Séance du
vendredi 16 décembre 2022 à
10h35
2e
législature -
5e
année -
8e
session -
47e
séance
PL 13178-A
Suite du deuxième débat
Budget de fonctionnement (tome 1) (suite)
K - SANTÉ (suite)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons le traitement du projet de budget. Je rappelle que nous en sommes à la politique publique K «Santé» et que nous avons été saisis d'un amendement de l'UDC au programme K03 «Sécurité sanitaire, promotion de la santé et prévention», nature 36 «Charges de transfert»: +100 000 francs pour l'association Diabète Genève. La parole échoit à M. Thomas Wenger.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le rapporteur de minorité UDC - qui n'est pas encore là - nous a parlé de dette abyssale, de déficit phénoménal, s'est exclamé que c'était indigne pour un canton comme Genève, que le Conseil d'Etat était culotté de déposer un tel budget, mais après, quand il faut venir demander 100 000 francs de plus pour l'association Diabète Genève... Alors le groupe socialiste votera cette enveloppe supplémentaire, mais, Monsieur Ivanov et Mesdames et Messieurs de l'UDC, ces 100 000 francs, s'ils sont versés - et ils le seront -, ce sera grâce à nous, la majorité de gauche et du MCG qui ont formé une alliance pour accepter le budget, ce ne sera certainement pas grâce à vous. Merci.
Une voix. Très bien.
M. Christo Ivanov (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez: j'assume tout à fait cette position. Beaucoup de gens se sont défilés et n'ont pas voulu déposer cet amendement; pour ma part, je l'assume complètement. Voilà la première chose.
Deuxièmement, je rappelle tout de même qu'on parle de 100 000 francs pour de la prévention, ce qui permettra de réaliser des économies pour la santé de tout le monde à l'avenir, donc cette proposition a tout son sens. 100 000 francs sur un budget de 9,5 milliards, vous parlez d'une plaisanterie ! Sans compter que tout à l'heure, un montant de 100 000 francs a été coupé, donc 100 000 francs moins 100 000 francs égale zéro. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Tu n'as pas suivi !
M. Jean Batou (EAG). Ecoutez, Mesdames et Messieurs, ne soyons pas dans le soupçon. En ce qui nous concerne, comme le MCG, comme le parti socialiste - comme les Verts, j'imagine -, nous accepterons ce montant supplémentaire de 100 000 francs pour une politique de prévention en matière de diabète.
Ce qui me réjouit, dans le fond, c'est que M. Ivanov votera peut-être le budget pour que ces 100 000 francs soient attribués à cet objectif ! Et peut-être que, par solidarité, le groupe UDC dans son ensemble adoptera le budget ! Peut-être même - allez, rêvons ! -, puisque le PLR et l'UDC sont en train de discuter de s'apparenter, que le PLR votera ce budget en faveur des diabétiques ! Il y a tout plein de raisons pour lesquelles il faut soutenir cette enveloppe de 100 000 francs, la principale étant d'appuyer la prévention de cette maladie terrible qu'est le diabète. Merci.
M. Thomas Bläsi (UDC). Ce qui se passe est assez amusant, je trouve. On parle d'une augmentation de 100 000 francs sur un budget de 9 milliards, Mesdames et Messieurs; sur ces 9 milliards, je pense que vos bancs ont chargé la barque autant qu'ils le pouvaient afin que ce budget pèse le plus lourd possible.
Même si notre amendement passe la rampe, nous ne voterons pas le budget, parce qu'il n'y avait pas que ce montant de 100 000 francs parmi nos propositions, nous avions d'autres demandes qui n'ont pas été respectées. Il s'agit donc d'une négociation budgétaire. Nous trouvons qu'une enveloppe de 100 000 francs aurait été utile, parce que le diabète, et M. Saudan nous le rappelle assez souvent, est un fléau à Genève. Ainsi, nonobstant notre position négative sur le budget et au regard de toutes les dépenses superfétatoires que vous y avez incluses, nous estimons que ces 100 000 francs, eux, seraient bien investis.
Mais bon, continuez à vous amuser, ça n'a pas grande importance en réalité, parce que, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, on s'occupe ici de 10% à 15% de la population. De votre côté, vous ne vous préoccupez toujours pas de ceux qui ne sont ni super-riches ni super-pauvres, et un jour, ça vous claquera entre les doigts... Le plus tôt possible, je l'espère. Merci, Monsieur le président.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je fais partie des personnes qui se sont défilées et n'ont pas souhaité présenter cet amendement. Pourquoi ? Parce que cette proposition n'a rien à faire dans le budget, tout bêtement. Il s'agit de donner mauvaise conscience aux gens en leur disant: «Vous n'avez pas alloué 100 000 francs aux diabétiques !» Mais enfin, tout le monde veut octroyer 100 000 francs aux diabétiques, qui ne voudrait pas le faire ?
Il se trouve que les négociations sur des sommes en dessous de 200 000 francs pour des associations se font directement avec le Conseil d'Etat, en l'occurrence avec le magistrat chargé de la santé: ça se passe dans son bureau, avec ses collaborateurs, et ils sont à l'écoute, ils sont toujours d'accord d'augmenter des subventions quand une prestation supplémentaire est offerte.
Cette association est en train de changer sa façon de travailler, elle a besoin de plus d'argent, d'accord, mais il faut bien comprendre qu'elle doit aller discuter directement avec le conseiller d'Etat, parce que celui-ci a la possibilité d'accorder un montant supplémentaire sans passer par le débat budgétaire ni la commission des finances. Alors, de grâce, Mesdames et Messieurs, arrêtez d'exiger 100 000 francs par-ci, 200 000 francs par-là, vous donnez seulement mauvaise conscience aux gens alors que ces affaires ne se traitent pas ici. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Juste pour être clair: oui, M. Ivanov assume son amendement, mais le groupe UDC n'y est pas associé. (Exclamations.) Cette proposition relève de sa propre initiative, soyons bien clairs là-dessus. Nous avons refusé le projet de budget en commission, nous sommes et restons contre les budgets déficitaires et, je le répète ici, nous ne sommes pas associés à cet amendement, donc ce n'est pas un amendement du groupe UDC. Je vous remercie.
M. Eric Leyvraz (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Je rappelle que lors de notre dernière plénière, nous avons eu la possibilité de nous faire tester afin de déterminer si nous avions ou pas un problème de sucre. M. Rossetti m'a dit que deux personnes avaient été dépistées qui ne savaient pas qu'elles avaient le diabète et qui, grâce à cette détection ici au Grand Conseil, seront prises en main. Donc il s'agit vraiment d'une association qui fait du bon boulot.
Le président. Je vous remercie. Nous passons au vote sur l'amendement UDC au programme K03 «Sécurité sanitaire, promotion de la santé et prévention», nature 36 «Charges de transfert»: augmentation de +100 000 francs de la ligne générique «action de promotion de la santé», association Diabète Genève.
Une voix. Vote nominal, Monsieur le président !
Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, le vote sera nominal.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 43 oui contre 21 non et 5 abstentions (vote nominal).
Le président. A présent, je mets aux voix dans son entier la politique publique K «Santé» ainsi amendée.
Mise aux voix, la politique publique K «Santé» ainsi amendée est adoptée par 45 oui contre 30 non et 3 abstentions.
L - ÉCONOMIE ET EMPLOI
Le président. Nous abordons maintenant la politique publique L «Economie et emploi». La parole va à M. Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. C'est une politique publique importante, même si elle a tendance à assez peu intéresser ce parlement. Malheureusement, on doit reconnaître à nouveau une certaine constance en la matière, c'est-à-dire que, s'agissant d'économie et d'emploi, le Conseil d'Etat s'empresse de donner beaucoup aux entreprises et pas grand-chose, sinon rien, aux salariés ainsi qu'aux chômeuses et aux chômeurs. (Remarque.)
Je vous rappelle notamment que, pendant les années de covid, lorsque ce parlement votait séance après séance des projets de lois d'aide aux entreprises en difficulté, il était mentionné que, parallèlement, une politique d'employabilité serait mise en place par le Conseil d'Etat pour venir en aide aux secteurs sinistrés par la crise. Or les crédits pour les aides aux entreprises, nous les avons votés, l'argent pour les entreprises, nous l'avons versé, mais pour l'aide à l'employabilité, rien ne s'est fait jusqu'à aujourd'hui, tout simplement - à part la mise en place d'une obscure task force employabilité, dont on attend encore les recommandations et, plus encore, les résultats.
Il y a bien eu une proposition, sous la forme d'un contreprojet à l'initiative «1000 emplois», faite par Mme Fischer et qui était tout à fait intéressante en matière d'ouverture d'un droit à la formation qualifiante pour les personnes au chômage. Ce contreprojet a été refusé par une majorité de ce parlement - et je le regrette -, mais enfin, ce n'était pas une raison pour le Conseil d'Etat de s'arrêter là.
Dans ce projet de budget, le Conseil d'Etat met en exergue le bonus employabilité. Mais le bonus employabilité, d'abord, c'est essentiellement de l'argent fédéral, et en plus, une fois encore, c'est une aide aux entreprises, puisque c'est l'argent public qui vient financer les entreprises pour les encourager à embaucher des personnes au chômage, au lieu de venir en aide directement à ces chômeuses et ces chômeurs.
S'agissant de contrôle du marché du travail et de l'économie, les déficits, les manques de moyens de l'Etat sont également criants. Ils sont manifestes depuis longtemps, ce budget ne les résout pas. On a pourtant vu, avec les séquences Smood puis Uber, qu'il y avait, d'une part, une vraie nécessité d'encadrer davantage l'économie et de restreindre les possibilités d'actions d'entreprises qui reposent sur une précarisation massive des travailleuses et des travailleurs; d'autre part, un manque de contrôle, puisqu'une entreprise comme Smood s'est comportée comme un véritable voyou en ne respectant ni la législation sur le travail ni le salaire minimum cantonal.
Enfin, il y a, dans ce projet de budget, une volonté affichée intéressante du point de vue de l'environnement, puisqu'on nous dit qu'il faut répondre aux défis liés à la transition écologique, qu'il faut soutenir l'essor de l'économie circulaire et de l'économie locale de proximité. Mais là encore, on se contente souvent de venir en aide aux entreprises avec de l'argent public censé aider celles-ci à changer leur modèle de business, et, surtout, il y a une contradiction manifeste avec la politique globale en matière d'économie portée par le Conseil d'Etat, qui s'est faite notamment par le biais de la RFFA, que les Verts, au sein du Conseil d'Etat, soutenaient aussi bien que le PLR et qui a mené à baisser massivement l'impôt sur le bénéfice de la plupart des entreprises. Il est vrai - M. Zweifel l'expliquait tout à l'heure - que les entreprises à statut ont vu leur impôt croître un petit peu.
Une voix. Ah ! Enfin !
M. Jean Burgermeister. Un petit peu, le moins possible évidemment, au point que l'Union européenne et les Etats-Unis nous reprochent maintenant d'avoir un taux d'imposition trop bas. Ce ne sont pas de dangereux bolcheviks qui le disent. En fait, ce qui s'est passé, c'est que cette réforme a accru massivement la dépendance du canton envers le secteur du négoce international, c'est-à-dire envers le trading essentiellement, qui est d'abord un fléau écologique, qui est un domaine d'action essentiellement parasite - pour reprendre un terme utilisé tout à l'heure -, et il est absurde que le même Conseil d'Etat qui promeut ce domaine d'activité, qui n'a rien à voir avec l'économie circulaire, l'économie locale de proximité, et qui ne va pas du tout en direction de la transition écologique, vienne ensuite nous demander de dépenser encore davantage d'argent pour venir en aide à des entreprises pour qu'elles changent leur modèle de business.
Vous voyez qu'il y a une contradiction manifeste: pour l'essentiel, le Conseil d'Etat vient en aide à des entreprises qui souvent nuisent à l'environnement, et ensuite, on nous fait croire qu'il y a une préoccupation pour l'économie circulaire dans cette politique publique. C'est évidemment, largement, très nettement insuffisant. Voilà, je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, très chères et chers collègues, en préambule, j'aimerais rappeler que chaque fois que l'Etat a donné des montants aux entreprises, cela a permis de garantir l'emploi et donc de payer des salaires aux employés.
J'aimerais aborder deux points par rapport à l'économie et à l'emploi. Le premier point concerne le salaire minimum. Nous avons eu l'occasion d'auditionner à la commission de l'économie Mme Christina Stoll, la directrice de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au sujet d'un texte qui avait été déposé devant la commission et qui concernait justement ce salaire minimum. Mme Stoll nous a permis d'être au clair et bien à l'aise sur les distinctions à faire, en particulier entre les jobs d'été, sporadiques, les jobs d'étudiants, à plus long terme ou réguliers, ainsi que l'investissement des jeunes dans des colonies d'été ou d'hiver. C'est ainsi que nous avons pu savoir exactement quelles étaient les conditions et quels étaient les types de populations ou de salariés touchés par ce salaire minimum.
Il est évident que la dernière décision du Conseil national bouleverse un certain nombre de choses, et nous attendons avec impatience le projet de loi que le Conseil fédéral va devoir rédiger à cet égard. A ce sujet, j'aimerais préciser qu'on ne peut pas toujours invoquer les bienfaits du partenariat social et, en parallèle, systématiquement lancer des initiatives lorsque justement les partenaires sociaux n'arrivent pas à s'entendre pour régler des problèmes qui peuvent se poser par secteurs ou par régions, s'agissant des salaires, des vacances ou d'autres objets liés au droit du travail. On ne peut pas non plus invoquer systématiquement les bienfaits du partenariat social et sabrer le meilleur accord que le Conseil d'Etat ait jamais conclu avec les représentants de la fonction publique.
Le deuxième point sur lequel je voulais intervenir - M. Burgermeister l'a abordé très légèrement -, c'est cette fameuse task force employabilité - je préfère le terme de groupe de travail. Nous avons eu l'occasion lors d'une dernière séance de la commission de l'économie d'avoir un premier aperçu du rapport de ce groupe de travail, qui n'est pas définitif. Je ne me souviens pas d'ailleurs si M. Burgermeister était présent ou non, mais il est vrai qu'on nous a signalé que les syndicats n'avaient pas participé à toutes les séances de ce groupe de travail et que, comme M. Burgermeister, ils sont là de temps en temps, de manière intermittente plutôt que régulière, lorsqu'il s'agit de traiter de problèmes de fond.
On l'a abordé hier aussi, l'employabilité est en relation directe avec le taux de chômage que nous connaissons à Genève, d'un peu plus de 3%, et non pas de 10%, comme s'obstine à le marteler un certain groupe de cette assemblée, qui n'a toujours pas compris la différence entre les chiffres du BIT, qui sont des sondages, et les chiffres du SECO, qui sont des statistiques. Il s'agit simplement d'une question de définition et de vocabulaire. Les premiers éléments que nous avons eus par rapport aux résultats de ce groupe de travail, qui vont très certainement être affinés, laissent augurer un bon développement à cet égard. Le groupe démocrate-chrétien refusera cette politique publique afin d'être cohérent avec la position qu'il a prise. Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, tout d'abord, nos conseillers d'Etat peuvent penser ce qu'ils veulent au sujet de la RFFA, mais, j'aimerais quand même le rappeler, l'ensemble du groupe des Verts a voté pour l'amendement à 16%; nous n'étions pas totalement opposés à la RFFA et à son principe. Nous étions d'avis, évidemment, que le taux était bien trop bas et nous étions pour cet amendement à 16%. Finalement, nous avons aussi, en assemblée générale du parti, appelé à voter non à cette RFFA. Nous ne nous laisserons donc pas prendre en otage avec ce qui a été dit au sujet de nos conseillers d'Etat - de l'époque, d'ailleurs.
Une voix. Je ne vous ai pas pris en otage, j'ai dit: «les Verts au Conseil d'Etat» !
M. Pierre Eckert. «Les Verts au Conseil d'Etat» ! Il n'y en avait qu'un à l'époque, d'accord ? (Rire. L'orateur rit.) Bien ! Nous soutenons globalement cette politique publique et notamment les nouvelles impulsions données par la conseillère d'Etat Fabienne Fischer, mais il est vrai qu'il s'agit d'une transposition du programme de législature de l'entier du Conseil d'Etat, qui a été défini par les conseillers d'Etat actifs au début de la législature.
Il s'agit notamment de développer des modèles d'affaires durables, de favoriser une économie libre, responsable, diversifiée, circulaire et solidaire. Nous avons à Genève un tissu d'entreprises très diversifié. Toutes ne sont cependant pas outillées pour le futur, notamment celles qui vivent sur le carbone, sur la bulle carbone. Il s'agit donc clairement d'accompagner les entreprises dans la transition, par exemple à travers un soutien aux nouvelles entreprises innovantes ou pour la reconversion d'entreprises existantes. Il est bien entendu aussi essentiel de soutenir les employées et les employés dans ces transitions, ainsi que d'investir largement dans la formation.
Nous notons notamment avec satisfaction le soutien au développement de différentes formes de tourisme doux et à la finance durable, accélérant le positionnement de Genève comme plateforme internationale de la finance de demain, parce qu'évidemment, ce que nous finançons est également un problème: tout le financement dans le carbone doit être modifié, non seulement pour des raisons idéologiques, mais aussi simplement parce qu'il n'a aucun avenir et va certainement se casser la figure assez rapidement.
A la commission de l'économie, nous avons également entendu les résultats prometteurs - malgré ce qui peut en être dit - du bonus employabilité. Celui-ci permet de majorer la participation financière fédérale des allocations d'initiation - les fameuses AIT - et de soutenir un plan de formation. Nous nous réjouissons de recevoir les résultats d'évaluation de ce projet pilote.
Pour revenir au salaire minimum, cela a déjà été dit par M. Guinchard, nous avons noté beaucoup de bonne volonté de la part des partenaires sociaux - il y a eu des discussions assez larges, notamment pour la mise en oeuvre de ce salaire minimum, pour un certain nombre de cas particuliers. On a parlé des apprentissages, on a parlé des jobs d'été, on a parlé des stages. Et là, il y a des discussions importantes qui se passent entre partenaires sociaux. Evidemment, les syndicats patronaux n'étaient au départ pas favorables au salaire minimum, mais ils font preuve de bonne volonté s'agissant de la mise en oeuvre de cette loi, de la meilleure façon possible.
A ce propos, nous regrettons de manière extrêmement vive le coup de poignard assez violent donné par le Conseil national à ce partenariat social, ayant pour conséquence qu'on ne va plus pouvoir utiliser, en tout cas dans un certain délai - on ne sait pas très bien lequel -, le salaire minimum pour les branches qui disposent d'une CCT nationale. Nous regrettons beaucoup cette décision, surtout de la part de nos conseillers nationaux de l'UDC, du PLR et du Centre. Nous pensons que c'est une violation crasse de la volonté populaire et du partenariat social.
A notre sens, il est important que la politique donne une orientation à l'économie consistant à ne pas simplement laisser se développer le libre marché. Comme on le sait, le libre marché ne se soucie pas trop d'éthique ni des ressources de la planète et contribue donc largement à l'effondrement de la biodiversité et à l'importante augmentation du taux de gaz carbonique dans l'atmosphère.
Il est donc urgent de soutenir la transition de l'économie, tout en préservant bien entendu sa diversité. La semaine dernière, le Conseil d'Etat a déposé plusieurs projets de lois d'investissement, dont 66 millions pour le soutien à la transition des entreprises. Soutenons ces démarches en adoptant cette politique publique et en votant le budget dans son ensemble ! Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette politique publique est en effet extrêmement importante pour notre canton. Comme le reste du monde, nous sortons de cette crise covid qui a chamboulé l'économie et principalement le marché du travail. Et, on le sait, même si on s'écharpe entre PDC, MCG ou UDC sur les chiffres - à savoir les chiffres du chômage ou ceux du BIT -, il n'en demeure pas moins que notre canton souffre, malheureusement, en matière de chômage, de personnes en recherche d'emploi, de marché du travail.
Maintenant, on voit que cette sortie de crise covid a passablement modifié le marché du travail. On peut constater que certains secteurs qui aujourd'hui connaissent des pénuries en matière d'embauche, des secteurs émergents... Et là, on ne peut que se réjouir des travaux de la task force employabilité, cette task force que notre parlement demandait depuis un certain nombre d'années - la commission de l'économie avait notamment déposé une motion demandant, même si cela ne s'appelait pas une task force, que le Conseil d'Etat puisse avoir une vision d'ensemble de l'emploi, du chômage et de la formation. C'est chose faite avec cette task force, avec pas moins d'une trentaine de mesures très concrètes qui sont proposées. Maintenant, nous sommes dans un débat budgétaire, nous ne pouvons qu'espérer que les moyens suffisants soient donnés en matière de reconversion et d'insertion professionnelles, de qualification, de requalification pour une insertion dans le marché de l'emploi.
Et puis, on le mentionnait, notre marché de l'emploi, qui connaît dans certains secteurs des pénuries de main-d'oeuvre... Et là, on peut voir qu'il n'y a pas d'effet négatif du salaire minimum: aujourd'hui, des secteurs dont les salaires sont usuellement les plus bas n'arrivent pas à recruter par manque de main-d'oeuvre disponible, et ce n'est pas l'inverse ! Ce n'est pas que les entreprises ne recrutent pas parce qu'elles n'en ont pas les moyens à cause du salaire minimum, mais c'est bien le phénomène inverse. On voit justement qu'aujourd'hui, au sein des nouvelles générations, il y a une mentalité véritablement différente et qu'elles cherchent à trouver un sens au travail. Je pense qu'il est très important de prendre cet élément-là en compte et qu'il faut des conditions salariales décentes.
Naturellement, quand on parle de salaire minimum, on est obligé d'évoquer - mes différents préopinants l'ont fait - le coup de poignard au niveau fédéral. Notre canton a souverainement, démocratiquement décidé d'un salaire minimum, ce qui est parfaitement normal. Quand on dit que c'est une atteinte au partenariat social, je peux l'entendre, mais est-ce que le partenariat social fonctionne lorsque à Genève, on peut gagner moins de 4000 francs ? Non ! Non ! Le résultat - la réponse est là -, c'est que le partenariat social ne fonctionne pas complètement, puisqu'on ne peut légitimement pas accepter que, dans un canton, des personnes travaillent et n'arrivent pas à vivre du fruit de leur travail. Le parti socialiste, par cohérence, votera cette politique publique, parce qu'il souhaite doter l'Etat des moyens suffisants pour être un acteur du marché du travail et de la politique en matière d'emploi.
M. André Pfeffer (UDC). Comme l'avait déjà indiqué l'un de nos excellents rapporteurs de minorité, l'économie genevoise est très fertile et très créatrice de postes de travail. Je crois qu'il est important de rappeler deux chiffres: fin août 2022, il y avait 24 439 emplois vacants annoncés à Genève. A la même date, il y avait 14 489 personnes inscrites à l'office cantonal de l'emploi. Bref, à Genève, il y a plus de deux postes vacants - si on considère les postes vacants annoncés et non annoncés - pour une personne inscrite à l'office cantonal de l'emploi.
Auparavant, on a parlé de la différence entre le taux de chômage SECO, qui s'applique dans toute la Suisse - pour lequel on compte uniquement et exclusivement les personnes inscrites à l'office cantonal de l'emploi -, et la méthode du BIT, mesurant le taux de chômage qui s'applique dans tous les pays de l'Union européenne, sauf la Suisse. Il est vrai que cette deuxième méthode - celle du BIT - est basée, pour une partie, sur des statistiques, où on estime effectivement via des sondages le nombre de personnes à la recherche d'un emploi, même si elles ne sont pas inscrites dans un office régional de placement.
Pour l'UDC, Genève doit absolument appliquer, en plus de la méthode de chômage SECO, la méthode du BIT - méthode qui, encore une fois, s'applique dans toute l'Union européenne -, parce que nous sommes confrontés, dans un bassin global... Evidemment, nous devons avoir des statistiques se basant sur la même méthodologie que celle utilisée en France voisine. C'est seulement en utilisant des statistiques basées sur les mêmes critères que nous pourrons appliquer une politique d'emploi sérieuse et efficace. Nous devons le faire pour nos très très nombreux - plus de 14 000 - Genevoises et Genevois inscrits au chômage et aussi pour pratiquement autant de personnes qui ne sont pas inscrites mais qui recherchent également un emploi. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Comme l'a dit mon préopinant, c'est vrai que la situation du chômage à Genève est loin d'être réjouissante. Il y a les chiffres officiels, les chiffres suisses du SECO, qui sont en dessous de 5%, mais il y a une autre réalité, qui apparaît à travers les chiffres du BIT, une statistique reconnue internationalement et qui permet une comparaison avec d'autres pays ainsi qu'avec le Grand Genève, c'est-à-dire la région qui nous environne et avec laquelle nous formons un ensemble économique. Ces chiffres du BIT sont, eux, inquiétants. Ils sont inquiétants parce que, selon les dernières statistiques, on atteint environ 10% de chômage.
Pourquoi obtient-on cette différence ? Parce que les statistiques suisses ne prennent pas en compte les personnes en fin de droit ni certaines personnes qui aspirent à aller sur le marché de l'emploi mais ne correspondent pas aux normes helvétiques. C'est quelque chose d'important. C'est un désarroi - pour ceux qui sont à l'Hospice général également. Il y a un grand désarroi à ce niveau-là. Tout récemment encore, je rencontrais un jeune de 29 ans, en fin de droit, il est à l'image de beaucoup de personnes dans ce canton, des personnes en rade, qui pourraient donner beaucoup à notre société, mais qui sont écartées. C'est pour cela que le MCG tient beaucoup à la politique de préférence cantonale, politique initiée il y a déjà bien longtemps par un... A l'origine, il y avait une pétition du MCG; il y avait un magistrat PLR qui a initié cette politique, de manière plutôt timide, mais c'est vrai qu'il était dans une toute nouvelle direction, on pouvait donc lui laisser le... Comment dire ? ...le bénéfice du doute en lien avec l'inexpérience. Ensuite, nous avons eu Mauro Poggia, qui s'est beaucoup engagé dans cette politique.
Ce que j'aimerais, c'est que cette politique soit poursuivie, avec acharnement et détermination. Parce que les derniers chiffres que nous avons obtenus à la commission des finances, au travers des questions transversales, démontrent qu'on arrive à plus de 10% de permis G frontaliers dans certains services, par exemple dans l'informatique et à l'office des transports; et nous voyons que dans certains services sensibles, nous ne réussissons pas à recruter localement et que nous devons importer massivement de la main-d'oeuvre, ce qui pose des problèmes également à notre système de formation.
Cette politique, pour le MCG, est capitale, parce que c'est par elle que nous pourrons trouver la prospérité de notre canton. C'est par elle que nous pourrons trouver également une cohésion sociale, que beaucoup évoquent au sein de ce parlement. C'est une question tout à fait centrale et nous pensons que ce qui est fait actuellement n'est pas suffisant, il faut aller beaucoup plus loin. Néanmoins, nous voterons la politique L, parce que nous ne pouvons pas faire la politique du pire, à savoir vouloir plus et voter non par caprice. Nous voterons oui, en espérant que les prochains députés et les prochains conseillers d'Etat feront plus et feront mieux en la matière.
M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je remercie mon collègue Burgermeister pour ses théories sur l'employabilité et sur la task force. Encore aurait-il fallu que les syndicats ne quittent pas, ne claquent pas la porte de la task force employabilité ! La politique de la chaise vide n'est pas forcément la meilleure des solutions, surtout quand on vient donner des conseils. Ça, c'est la première réflexion.
Sur la formation aussi, on a un décalage notoire ! Il y a eu la Cité des métiers, et de nouveau, pour ce qui est des syndicats, je n'ai pas vu beaucoup de monde sur les stands au cours de la semaine pour aider dans les espaces concours, pour corriger, remettre les prix, pour les inaugurations. Dans l'espace de la formation, je n'ai pas vu beaucoup de monde ! Alors c'est très bien de décréter qu'il faut une task force pour que les gens puissent changer de métier ! Simplement, d'un point de vue patronal, on aimerait aussi que les syndicats s'engagent un tout petit peu dans la formation professionnelle. Alors je les remercie, en tant que président de commission paritaire, d'avoir déjà accepté les fonds pour qu'on puisse travailler, mais je regrette de ne pas avoir vu grand-monde, en tout cas dans ce qu'on pourrait appeler l'opérationnel, c'est-à-dire mettre les salopettes pour travailler. Ça, c'est le premier constat.
Ensuite, concernant l'aide aux entreprises, je relève le vocabulaire insupportable qui est employé quand on considère l'entreprise comme étant composée d'un administrateur et d'un actionnaire. Je me demande s'il y en a qui travaillent dans des entreprises ! Comment est-ce que ça se passe ? Vous avez une équipe, où on travaille ensemble, il y a divers postes, diverses responsabilités, chacun fait son travail, et quand l'entreprise est en difficulté, les collaborateurs, les ouvriers, les contremaîtres, les apprentis, tout le monde s'aide, et ça marche; c'est pour le bien de l'entreprise, pas pour le bien d'un gros con d'actionnaire qui fume le cigare et qui ne fait rien du tout ! C'est juste une équipe, où on travaille ensemble. (Commentaires.) J'aimerais donc bien qu'on puisse voir cela, parce que 80% du tissu économique suisse, ce sont des PME, avec des gens qui ont des rapports plus que professionnels, souvent amicaux, parfois même plus serrés, avec un esprit de transmission de valeurs, et où, en tout cas dans la région, on aide aussi des jeunes en difficulté. Ça, j'y reviendrai tout à l'heure.
Pour ce qui est du grand fonds de la transition énergétique, alors là, c'est magnifique ! On a des audits de performance énergétique... Je fais simplement un petit constat: il y a dix ans, j'ai déménagé mon entreprise, je voulais installer une chaudière à bois mutualisée. Je n'ai pas eu le droit ! Je n'ai pas eu le droit de mettre des panneaux solaires ! Dix ans plus tard, je suis au même endroit; par contre, je peux mettre des panneaux solaires ! J'ai juste perdu dix ans et je n'ai pas pu installer de chaudière à bois. Alors la transition énergétique, super ! Le plus gros obstacle, en fait, c'est l'Etat ! C'est l'Etat qui m'a emmerdé...
Des voix. Oh ! (Commentaires.)
M. Serge Hiltpold. ...à ne pas me laisser installer des panneaux solaires. Maintenant, on est au même endroit. On est au même endroit exactement ! J'ai juste perdu dix ans, l'investissement est à zéro, et maintenant, pour obtenir des panneaux solaires, je vais attendre une année. (Commentaires.) Voilà encore un exemple d'inefficience !
Pour ce qui est, à nouveau, du vocabulaire employé quand on oppose les secteurs, ça aussi, c'est pénible, parce que, dans l'économie, vous avez tout type de secteurs, que ce soit l'agriculture, le secteur secondaire, le secteur tertiaire, et vraiment, je vous le dis en tant qu'entrepreneur, vous ne pouvez pas les opposer ! On a tous besoin les uns des autres ! Moi j'ai besoin d'un banquier pour financer une machine que je dois acheter; j'ai besoin d'un assureur quand je fais une casse d'outils ou quand un de mes collaborateurs plante une camionnette; j'ai besoin d'un restaurateur, de tout un service de traiteur. Il faut vraiment travailler ensemble, avoir ce partenariat où on travaille tous ensemble, en tout cas au niveau genevois et romand. Je soulignerai encore qu'on dresse un tableau très négatif de l'économie, alors qu'on a le taux de chômage le plus bas d'Europe et une région qui est la plus dynamique ! La région de l'arc lémanique est exceptionnelle !
Alors il n'y a pas besoin de faire des grandes théories pour les entreprises ! Il faut simplement, de temps en temps, écouter et prendre en compte ce qu'on dit, parce que, quand on pense qu'une société comme Rolex part à Fribourg, alors que son socle est genevois, ça interroge quand même. Ça interroge quand même ! Mais pourquoi ça interroge ? Parce qu'on tape sur les entreprises, on tape sur les entrepreneurs et on tape sur ceux qui créent de la richesse ! Ça, c'est le grand problème qu'on a. Et au bout de trois législatures, je suis stupéfait de voir qu'on se francise ! La force de la Suisse, c'était l'égalité, en tout cas pour ce qui est de la considération qu'il y avait pour les entreprises; maintenant, on a un système français, où celui qui est entrepreneur est un paria ! Et ça, c'est un constat malheureux. Je peux vous dire qu'il n'y a en réalité pas besoin de faire beaucoup de choses, mais quand on leur tape dessus à longueur d'année, les gens vont ailleurs ! C'est assez simple ! L'économie, c'est un flux, un écosystème, où les uns et les autres sont solidaires, et la seule chose que je demanderai, en tout cas à ce parlement, c'est de nous laisser travailler ! Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Vous ne vous étonnerez pas si mon intervention va dans le droit fil de ce que vient de dire le député Serge Hiltpold. Moi, je m'inquiète de l'incompréhension du monde économique du côté du département de l'économie et de l'emploi. Nous recevons régulièrement des newsletters sur des diagnostics actions, sur des réunions concernant le management durable, avec des discours totalement lénifiants sur ce qu'est l'entreprise, sur ce que sont les PME, sur les nécessaires circuits courts. Et puis on comprend que, manifestement, ce département n'a pas réussi à créer des liens de confiance ou à comprendre le tissu économique genevois, qui est aussi composé de grandes entreprises.
On constate que ce lien de confiance fait cruellement défaut quand notre conseillère d'Etat apprend dans «La Matinale», sur les ondes de la RTS, la fusion d'un des fleurons de notre économie avec une autre entreprise. Ça fait évidemment désordre et ça a une signification: manifestement, la conseillère d'Etat chargée de ce département n'a pas noué ces rapports de confiance, peut-être parce qu'elle n'en a pas envie ou qu'elle n'a pas voulu comprendre ce que sont les enjeux et les besoins de ces grandes entreprises, qui n'ont d'ailleurs pas attendu 2022 pour avoir une vision de la durabilité et de la finance durable.
Cette incompréhension se manifeste aussi dans le soutien de cette majorité de gauche, de ces quatre conseillers d'Etat qui ont soutenu l'initiative 185, qui vise à augmenter massivement l'impôt sur la fortune, donc l'impôt de ces entrepreneurs, et, Madame Fischer, je vous apprends quelque chose - parce que, dans une interview au journal «Le Temps» parue en juin dernier, vous n'aviez manifestement pas compris que les entrepreneurs et les entreprises sont également concernés, que la fortune commerciale fait partie de la fortune et qu'elle fera l'objet d'une augmentation massive de l'impôt sur la fortune. C'est un scoop, je vous l'apprends, et c'est important que tout le monde en ait bien conscience.
Evidemment, si les Genevois votent cette initiative 185, un certain nombre de grands entrepreneurs, de personnes qui financent notre Etat social, qui financent l'enseignement, qui financent la culture, qui permettent d'avoir un Etat social très fort, seront tentés non seulement de partir eux-mêmes, mais en plus de partir avec leurs emplois, leur savoir-faire et ce qui fait la fierté et l'innovation de notre canton et nous permet de financer notre Etat. Voilà l'inquiétude dont je voulais vous faire part, Monsieur le président, chers collègues. Merci.
Une voix. Merci, Alexandre !
Mme Patricia Bidaux (PDC). Une inquiétude supplémentaire qui concerne aujourd'hui le monde agricole: la décision du Conseil d'Etat de revoir le salaire minimum du monde agricole, sachant qu'à Genève, ce salaire est le plus élevé de Suisse. Aujourd'hui, notre secteur agricole est en souffrance. Les intrants et tous les services amenés par ce secteur coûtent plus cher; les énergies - je ne vous l'apprends pas - coûtent plus cher, et pourtant, il y a une volonté consistant à dire: «Nous exigeons encore plus du monde agricole.» Jusqu'à quand continuera-t-il d'être pressurisé comme il l'est aujourd'hui ? S'il y a quelque chose qui ne peut pas déménager, qui ne se retrouvera pas à Bulle, ce sont nos exploitations agricoles. Je vous serais vraiment reconnaissante de tenir compte de cela quand sont prises des décisions porteuses d'une telle influence sur l'état de nos exploitations. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais réagir à l'intervention de M. de Senarclens - vous lui transmettrez, Monsieur le président. Il agite le spectre du départ des entreprises parce que la gauche veut taxer un peu plus les revenus des personnes physiques, c'est-à-dire des gros actionnaires, qui retirent l'argent des bénéfices de l'entreprise pour leur profit privé, plutôt que de le réinvestir dans l'économie réelle. C'est la raison pour laquelle toute la gauche veut également taxer provisoirement les très grosses fortunes, c'est-à-dire la part qui dépasse 3 millions: il y a là un véritable parasitisme, le parasitisme de ceux qui encaissent à titre privé, pour leurs propres intérêts, et qui distraient ces montants de l'économie réelle pour miser sur l'économie de casino. Il y a un intérêt social évident à les taxer pour permettre justement à la société de redistribuer une partie de cette richesse indûment prélevée par vos amis, Monsieur de Senarclens. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Il fallait quand même qu'on revienne à un moment donné sur cette décision fédérale qui a l'air d'énerver un certain nombre de personnes, d'abord pour rappeler quelques vérités, comme dirait mon préopinant, M. Batou.
La première, c'est qu'il n'y a aucune suppression du salaire minimum genevois avec la décision fédérale. La loi genevoise votée effectivement par le peuple reste tout à fait valable, elle le reste d'autant plus pour les domaines qui ne connaissent pas de convention collective de travail ou de convention collective de travail nationale étendue. Je rappelle que pour qu'elle soit étendue, il faut que l'exécutif, qu'il soit cantonal pour une CCT cantonale ou que ce soit le Conseil fédéral pour ce qui concerne les CCT nationales, décide d'abord de l'étendre et qu'il le fasse à certaines conditions, celles-ci étant généralement le fait que les associations syndicales et patronales représentent chacune au moins 50% des employés et des employeurs de la branche. Sur les cinq cantons qui connaissent un salaire minimum, trois ont une restriction, une subordination de ce salaire minimum précisément au fait qu'il y ait ou non des CCT. Les deux seuls qui sont allés plus loin - mais ce ne sont pas des exemples en matière de gestion financière -, ce sont évidemment Neuchâtel et Genève.
Je rappellerai aussi que cette décision nationale corrige une forme d'hypocrisie des syndicats, et certains l'ont déjà dit avant moi: vous ne pouvez pas avoir une discussion et une négociation qui aboutissent à une CCT, avec un syndicat ou des syndicats qui sont d'accord avec un salaire minimum... J'ai entendu je ne sais plus qui - je crois que c'était M. Wenger ou M. de Sainte Marie - demander: «Mais comment peut-on vivre avec 4000 francs ?» Ok, alors pourquoi les syndicats sont-ils d'accord de signer des conventions collectives de travail avec des salaires minimaux inférieurs ? Ils l'ont acceptée ! Ils ont signé cette convention collective de travail et ensuite ils ont poignardé leurs partenaires avec des votations populaires pour contourner ce qu'eux-mêmes avaient signé précédemment ! C'est totalement hypocrite ! (Remarque.) Ça poignarde le partenariat social ! Comment voulez-vous ensuite que la confiance perdure entre ces partenaires ? Je rappellerai enfin qu'une CCT nationale, lorsqu'elle est étendue par le Conseil fédéral, vaut loi fédérale et que la loi fédérale est supérieure au droit cantonal ! (Remarque.) Il n'y a donc pas ici de problème de fédéralisme ou d'atteinte au fédéralisme.
Enfin, et d'autres l'ont dit avant moi, il s'agit avant tout de sauvegarder un modèle de la réussite suisse. En Suisse, les partenaires sociaux privés, syndicats et patrons, discutent et négocient, branche par branche, au niveau national parfois, mais souvent au niveau régional, et on rappelle qu'à Genève, il y a souvent des extensions de conventions collectives, avec des éléments beaucoup plus généreux qu'ailleurs - exemple de la CCT nationale de la construction: d'autres éléments sont discutés au niveau genevois et rendent la situation des maçons à Genève bien meilleure que dans le reste du pays, bien qu'il existe une CCT nationale.
Nous prenons donc en compte ces particularités; les patrons comme les syndicats prennent en compte ces particularités cantonales. On ne veut pas tomber dans un système à la française, où c'est l'Etat qui dicte pour tout le monde et pour tout le pays comment il faut faire. Non, ici, on veut garder ce modèle de la réussite suisse. Ainsi, rien de ce qui a été voté ne supprime ce salaire minimum genevois et il n'y a rien qui aille à l'encontre de cela, bien au contraire. (Applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je dirai un mot pour relever qu'il a en effet été fortement question de cette décision des Chambres fédérales de faire primer les conventions collectives de travail sur le salaire minimum, à juste titre, tant cette décision est choquante. Elle l'est de la part de l'ensemble des Chambres fédérales, mais elle l'est d'autant plus de la part des élus genevois qui ont soutenu ce texte parlementaire.
Il n'est pas inutile quand même de rappeler qu'aujourd'hui, si on baisse les salaires d'un certain nombre d'employés en dessous du salaire minimum voté par le peuple en revenant sur cette décision - un salaire minimum calculé pour permettre aux travailleurs de vivre dignement, et c'est quand même un minimum qu'un employeur rémunère ses employés à un niveau qui leur permette, à eux et à leur famille, de vivre dignement -, ce sont des familles qui devront, pour pouvoir vivre dignement, faire appel, en complément de leur salaire, à des prestations, à des aides sociales, et ça, ça contribue à faire augmenter les charges de l'Etat. En soutenant ce type d'objet parlementaire au niveau fédéral, vous avez, Mesdames et Messieurs des partis de droite, une responsabilité énorme dans la croissance des charges du budget de l'Etat, une croissance des charges que vous passez votre temps à conspuer par ailleurs dans le cadre de ces débats parlementaires. Je pense qu'il était important de le souligner. Pour le surplus, je vous invite à accepter cette politique publique.
Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je dois vous dire que je suis ravie du débat sur cette politique publique, que ce soit sous l'angle de l'emploi et de l'employabilité ou de la promotion économique. Pourquoi ? Parce que, depuis dix-huit mois maintenant, je m'attache précisément à faire prendre un tournant à ce en quoi doit consister notre politique économique, notre politique de promotion économique. Je vous rappelle qu'il y a encore quelque temps, la promotion économique genevoise, c'était essentiellement aller à Shanghaï ou, au hasard, Abou Dhabi, pour voir quelles étaient les entreprises qu'on pouvait faire venir à Genève. Eh bien, depuis dix-huit mois maintenant, la réorientation de notre promotion économique vise prioritairement à soutenir notre tissu économique local. Et si j'ai bien écouté vos débats sur la politique I, il est extrêmement important de soutenir notre tissu économique local, mais plus précisément encore, de soutenir sa diversité.
Vous avez été nombreux à relever tout à l'heure le fait qu'il y avait une dépendance à certains secteurs de notre activité, notamment pour les recettes fiscales, et aujourd'hui, soutenir notre tissu économique local pour garantir sa résilience face aux crises... Vous avez également relevé la question de la sortie de la crise covid. Nous sommes maintenant en plein dans une crise des charges, avec des difficultés d'approvisionnement énergétique et un cortège d'augmentations des charges pour les entreprises, les risques de rationnement, voire de délestage à un moment ou un autre de l'hiver. Pour toutes ces raisons, travailler sur notre tissu économique local, et je parle là de toutes les entreprises installées sur notre territoire aujourd'hui, soutenir la diversité - je pense notamment à celle des secteurs industriel et artisanal à Genève -, renforcer les secteurs qui peuvent faire face à des difficultés, comme le commerce, renforcer notre présence et notre soutien à tous ces domaines, c'est le gage de notre prospérité, de notre prospérité à l'avenir. C'est exactement dans ce sens-là que le Conseil d'Etat a présenté les éléments qui figurent aujourd'hui dans le projet de budget de cette politique publique L.
Ce qui a déjà pu être fait en 2022, ce sont un certain nombre d'actions concrètes en matière de promotion économique, qui ont eu du succès auprès des entreprises: j'en veux pour preuve les quatre cents propositions d'actions qui ont été formulées pour soutenir les démarches d'une cinquantaine d'entreprises dans leur transition. Et puis un certain nombre de projets sont en préparation, que le budget qui vous est soumis doit permettre de renforcer. Aujourd'hui, soutenir les entreprises dans cette transition vers la durabilité, vers une économie locale, de proximité, en circuit court, ce n'est pas simplement une vue théorique, c'est une nécessité pour faire face aux crises dont on sait déjà qu'elles vont survenir. Et si on veut que toutes nos entreprises, du menuisier jusqu'à la banque d'affaires ou à une industrie, puissent faire face à ces crises, maintenir leur compétitivité, maintenir leur capacité à garder leur clientèle, leurs investisseurs et l'ensemble de leur chaîne de valeur, il est aujourd'hui indispensable de le faire, et c'est à cela que s'attache essentiellement le Conseil d'Etat, avec les éléments qui figurent dans ce projet de budget.
S'agissant de l'emploi et de l'employabilité, j'informerai d'abord le député Burgermeister que, comme l'a dit M. Guinchard, la commission de l'économie a eu la présentation complète d'un rapport définitif comprenant une trentaine de propositions de la task force employabilité et que le Conseil d'Etat a, à ce sujet, décidé que les enjeux de l'employabilité ne sont pas seulement des enjeux éphémères liés à une situation particulière, mais qu'ils doivent être portés de manière durable, raison pour laquelle une commission officielle qui devra traiter de ce thème et réunira les partenaires sociaux, y compris les syndicats, va être mise en place rapidement.
La question de la formation, qui est liée évidemment à celle de l'employabilité, est bien entendu une préoccupation centrale du Conseil d'Etat. Sur ces questions-là, vous avez aussi relevé la problématique des chômeurs, des demandeurs et demandeuses d'emploi. La possibilité pour les personnes demandeuses d'emploi de se former sans devoir attendre d'être en fin de droit est une question que j'ai déjà eu en effet l'occasion d'aborder dans le cadre d'une proposition de contreprojet à l'initiative «1000 emplois», mais que le département entend poursuivre, parce qu'aujourd'hui, c'est le plus tôt possible qu'il faut former les personnes qui cherchent un emploi - qu'elles soient chômeuses ou demandeuses d'emploi d'ailleurs - au moyen de formations agiles, courtes, mais qualifiantes et certifiantes. Alors évidemment, toutes ces exigences ne sont pas toujours faciles à mettre ensemble, mais ce sont des propositions qui seront portées sans doute prochainement devant votre Conseil.
Enfin, vous avez eu l'occasion de le voir, plusieurs projets d'importance ont été menés et plusieurs dossiers lourds ont été suivis par le département au nom du Conseil d'Etat concernant la régulation et le contrôle du marché de l'emploi: je fais référence à la modification de la loi sur les taxis et les VTC, qui est en phase de mise en oeuvre - la mise en oeuvre se passe bien. Je fais également référence au dossier Uber et à tout le travail de régulation de l'économie de plateforme, qui a aussi énormément avancé, dans la mesure où on a pu régler le passé; aujourd'hui, l'examen au sein de mes services se poursuit sous l'angle de la réglementation de l'activité pour le présent et pour l'avenir.
Je pense également au projet de loi, renvoyé en commission, visant à lutter contre le travail au noir sur les chantiers et qui doit aussi constituer un soutien extrêmement important pour l'ensemble de l'activité économique, parce que le travail au noir, ce sont des conditions de travail indécentes pour les salariés, c'est une concurrence déloyale pour les entreprises respectueuses des exigences légales, ce sont enfin des trous dans les ressources des assurances sociales. Raison pour laquelle ce projet de modification de la loi sur l'inspection et les relations du travail a été porté conjointement par le Conseil d'Etat et les partenaires sociaux, et je pense que ce sera là une avancée importante dans la détermination à faire respecter les exigences légales. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Je vais m'en tenir à ces éléments. Il y aurait évidemment encore beaucoup à dire. La raison pour laquelle vous avez pu aujourd'hui soulever un certain nombre de questions, prendre certaines positions, c'est précisément que nous avons ramené à Genève la responsabilité de notre promotion d'un tissu économique local, diversifié, fort, résilient et qui contribue à une prospérité partagée équitablement. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote de cette politique publique.
Mise aux voix, la politique publique L «Economie et emploi» est adoptée par 49 oui contre 40 non et 4 abstentions.
Le président. Avant de passer à la politique publique suivante, il me paraît utile de vous rappeler les temps de parole restants: Ensemble à Gauche, quatorze minutes quinze; le groupe socialiste, seize minutes cinquante; les Verts, trente minutes; le PDC, douze minutes trente; le PLR, treize minutes cinquante-sept; l'UDC, vingt-deux minutes quarante-cinq; le MCG, vingt-huit minutes.
Il reste trente-quatre minutes trente au Conseil d'Etat.
S'agissant des rapporteurs, il reste vingt et une minutes à la rapporteure de majorité; six minutes trente au rapporteur de première minorité; vingt-six minutes cinquante au rapporteur de deuxième minorité et vingt et une minutes dix au rapporteur de troisième minorité. (Commentaires.) Monsieur Saudan, il vous reste à peu près...
Une voix. Quelques minutes ! (Commentaires. Un instant s'écoule.)
Le président. Il vous reste trois minutes, Monsieur Saudan ! Je vous accorde trois minutes.
Une voix. Trois minutes et demie !
Le président. On me souffle trois minutes et demie, même !
M - MOBILITÉ
Le président. Nous enchaînons avec la politique publique M «Mobilité». Le PLR et le PDC présentent un amendement au programme M01 «Transport et mobilité», nature 36 «Charges de transfert»: -3 050 000 francs. Il s'agit de supprimer, s'agissant des TPG, le supplément indexation + TVA (15 050 000 - 12 000 000).
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 39 oui et 3 abstentions.
Le président. Je donne la parole à M. Pablo Cruchon.
M. Pablo Cruchon (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, cet amendement montre très bien quelle est la politique du PLR en matière de mobilité. La seule chose que ce parti arrive à faire est un amendement pour supprimer l'indexation complète des salariés des TPG; il n'entend pas du tout discuter de la politique de mobilité de manière sérieuse. J'ai fait le constat que la politique menée par le département va dans le bon sens; mais elle avance avec un frein à main - j'ai utilisé cette formule - qui s'appelle le PLR, le MCG et l'UDC. Ce frein à main, il faut urgemment le débloquer, parce que la mobilité est centrale pour toute une série d'enjeux: à la fois la lutte contre le réchauffement climatique, qui est une urgence vitale pour notre planète, les questions de santé publique et celles de sécurité.
La mobilité occupe une place centrale dans la lutte contre le réchauffement climatique: en Suisse, en 2017, 32% des émissions étaient dus à la mobilité, dont l'immense majorité au trafic individuel motorisé. Il s'agit d'un vrai enjeu pour nous, et aussi d'un véritable moyen d'action pour notre canton et nos communes sur les émissions de CO2: il faut abandonner complètement, ou en tout cas le plus possible, le trafic motorisé individuel. Ça veut dire quoi ? La politique du département va dans le bon sens, mais selon nous, elle est encore trop timide sur un certain nombre de points, notamment la volonté de garder encore un équilibre entre les différents modes de transport. Non ! Aucun équilibre n'est à maintenir avec le trafic motorisé individuel. Ce... (Exclamations.) Non, il n'y en a pas à garder, parce que c'est en train de... (Exclamations.) ...parce que c'est en train de détruire notre planète, parce que c'est en train de détruire les conditions mêmes d'existence de l'humanité à long terme. (Commentaires.) Si le PLR - il grogne au fond, qu'il me laisse terminer - n'est pas capable de prendre ses responsabilités pour transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants une planète viable, Ensemble à Gauche le fera et j'espère qu'une majorité de ce parlement aussi. Nous devons le faire, c'est une urgence, nous avons très peu de temps !
Pour rappel, 66% de la surface des routes sont occupés par le trafic motorisé individuel, alors que 27% des transports réels des personnes sont effectués de cette manière. Il faut drastiquement changer ça ! S'il y a quatre pistes dédiées aux voitures, on en enlève trois, on en laisse une et sur les autres on remplace les voitures par des vélos et des piétons. Voilà ce qu'il faut faire, et de manière urgente ! Il faut casser ça.
Réduire l'offre ne suffira pas ! Il faut développer une autre offre, maîtrisée ! On ne pourra pas faire complètement disparaître le trafic motorisé individuel, il faudra donc trouver une autre manière de l'employer pour se déplacer: dans ce domaine, j'avais interpellé ce parlement à propos d'un service public du trafic motorisé individuel, d'un service public des taxis qui permettrait d'ailleurs de répondre à la cacophonie autour des taxis et des conditions de travail chez Uber. Nous pourrions organiser un service public des taxis placé sous la houlette des TPG, avec un salaire indexé, s'il vous plaît; ces gens-là auraient alors des conditions de travail correctes. On pourrait répondre aux besoins de mobilité individuelle des personnes de manière structurée et intelligente au lieu de favoriser les «vroum vroum» des voitures individuelles qui n'ont rien à faire au centre-ville.
Le département va certes dans le bon sens, mais nous devons être un peu plus innovants pour accélérer le processus de diminution des émissions de CO2. Etre innovant veut dire prendre des risques en la matière, essayer de modifier concrètement les villes, les communes et nos habitudes au quotidien. Cela signifie aussi se tourner vers des solutions que nous n'avons pas l'habitude de voir.
Ensemble à Gauche votera cette politique publique et appelle le département à creuser des idées qui permettent d'accélérer ce processus et d'aller dans cette direction; il appelle aussi le PLR, le MCG et l'UDC à lâcher le frein à main pour que le département puisse faire son travail. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on voit dans le projet de budget que le département entend accélérer la mise en oeuvre de la LMCE et fluidifier le trafic. Je m'interroge ! Alors que nous sommes tous les jours dans des bouchons permanents, depuis l'installation de ces pistes cyclables en forme de pistes d'aviation... (Rires.) Vous pouvez rire, vous ne passez peut-être pas par où je passe. C'est comme ça ! On supprime un peu partout des voies de circulation. On installe des pistes cyclables; c'est adéquat à des endroits, à d'autres ça ne l'est pas du tout. On installe de nouveau un peu partout des refuges au milieu des voies pour gêner la fluidité de la circulation. Cette mise en oeuvre de la LMCE est l'expression d'une interprétation assez particulière de la part du département. Il n'y a pas autant de détails dans la LMCE.
Par contre, d'autres sujets ne sont pas du tout abordés. La traversée du lac, vous l'oubliez: à peu de choses près, rien ne se passe. En ce qui concerne l'aménagement de la ceinture urbaine, puisque en théorie on devrait en avoir une qui déchargerait le centre-ville, qu'est-ce qu'il se passe ? La même chose ! A propos des restrictions de circulation, on supprime des pistes pour les voitures et à peu près toutes les places de parking, sans faire pour autant des parkings en ouvrage: les voitures disparaissent alors dans les nuages. Visiblement, on pénalise à nouveau l'accessibilité en ville, pour les artisans également, et tous les livreurs qui doivent travailler et faire fonctionner les entreprises. Dans le même temps, on débat des 30 km/h, y compris sur les axes structurants. C'est une aberration ! Une fois de plus, de nouveaux bouchons seront créés. Je rappelle que le MCG a fait recours au tribunal dans cette affaire. Ça freine, ça ralentit; on accélère la création de bouchons et on freine le développement de l'économie.
En ce qui concerne les feux, on nous dit qu'on va les coordonner et améliorer les systèmes. La coordination est mauvaise: on s'arrête à tous les feux et on attend des heures avant de pouvoir avancer. La vitesse commerciale des TPG est déjà la plus faible de toute la Suisse; avec les 30 km/h, on ne va pas l'accélérer, on va encore la ralentir. Pour la circulation, on pense à installer un péage en ville. Or qui va-t-il pénaliser ? Les pauvres et les handicapés ! Cela engendrera des frais et n'amènera rien à la circulation en ville. Il n'y a évidemment pas de limitations aux frontières; rien n'est fait pour que nos amis frontaliers français prennent le Léman Express là où c'est possible - car évidemment, ce n'est pas possible partout. Très peu de frontaliers utilisent le Léman Express, à peine 10% semble-t-il, c'est-à-dire rien. Le Léman Express fonctionne, mais ce sont les Genevois qui l'utilisent. Tant mieux, mais ça n'a pas du tout réglé la question de la circulation. L'élargissement de l'autoroute, on en parle à peine, et sur quelques lignes. On ne sait donc pas où on en est: rien ne se passe, ou pas grand-chose en tout cas.
Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, cette politique est une catastrophe ! Une catastrophe ! Comme le MCG veut un budget, on va la voter, mais on va surtout se boucher le nez ! Nous sommes contre cette façon de fonctionner; ça ne fonctionnera pas et on n'arrivera pas aux objectifs que vous voulez atteindre. Merci.
Une voix. Bravo !
M. Philippe de Rougemont (Ve). (L'orateur reste assis.) Le transport est le deuxième poste émetteur de gaz à effet de serre. Hier, nous parlions du bâtiment, maintenant nous abordons les transports. La politique du canton est clairement orientée vers la transition énergétique, pour cesser de payer des factures en milliards aux pétromonarchies...
Le président. Monsieur de Rougemont, en principe, on se lève quand on prend la parole. (M. Philippe de Rougemont se lève.)
M. Philippe de Rougemont. ...pour cesser d'importer des énergies fossiles, de les brûler et de les transformer en gaz à effet de serre, ce qui pollue l'air que nous respirons.
Réduire de 40% le volume du trafic individuel motorisé, tel est l'objectif du Conseil d'Etat. Cela passe par un développement des alternatives, évidemment: les transports publics, les réseaux de pistes cyclables continues et sécurisées, les réseaux piétonniers, qui font l'objet d'une initiative pour laquelle nous récoltons des signatures en ce moment. L'objectif du canton rejoint aussi celui exprimé en votation populaire pour la liberté du choix de mode de transport. Aujourd'hui, la voiture est partout, mais les transports publics et le vélo - surtout le vélo - manquent à la réalisation de ce choix-là. Monsieur et Madame Tout-le-Monde ne peuvent pas, depuis leur logement jusqu'à leur lieu de travail ou de formation, où qu'ils soient dans le canton, se déplacer en sécurité, parce qu'ils ont peur, et ils ont raison d'avoir peur. Pour beaucoup de personnes ici, qui n'ont peut-être jamais cessé de faire du vélo, qui n'ont peut-être jamais acheté de voiture, cela ne pose pas de problème, mais pour Monsieur et Madame Tout-le-Monde, qui se déplacent tous les jours en voiture, il faut sécuriser ces pistes. Il y a juste dix ans, une majorité a accepté l'initiative pour des pistes cyclables sécurisées. Nous sommes très contents de voir qu'un crédit de 20 millions a été voté pour mener des études et passer à la vitesse supérieure sur ce plan-là.
Réaliser cette politique, décarboner les transports et réaliser la liberté du choix demande des investissements et des postes de travail. A propos des investissements, sur les 10 milliards du budget total, 1,6 milliard va au budget d'investissement, dont 720 millions à la transition écologique. En ce qui concerne la partie transports, dont on parle maintenant, un tiers va à la mobilité durable. C'est beaucoup, ça fait grincer de nombreuses dents ici, parce que ça crée du déficit, mais en même temps, c'est bien peu vu l'urgence climatique que tous les partis ont votée dans cette assemblée. Ça semble trop pour être acceptable par tous les partis réunis ici, peut-être juste assez pour recevoir une majorité des voix indispensable tout à l'heure. Pour accompagner ces investissements, six postes ont été ajoutés au département, sur un total de 101 qu'il contient, parce que le développement des transports publics et de la mobilité douce ne se fera pas tout seul. Il ne suffit pas de décréter une baisse de 40% des voitures, de décréter des politiques; cela nécessite une planification attentive, ce que permettront ces postes au budget 2023. Penser le transfert modal de la région transfrontalière vers les transports publics et la mobilité douce demande une planification et des concertations, donc la création de postes. Parmi ces six postes, un vient renforcer le travail de préparation en vue de réaliser douze axes forts d'intérêt cantonal pour le vélo, et cinq équivalents temps plein vont à la coordination des plans d'action mobilité douce, à la mise en oeuvre de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée et à la stratégie de maîtrise de la vitesse des voitures.
Ça, c'est le fonctionnement. Et maintenant, la dette. Petit rappel utile pour la comparaison que je vais faire tout à l'heure, elle est générée quand on ne se contente pas du rendement annuel provenant de l'impôt, mais quand on va lever des fonds supplémentaires par l'emprunt financier qui sera reporté sur les prochaines années, sur les générations suivantes. Lorsqu'on emprunte, on estime que ces générations auront la capacité de payer les intérêts et éventuellement les amortissements. Dans un montant raisonnable, comme c'est le cas aujourd'hui, la dette publique ne pose pas de problème.
Je vous invite maintenant à faire un petit exercice d'imagination et à regarder la question de l'emprunt et de la dette d'une autre façon. Sur le plan de ce que nous nous procurons comme pétrole, kérosène et autres matières que l'on appelle abusivement des ressources, qui ont un stock fini, non renouvelable... Aujourd'hui, nous contractons quotidiennement une dette écologique gigantesque pour nous déplacer; enfin, nous, ce n'est pas tout le monde. On voit du reste de plus en plus de députés venir ici à vélo, quel que soit leur parti politique. C'est donc possible.
Une voix. Pas moi ! (Rires.)
M. Philippe de Rougemont. Tous les partis présents dans cette salle ont voté l'urgence climatique ! Tous ont voté l'urgence climatique - il est quand même important de le rappeler -, mais quand il faut passer à l'acte, c'est parfois une autre musique. C'était fait pour se débarrasser de cet emprunt écologique contracté sur le dos des générations futures. Cette dette-là est une dette mortelle pour toutes les espèces, pour la nôtre aussi. Une autre façon de regarder la dette écologique est d'envisager le débordement de la poubelle des gaz à effet de serre. Cette poubelle, c'est la haute atmosphère !
Pour sortir de cette prise de dette là, la politique des transports du Conseil d'Etat vise à sortir du pétrole et à contracter une dette financière tout à fait supportable. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cette dette écologique, le canton a l'ambition - je finis - de ne plus y contribuer grâce à une baisse des prélèvements fossiles année après année, jusqu'à zéro en 2050. Si cela veut dire emprunter de l'argent sur le marché des capitaux pour développer les alternatives sans énergie fossile et que cela crée une dette financière, continuons à le faire; nous le devons précisément aux générations à venir.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Philippe de Rougemont. Après tout, nous aussi, nous bénéficions des investissements effectués par dette par nos ancêtres, par exemple des barrages hydroélectriques qui alimentent les vélos électriques.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Philippe de Rougemont. Pour toutes ces raisons, malgré certains points préoccupants, comme l'élargissement de l'autoroute, la traversée du lac, l'agrandissement du pont de Lancy, le boulevard des Abarois et la ceinture urbaine par certains aspects...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député. Merci beaucoup.
M. Philippe de Rougemont. ...nous vous invitons à voter cette politique publique. (Applaudissements.)
Le président. Bien, Mesdames et Messieurs, nous allons garder l'intervention de M. Stéphane Florey pour le dessert. (Exclamations. Rires.)