobre 2012.
Depuis ce vote historique, notre monde a connu des bouleversements aussi imprévisibles que dramatiques. D'abord, la pandémie. Maintenant, la guerre en Europe. Et en toile de fond, toujours le changement climatique. Loin de rendre obsolète notre nouvelle constitution, ces événements ont renforcé l'importance cardinale de notre contrat social. Comme il est d'ailleurs souligné dans son préambule, le peuple genevois a voulu «renouveler son contrat social afin de préserver la justice et la paix» et «assurer le bien-être des générations actuelles et futures». Dans l'esprit de notre illustre compatriote Jean-Jacques Rousseau, ce contrat incarne un engagement mutuel entre les citoyens et l'Etat pour vivre ensemble dans une communauté solidaire et pacifique. Il repose sur le respect des institutions et des normes qui régissent notre vie en société.
Notre république est fondée sur les décisions de la majorité et le respect des minorités. Cela signifie que la majorité n'est pas toute puissante et doit tenir compte des minorités, en particulier préserver leurs droits fondamentaux. Mais à l'inverse, les minoritaires doivent respecter le cadre légal fixé par la majorité. Il est primordial de rappeler que la désobéissance civile n'est pas une option légitime dans notre démocratie. La récente décision de notre Cour suprême en la matière le confirme. Aucune violence, déprédation ou atteinte à l'intégrité corporelle d'autrui ne peut être justifiée, même au nom d'un idéal politique respectable.
En Suisse, nous avons le privilège de vivre une démocratie qui offre aux citoyens de nombreux moyens d'agir. Que ce soit au niveau communal, cantonal ou fédéral, nous élisons les personnes qui s'engagent dans les institutions de l'Etat. Leurs décisions peuvent être contestées au moyen du référendum et d'autres solutions peuvent même être proposées par la voie de l'initiative populaire. Sans compter le droit de pétition et de manifestation qui permet de se faire entendre. Et si tout cela ne suffit pas, il est possible de se présenter aux élections.
Notre contrat social s'impose également aux autorités dans leurs rapports entre elles, ainsi qu'envers le peuple qui nous a confié ses destinées. Ainsi, il est de la responsabilité des élus d'oeuvrer pour les intérêts de la République et de se rappeler que leurs fonctions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple. Pour le parlement, cela implique notamment de ne pas se perdre dans des débats stériles et d'adapter le cadre légal pour répondre aux défis de la cité.
Une année de présidence constitue une opportunité de mettre en avant un sujet d'importance. Le président désigné du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, et moi-même avons décidé de collaborer et de placer nos mandats présidentiels sous le thème de la participation démocratique. Il nous tient à coeur de souligner la richesse de notre démocratie et de resserrer les liens entre les élus et la population, avec une attention particulière pour la jeunesse. L'année présidentielle sera rythmée en trois périodes. D'abord, l'initiation - jusqu'à septembre -, qui consistera à faire connaître la démarche au public. Ensuite viendra le temps du dialogue, qui débutera avec la Semaine de la démocratie. Il sera marqué par une série d'événements visant à aller à la rencontre de la population. Finalement, nous nous projetterons vers l'avenir notamment lors d'un Festival de demain, qui permettra à tout un chacun de débattre avec des élus.
Au-delà des appartenances politiques, la République attend de nous, Grand Conseil, Conseil d'Etat et Pouvoir judiciaire, que nous oeuvrions ensemble afin de faire face aux enjeux aigus qui se posent aujourd'hui: coût de la vie, mobilité, logement, sécurité, environnement... Ces impératifs dépassent les limites de notre canton. Ils ont une dimension transfrontalière avec le Grand Genève et internationale avec la Genève internationale. Nous avons les ressources et la détermination nécessaires pour relever ces défis avec force. Notre constitution a fixé les valeurs qui doivent guider nos choix: la liberté, la justice, la responsabilité et la solidarité.
Vive la démocratie, vive Genève, vive la Suisse ! (Applaudissements.)
(M. Vincent Thévenaz, organiste de la cathédrale, et M. Vincent Barras, saxophoniste, interprètent «Libertango» d'Astor Piazzolla.)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder à la prestation de serment du Conseil d'Etat. Je prie l'assistance de bien vouloir se lever.
Mesdames les conseillères d'Etat, Messieurs les conseillers d'Etat, je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant cette lecture, vous tiendrez la main droite levée. Une fois cette lecture terminée, vous baisserez la main. Puis, à l'appel de votre nom, vous vous approcherez de la constitution, vous lèverez à nouveau la main droite et vous prononcerez les mots soit «je le jure», soit «je le promets».
Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, d'observer et de faire observer scrupuleusement la constitution et les lois, sans jamais perdre de vue que mes fonctions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- de maintenir l'indépendance et l'honneur de la République, de même que la sûreté et la liberté de tous les citoyens;
- d'être assidu aux séances du Conseil et d'y donner mon avis impartialement et sans aucune acception de personnes;
- d'observer tous les devoirs que nous impose notre union à la Confédération suisse et d'en maintenir, de tout mon pouvoir, l'honneur, l'indépendance et la prospérité;
- de ne solliciter, ni d'accepter, pour moi ou pour autrui, ni directement, ni indirectement, aucun don, avantage ou promesse en raison de ma fonction et de ma situation officielle.»
Veuillez baisser la main.
(A l'appel de leur nom, Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, s'approchent de la constitution et, la main droite levée, prononcent les mots «je le jure» ou «je le promets».)
La présidente. Mesdames les conseillères d'Etat, Messieurs les conseillers d'Etat, le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite plein succès pour cette troisième législature.
Mesdames et Messieurs, je vous invite à rester debout pour chanter le «Cé qu'è lainô», qui sera entonné par les solistes accompagnés à l'orgue par M. Vincent Thévenaz.
(L'assemblée chante le «Cé qu'è lainô».)
La présidente. Veuillez vous asseoir. La parole est à M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat.
Discours de Saint-Pierre
Discours du président du Conseil d'Etat
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Une nouvelle fois, Genève renouvelle ses autorités par la voie démocratique comme elle le fait depuis des siècles. Une nouvelle fois, Genève se rassemble ici, en la cathédrale Saint-Pierre, le point culminant de la Vieille-Ville.
Cet instant solennel est important en ce qu'il nous réunit. Il réunit les trois pouvoirs cantonaux - législatif, exécutif, judiciaire. Il réunit les trois échelons du fédéralisme - Confédération, canton, communes. Il nous réunit aussi avec les autorités de la région, vaudoises et françaises, le bassin géographique naturel de Genève. Il nous réunit, enfin, avec les représentants de la communauté internationale. Leur présence souligne la vocation de notre cité pour le monde.
Notre République réaffirme ici son attachement aux valeurs de liberté et d'égalité, de responsabilité et de solidarité. Ces valeurs forment le contrat social, comme le disait la présidente du Grand Conseil, ce pacte décrit par Jean-Jacques Rousseau, citoyen de notre République, et qui nous lie, en tant qu'individus, au collectif.
Cet instant solennel nous honore et nous engage en tant que Conseil d'Etat nouvellement élu.
Le gouvernement gouverne, oui. Mais il ne dirige pas seul. Il bâtit l'avenir en concertation avec les institutions, au premier rang desquelles, Madame la présidente, votre Grand Conseil. Mais nous pensons aussi à tous les corps constitués, notamment le Pouvoir judiciaire et les communes. Notre République tire sa force de tous les organes qui la composent.
Les orientations fondamentales que le nouveau Conseil d'Etat se propose de suivre sont au nombre de trois.
Premièrement, garantir la stabilité de notre société et le fonctionnement efficace de l'Etat.
Deuxièmement, répondre collectivement aux grands défis de notre époque en offrant des perspectives d'avenir concrètes.
Troisièmement, favoriser l'expression des libertés et des droits individuels.
Permettez-nous de décliner ces orientations plus en détail.
1. De la stabilité
Premièrement, garantir la stabilité.
Nous le voyons: le monde dans lequel nous vivons est de plus en plus imprévisible. Nous l'avons observé avec la pandémie mondiale; avec l'invasion militaire d'un pays européen au mépris du droit international; ou encore avec la chute et la disparition soudaine de l'un des fleurons bancaires de notre nation.
L'incertitude est notre seule certitude et, face à l'arbitraire, la solidité des institutions constitue notre rempart. Elle permet la protection des plus vulnérables. Elle détermine notre capacité à tenir le cap lorsque les éléments se déchaînent. Un gouvernement cantonal ne contrôle certes pas la géopolitique et l'économie mondiale, mais il se doit, à son échelle, de tout mettre en oeuvre pour protéger sa population des secousses les plus violentes.
Un Etat sain et efficace, une administration performante, agile et orientée au service de toutes et tous, une application juste et humaine des lois constituent les conditions premières d'une société prospère. Nous renforcerons notre efficacité par une nouvelle culture du travail dans la fonction publique. Nous pensons ici aux fonctionnaires qui sont fiers de servir le bien public. Ils ne demandent qu'à se réaliser pleinement et à se libérer des contraintes parfois trop bureaucratiques qui les étouffent. Nous pensons aussi aux citoyennes et aux citoyens, qui ont le droit de trouver en la fonction publique une source de service et de satisfaction. Confiance, autonomie, responsabilité, collaboration et résultat: voilà les valeurs de notre politique des ressources humaines. Le Conseil d'Etat poursuivra ses travaux avec les associations représentatives du personnel en faveur d'une réévaluation des métiers vers plus de modernité et d'efficacité. Vers plus d'équité aussi.
C'est à sa politique de santé publique que se mesure la volonté d'un gouvernement de protéger la vie de ses concitoyens. Nous renforcerons notre stabilité par un système de soins accessible à l'ensemble de la population - à chacune et chacun, quel que soit son revenu. Le Conseil d'Etat confirmera le rôle central de l'hôpital public, les HUG, tout en renforçant le partenariat avec l'offre privée, pour un accès rapide et efficace à des prestations médicales de qualité. Le réseau de soins intégrera, notamment grâce à l'action de l'IMAD et des autres institutions, une politique visant au maintien de la qualité de vie à domicile. Il intégrera des prestations communautaires renforcées pour la dignité des personnes âgées, en étroite collaboration avec les communes, bien sûr. Nous valoriserons enfin les professions soignantes, afin de consolider et de garantir le bon fonctionnement du système de santé.
Nous renforcerons notre stabilité pour que chacune et chacun se sente en sécurité grâce au rôle fondamental de notre police cantonale et des polices municipales. Nous pensons à leurs multiples tâches: prévention, maintien de l'ordre, enquêtes au long cours, lutte contre la criminalité économique ou encore l'enjeu croissant de la cybercriminalité.
Notre Constitution fédérale le dit dès son préambule: «La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres.» Nous renforcerons notre stabilité grâce à un filet social solide. Cette législature verra la loi actuelle sur l'insertion et l'aide sociale individuelle évoluer afin de mieux répondre aux enjeux, notamment en matière de retour à l'emploi. Nous encouragerons l'autonomie des bénéficiaires de l'aide sociale, autour de la mission incontournable de l'Hospice général, et nous lutterons aussi contre le non-recours aux prestations sociales. Nous protégerons et accompagnerons celles et ceux que la vie a pu faire trébucher.
Nous renforcerons, enfin, notre stabilité institutionnelle et nous la rendrons durable grâce à des finances publiques saines, dont dépend la possibilité d'un Etat social fort. Le Conseil d'Etat poursuivra sa politique de maîtrise des dépenses de fonctionnement afin de dégager des capacités d'investissement supplémentaires. Nous réduirons l'endettement lorsque cela est possible. Enfin, des résultats durablement positifs dans les comptes devraient nous permettre d'envisager un allègement de l'impôt, afin de redonner à nos citoyennes et citoyens, notamment de la classe moyenne, du pouvoir d'achat.
2. Des perspectives collectives
Mesdames et Messieurs, voilà pour la stabilité. Une fois les fondamentaux consolidés, nous pouvons, ensemble, nous projeter à long terme et ainsi offrir des perspectives d'avenir concrètes pour répondre aux grands défis de notre temps. C'est la deuxième orientation du Conseil d'Etat. Il s'agit de relever les trois transitions majeures de nos sociétés: la transition écologique, la transition démographique et la transition numérique.
Voir loin, ce n'est pas travailler uniquement pour la fin de cette législature. Nous travaillons pour l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Et s'il est bien une chose que nous ne voulons pas, c'est leur léguer une planète dont ils ne pourront soigner les blessures causées par les générations antérieures.
A Genève, siège du GIEC, nous le savons bien: le futur portera l'empreinte du dérèglement climatique. L'inaction n'est pas de mise ! Nous visons une réduction de 60% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Nous visons la neutralité carbone pour 2050.
Mais cela ne sera, hélas, pas suffisant. Nous devrons aussi nous adapter aux inévitables évolutions météorologiques à venir. Car nous serons ici particulièrement touchés par le phénomène. A chaque degré supplémentaire qui affectera la planète, le Plateau suisse en subira le double. Ajoutons à cela les dangers qui pèsent sur la biodiversité, et nous prenons la mesure de l'énorme défi qui est le nôtre en matière d'écologie.
Sur nos terres, les étés seront plus chauds. Nous agirons donc pour revoir nos espaces publics, pour favoriser un urbanisme plus végétal et moins minéral, pour lutter contre les îlots de chaleur. Nous agirons pour une diminution de la pollution de l'air et une préservation de l'eau. Nous accompagnerons nos agricultrices et agriculteurs dans l'évolution de leur activité et valoriserons les circuits courts.
Mais le défi climatique ne se résume pas à des contraintes, heureusement. Nous saisirons les opportunités que nous offre la transition écologique, autant de formidables leviers pour stimuler l'économie et les emplois locaux. Nous nous appuierons sur les ambitieux programmes de rénovation des bâtiments, de sobriété énergétique et de développement des énergies renouvelables, grâce aux SIG. Le Conseil d'Etat confirme ici sa politique d'investissements conséquente dans ce domaine: six milliards de francs pour les dix années à venir.
Nous agirons aussi pour préserver les ressources naturelles en faveur des générations futures. Laisser la nature à la nature et l'agriculture à l'agriculture implique de construire la ville en ville, à l'instar du périmètre La Praille-Acacias-Vernets, car le besoin de logements reste un enjeu majeur pour notre canton. Construire, oui, mais nous voulons des quartiers apaisés en matière de bruit et de nuisances, végétalisés, généreux en espaces publics et dotés de tous les services de proximité. Des quartiers axés sur le concept de la «ville du quart d'heure».
Nous voulons un territoire accessible, avec l'extension des lignes de trams et plus généralement de l'offre des TPG; avec le développement futur du Léman Express; avec la consolidation du réseau routier et la sécurisation des cheminements piétons et des parcours cyclables. Nous voulons une mobilité multimodale et innovante, qui tienne compte du transport professionnel motorisé, qui intègre les personnes à mobilité réduite et l'ensemble des usagers. Nous voulons un territoire ouvert sur le monde, comme le permet notre aéroport, primordial pour le positionnement international de Genève et son économie. Nous miserons sur les nouvelles technologies et les mesures qui permettent d'en limiter les nuisances, en particulier pour les riverains.
Nous nous engageons à préparer le demain de nos enfants. Mais nous nous engageons aussi à préparer le demain de nos seniors. En 2040, à Genève, les résidents de plus de 65 ans représenteront une personne sur quatre. Lutter contre l'isolement, créer des espaces de socialisation, renforcer la politique des proches aidants: autant de perspectives voulues par notre Conseil pour affronter les enjeux du vieillissement de la population.
Enfin, nous agirons afin de favoriser la transition numérique. L'administration numérique est un enjeu crucial pour les collectivités publiques: nous garantirons l'accès aux prestations, sans alimenter la fracture digitale.
La politique du numérique à Genève est conçue pour être transversale, pour mener à une transition numérique réussie et solide, au service de tous les habitantes et habitants de notre canton. Nous prévoyons des investissements ambitieux de près d'un milliard de francs pour les systèmes d'information et les services numériques, car nous sommes convaincus que cette transition est essentielle pour notre avenir. Mais ce n'est pas tout ! Le Conseil d'Etat soutiendra le droit à l'intégrité numérique pour qu'il soit ajouté dans la constitution. Genève se positionnerait ainsi comme pionnière dans la défense des droits fondamentaux. Nous sommes fiers de prendre cette initiative pour protéger nos citoyens et garantir leur liberté à l'ère numérique !
Mesdames et Messieurs, le paragraphe que vous venez d'entendre a été rédigé par l'intelligence artificielle ChatGPT4... Il s'agit donc du premier discours de Saint-Pierre partiellement écrit par une machine. Partiellement ! Cela illustre l'autre grand défi sociétal du numérique. La généralisation des outils de reconstitution artificielle de textes, photos, vidéos et sons offre des opportunités réelles, qu'il nous faut saisir. Mais elle peut aussi constituer un puissant levier de manipulation de l'opinion publique, autrement dit un danger pour nos démocraties. Plus que jamais, nous devons investir dans la fiabilité de l'information. Cela passe par un éveil de l'esprit critique en la matière, particulièrement chez les plus jeunes.
Gouverner, c'est voir plus loin. Gouverner, c'est voir ensemble. A ce titre, le programme de consultation citoyenne «Genève 2050», qui étudie les besoins à long terme de notre canton, sera renforcé. Nous impliquerons à nouveau la population sur les grands défis collectifs. Nous voulons une démocratie vivante. Le Conseil d'Etat s'engagera activement dans l'année de la participation démocratique présentée tout à l'heure par la présidente du Grand Conseil.
3. Des libertés et des droits individuels
Voilà pour les projets collectifs. Nous pouvons enfin aborder l'expression des libertés et des droits individuels, qui constituent la troisième orientation du Conseil d'Etat.
Se projeter dans un futur commun, définir le cap du navire est fondamental. Mais chaque passagère, chaque passager, à savoir chaque habitante et chaque habitant, est unique, avec ses propres aspirations, ses propres besoins. Les libertés individuelles sont fondamentales et leur corollaire, tout aussi important; nous parlons ici du principe d'égalité des chances et des opportunités, ainsi que de celui de la non-discrimination. Nous voulons un Etat qui permette à chacune et chacun de trouver sa propre voie, son identité, sa place dans la société.
Les scientifiques, de plus en plus clairement, mettent en exergue la dimension structurante de la petite enfance dans la construction émotionnelle et intellectuelle des enfants. Nous voulons consentir au meilleur investissement qui soit: l'enfance. Cela part d'un congé parental digne de ce nom. Cela se poursuit avec un cadre légal qui encourage la création de places d'accueil, tant par les privés que les entreprises et les communes, afin de permettre aux parents de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale.
L'éducation et la formation déterminent une vie. Elles sont vectrices de liberté et garantissent l'égalité des chances. L'instruction publique est le principal ciment de notre société, naturellement appuyée par le parascolaire et le périscolaire, actifs dans le sport, la culture et le vivre-ensemble. Le Conseil d'Etat continuera à oeuvrer pour une école publique forte, qui forme, qui oriente. A cet égard, tout en soutenant la voie gymnasiale, il valorisera toutes les filières de formation professionnelle et tiendra compte des métiers de demain, en collaboration avec nos universités, nos hautes écoles et nos entreprises.
L'emploi, justement. Il représente la concrétisation d'une formation réussie. Le travail n'est pas que statut social ou revenu. Il est aussi source de dignité, de liberté et d'émancipation. Le Conseil d'Etat veillera à un marché de l'emploi diversifié, respectueux et qualitatif, résolument situé dans le cadre du partenariat social avec les organisations professionnelles et syndicales. Dans un monde en constante évolution technologique, avec de nombreux changements de parcours professionnels, et face à l'importante crise de main-d'oeuvre qui touche certains secteurs d'activité, nous agirons pour favoriser des formations qualifiantes en cours d'emploi. Des formations qui permettent de se réinventer professionnellement à l'âge adulte. Des formations continues tout au long de la carrière.
Notre canton est riche d'un tissu économique diversifié, créateur d'emploi, levier d'innovation. Les indépendants, les PME, les multinationales, toutes les entreprises ont leur place et leur importance. Elles font la réussite de Genève. Elles sont notre meilleur atout pour réussir la transition numérique et écologique. Il est de notre responsabilité de garantir des conditions-cadres attractives grâce à une stabilité qui offre de la prévisibilité. A ce titre, le Conseil d'Etat veut soutenir par des mesures fortes celles et ceux qui prennent le risque d'entreprendre. Nous pensons ici à un allègement de la fiscalité de leur outil de travail et une diminution des lourdeurs administratives qui pèsent souvent sur les indépendants et les petites entreprises. Nous voulons également promouvoir et investir dans l'économie de proximité, dans l'innovation, et saisir chaque opportunité que nous offre le positionnement de Genève au plan international.
Mais se réaliser individuellement ne se résume pas au travail, heureusement. Nous vivons aussi de nos passions. Les magnifiques émotions que nous avons vécues, ensemble, grâce au Genève-Servette Hockey Club et au Servette Football Club Chênois Féminin l'illustrent: le sport fédère, le sport mobilise, il anime. Ces émotions ne sont pas l'apanage de l'élite: elles vibrent chez tout un chacun, notamment chez les nombreux bénévoles qui font vivre les clubs. Le sport est un puissant vecteur d'intégration. En lien avec les communes, le Conseil d'Etat continuera à investir dans les infrastructures sportives majeures pour toute la population. Il fera de la concrétisation de la nouvelle patinoire au Trèfle-Blanc et de la création du Pôle football ses priorités.
La culture aussi véhicule des émotions, du lien social, des constructions collectives et individuelles. Que serait notre canton sans son offre riche et diversifiée de culture, tantôt classique, tantôt contemporaine ? Sans la musique, les arts de la scène et les arts visuels ? Pour faire vivre la culture, toujours en concertation avec les communes, le Conseil d'Etat réaffirmera ses engagements dans les infrastructures majeures et l'aide à la création.
«Liberté chérie !» Certes. Mais comme le disait le marquis de Condorcet, «il ne peut y avoir de vraie liberté ni de justice dans une société si l'égalité n'est pas réelle». La lutte contre les discriminations constitue la condition sine qua non pour que les libertés individuelles ne soient pas le prétexte du règne du plus fort. Dès lors, le Conseil d'Etat mettra en oeuvre durant cette législature la nouvelle loi sur l'égalité et la non-discrimination dans tous les secteurs concernés. Notre gouvernement est à majorité féminine pour la première fois de son histoire, et nous nous en félicitons. Nous porterons haut la question de l'égalité femmes/hommes. Nous nous engageons pour résorber les inégalités salariales. Nous nous engageons à favoriser l'accès des femmes aux postes à responsabilité et les temps partiels, notamment pour les hommes, afin qu'ils puissent davantage s'investir dans l'éducation des enfants. Nous nous engageons pour lutter contre les violences domestiques. Nous nous engageons pour une lutte contre les discriminations au sens large, qui porte aussi sur les questions de xénophobie, de racisme, d'orientation sexuelle et d'identité de genre. Nous sommes toutes et tous différents. Nous sommes toutes et tous singuliers. La honte n'a pas sa place. Personne ne doit avoir à se cacher pour ce qu'il est. Chacun et chacune doit pouvoir être fier de son identité. Notre société libérale doit permettre l'expression de nos particularités.
Mesdames et Messieurs, au fil des siècles, Genève a su se réinventer constamment tout en gardant sa spécificité, sa gouaille, son esprit indépendant, voire frondeur, diraient certains. Et parmi ses particularités, Genève, déjà l'un des carrefours de l'Europe à l'époque romaine, est aujourd'hui l'un des carrefours du monde, connu pour ses organisations internationales et son action en faveur du dialogue et de la paix. Cette vocation internationale se reflète aussi dans le métissage de sa population, venue des quatre coins de la Suisse et du monde.
Permettez-moi, pour terminer ce discours, quelques mots plus personnels.
Un petit matin de novembre 1981, Genève m'a accueilli avec ma mère et ma soeur. Après l'exil forcé, elle nous a donné l'asile, elle nous a donné l'aide sociale. Elle nous a donné l'éducation, elle nous a donné le travail et, surtout, elle nous a donné l'opportunité d'une vie stable et épanouissante. Comme pour des centaines de milliers de migrantes et de migrants, notre reconnaissance à l'égard de Genève est éternelle. Car Genève sait accueillir. Genève sait intégrer. Genève sait faire sien tout étranger qui adhère à ses valeurs. Genève est ouverte au monde. Genève est humaniste. C'est certainement là la plus grande force de notre République: une terre d'incroyables opportunités. C'est là l'esprit de Genève: un esprit d'ouverture, un esprit de tolérance, un esprit de responsabilité face aux grands défis du monde.
Soyons fiers de notre histoire !
Soyons à la hauteur de nos ambitions pour l'avenir !
Soyons fermes sur nos valeurs !
Vive Genève, vive la République, vive la Suisse ! (Applaudissements.)
(Mmes et MM. Marine Margot, Léonie Cachelin, Augustin Laudet et Geoffroy Perruchoud interprètent «Le Chant des oiseaux» de Clément Janequin.)
La présidente. Je déclare la cérémonie de prestation de serment du Conseil d'Etat close.
(Pendant que les autorités quittent la cathédrale en cortège, M. Vincent Thévenaz, aux orgues, interprète «The Show Must Go On» de Queen.)
La séance est levée à 18h10.