Séance du
jeudi 2 mars 2023 à
17h
2e
législature -
5e
année -
10e
session -
60e
séance
RD 1512
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons appris avec grande tristesse le décès de M. Raymond Wicky à l'âge de 68 ans.
M. Wicky entra au Grand Conseil en 2013 et siégea depuis lors sur les bancs du PLR. Il fut membre du Bureau en 2019 et 2020 et présida la commission des affaires communales, régionales et internationales à deux reprises, ainsi que la sous-commission mandatée par la commission des droits politiques pour étudier le projet de loi déposé par plusieurs anciens présidents de ce parlement afin de mieux maîtriser notre ordre du jour. Nous bénéficions d'ailleurs de son travail à chaque début de session, avec le raccourcissement de la durée de nos points initiaux.
Ancien commandant du SIS, colonel à l'armée et commandant de la Landwehr, M. Wicky s'intéressa notamment aux questions liées à la sécurité dans sa globalité. Très investi dans le travail parlementaire, il rédigea de nombreux rapports de commission, et lorsque je prononce notre exhortation en début de séance, je ne peux manquer de penser à lui, tant chaque mot lui correspondait si bien: Raymond Wicky était un homme résolu, mais aussi consciencieux, ayant à coeur de servir notre république pour son plus grand bien.
C'est ainsi que Raymond Wicky a pris toute sa place dans la vie de notre parlement: la vie en session, avec son intérêt pour la concision et parfois une teinte d'agacement lorsque les débats étaient trop longs du fait de redites; mais aussi la vie hors session, notamment lors de nos contacts avec les parlementaires des autres cantons romands, en tant que répondant genevois du Forum interparlementaire romand et surtout comme représentant du Grand Conseil au sein du Bureau interparlementaire de coordination. N'oublions pas non plus la tâche d'entraîneur de l'équipe de football du Grand Conseil qu'il a menée aux quatre coins de la Suisse, à défaut de victoire.
Nous saluons un homme respectueux et dévoué, dont la bienveillance et la cordialité nous manquent déjà.
A ses proches, nous disons toute notre sympathie en ce moment douloureux. Pour honorer la mémoire de M. Raymond Wicky, je vous prie d'observer, Mesdames et Messieurs les députés, un instant de silence. (L'assemblée, debout, observe un moment de silence.) Je vous remercie. La parole est à M. Jean Romain.
M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président. Une chose est de dire un mot pour un collègue qui quitte le parlement de son plein gré pour aller ailleurs continuer sa vie, une autre est de saluer un collègue qui quitte le Grand Conseil parce que la Camarde l'a décidé à sa place. C'est la deuxième fois que la mort frappe la députation PLR durant cette seule législature: hier, c'était Rolin Wavre; aujourd'hui, Raymond Wicky.
Malraux disait que la mort métamorphose la vie en destin. Il veut dire par là qu'avec la mort, les choses se fixent définitivement, puisque aucun acte ne peut plus désormais venir les modifier. Le destin de Raymond Wicky fut celui d'une existence dévolue au service des autres: que ce soit à la Landwehr ou en tant que commandant du SIS, Raymond a toujours répondu «présent» lorsqu'on avait besoin de lui. Ici comme ailleurs, il était à l'écoute de quelque chose qui dépasse et qui demande qu'on le serve.
Nous l'avons connu, sur nos bancs, discret, amical, bienveillant. C'est l'image d'un député attentif aux autres que nous laisse cet homme au regard malin et au sourire retenu qui ne s'épanouissait pas souvent. Lorsqu'il a été élu en 2013, sur la liste des candidats, je me suis dit qu'il était tellement populaire qu'il se présentait avec son fauteuil sous le bras. Ce fut le cas. Il fut élu sans coup férir. Jamais orgueilleux ni vaniteux, Raymond était un collègue attachant, sur lequel on pouvait compter, un homme de bien doublé d'un compagnon engagé, qui répondait toujours «présent».
Il aimait organiser ces tournois de football interparlementaires, il coachait l'équipe avec plaisir et dévouement, s'enthousiasmait et, sitôt que le besoin se faisait sentir, sitôt qu'on faisait appel à lui, Raymond était là et répondait «présent».
Il respectait les traditions et ne manquait pas de payer de sa personne pour les faire perdurer. On le voyait dans tout Genève qui assistait à telle ou telle commémoration. Il était là aux temps forts de la république comme une sorte de repère; aux heures de grande souvenance, Raymond répondait «présent».
C'est la mort d'un homme aimable, d'un homme que tout le monde appréciait. On le savait malade, il en parlait peu. La mort réveille, effrayante loupe, des images qui rôdent au fond de ma mémoire. Je revois Raymond Wicky: ici, il intervient avec patience lors d'une séance de commission; là, il argumente posément sans outrager personne; de ce côté-ci, il défend un rapport devant notre Conseil; de ce côté-là, il préside une commission interparlementaire à laquelle il a consacré beaucoup de temps. En tous lieux où je le revois, il est présent, comme il l'est aujourd'hui dans l'esprit de ceux qui forment le parlement de Genève; dans l'esprit et, pour certains d'entre nous, dans le coeur aussi. «Il n'y a de vrai et de solide esprit», disait Vauvenargues, «que celui qui prend sa source dans le coeur.» C'est le cas de Raymond Wicky, comme c'est le cas de la majorité d'entre nous, chers collègues.
S'il existe d'infécondes redites pour l'esprit, il n'en est point pour le coeur, c'est pourquoi nous sommes en pensée une fois encore autour de ces quelques souvenirs pour saluer sa mémoire et pour, à notre tour, lui dire: «Nous sommes présents, Raymond ! Nous sommes présents !» Car la mort transforme la vie en destin.
M. François Lefort (Ve). Il était notre ami. L'ami élégant, l'ami dans le débat, l'ami dans la contradiction, mais jamais dans la confrontation. L'ami dans la conciliation. L'ami qui avait une haute conscience du bien public et qui défendait la république de Genève, pour laquelle nous étions souvent d'accord. Que ce soit en commission parlementaire, au Bureau ou sur le terrain de la plénière, où il venait sans chaussures à crampons, il pouvait éteindre les feux, par l'usage de son calme et de son humour discret.
Tu étais notre ami, Raymond. Nous nous souviendrons que nous avons descendu et monté de nombreux escaliers ensemble. Nous penserons à toi en les montant et en les redescendant encore. Raymond, notre ami, tu restes dans nos coeurs et dans nos pensées.
M. Diego Esteban (S). Au nom du groupe socialiste, j'aimerais adresser aux proches de Raymond Wicky toute notre sympathie et nos condoléances. Si, au sens le plus strict du terme, Raymond Wicky était un adversaire politique pour nous les socialistes, rien dans sa démarche, ses actions, son caractère ou ses valeurs ne nous laissait vraiment le définir comme tel, car Raymond, avant toute chose, était quelqu'un de profondément humain. Il l'exprimait en permanence et distribuait généreusement son amitié, ses conseils et son aide, ce qui a toujours été particulièrement apprécié par toutes les personnes qui, comme nous, ont eu la chance de partager une partie de leur parcours avec lui.
Si aujourd'hui - et c'est parfaitement logique -, nous ressentons et exprimons notre douleur face au vide qu'il laisse derrière lui, je pense que demain nous gagnerons à nous inspirer de son exemple. Parce que, s'il y a un ingrédient qui est absolument nécessaire dans notre parlement, c'est la convivialité. Et qui de mieux pour l'incarner que Raymond Wicky ? Combien de personnes ici n'ont pas échangé, ri, bu des verres et - cela a été mentionné - joué au football avec Raymond ? Je me devais de mentionner cette équipe qu'il a coordonnée avec brio pendant de nombreuses années et qui a compté dans ses rangs des représentants de tous les groupes de cette assemblée, ce qui doit illustrer, à nouveau, à quel point sa générosité se moquait des frontières partisanes. Il a été dit que l'équipe n'avait jamais gagné sous sa coordination. C'est faux: un trophée au palmarès de cette équipe et qui illustre bien sa contribution, c'est celui du fairplay. Après ces quelques mots, je ne peux que conclure en disant: cher Raymond, merci et adieu !
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Cher Raymond, si tu me permets de m'adresser directement à toi, j'aimerais commencer par une citation parue dans «Le Temps» il y a quelques jours sous la plume de ton président de parti, qui te rendait hommage: «Il a toujours préféré l'intelligence de l'argument avec la patience et la bienveillance de celui qui maîtrise parfaitement son sujet et n'en veut pas à son interlocuteur d'être ignorant, tant que celui-ci cherche à savoir.» Cette citation me rappelle notre première rencontre, dans le cadre d'un exercice militaire, où tu officiais en tant qu'arbitre, alors que la troupe à laquelle j'appartenais était exercée. Comme je n'avais pas été très bon, tu m'as passé une brossée dont je me souviens encore, une belle remontée de bretelles qui m'avait sèchement remis à ma place. Peu après, tu es venu vers moi et tu m'as invité à boire l'apéro. Tu m'as dit: «Après le savon, on passe l'éponge.» C'est bien l'illustration de la phrase que je viens de citer, qui montre aussi qu'en matière de valeurs, de discipline et de constance, tu n'étais pas prêt à faire des concessions, qui auraient fait de toi l'auteur de compromissions. Mais, curieux et aimant autrui, tu as toujours cherché à partager ton savoir, à parlementer, à négocier et à aller vers l'autre, si tu estimais que ses idées méritaient un intérêt.
Tu es entré dans ce parlement en 2013, là où je t'ai retrouvé, après de nombreuses années émaillées par des collaborations et l'élaboration de projets communs, alors que tu commandais le SIS. Les membres de ce Conseil ont apprécié ton état d'esprit, ta rigueur, mais également tes capacités d'ouverture. Peu enclin à de grandes envolées verbales en plénière, tu te concentrais sur tes dossiers dans les commissions dont tu étais membre, avec toujours la démonstration d'une connaissance de fond et l'envie de ce que nous devrions tous défendre ici: la recherche du bien commun, cette recherche à laquelle tu t'es consacré ta vie durant.
Au nom du groupe démocrate-chrétien, j'assure ta famille et tes proches de toute notre sympathie. Salut, Monsieur le député !
M. André Pfeffer (UDC). Au nom de mon groupe, je présente aussi toute notre sympathie à sa famille et à ses proches. L'ensemble des députés, tous partis confondus, ont été touchés par cette triste nouvelle. Raymond savait qu'il était malade, mais il n'en parlait jamais. C'était un homme serviable et apprécié de tout le monde, très dévoué au service public. Comme député, il était aussi exemplaire qu'apprécié. Il a été commandant des pompiers, colonel dans notre armée et membre d'une multitude d'autres associations. Nous sommes attristés et malheureux d'avoir perdu un très sympathique collègue. Merci.
M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je ne répéterai pas tout ce qui a été dit. Je partage - et mon groupe aussi, je crois - l'essentiel de ce que les uns et les autres ont pu exprimer en hommage à Raymond Wicky. Il était toutefois important que, dans notre coin de la salle, cet hommage soit également complété. Lors de mes réflexions - parce qu'on m'a invité à prononcer quelques mots -, je me suis demandé en quoi, dans le fond, Raymond Wicky était marquant et ce que j'allais dire. Je vous avoue que, quand j'arrive en commission, j'en ai parfois un peu marre; je commence à être vieux, cela fait des dizaines d'années que je hante les couloirs de ce parlement et je viens avec un déficit d'enthousiasme. Mais chaque fois que je voyais en début de séance que Raymond Wicky était là - parce qu'il remplaçait ou qu'il était membre de la commission -, cela me redonnait un coup de fouet, cela me redonnait le moral et l'envie de débattre, parce que, précisément, il écoutait les arguments. Nous étions évidemment opposés politiquement, nous étions bien sûr des adversaires, mais il écoutait les arguments des uns et des autres, il les prenait au sérieux, il y répondait et travaillait de manière constructive. De ce point de vue là, c'était un député exemplaire. Il laisse un vide et, quand j'arriverai à la salle de l'Auditeur en bas et que je ne le verrai pas, cela me fera de la peine. Voilà ce que je voulais dire. Merci.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Mon cher Raymond, il est difficile de trouver les mots justes pour décrire de manière fidèle l'homme que tu étais: toujours souriant, toujours amical. Mon groupe a apprécié ton attitude et ton fameux sourire, sans ta cigarette au bout des lèvres, comme tu en avais l'habitude. Raymond, nous avons partagé la même chambre lors de déplacements pour les tournois de football, nous avons joué ensemble au jass... Tu vas nous manquer et, au nom de mon groupe, je te souhaite tout le bonheur là-haut, en espérant que tu ailles beaucoup mieux. Mon cher Raymond, adieu !
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, comme l'aurait certainement souhaité Raymond Wicky, la vie de notre parlement doit continuer; je vous propose donc de passer à la suite de l'ordre du jour.