Séance du vendredi 14 octobre 2022 à 18h20
2e législature - 5e année - 5e session - 32e séance

PL 12795-A
Rapport de la commission de l'enseignement supérieur chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Youniss Mussa, Xhevrie Osmani, Dilara Bayrak, Diego Esteban, Amanda Gavilanes, Marc Falquet, Virna Conti, Badia Luthi, Adrienne Sordet, Jennifer Conti, Glenna Baillon-Lopez, Léna Strasser, Pierre Bayenet, Jean Batou, Katia Leonelli, Eliane Michaud Ansermet modifiant la loi sur l'université (LU) (C 1 30) (Examens écrits anonymes à l'Université de Genève)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 20, 21 mai, 3 et 4 juin 2021.
Rapport de majorité de Mme Amanda Gavilanes (S)
Rapport de minorité de M. Jacques Béné (PLR)

Premier débat

Le président. Nous reprenons le traitement des urgences, en commençant par le PL 12795-A qui est classé en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole à... à la rapporteure de majorité, j'imagine ?

Mme Amanda Gavilanes (S), rapporteuse de majorité. Vous imaginez bien, Monsieur le président, merci beaucoup ! (L'oratrice rit.) Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'ai le plaisir de vous présenter le rapport de la commission de l'enseignement supérieur sur ce projet de loi intitulé «Examens écrits anonymes à l'Université de Genève». La commission s'est réunie à quatre reprises, de novembre 2020 à janvier 2021, pour traiter ce sujet. Lors des séances qui lui ont été consacrées, elle a eu l'occasion d'entendre des membres du rectorat, des étudiants de l'Université de Genève ainsi que des responsables du département de l'instruction publique.

Il est ressorti des débats et des discussions que la mise en oeuvre de l'anonymisation des examens à l'Université de Genève est une question récurrente depuis 2012. En effet, alors qu'il était interpellé à ce propos, le rectorat expliquait cette année-là que la question avait déjà été soulevée quelques années auparavant et qu'il n'entendait pas, pour différentes raisons, suivre la voie d'une anonymisation des examens écrits, jugée trop coûteuse et rarement pertinente. Surpris de la teneur de cette réponse, le comité d'éthique et de déontologie s'était alors emparé de la question et avait saisi le rectorat. Selon le comité, «le processus d'anonymat garantit de manière absolue le traitement équitable des étudiantes et des étudiants partout où il est possible de l'introduire». Il avait par ailleurs également interpellé le Conseil d'Etat à ce sujet. Notons du reste que de nombreuses universités, tant en Suisse qu'à l'étranger, considèrent l'anonymisation des examens comme une norme déjà bien établie.

A la suite de ces discussions, la conception d'un programme permettant l'anonymisation des examens a fait partie des points fixés dans la convention d'objectifs 2016-2019 de l'UNIGE. Pendant de nombreuses années, et malgré ces obligations, l'institution n'a pas entrepris les démarches nécessaires à la mise en place d'un système qui permette cette anonymisation dans toutes les facultés et au sein de toute l'université. Puis est arrivée la pandémie de covid-19; la fermeture des universités suisses a eu un effet secondaire inattendu: elle a contribué au développement et à la mise en place de systèmes de cours et d'évaluation à distance. Le processus d'anonymisation des examens a donc connu une accélération depuis 2020: les évaluations anonymisées sont ainsi passées d'une quarantaine en 2017 et 2018 à 100 en 2018-2019, puis à 530 pour la session de mai-juin 2020. Cette nouvelle réjouissante est le signe qu'il manquait une impulsion pour vraiment mettre en route un processus nécessaire en vue d'assurer l'égalité de traitement à toutes les étudiantes et tous les étudiants de l'Université de Genève. Le département de l'instruction publique est quant à lui attentif à ce que les objectifs convenus en la matière avec l'UNIGE soient respectés et voit d'un bon oeil les améliorations de ces dernières années.

Lors des débats en commission, il a souvent été question de l'autonomie de l'université. Certains élus craignaient que celle-ci se trouve impactée par la modification législative proposée; d'autres - une majorité - y ont vu un moyen d'inscrire le principe fondamental d'égalité de traitement aux examens dans la loi. Cela permet un ancrage fort de cette pratique et évite qu'elle soit déclinée au bon vouloir de la volonté politique des instances universitaires.

Permettez-moi de rappeler ici en quoi consiste l'anonymisation des examens. Elle consiste à cacher le nom et le prénom de l'étudiante ou de l'étudiant afin de garantir que celle-ci ou celui-ci ne subisse pas de discrimination ni, au contraire, ne bénéficie d'un traitement de faveur. Par souci de tenir compte de la dynamique impulsée depuis la pandémie par le rectorat et de consensus, les commissaires ont adapté le texte proposé afin que celui-ci prenne en compte les différentes modalités d'évaluation ainsi que les contextes académiques particuliers qui coexistent à l'Université de Genève. Il était également important pour les commissaires de laisser la marge de manoeuvre nécessaire au rectorat pour faire aboutir les démarches qu'il a entreprises en la matière depuis de nombreuses années, tout en inscrivant dans la loi l'égalité de traitement lors des examens.

C'est ainsi une version amendée que la commission a finalement votée par 8 voix contre 7. Celle-ci met l'accent sur l'égalité de traitement aux examens et non plus sur l'anonymisation. L'article est donc formulé ainsi: «L'université fixe des modalités d'examens qui garantissent un traitement équitable des étudiants et étudiantes. Dans la mesure du possible, l'évaluation des examens écrits est anonymisée.» C'est pourquoi, Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vous invite, au nom de la commission de l'enseignement supérieur, à accepter ce projet de loi tel qu'amendé: il est à la fois nécessaire, justifié et réalisable. Il est temps que l'Université de Genève institutionnalise l'anonymisation des examens demandée par près de 80% de la population estudiantine. Merci. (Applaudissements.)

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité. Une nouvelle fois, comme pour beaucoup de textes proposés dans ce parlement et qui figurent à l'ordre du jour de notre session, il s'agit ici de contrôler une institution phare de notre république au mépris complet de son statut d'établissement autonome. Cela met en péril sa qualité et son dynamisme, reconnus par tout le monde, de même que la motivation de ses organes dirigeants qui sentent un manque de confiance de notre part - le recteur l'a confirmé lors de son audition. La diversité et la reconnaissance de la diversité sont bien évidemment indispensables, mais à force de vouloir tout contrôler, de vouloir tout normer, on casse cette diversité.

L'anonymisation des examens est un leurre qui cache une volonté de tout contrôler dans les plus petits détails, sans lien aucun avec l'égalité des chances à laquelle nous sommes tous attachés. Et ce n'est nullement par l'anonymisation que l'on pourra éviter tout copinage, cela pour la simple et bonne raison qu'il est tout à fait possible, s'il y a connivence entre l'étudiant et le professeur, que l'étudiant mette tout bonnement un petit signe distinctif sur sa copie ! Cela va même plus loin: il peut être très facile de reconnaître une écriture, voire un style si l'examen n'est pas manuscrit. En voulant supprimer des biais par l'anonymisation, on en crée de nouveaux, et cela ne pourra en tout cas pas s'appliquer aux examens oraux, travaux de groupe ou contrôles continus divers. L'impact de ce projet de loi est donc très limité et laisse penser que l'on pourra tout anonymiser alors que ce ne sera pas le cas.

Le recteur nous a confirmé qu'il faut faire une distinction entre les examens anonymes et les évaluations anonymes - c'est très important - et qu'il y a une progression importante de la pratique des évaluations anonymisées à l'université. Il souhaite bien évidemment éviter que le projet de loi soit une incitation à des méthodes d'évaluation qui ne sont pas les plus intéressantes. La pandémie a poussé l'université à réfléchir à la manière de tester les prestations des étudiants, ce qui a permis de développer de nouvelles modalités d'évaluation. Malheureusement, ces méthodes-là ne sont toujours pas compatibles avec une anonymisation. Il ne souhaite pas qu'un projet de loi interrompe ces expérimentations pédagogiques - tout ne peut pas être anonymisé ! Voilà ce qu'a dit le recteur; dont acte.

La commission, qui a finalement modifié le texte pour le rendre acceptable, l'a malheureusement rendu peu précis en introduisant une notion, une formulation, que les avocats adorent: «dans la mesure du possible». Ça va indubitablement générer nombre de recours - il y en a déjà beaucoup, à l'université, en lien avec les examens - puisque cette notion implique une évaluation de la situation, selon un des auteurs du texte. Enfin, l'exposé des motifs se borne à critiquer le manque d'actions de l'université sans relever les nombreuses avancées, notoires, dans le domaine. Preuve en est que l'auteur du projet de loi n'étaie pas son propos de cas problématiques concrets, qui sont toujours mentionnés sans jamais être documentés.

En conclusion, il faut laisser la marge de manoeuvre aux organes de l'université tout en encadrant la mission de l'institution avec des conventions d'objectifs, qui existent déjà. L'autonomie de l'université est profitable à tous, avec des mesures de contrôle mais sans contraintes supplémentaires inutiles. Il faut donc refuser ce projet de loi contreproductif, qui ne respecte ni ce que l'université a déjà fait - ce qu'elle a mis en place et va continuer à faire - ni son indispensable autonomie. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Youniss Mussa (S). Chères et chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer l'Université de Genève en ce jour de Dies academicus: très bonne année académique à toutes les personnes concernées !

S'agissant du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, j'aimerais en premier lieu revenir sur les raisons qui m'ont conduit à le déposer. Plusieurs étudiants ont expliqué que, durant leurs études, un de leurs proches avait eu à corriger leurs copies d'examens; j'ai entendu différents témoignages rapportant que le cousin de celui-ci ou la tante de celle-là avaient eu à corriger leur proche. Je me souviens même d'une étudiante qui pouvait connaître sa note à l'avance grâce à son amie assistante, ou de l'assistant qui notait plus durement un proche pour ne soulever aucun soupçon. C'est tout à fait problématique.

Sans revenir sur la question des biais conscients et inconscients relatifs au nom et au prénom, prouvés par de nombreuses études, ce projet de loi permettra de garantir une égalité de traitement dans la correction des examens écrits. Il s'adresse à tous les étudiants - fils ou filles de notables, personnes avec un nom ou un prénom à consonance étrangère - et permettra de garantir l'anonymat de celui qui pourrait être connu par le correcteur. Genève est une petite ville, nous le savons, et il y a fort à parier que lorsque l'on baigne dans un milieu, on finit par tous se connaître. Je ne doute pas du bon comportement de l'écrasante majorité des professeurs et assistants. Néanmoins, il faut leur garantir des conditions de travail dans lesquelles le soupçon et la rumeur n'ont pas leur place; ce projet de loi leur procure une protection supplémentaire dans le cadre de leur emploi.

Je tiens à préciser que cet objet est soutenu par l'ensemble des associations universitaires et par 80% des étudiants et étudiantes, et que la mesure est préconisée depuis 2012 par le comité d'éthique et de déontologie de l'université. A la suite des propositions du rectorat et afin de respecter ses volontés, la commission de l'enseignement supérieur a amendé le texte de manière à le rendre pleinement cohérent. Ce texte, je le rappelle, est cosigné par des députés Ensemble à Gauche, Verts, UDC et a été soutenu en commission par le MCG; je les en remercie.

Il faut dire que l'Université de Genève est l'une des dernières à ne pas avoir mis en place cette mesure en faveur de l'égalité de traitement. La majorité des établissements européens l'ont mise en place; les universités anglaises, américaines, françaises, etc., ont depuis longtemps garanti l'égalité de traitement dans la correction des examens. Les universités suisses ont aussi - et depuis longtemps - mis en place ce que ce projet de loi propose, par exemple celles de Berne, Fribourg, Lausanne, Neuchâtel. Ce n'est même plus un débat.

J'ai lu dans le rapport que certains députés PLR s'inquiètent du fait que les étudiants soient bientôt obligés de passer les examens avec un masque leur couvrant le visage. Je tiens à vous rassurer: il n'y aura ni cagoule ni masque de carnaval, mais bien des étudiants et étudiantes la tête pleine de connaissances souhaitant être notés de manière fidèle à celles-ci. A vous qui prônez la méritocratie: j'aurais aimé vous convaincre, parce que mon projet va dans ce sens. Pour rappel - et pour tenter une dernière fois de vous convaincre -, nous avons la possibilité de voter un texte qui met en place une mesure qui ne coûte rien et qui améliore le système actuel.

Deux mots aussi sur l'amendement que j'ai déposé: il ne change rien sur le fond. Il corrige la date d'entrée en vigueur: le texte actuel prévoit en effet une entrée en vigueur en septembre 2021, il faut par conséquent rectifier cela avant de procéder au vote. Je vous invite donc à soutenir mon amendement et mon projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Virna Conti (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, oui, j'ai cosigné ce texte parce qu'il fut un temps où j'étais aussi universitaire. J'entends le député Jacques Béné dire qu'il manque des exemples concrets; je n'aime pas trop personnaliser mes propos, mais là, je vais devoir le faire. J'en suis effectivement la preuve vivante et concrète: à l'université, lorsque j'étais en droit, un membre de ma famille était assistant et il se trouve qu'il devait corriger des copies à mon nom toutes les deux semaines. Et il me disait: «Tu sais, Virna, quand je corrige tes copies, un peu inconsciemment, je le fais d'une manière un peu plus dure et rigide pour éviter le favoritisme.» J'aurais donc apprécié que ce principe de l'anonymat existe déjà en ce temps-là. Et, cela a été relevé précédemment, il existe déjà dans pas mal d'universités, notamment romandes.

Si on se concentre maintenant sur Genève et sur l'Université de Genève, eh bien on se rend compte qu'à l'école d'avocature, les examens sont d'ores et déjà anonymes; personne ne s'en plaint et tout le monde est extrêmement content. On parle de diversité - pire encore, on dit qu'on va casser la diversité: si pour vous la diversité consiste en une inégalité de traitement, alors moi je dis non ! Par conséquent, pour éviter le favoritisme, respectivement pour éviter l'inverse - qui est un cancer lors de la correction des examens -, pour éviter ce dualisme qui n'est absolument pas justifié, il est à mon sens important de mettre en place ce système favorable à la bonne marche des examens. Et pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir ce texte. Merci.

Mme Katia Leonelli (Ve). Permettez-moi tout d'abord de remercier la rapportrice de majorité pour la qualité de son rapport. Comme elle et mon préopinant socialiste l'ont expliqué, ce projet de loi vise à atteindre, moyennant anonymisation, l'égalité de traitement dans le cadre des examens universitaires. Le texte initial demandait la suppression systématique du nom et du prénom sur la copie transmise pour correction, et ce dans le but d'éviter toute forme de discrimination.

Suite aux auditions réalisées par la commission, la majorité s'est mise d'accord sur un compromis plus souple qui respecte la liberté d'action de l'université et la protège, notamment en cas de recours. De ce fait, je m'étonne que la minorité craigne de mettre en péril le statut ou la sécurité de notre alma mater - à ce sujet, amendement souple ou pas, je me permets de vous rappeler que l'université n'est pas une entité privée, qu'elle n'est pas 100% autonome puisqu'elle est soumise à la loi sur l'université que notre parlement, en tant que représentant du peuple, est tout à fait légitime à modifier.

L'audition de l'université aura montré que le rectorat oeuvre déjà dans ce sens et je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, pour l'encourager dans sa lancée, à voter en faveur de ce projet de loi tel qu'amendé en commission. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit, c'est déjà pratiqué un peu partout, dans les universités notamment ! Et je pense que la volonté de tendre à l'égalité est une bonne idée ! Bien sûr, ça ne peut pas être absolu - le recteur nous l'a bien expliqué en commission - et c'est la raison pour laquelle cet amendement a été adopté: pour introduire de la souplesse, puisque c'est désormais marqué «dans la mesure du possible». Il y a des cas où ce ne sera pas possible; évidemment que ce n'est pas possible lors d'un examen oral, autrement les étudiants devraient effectivement s'y présenter avec un masque et un habit qui cache tout le reste. Ce n'est pas sérieux !

En donnant un signal politique pour qu'on pratique, quand cela est réalisable, cette anonymisation afin de garantir au maximum l'égalité de traitement, on appuie à mon avis ce que l'université fait déjà par ailleurs dans la mesure du possible. Et je crois que c'est notre mission en tant que parlementaires. On ne touche pas directement à l'opérationnel: l'université aura l'autonomie et la sagacité de le faire quand ce sera possible et de ne pas le faire lorsque ce ne le sera pas; son autonomie est donc garantie.

Par conséquent, je pense qu'on peut tout à fait voter ce projet de loi - j'avais envie d'employer l'expression: il ne mange pas de pain. Il donne un coup de pouce, il pousse l'université à aller un peu plus loin qu'elle ne le fait maintenant. Elle le fait déjà, mais on lui demande un effort supplémentaire, et je pense que c'est notre rôle en tant que députés, puisque c'est quand même le parlement qui vote la loi sur l'université. On peut donc tout à fait aller dans le sens de ce projet de loi, et je vous invite à le voter. Merci.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, puisque chacun y va de sa petite histoire, je vais vous narrer la mienne. J'ai été pendant deux ans assistant en droit constitutionnel à la faculté de droit de l'Université de Genève et je peux vous dire une chose: quand vous devez corriger des centaines et des centaines de copies d'examens, vous n'avez même pas le temps de regarder les noms et prénoms des étudiants à qui elles appartiennent ! Donc, franchement, si vous pensez que les assistants des différentes facultés de l'Université de Genève accordent la moindre importance à cela, vous vous trompez !

La réalité, Mesdames et Messieurs, c'est que ce projet de loi est teinté de méfiance envers le corps enseignant de l'université, qui est présumé discriminant par les auteurs du texte, ce qui est tout simplement inacceptable. Et je prédis par ailleurs que si cette loi est votée, nous aurons une avalanche de recours, puisque le texte de l'article 18A prévoit que «l'université fixe des modalités d'examens qui garantissent un traitement équitable des étudiantes et étudiants». Le principe d'équité figure déjà dans les règlements de l'université, dans la loi sur l'université, dans la constitution cantonale, il est donc complètement inutile de le préciser encore là.

En plus de ça, l'article dit: «Dans la mesure du possible, l'évaluation des examens écrits est anonymisée.» Alors que va-t-il se passer ? Chaque fois qu'un étudiant ne sera pas content de la manière dont il aura été évalué, il va d'abord faire recours en invoquant l'obligation d'anonymiser le traitement de son examen s'il n'a pas fait l'objet de cet anonymat. Il va donc y avoir une judiciarisation de cette question de l'anonymat, on assistera à une multiplication de procédures - on va clairement créer une usine à gaz.

Le système qui est aujourd'hui en place à l'université fonctionne; les discriminations alléguées ne sont ni prouvées ni établies. Il s'agit là clairement de ce que les anglophones appellent du «wishful thinking». Il faut arrêter de vouloir toujours être perfectionniste ! Le corps enseignant de l'université n'a pas à être présumé discriminant, c'est tout à fait inacceptable, et c'est pour cette raison-là que je vous invite à ne pas voter ce projet de loi. Merci de votre attention.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe votera ce projet de loi. La question de l'égalité de traitement est importante pour Ensemble à Gauche, et l'évaluation devrait tendre à une forme d'impartialité dans tout le domaine de la formation - on pourrait très bien l'imaginer pour le primaire, pour le cycle d'orientation, pour le collège, etc., mais bon ! (Remarque.) Oui, oui, c'est important ! Vous pouvez quand même réaliser que la question de l'impartialité, de la neutralité des correcteurs des évaluations est importante, qu'importe l'âge. Aujourd'hui, ce soir, il est question de l'université, et on l'a entendu, il y a bien d'autres exemples ailleurs qui montrent que c'est tout à fait possible.

Il n'est pas correct, il n'est pas de bon aloi de présenter ce projet de loi comme un acte de défiance envers l'université. Franchement, là, il y a tout... Au contraire, c'est plutôt un soutien à l'université, parce que même si le député Murat-Julian Alder prétend que les correcteurs corrigent à l'aveugle, n'ont pas le temps de regarder les noms, etc., il y a des biais inconscients - et l'inconscient, on ne le maîtrise pas. Il y a forcément une forme de subjectivité, totalement inconsciente, mais qui existe et qu'on ne peut pas nier ! Le texte va donc plutôt aider l'université à garantir une égalité de traitement, une impartialité, tout à fait nécessaire à notre époque. Voilà ! Ensemble à Gauche vous invite à voter ce projet de loi. Merci.

M. Jacques Blondin (PDC). Pour le PDC, le libellé de l'article 18A est surprenant: «[...] Dans la mesure du possible, l'évaluation des examens écrits est anonymisée.» C'est un libellé qu'on s'attend effectivement à trouver dans une motion plus que dans un projet de loi puisque - ça vient d'être dit - il ouvre la porte à quantité d'interprétations.

Nonobstant ce problème, le texte a fait l'objet, ces derniers temps, de nombreuses discussions au sein de notre groupe; elles nous amènent à laisser la liberté de vote à nos membres. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Stéphane Florey pour deux minutes vingt-trois.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Deux mots sur ce projet de loi et notamment sur ce que j'ai entendu Mme Leonelli dire - vous transmettrez, Monsieur le président. Vous ne pouvez pas déclarer dans ce cas, parce que ça vous arrange, que l'université n'est pas autonome et tout le contraire sur d'autres sujets. Ça a toujours été dit, Mme la conseillère d'Etat le rappelle sans cesse: l'université est autonome et elle fait à peu près ce qu'elle veut. Ça a toujours été dit, c'est un état de fait, et vous ne pouvez pas le nier.

Maintenant, sur le principe d'anonymiser ces examens, je suis désolé: vous jetez le discrédit sur le système lui-même, sur l'université et sur ceux qui font le travail de correction ! Et c'est inadmissible d'affirmer que suivant votre milieu socioprofessionnel, suivant d'où vous venez, suivant de qui vous êtes le fils ou quoi, on prendrait la liberté de donner moins de crédit à vos travaux ! Non, ce projet de loi ne tient pas la route. Personnellement, je le refuserai; mon groupe votera ce qu'il a envie de voter. (Rires.) Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. Thomas Bläsi pour cinquante-six secondes.

M. Thomas Bläsi (UDC). Ça suffira, Monsieur le président, merci. Je pense qu'à Genève tout le monde sait que tout le monde connaît tout le monde, ou tout le monde connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un d'autre ! (Remarque.) Oui, peut-être, Monsieur Alder ! Mais en première année de médecine, ce sera quand même nettement plus difficile: si le fils d'un professeur directeur d'un service de l'Hôpital cantonal passe l'examen, eh bien ça complique les choses que son nom figure en haut à gauche ! Et vous l'avez dit vous-même, ça n'apporte aucune plus-value. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il n'y a aucune plus-value à avoir le nom sur la copie, donc pourquoi le laisser ? Pourquoi le laisser ? Pourquoi prendre ce risque alors que ça ne sert à rien ! Et ce n'est en aucun cas jeter le discrédit sur les personnes de l'université: c'est juste les mettre dans une situation où elles n'auront pas à se poser la question de qui, de quoi, ou à avoir la moindre réticence sur la note. Elles auront une seule chose à faire: corriger, mettre une note ! Ensuite, on fait correspondre les chiffres...

Le président. Il faut conclure, Monsieur le député.

M. Thomas Bläsi. ...et on sait qui a cette note, ce qui nous garantit l'objectivité.

Le président. Merci.

M. Thomas Bläsi. En tant qu'universitaire, je soutiens donc bien évidemment ce principe: il est le seul viable pour les examens. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de minorité. Il vous reste une minute trente, Monsieur le rapporteur.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Oui, c'est un manque de confiance envers l'université - je crois que c'est assez clair ! Le recteur l'a dit: il a besoin de confiance et craint par ailleurs qu'avec ce projet de loi, il y ait des recours du fait que l'examen n'aurait pas été anonymisé. Il indique très clairement que «les différentes formes d'examen font la richesse de la correction en garantissant l'égalité de traitement. Il ne faut donc pas aller vers un système où il n'y aurait plus qu'un seul mode d'évaluation». Il demande qu'on lui fasse confiance, surtout parce qu'il est prévu de développer l'anonymisation et que ça évolue concrètement. Il nous a cité des exemples, avec le nombre d'examens. Il est favorable à l'évaluation anonyme des examens quand elle se justifie et si celle-ci n'incite pas à créer d'autres formes d'évaluation afin d'échapper à cette anonymisation. Ceux qui votent ce projet de loi ne font confiance ni à l'université ni au rectorat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Jean Romain, il vous reste trente-neuf secondes.

M. Jean Romain (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Concernant la note, j'ai bien entendu ce qui s'est dit: on veut des notes objectives. Mais ça n'existe pas, des notes objectives - à moins d'être mises par une machine ou par le biais d'un QCM ! Toute note est par nature subjective, mais ce n'est pas parce qu'elle est subjective qu'elle est arbitraire ! C'est ça, la différence ! Je crois que dès que vous mettez une note ou dès que vous évaluez quelqu'un, même sans note, même avec une quelconque formule, eh bien c'est votre subjectivité qui intervient. Est-ce que cette subjectivité est nécessairement différente selon la personne qui est en face de vous ? Je ne le crois pas. Je crois qu'il est une méfiance envers le corps enseignant...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Jean Romain. ...corps enseignant qui, d'une certaine manière - et j'en termine par là, Monsieur le président -, fait justement tout son possible pour que la subjectivité ne devienne pas de l'arbitraire. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean Batou pour deux minutes vingt-cinq.

M. Jean Batou (EAG). Oh, merci, Monsieur le président, je n'aurai pas besoin de tout ce temps ! D'expérience, je pense que la plupart des correcteurs d'examen ne tiennent effectivement pas compte des noms qu'ils ont sous les yeux, mais qu'il peut arriver - il peut arriver ! - que ce soit le cas. Je ne vois absolument pas ce qu'on aurait à perdre ! Et je peux vous dire, en tant qu'enseignant qui a corrigé beaucoup de copies, que ça m'aurait arrangé de ne pas avoir les noms sous les yeux et de me dire: je corrige ce qui est écrit sans regarder si la personne... Les étudiants écrivent parfois: «Je ne suis pas francophone», alors on fait moins attention à la langue, au français, et on se concentre plus sur le contenu; ça, c'est une indication utile. Par contre, aller regarder le nom pour voir qui c'est, ça peut induire de la confusion. Je pense donc que les professeurs d'université, les assistants, etc., ne prendront pas ombrage du fait qu'on leur donne des copies anonymisées.

C'est à mon sens une proposition raisonnable, et je vous parle en connaissance de cause puisque j'ai fait des corrections pendant des années. La mesure me paraît raisonnable et je la défendrai auprès de mes collègues, auprès du recteur de l'Université de Genève. Je ne crois pas que ce soit le signe d'une méfiance vis-à-vis de l'université, c'est juste une clause de prudence quant à d'éventuelles irrégularités.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, on touche là à une question assez essentielle, et cela dans tout le système scolaire, dans tout le système de formation: l'évaluation. Il est vrai - je le sais d'expérience et je pense que le député Romain, qui a été enseignant, également - qu'il existe dans l'évaluation ce qu'on appelle un effet Pygmalion: quand on connaît un élève, quand on s'attend par exemple à ce qu'il réussisse, on sera peut-être un tout petit peu plus indulgent. A l'inverse, si on s'attend absolument à ce qu'il rate son épreuve, on sera peut-être un peu plus sévère. Cet effet Pygmalion est connu en pédagogie. Beaucoup d'expériences ont été faites: on a par exemple donné à corriger des travaux de français qu'on attribuait d'un côté à de bons élèves, des élèves avec de la facilité, et les mêmes travaux étaient donnés à corriger en disant qu'ils avaient été faits par des élèves ayant des difficultés scolaires; on aboutissait à des notes différentes. C'est donc incontestable: il y a un effet quand on connaît la personne, quand on sait quel est son profil. Ça, c'est la première remarque.

La deuxième, c'est que tout le monde en est conscient ! Vous en êtes conscients, le Conseil d'Etat en est conscient et l'université aussi en est consciente. Alors ça m'amène à la question de fond: quelle est la bonne réponse ? Certes, on peut parfaitement anonymiser les examens dans certains cas - l'université le soutient également - et je pense que c'est effectivement une bonne chose de le faire chaque fois que c'est possible. Ce que j'aimerais dire, c'est que l'université s'est engagée sur ce chemin-là. Quand elle a été auditionnée, la vice-rectrice Courvoisier l'a dit: certes, ils ont eu d'autres urgences et ils ont pris un peu de retard, mais ils auraient aimé qu'on leur fasse confiance.

C'est vrai que le Conseil d'Etat aurait préféré, plutôt qu'un projet de loi, que ce soit une résolution ou une motion, pour pousser un tout petit peu l'université à aller plus vite dans ce processus essentiel: les juristes, les avocats s'en saisissent souvent lorsqu'il s'agit d'une loi, et il faudra voir comment celle-ci sera appliquée à terme - même si, je le répète, tout le monde est d'accord sur le fond, il faut aller dans ce sens-là. Et c'est vrai que nous aurions aimé un peu de confiance. Je crois d'ailleurs que certaines et certains d'entre vous étaient au Dies academicus aujourd'hui: celles et ceux qui y étaient ont pu voir une université magnifique, avec un corps enseignant, un rectorat, des doyens de qualité, avec des invités extraordinaires. C'est ce qui fait la richesse de notre université.

Alors puisque vous allez, à voir les majorités, accepter ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, j'espère qu'on pourra en faire un usage intelligent, c'est-à-dire protéger les étudiantes et les étudiants, mais qu'on n'en viendra pas, parce qu'il faut faire de l'anonyme, à opter systématiquement pour des QCM, sachant qu'il s'agit de la pire des manières d'évaluer. Ce n'est pas la plus simple - on peut être très subtil dans un QCM -, mais il faudrait éviter d'en arriver là. L'usage, les années à venir montreront comment la mettre en oeuvre, et j'espère que vous ferez confiance à l'université dans l'application de cette loi. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons à la procédure de vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12795 est adopté en premier débat par 63 oui contre 26 non et 3 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1 (souligné).

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 2 souligné, présenté par M. Youniss Mussa:

«Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur (nouvelle teneur)

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 66 oui contre 24 non et 3 abstentions.

Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12795 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 26 non et 4 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12795 Vote nominal