Séance du
vendredi 27 janvier 2023 à
14h
2e
législature -
5e
année -
9e
session -
52e
séance
M 2784-A
Débat
Le président. Nous abordons à présent la M 2784-A. Personne ne souhaitant s'exprimer, nous... (Commentaires.) Il y a une demande de parole de M. Jean Burgermeister. Monsieur Burgermeister, c'est à vous.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Ce serait dommage de ne pas parler de cette motion PLR ! On a découvert un PLR qui s'acharne contre la liberté de commerce, au point de faire monter au créneau les organisations patronales de la branche, puisque le PLR, en la personne de Jean Romain en l'occurrence, veut absolument empêcher les commerces de ce canton de marquer «soldes»... (Remarque.) ...ou «sale» sur leurs vitrines, parce que c'est un... (Commentaires.)
Des voix. Sale ! (Commentaires.)
Une voix. Pas propre !
M. Jean Burgermeister. Calmez-vous, chers amis, il va préciser ça ! Je l'ai vu demander la parole et je m'en réjouis. (Rire.) Il s'en prend donc aux commerces qui utiliseraient des anglicismes sur leurs vitrines. Alors on découvre l'aile bolchevik du PLR, sans doute ! (Rires.) Il faudrait pour ça, évidemment, commencer - et j'invite Jean Romain à déposer une résolution à l'Assemblée fédérale - par demander de modifier la Constitution suisse et de retirer la liberté économique qui y est sacralisée et qui est effectivement un frein pour faire valoir d'autres valeurs ! On pourrait du même coup, bien sûr, exiger de restreindre la liberté économique à des critères environnementaux, à des critères sociaux et pourquoi pas aussi à des critères linguistiques, si c'est la démarche que veut M. Romain; je pense qu'on pourrait discuter d'une résolution allant dans ce sens-là.
Bien entendu, prendre cette question simplement par le biais d'un anglicisme sur les vitrines des commerces, c'est la prendre par le tout petit bout de la lorgnette - cela ressemble au PLR. Mais enfin, nous rejetterons cette motion, qui en réalité est absurde et qui est tout sauf libérale, mais nous invitons le PLR à venir discuter avec nous de la manière dont nous pourrons modifier la Constitution suisse pour désacraliser la liberté de commerce. Je vous remercie.
Une voix. Et l'industrie !
Une autre voix. N'importe quoi !
M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, il n'est pas obligatoire de modifier la Constitution suisse. Nous avons quand même à Genève une constitution qui dit: «La langue officielle est le français.» Et le mot «soldes» existe en français depuis bien longtemps, en tout cas depuis le début du XXe siècle. Je ne vois donc pas au nom de quoi on le supprimerait aujourd'hui dans quelques magasins pour mettre à la place le terme «sale».
La motion est assez simple. Elle ne dit pas qu'il faut interdire. Elle demande tout bonnement que le Conseil d'Etat adresse peut-être une lettre aux commerçants pour les inviter à privilégier le français. Simplement à privilégier le français ! Je reconnais là le jeu de Burgermeister, mais je ne comprends pas pourquoi il ne vote pas avec nous. En effet, d'après sa vision à lui, cette motion est antilibérale or, depuis que je le connais, il répète en boucle - selon un chewing-gum collectif qu'ils se passent au sein d'Ensemble à Gauche... (Rires. Commentaires.) Chacun a un petit moment le chewing-gum ! - qu'il ne faut pas être libéral... (Commentaires.) ...que les libéraux, c'est le mal. Et voilà qu'il y a une motion... (Commentaires.)
Une voix. En français, Monsieur Romain ! On dit «gomme à mâcher» ! (Rires.)
M. Jean Romain. Je ne vous entends pas ! Parlez plus fort, Monsieur Burgermeister ! (Rires.) Je ne vous entends pas ! (L'orateur est interpellé. Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît ! On se calme un peu, on va bientôt faire une pause ! (Commentaires.)
M. Jean Romain. Je prends acte du fait que vous ne voulez pas de cette motion. C'est dommage de ne pas défendre la langue française, parce que je pense que, finalement, défendre le français n'est pas un obstacle à la liberté de commerce. Mais puisque vous n'en voulez pas, eh bien tant pis ! Je vous remercie et vous dis au revoir ! (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Restez encore avec nous quelques minutes ! (Commentaires.) Je passe maintenant la parole à Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. En un mot: il m'est arrivé d'être chez Manor pour faire un petit achat... (Commentaires. Rires.)
Une voix. Mais non ! (Rires.)
Mme Danièle Magnin. ...et de demander pourquoi ils ne vendaient que des choses sales ! Surprise totale des vendeurs et vendeuses: «Nous ? Mais on ne vend pas des choses sales !» - «Pourtant, c'est écrit "sale" partout !» Donc moi, je suis du même avis que M. Jean Romain.
Et je voudrais rappeler une petite chose: lorsque, je crois, Jacques Chirac a été accueilli à Athènes en voyage d'Etat, les étudiants de l'université lui avaient adressé un discours entièrement fait de mots français provenant du grec, et c'était un très joli discours ! Moi, je pense que la langue française mérite d'être protégée. Il y a certes beaucoup d'étrangers à Genève, mais alors pourquoi l'anglais ? Pourquoi pas en arabe ? Pourquoi pas en russe ou en chinois ? Voilà. Merci beaucoup !
Une voix. C'est mal vu, ces temps ! (Rire. Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe maintenant la parole à M. Marc Falquet.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je ne connaissais pas cette proposition, mais je la trouve excellente. Merci à M. Jean Romain pour cette initiative ! C'est vrai que le mot «soldes», c'est sympa. (Rires.) J'ai regardé les synonymes de «sale» - excusez-moi: abject, barbouillé, cochon, affreux, boueux, breneux, dégoûtant. Voilà ce qui vient à l'esprit des gens, quand ils lisent ça, ce sont exactement ces synonymes. C'est sale ! (Commentaires.) Les gens, c'est vrai... Tout le monde ne parle pas anglais. Pourquoi est-ce qu'on utilise le mot «sale» pour parler des soldes ? Ça n'a aucun sens ! Donc revenons à la logique, votons cette excellente proposition et enlevons ce mot affreux, «sale», pour exprimer des choses... Merci beaucoup.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. (Commentaires.) Le parti socialiste refusera cette motion, qui... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît ! Laissez-le parler !
M. Sylvain Thévoz. ...qui nous a d'abord étonnés. On a commencé par sourire, puis on a eu un sourire un peu amer en pensant à nos commerces de proximité... (Commentaires.) ...à des commerçants qui ont certainement d'autres problèmes que celui de savoir s'il faut mettre «soldes» ou «sale» sur leurs vitrines. Là, on voit le PLR: on défend les PME et les petits commerces, mais concrètement, qu'est-ce qu'on fait ? On dépose une motion pour dire qu'il faut écrire en français sur la vitrine.
Le fait que les gens aillent faire leurs achats en France voisine ne les intéresse pas; le fait que les loyers des petits commerces aient flambé ne les intéresse pas; le fait que le commerce de proximité soit menacé dans des villes par un engorgement complet en raison du trafic automobile... (Commentaires.) ...et que les gens fuient ces centres ne les intéresse pas ! (Commentaires.) Non, Mesdames et Messieurs, ce qui intéresse la droite et particulièrement le PLR, c'est: doit-on écrire «soldes» ou «sale» ? On ne sait pas trop, mais le parti socialiste refusera cette motion qui est datée, à côté de la plaque et à l'image du débat d'hier: le PLR défend ou les super riches ou la langue française, mais en tout cas pas la classe moyenne et les commerçants. Merci. (Remarque.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'est plus demandée, nous passons donc au vote. Je précise que la majorité de la commission a refusé ce texte.
Mise aux voix, la proposition de motion 2784 est rejetée par 39 non contre 32 oui et 6 abstentions.