Séance du vendredi 3 février 2023 à 18h
2e législature - 5e année - 9e session - 59e séance

M 2542-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Delphine Bachmann, Jacques Blondin, Anne Marie von Arx-Vernon, Souheil Sayegh, Jean-Marc Guinchard, Claude Bocquet, Jean-Luc Forni, Patricia Bidaux, Bertrand Buchs, Marion Sobanek, Thomas Wenger, Jean-Charles Rielle, Amanda Gavilanes, Nicole Valiquer Grecuccio, Grégoire Carasso, Salima Moyard pour des macarons en faveur des professionnels de la santé
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 21 et 22 novembre 2019.
Rapport de majorité de M. François Lance (PDC)
Rapport de minorité de M. Christo Ivanov (UDC)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous avançons dans l'ordre du jour avec le point suivant, soit la M 2542-A, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président. Nous sommes saisis ici d'une proposition de motion qui a été discutée en commission en 2019, ce qui en dit long sur la rapidité de traitement des textes dans ce Grand Conseil. Cela étant, même si elle date de 2019, la problématique soulevée reste d'actualité: il s'agit de déterminer si les professionnels de la santé (en l'occurrence les infirmières et les infirmiers) peuvent bénéficier de tolérances au niveau des parkings lorsqu'ils exercent leur travail. La question est la suivante: les personnes qui fournissent des soins à domicile peuvent-elles disposer d'un macaron ou de facilités pour laisser leur voiture plus longtemps sur l'espace public ou se garer sur des places réservées aux handicapés et aux professionnels ?

Très intéressants, les travaux de commission nous ont permis de nous rendre compte que des macarons sont déjà distribués, surtout à des médecins: à Genève, 347 macarons sont délivrés et 62 à des sages-femmes et infirmières ou infirmiers à domicile. Cependant, ce dispositif ne repose sur aucune base légale, les médecins peuvent acquérir un macaron pour 40 francs la première année, puis 25 francs les années suivantes, mais c'est un peu au petit bonheur la chance, on ne sait pas exactement à quoi ça correspond, si ça permet d'être garé à certains endroits ou pas, s'il y a une tolérance ou non.

Ce qu'on a compris, c'est qu'en cas de contredanse sur une voiture, il est plus facile de la faire enlever après coup. C'est également ce que nous a confié l'IMAD: au final, la question n'est pas tant de trouver des places de stationnement, mais plutôt d'effectuer des démarches ultérieures pour lever des amendes, pour demander à la Fondation des parkings de supprimer certaines bûches.

La commission a décidé de rédiger un amendement général à cette proposition de motion et propose les invites suivantes: «à redéfinir les conditions d'octroi des "tolérances de stationnement" actuellement en vigueur et accordées aux médecins, aux sages-femmes et au personnel soignant appelés à intervenir à domicile; à uniformiser sur le canton les pratiques de contrôle du stationnement des véhicules bénéficiant desdites "tolérances de stationnement"; à développer et à promouvoir parallèlement des modes de déplacement alternatifs afin de limiter le plus possible l'utilisation de ces véhicules, lorsque jugée non nécessaire, notamment dans l'hypercentre urbain».

Il est vrai que l'IMAD a déployé de grands efforts pour permettre à son personnel de se déplacer à vélo électrique, mais il faut savoir qu'à certains moments de la journée ou de la nuit, il est difficile d'envoyer les gens faire des visites à domicile sur des vélos électriques, donc une tolérance est tout de même nécessaire pour ces personnes. Aussi, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission vous propose de renvoyer cet objet au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Comme cela a été relevé par le rapporteur de majorité, 347 macarons sont déjà attribués aux médecins et 62 aux autres professionnels de la santé. Le coût de la carte de médecin est de 40 francs la première année, puis de 25 francs les années suivantes. La problématique est réelle, surtout dans le cadre du parking en cas d'urgence pour les médecins, pour ceux qui doivent intervenir: il s'agit d'arriver à trouver une place de stationnement, d'éviter de se prendre une bûche, parce que si vous vous parquez sur une ligne jaune, c'est 250 francs d'amende. Cette proposition de motion part d'un dispositif qui existe déjà dans le but de l'étendre à d'autres intervenants de la santé, en l'occurrence aux employés de l'IMAD.

Cependant, si je suis tout à fait d'accord avec le problème soulevé, la solution proposée crée, pour la minorité de la commission, une sorte d'inégalité de traitement par rapport à d'autres secteurs. Prenons l'exemple du bâtiment: quand il y a une urgence, que ce soit électrique, de plomberie, de chauffage ou autre, les professionnels se retrouvent dans la même situation, mais ne bénéficient pas de telles largesses. Imaginez un ascenseur bloqué avec toutes les conséquences que ça implique - il y a souvent des gens enfermés à l'intérieur -, une inondation, un incendie. Pour cette raison, Mesdames et Messieurs, la minorité de la commission vous demande de refuser ce texte. Merci, Monsieur le président.

M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, nos autorités, et parmi elles nos autorités sanitaires, estiment-elles le travail du personnel de santé à sa juste valeur ? On peut en douter. Menacées de licenciement sans aucune proposition de reclassement, les soignantes frappées de covid long se sont constituées en association: «Applaudies, covidées, licenciées». (Remarque.) Elles ont manifesté devant les HUG, exigeant à très juste titre l'abandon de la procédure à leur encontre et un reclassement professionnel adapté à leur état de santé.

Ici, nous avons à traiter d'une autre injustice, même si peut-être d'une ampleur moindre, qui frappe le personnel de santé. Ainsi que le rapporteur de majorité l'a rappelé, la problématique du stationnement ne date pas d'hier, les aides-soignantes passent beaucoup de temps à chercher des places, des macarons sont distribués principalement à des médecins sans que cela repose sur une base légale solide, l'IMAD fait face à des démarches administratives très importantes pour gérer ces problèmes. Ce n'est pas une bonne utilisation des deniers publics ni du temps des collaborateurs de l'Etat.

Ce texte invite le Conseil d'Etat «à redéfinir les conditions d'octroi des "tolérances de stationnement" actuellement en vigueur et accordées aux médecins, aux sages-femmes et au personnel soignant appelés à intervenir à domicile» et surtout «à uniformiser sur le canton les pratiques de contrôle du stationnement [...]». Le groupe socialiste vous recommande d'approuver cette proposition de motion. (Applaudissements.)

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, c'est un peu le comble que des députés doivent rédiger un texte pour permettre aux professionnels de la santé de travailler dans des conditions optimales sans devoir se soucier du stationnement de leur véhicule de service et s'inquiéter de recevoir une amende d'ordre. Dans les métiers du soin, il est tout de même délicat, voire non éthique, d'abandonner une patiente ou un patient qui souffre, une personne vieillissante pour aller déplacer sa voiture, à plus forte raison dans un contexte d'augmentation du suivi et des soins à domicile. Aujourd'hui, il y a encore plus de risques, car davantage de déplacements. Cela crée du stress et de l'anxiété supplémentaires - alors que le travail est déjà intense - ainsi que des lourdeurs administratives à gérer a posteriori pour faire annuler les amendes.

Nous, les Vertes et les Verts, soutiendrons cette proposition de motion telle qu'amendée, car elle met en lumière le fait qu'un grand nombre de personnes, en particulier des médecins - cela a été souligné par le rapporteur de majorité - bénéficient de tolérances de stationnement sans base légale. Bien évidemment, nous trouvons totalement pertinent d'octroyer des facilités aux médecins, mais alors pourquoi pas aux autres professionnels de la santé ? Cet objet permettra non seulement de clarifier les critères d'attribution des macarons, qui n'ont aucune base légale, mais aussi d'unifier le mode de contrôle dans tout le canton.

Enfin, en tant qu'écologistes, nous souhaitons élargir le débat en mettant l'accent sur l'intérêt des modes de déplacement alternatifs et moins polluants, par exemple les vélos-cargos, qui sont utiles quand on a beaucoup de matériel. Cette proposition de motion a le mérite de soumettre une invite concernant les moyens de transport alternatifs. Voilà pourquoi nous l'accepterons. Merci.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Le rapporteur de majorité a très bien posé le contexte dans lequel cette proposition de motion a été déposée il y a un certain nombre d'années déjà - je ne vais pas répéter ce que j'ai indiqué hier soir. Il a été relevé l'importance du travail administratif que l'IMAD doit accomplir pour faire sauter des bûches, travail administratif qui n'est évidemment pas rémunéré. A cet égard, j'aimerais briser une lance en faveur de l'IMAD en rappelant que le temps de déplacement au domicile du patient n'est pas pris en compte par l'assurance-maladie et n'est jamais remboursé alors que les médecins ont au moins cet avantage, c'est-à-dire qu'ils peuvent facturer un certain montant pour leurs déplacements.

Pour revenir à la remarque du rapporteur de minorité concernant les mêmes besoins qui pourraient se manifester pour les entrepreneurs, je suis très sensible au fait que les employés de nos petites entreprises puissent se déplacer rapidement, mais je rappellerai ici que plus le trafic motorisé privé diminuera au centre-ville, plus les professionnels pourront circuler facilement. Merci.

Mme Fabienne Monbaron (PLR). On nous parle d'éthique, mais cette proposition de motion génère une nouvelle inégalité de traitement vis-à-vis de tous les autres corps de métier également appelés à intervenir à domicile. Leur temps de déplacement n'est pas non plus pris en compte alors qu'ils enchaînent les clients. Nous allons ici favoriser une frange d'activité sans régler les mêmes soucis rencontrés dans d'autres branches par toutes les entreprises dont les employés doivent aussi trouver des places de stationnement, employés qui, de surcroît, ont souvent du matériel encombrant à déplacer pour effectuer leur travail. Ces personnes connaissent le même problème lié au dépassement du temps de parking autorisé; indépendamment des tâches réalisées, la situation est au final identique pour tous.

Est-ce que, dans quelque temps, nous allons traiter de mêmes objets pour les plombiers, les peintres ou les vitriers ? C'est une question que nous pouvons nous poser. Toutes les places de stationnement qui ne seront plus limitées ou qui seront utilisées sur de longues durées seront par ailleurs soustraites à l'utilisation possible de ces autres professionnels. Pour tous ces motifs, le PLR refusera cette proposition de motion.

Une voix. Très bien.

M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra cette proposition de motion. Il est évident que le personnel de santé joue un rôle différent de celui de tous les autres corps de métier dans notre ville et notre canton, et il est extrêmement important que ces professionnels puissent se déplacer rapidement afin d'être là pour les bénéficiaires, cela semble la moindre des choses.

Par ailleurs, je pense qu'il serait de bon ton, si je peux me permettre, de faire un geste en direction du personnel médical et hospitalier qui a beaucoup donné pendant la pandémie, qui continue à s'investir énormément auprès des personnes malades. J'en profite pour relever qu'il faudrait étendre ce traitement favorable à d'autres circonstances - je pense notamment à l'inadmissible licenciement des infirmières frappées de covid long aux HUG... (Exclamations.) Eh oui, eh oui, ne vous en déplaise ! (Applaudissements.)

Cette décision est exemplaire... (Commentaires.) Cette décision est exemplaire de la manière dont on traite les gens qui ont oeuvré au front, mettant en danger leur propre santé: on les maltraite en les licenciant, en les jetant à l'assurance-invalidité. C'est exactement la même chose, et de ce point de vue, il faut bien entendu accepter cet objet, mais il ne faut pas s'arrêter là, il faut faire des gestes conséquents auprès du personnel qui défend nos existences et soigne nos malades. (Commentaires. Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Je serai court, Monsieur le président. Sur le fond, élargir le champ d'attribution d'un macaron - parce qu'il existe déjà - au personnel de l'IMAD et aux infirmières, pourquoi pas, cela ne nous dérange pas. Ce qui nous pose problème, c'est l'inégalité de traitement par rapport aux autres corps de métier qui, eux aussi, rencontrent des soucis de parking. Je sais de quoi je parle, puisque je suis entrepreneur: il est très difficile de se parquer, tout est extrêmement compliqué, d'autant qu'on nous sucre encore de nombreuses places jaunes destinées au déchargement du matériel lourd... (Remarque.) Si, si, Monsieur le magistrat ! Les bras vous en tombent peut-être, mais je peux vous dire que du moins en ville de Genève, il y a moins de places de stationnement pour les entreprises. Pour cette raison, Mesdames et Messieurs, la minorité de la commission vous demande de refuser cette proposition de motion. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Je soulignerai juste deux éléments. Lors de son audition, Mme Da Roxa, directrice de l'IMAD, a très clairement indiqué que les employés de l'IMAD paient leurs places de parking. Elle a même émis un doute quant au fait que cette pratique soit permise de la part d'un employeur. Vraiment, ce sont les employés qui doivent trouver une place bleue et la payer en prenant sur leurs revenus. Ils n'ont pas choisi d'effectuer des visites à domicile, c'est leur travail ! Ils doivent prodiguer ces soins à domicile et, par-dessus le marché, s'acquitter de leur stationnement.

Je comprends tout à fait ce qu'on nous dit sur l'inégalité de traitement, mais en ce qui me concerne, je ne la vois pas là, je la vois entre les médecins qui, de tout temps, ont bénéficié de tolérances de parking et les autres métiers de la santé qui ne connaissent pas ces facilités. Commençons donc par régler l'inégalité entre les médecins et les autres acteurs des soins; une fois que ce sera fait, on pourra discuter de toutes les autres personnes qui opèrent au domicile des gens et qui doivent se trouver le plus près possible de leur lieu d'intervention. Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je serai très bref. Pour couper court à tout suspense, je vous informe que le Conseil d'Etat recevra cette motion avec grand plaisir. Comme cela n'a pas été évoqué lors du débat assez tendu sur le plan d'actions du stationnement - c'était la semaine dernière -, celles et ceux qui ont pris la peine de lire celui-ci auront constaté que l'action numéro 13 de ce document prévoit précisément de réfléchir afin d'étendre des dispositifs pour ce type de situations, y compris pour les personnes à mobilité réduite, donc nous y travaillons.

Quelques mots sur les questions liées à l'activité professionnelle. Nous sommes naturellement très attentifs, et votre serviteur en particulier, à ce que les entreprises puissent déployer leurs activités de manière optimale. Il existe aujourd'hui des macarons multizones «Plus» et différentes variantes. Là aussi, nous introduisons de grandes améliorations: nous digitalisons le système et prévoyons un dispositif qui, contrairement à ce qui se pratique maintenant, où les macarons sont disponibles pour des demi-journées ou des journées entières, sera calqué sur le fonctionnement des abonnements dans les stations de ski, avec des heures coulissantes dans la journée. Tout cela s'opère en collaboration avec les milieux professionnels, que j'ai d'ailleurs rencontrés hier et qui saluent ces démarches. Voilà l'un des bénéfices, l'une des vertus du fameux plan d'actions sur le stationnement que vous avez voté la semaine dernière.

Dans le cadre du même débat - enfin, je ne suis plus tout à fait sûr, mais oui, c'était durant ce débat -, M. Ivanov, rapporteur de minorité aujourd'hui, s'était exclamé que c'était scandaleux, qu'on démantelait les places jaunes. Ce n'est pas vrai, je le répète ici: il existe 1500 places jaunes aujourd'hui, nous avons augmenté leur nombre de cent au cours des cinq dernières années.

Certaines personnes ont le sentiment, peut-être légitime, à l'instar de M. Ivanov et d'autres, que les places jaunes ne sont pas disponibles. Mais pourquoi ne sont-elles pas disponibles ? Eh bien parce qu'elles sont utilisées abusivement par des privés... (Remarque.) Squattées, en effet ! Sachez que, là encore de concert avec les milieux professionnels, nous avons mis au point un nouveau système de contrôle des places, nous avons changé la procédure, et cela fonctionne: nous avons tiré le bilan de cette nouvelle pratique appliquée par la Fondation des parkings depuis le mois de novembre dernier, et les résultats sont très positifs, comme ont pu d'ailleurs le constater les milieux professionnels concernés.

Il faut dès lors arrêter de prétendre, Monsieur Ivanov, s'agissant des places dites de livraison, que leur nombre diminue. Non seulement il ne diminue pas, mais nous veillons de surcroît à ce qu'elles soient utilisées par les personnes qui en ont réellement besoin, c'est-à-dire celles qui doivent charger et décharger de la marchandise, et pas par des privés. Voilà, Mesdames et Messieurs, merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. A présent, Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes priés de vous prononcer sur ce texte, la majorité de la commission vous recommandant de l'accepter.

Mise aux voix, la motion 2542 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 24 non (vote nominal).

Motion 2542 Vote nominal