Séance du
vendredi 25 novembre 2022 à
14h
2e
législature -
5e
année -
7e
session -
40e
séance
P 2138-A
Débat
Le président. Nous en arrivons à notre pétition du jour, la P 2138-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. Youniss Mussa, rapporteur de majorité.
M. Youniss Mussa (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, la commission des pétitions s'est réunie à deux reprises, le 13 juin et le 5 septembre 2022, pour traiter la pétition 2138. Dans un premier temps, la commission a auditionné les signataires, représentés par le premier signataire. Il est à noter que lors de l'audition, la commission a appris que celui-ci est l'assistant parlementaire du MCG et que la pétition émane de ce parti. Les propos du premier signataire n'ont pas su convaincre la majorité de la commission: ils étaient particulièrement lacunaires et approximatifs.
La pétition demande à mettre en place des formations d'une année pour les mères de famille et à l'Etat de garantir un emploi à tous les jeunes dans l'année de la fin de leurs études. En plus de cela, elle souhaite une augmentation des subventions en matière de formation, et finalement un durcissement des conditions de délivrance des permis G, attribués aux frontaliers. En bref, en quelques lignes, la pétition aborde des questions de formation, d'emploi, d'économie, de subventions et de délivrance de permis de travail. La majorité de la commission a ainsi considéré que les demandes ne respectaient aucunement une certaine unité de la matière. Pour rappel, une commission ne peut pas amender une pétition, ce qui ne permettait à aucun groupe de la majorité de soutenir le texte dans son ensemble. Lors de nos travaux, la majorité a laissé au MCG deux mois, soit la pause estivale, pour retirer sa pétition et revenir avec des textes scindés et organisés en fonction des différentes thématiques, ce qu'il n'a pas fait malgré la proposition.
Il convient de relever que la majorité considère certaines demandes de la pétition comme fallacieuses, notamment celle concernant les subventions ainsi que celle concernant la formation des mères de famille. Qui imagine des personnes formées sur le tas, en une année, pouvant travailler rapidement dans nos hôpitaux, dans notre police, dans nos écoles ? Ce n'est pas réaliste.
Après avoir laissé par élégance la possibilité au MCG de corriger la pétition - ce qu'il a refusé - et constaté l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre certaines demandes, telles que celle relative à la formation courte pour les mères de famille, considérant que la pétition dans son ensemble ne respecte pas une unité de la matière, une large majorité de la commission - qui comprend Ensemble à Gauche, les Verts, les socialistes, le PDC et le PLR - vous recommande de la classer. La majorité de la commission invite le MCG, s'il le souhaite, à redéposer des pétitions scindées de manière à respecter le principe de l'unité de la matière et à permettre à la commission de faire son travail. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de minorité. Il est vrai qu'il est difficile de se battre après tout ce qui vient d'être dit. Simplement, je vous signale que l'auteur de cette pétition était très motivé. Certes, il a présenté sa pétition un peu trop rapidement et pas de la bonne manière, mais je pense que le travail a quand même été fait; bien que les demandes - c'est vrai, vous l'avez dit - contiennent des éléments fallacieux, certains points qui existent déjà peuvent être améliorés.
J'aimerais vous dire que les commissaires n'étaient pas au courant de l'existence de cette pétition, on l'a appris le soir même. Nous avons discuté avec l'auteur: il n'a pas voulu la retirer ni la modifier. Nous avons tout de même décidé de maintenir la pétition; je pense que le MCG ne peut pas passer à côté de la question soulevée par le titre: «Du travail pour les résidents genevois ! Aidons-les à se former !» Je vous demande donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour obtenir des réponses. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs, cette pétition contient des éléments qui sont entièrement du ressort d'un parti politique: il peut déposer des projets de lois, des motions au Grand Conseil, par exemple pour un renforcement des subventions en matière de formation. On se serait dès lors attendu à ce que le MCG vienne avec des propositions à la commission des finances pour les renforcer. Cela n'a pas été le cas. J'ai donc l'impression que le discours tenu à la commission des pétitions et celui tenu dans le cadre du travail parlementaire sont tout à fait différents. Or, si les partis politiques commencent à utiliser la commission des pétitions pour faire passer de la propagande électorale qui n'est pas cohérente... (Vifs commentaires.) ...qui n'est pas cohérente... (Commentaires.) ...avec le travail de ces mêmes partis au parlement, où allons-nous ?
Deuxièmement, renforcer les subventions en matière de formation, mettre en place des formations très courtes, de moins d'une année, pour les mères de famille qui ont interrompu leur vie professionnelle - je ne sais pas si une formation de moins d'une année est utile -, ces points peuvent typiquement faire l'objet d'un projet de loi ou d'une proposition qui peut être faite ici. Il est encore mentionné une aide de l'Etat - c'est très flou - aux jeunes diplômés pour qu'ils puissent trouver du travail: qui peut s'opposer à ce que l'Etat aide les jeunes diplômés à trouver du travail ?
Mais enfin, c'est la dernière demande qui intéressait fondamentalement le MCG, c'est-à-dire «un durcissement des conditions de délivrance des permis G, en tenant enfin compte des besoins réels de l'économie genevoise». On ne comprend pas: il faudrait tenir compte des besoins de l'économie genevoise, qui précisément fait appel aux permis G - mais ne pas délivrer lesdits permis.
Finalement, plus personne ne comprenait rien à cette pétition. Je vous invite donc à la classer, parce qu'elle ne répond à aucun des critères qui nous permettent de nous déterminer par rapport à ses propositions. Merci.
Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs, malheureusement, cette pétition mélange les thématiques et les problématiques à tel point qu'elle finit par desservir les causes qu'elle entend défendre. Nous le regrettons, mais en l'état il est impossible de soutenir ce texte confus et dépourvu de réalisme. Le Centre, le PDC le regrette, car les mères qui ont fait le choix d'élever leurs enfants éprouvent une grande difficulté à revenir sur le marché du travail lorsqu'elles le souhaitent. Le besoin d'aider les jeunes et la population résidente en matière d'emploi existe effectivement... mais ce texte ne le permet pas. Dès lors, le PDC votera le classement de la pétition, comme la majorité de la commission. Merci.
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme le rapporteur de majorité ainsi que mes préopinants l'ont souligné, la présente pétition manque d'unité de matière. Une pétition ne pouvant être amendée, la majorité de la commission ne voyait pas l'intérêt de réaliser des auditions à propos d'un texte qui n'aurait de toute façon pas été soutenable en l'état.
Cela étant dit, nous saluons l'effort réalisé par le premier signataire pour soutenir les femmes, en particulier les mères de famille, et pour être allé, selon ses propres mots, dans le sens des revendications de la grève des femmes de 2019. Nous l'encourageons à poursuivre son engagement en ce sens, sans pour autant s'en prendre aux frontaliers et frontalières. Le groupe des Verts, Mesdames et Messieurs, votera contre le renvoi ainsi que contre le dépôt de cette pétition et soutiendra par ce biais son classement, comme cela a été fait en commission. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Je crois qu'il y a un gros malentendu dans ce Grand Conseil sur ce qu'est une pétition. Une pétition est un espace de liberté; d'ailleurs plusieurs groupes en profitent, parfois même en abusent, et on ne le leur reproche pas. Bien sûr, certains voient très mal que l'on parle du sujet tabou qui est celui des frontaliers. C'est pourtant ce sujet-là qui est central. Or il fait peur.
On nous parle d'unité de matière. Mais c'est vous tromper de registre ! C'est dans un article de loi qu'il doit y avoir l'unité de matière ! Dans une pétition, il y a une totale liberté d'expression. C'est justement parce que le projet de loi est trop étroit et ne permet pas de parler de certains sujets qu'il faut les aborder au travers d'une pétition, ce qu'a fait l'auteur. Je tiens quand même à préciser un élément: le MCG a été consulté à propos de cette pétition. Elle a même circulé sur nos stands de manière assez large.
Nous avons donc bel et bien... Nous soutenons entièrement cette pétition. Pourquoi ? Comme l'a dit une préopinante, il est important de défendre les mères de famille et de leur donner des objectifs, qu'elles ne restent pas soit à l'aide sociale, soit dans la précarité ou la misère. Qu'on leur donne la possibilité de se former grâce à des formations courtes ! Ces formations courtes, d'une année, il y en a, elles existent, mais elles doivent sans doute être développées, le dispositif doit être amélioré pour répondre aux besoins de cette classe de personnes.
Je crois qu'il faut arrêter d'être ultra-sélectif et de jeter toutes ces personnes qui n'arrivent pas à avoir un niveau de formation de quatre, cinq ou sept ans. Des mères de famille ont aussi... Il y a une vie de famille, une vie individuelle. Il faut tenir compte de ce côté humain, et c'est ce que demande fondamentalement cette pétition. Une pétition, celle-ci comme d'autres du reste, ne doit pas être prise au pied de la lettre: ce qu'il faut comprendre, c'est son esprit. Si on pense à l'avenir des femmes, si on voit qu'il y a une concurrence frontalière - ce qui est l'évidence, il faut vraiment être bouché pour ne pas le voir -, il faut voter le renvoi au Conseil d'Etat, qui en fera ce que bon lui semble. Il faut donc impérativement la renvoyer au Conseil d'Etat. Merci.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, dire qu'il n'y a pas d'unité de matière est un prétexte qui fait rigoler: s'il y avait une pétition en vue de débloquer des sous pour les migrants sans papiers, les clandestins, je pense que personne ne nous dirait qu'il faut commencer par respecter la loi fédérale sur les étrangers... (Exclamations.) ...qu'on doit l'appliquer avant d'entrer en matière. Il y a là deux poids deux mesures.
Qu'est-ce que ça fait que ce soit un député ou un membre du MCG qui ait déposé cette pétition ? Est-ce que tout le monde n'a pas le droit de déposer une pétition ? Du reste, 550 personnes l'ont signée, je ne sais pas si elles sont toutes membres du MCG.
Sur le fond, je remarque que le message du parlement est assez grave. Le parlement préfère en effet aider le monde entier; alors là, on est tout à fait d'accord, même s'il n'y a pas unité de la matière. Pourtant, quand il s'agit d'aider nos propres concitoyens qui ne trouvent plus de travail, parce que le marché est inondé, parce qu'on est envahis par les permis G - c'est vrai, c'est une réalité ! -, pas seulement par les voitures, mais aussi par les gens qui viennent travailler ici et prennent le travail des résidents... Ceux qui viennent de l'étranger ne sont pas tous des ingénieurs ou des physiciens du CERN.
On est là pour défendre les citoyens genevois. Je remercie le conseiller d'Etat, M. Poggia, de le faire, mais ce n'est pas assez. Le message doit être clair: on devrait défendre cette pétition sur le fond et, sur le principe, les citoyens genevois. Il y en a tellement qui sont en rade maintenant ! Je ne sais pas où vous vivez, mais je constate que beaucoup de personnes ne trouvent plus de travail. Et c'est à cause, en grande partie, des gens qui occupent des emplois; que ce soient des frontaliers ou non, ce n'est pas la question, mais en tout cas ce sont des gens de l'Union européenne. C'est donc le moment de défendre le citoyen genevois, on est élus pour le faire. Il ne devrait y avoir personne au chômage, mais tous les postes, maintenant, sont occupés par des gens de l'Union européenne. Partout ! Le citoyen genevois est en minorité ! On est chez nous, mais maintenant on n'est même plus chez nous ! Les gens courbent l'échine. (Exclamations. Commentaires.) Mais c'est vrai ! Vous avez tous des postes, vous êtes tous employés ! Vous avez tous des bons postes, des bons salaires ! Il y a énormément de gens qui souffrent à Genève, c'est le moment de s'en occuper et pas seulement du monde entier, de se donner bonne conscience tout en ignorant ce qui se passe chez nous ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Jean Romain (PLR). Je ne vais pas aller exactement dans le même sens. Evidemment, on est d'accord: il n'existe pas une obligation d'unité de matière pour une pétition. La pétition est un texte que le citoyen ou un groupe de citoyens - et, c'est vrai, peu importe son origine - veut déposer. C'est son droit, et s'il veut sauter du coq à l'âne, eh bien c'est encore son droit. C'est peut-être malheureux, mais c'est son droit. Il est en revanche plus ennuyeux que lorsque nous y répondons ici, nous sautions du coq à l'âne et profitions de la pétition pour nous enfiler dans une direction qui n'est pas exactement celle que ce texte aurait voulue.
Oui, une formation courte pour les mères de famille me semble relativement difficile à mettre sur pied simplement, comme si c'était une sorte de petit module transportable pour mère de famille. Il existe des formations pour ceux qui veulent se former.
Quand j'entends dire qu'il faut tenir compte de la dimension humaine, je suis bien d'accord. Vous pensez bien à quel point ces termes me vont droit au coeur ! Mais quand je me rappelle comment le pétitionnaire s'est présenté devant nous... (Commentaires.) ...comment son arrogance absolue a voulu se déverser dans la salle où nous étions, comment aussi, n'est-ce pas, il a voulu, avec morgue, presque avec agressivité parfois, nous exposer son problème... Eh bien, pour ce qui est de tenir compte de la dimension humaine, pour ma part, je n'en ai pas vu, pas même un menu dégustation ! C'est pour ça que le PLR vous enjoint de suivre le rapporteur de majorité et de voter le classement de cette pétition.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, je vous fais voter sur la décision de la majorité de la commission, à savoir le classement de cette pétition.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (classement de la pétition 2138) sont adoptées par 56 oui contre 20 non (vote nominal).