Séance du jeudi 22 septembre 2022 à 20h30
2e législature - 5e année - 4e session - 24e séance

IN 181-B
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 181 « Pour la création d'emplois sociaux et écologiques et la réduction de la durée du travail (initiative 1000 emplois) »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 22 et 23 septembre 2022.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de minorité de M. Pierre Eckert (Ve)

Débat

Le président. Nous reprenons le traitement des points fixes et nous commençons par l'IN 181-B, classée en catégorie II, cinquante minutes. Le rapport de majorité est de M. Jacques Béné, remplacé par M. Serge Hiltpold. Le rapport de minorité est de M. Pierre Eckert. Est-ce que les rapporteurs souhaitent prendre la parole ? (Un instant s'écoule.) Je cède le micro au rapporteur de majorité, M. Serge Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la commission de l'économie a traité cette initiative et un éventuel contreprojet assez récemment. Je vais vous communiquer les principales conclusions de nos travaux.

Sous couvert de la transition énergétique, de l'employabilité et de la baisse du taux de chômage, cette initiative vise en fait à générer des milliers d'emplois publics, alors que nous avons une fonction publique relativement pléthorique en comparaison intercantonale. Je prends les chiffres du rapport BAK, que nous avons aussi étudié dans ce plénum du Grand Conseil et à la commission des finances: les charges du canton de Genève sont de 62% supérieures à celles de la moyenne des autres cantons suisses. Contrairement à ce que les auteurs de l'initiative soutiennent, ce texte n'est pas «relativement modeste», puisque l'enveloppe budgétaire estimée représente - selon les auteurs - 100 millions de francs par année, et cela de manière pérenne étant donné que l'initiative ne prévoit pas de date de fin.

Seul un taux de chômage de 0% - ce qui est pratiquement impossible - permettrait de stopper ce processus de création de postes. Si le taux de chômage se maintient au niveau actuel ces prochaines années, le montant cumulé des créations de postes à l'Etat représentera, avec cette initiative, 4,5 milliards de francs au bout de dix ans, soit près de 50% d'augmentation du budget annuel cantonal pour 10 000 emplois publics cumulés supplémentaires ! Ça correspond grosso modo à une ville; dans dix ans, on a l'équivalent d'une ville de fonctionnaires.

La majorité de la commission de l'économie est tout à fait consciente que la transition énergétique est l'affaire de tous et que l'effort doit être partagé, mais la pertinence de la création de postes au sein même de l'Etat, dans une telle proportion, pour réduire le taux de chômage - qui, selon les auteurs de l'initiative, devrait augmenter - n'est pas démontrée. A titre personnel, je note aussi une vision de notre situation économique, à Genève, presque digne d'un roman de Zola, avec Gervaise et Coupeau, alors que nous avons fait preuve de beaucoup de résilience grâce à des mesures ciblées dans le cadre de la problématique du covid.

Beaucoup d'emplois créés à Genève ne répondent malheureusement pas au profil des demandeurs d'emploi, et c'est là que réside le vrai problème. Ce chômage est structurel et touche des personnes ayant peu ou quasiment pas de qualifications; ce sont des emplois à faible ou moyenne valeur ajoutée. La formation et la facilitation des reconversions professionnelles doivent être privilégiées, en partenariat avec le monde des entreprises: celles-ci sont les mieux à même de définir les besoins de leur secteur d'activité. En ce sens, la task force employabilité mise en place par l'Etat devrait ouvrir, nous l'espérons, des pistes prometteuses pour l'avenir. Cette task force rejoint les partenaires que sont les entreprises et l'Etat, et il y a différentes mesures d'employabilité qu'on peut activer, notamment avec des commissions paritaires, la FFPC et l'OFPC. Et ce qu'on peut noter, en tout cas du point de vue de la majorité, c'est qu'il y a vraiment une crainte par rapport au monde de l'économie alors qu'en fait le monde de l'économie fonctionne relativement bien - et ça, je n'ai pas honte de le dire.

Le marché de l'emploi est dynamique. Preuve en est que le canton offre près de 400 000 emplois pour seulement 240 000 actifs; la proportion est vraiment de l'ordre du simple au double. Le problème ne tient donc pas à la création d'emplois, mais plutôt au fait que la demande ne correspond pas à l'offre ! Le système proposé par cette initiative est d'autant plus pervers que la situation économique se dégrade. En fait, plus on perd d'emplois privés et plus l'Etat se renforce en créant des emplois publics ! On renforce l'appareil étatique alors que pour créer et partager des richesses, il faut les produire ! C'est ce que font les entreprises de ce canton, qu'il faut accompagner, stimuler, pour qu'elles génèrent des emplois d'avenir et que toute la société puisse participer à la transition énergétique - soit une symétrie des efforts. L'économie planifiée, telle que souhaitée par cette initiative, n'est clairement pas la solution.

J'en viens à la durée du travail: notre pays et notre canton doivent faire face à des défis très importants dans un contexte global de mondialisation. Pour mémoire, nous sommes une industrie exportatrice en majeure partie; il faut vendre nos produits à l'étranger avec un coût de main-d'oeuvre, certes très qualifiée, qui est très onéreux. Le fait de réduire la semaine à 32 heures va augmenter le coût du travail de 30% ! Ce qui est franchement diabolique quand vous devez faire face aux défis qui vont se présenter en 2023, avec l'approvisionnement en matières premières, l'énergie, le coût du travail. Ce sont des problématiques difficiles qu'il ne faut absolument pas mettre de côté. On a aussi des salaires élevés, mais en adéquation avec le temps de travail, qui est adapté.

Pour toutes ces raisons, et j'y reviendrai peut-être ultérieurement, la majorité de la commission de l'économie refuse l'initiative et refuse aussi, clairement, le principe d'un contreprojet: le contreprojet n'est pas du tout dans l'esprit de cette initiative. En fait, le contreprojet, c'est déjà ce qui se passe maintenant - à savoir une task force employabilité, le partenariat social, la dynamique entre les entreprises et l'Etat, les partenaires sociaux; je vous invite donc à refuser le principe d'un contreprojet. Merci, Monsieur le président.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je ne suis pas forcément ici pour défendre l'initiative, mais plutôt l'idée d'un contreprojet. Cependant, j'aimerais quand même dire deux mots sur l'initiative, qui demande de créer un certain nombre d'emplois sociaux et écologiques et de réduire la durée du travail. C'est ce qu'on appelle l'«initiative 1000 emplois»; elle part du principe que la crise climatique demandera d'importants investissements afin de réaliser la transition vers des énergies décarbonées prévue dans le plan climat 2030. De nombreux nouveaux emplois, des métiers anciens et nouveaux, seront nécessaires afin de mettre en oeuvre ces investissements.

De plus, on peut aussi considérer que les diverses vagues du covid-19 ont démontré la fragilité du système de santé: il a tenu le coup, mais en entraînant une surcharge dangereuse pour le personnel de santé. Cet état de fait est malheureusement appelé à perdurer, non seulement du fait de la multiplication des infections virales mais aussi à cause du vieillissement de la population. Dès lors, il faudra globalement quand même créer un certain nombre d'emplois publics.

Cette initiative propose donc de créer mille emplois par an dans les domaines précités, au sein des collectivités publiques cantonales et municipales, des établissements subventionnés ainsi que des institutions publiques et privées à but non lucratif poursuivant des buts d'intérêt public. On le voit, l'Etat - le petit Etat - n'est pas le seul concerné par cette initiative et il ne faut donc pas non plus exagérer les objectifs. Bien entendu, cela a été dit, ces emplois doivent être créés pour autant que le taux de chômage moyen de l'année précédente soit de 5%. L'initiative encourage également, le rapporteur de majorité l'a dit, à réduire le temps de travail à 32 heures par semaine afin de maintenir les emplois et de créer de nouveaux postes.

Les Vertes et les Verts ont soutenu cette initiative depuis son lancement et nous allons très clairement continuer à en soutenir les objectifs. Nous sommes toutefois conscients que cette initiative, ainsi que constaté dans le rapport du Conseil d'Etat, présente un certain nombre de faiblesses. Tout d'abord, en tant que Verts, il ne nous semble pas qu'il faille attendre que le taux de chômage dépasse un certain seuil pour que l'Etat s'engage pleinement dans la transition énergétique et dans la santé. D'autre part, nous estimons que l'économie privée doit également jouer son rôle dans ces domaines, plus particulièrement pour ce qui est de la transition énergétique - sur ce point, je vais très volontiers dans le sens du rapporteur de majorité.

Nous appuyons ici, je vous l'ai dit en introduction, le principe d'un contreprojet qui aurait pour buts de soutenir la création d'emplois dans les domaines utiles à la transition vers la durabilité, de renforcer les formations initiales et continues - soit ce qu'on appelle l'employabilité - des travailleuses et des travailleurs et de faciliter l'accès à l'emploi. Le contreprojet devrait conserver les principaux objectifs de l'initiative, à savoir de réduire le taux de chômage et de favoriser les emplois dans des secteurs qui répondent aux besoins de la population et aux objectifs du développement durable, mais par le biais de moyens différents.

Il s'agit notamment d'encourager la qualification et la requalification des demandeurs d'emploi. Il faut à cette fin utiliser la période de chômage comme une opportunité en matière de qualification ou de requalification et cibler les secteurs confrontés à des pénuries pour proposer en priorité des formations dans ceux où il y a des objectifs de développement durable; les emplois en résultant se trouvent principalement dans le privé. Il faut ainsi assurer un revenu aux personnes au chômage entreprenant une formation dans ces domaines.

Il faut aussi réussir à proposer ces formations assez tôt - c'est un des éléments importants qu'on pourrait placer dans un contreprojet - et non attendre le couperet de la fin de droit pour permettre aux personnes au chômage d'accéder à un certain nombre de formations. Un financement à cet effet, subsidiaire à toutes autres possibilités, pourrait être prévu dans le contreprojet. La mise en place de ce type de projet se ferait principalement au niveau de la loi cantonale en matière de chômage et non dans la loi sur le développement économique, mais d'autres lois pourraient être touchées.

L'élaboration d'un contreprojet permettrait à l'ensemble des partenaires - Etat, syndicats, milieux patronaux - d'élaborer un projet commun, de la même façon que cela avait été réalisé avec succès pour l'inspection paritaire des entreprises. Ce projet commun permettrait au canton d'aborder favorablement les défis de la première moitié de ce siècle. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, notre groupe déplore que le Conseil d'Etat, dont une majorité des membres appartiennent à des partis qui ont soutenu cette initiative et récolté des signatures en sa faveur, appelle le Grand Conseil à refuser l'IN 181. Nous dénonçons également le «bottage» en touche qui consiste à se déclarer disposé à moderniser dans un premier temps la loi cantonale en matière de chômage puis, dans un deuxième temps, à développer à terme la formation - en soi, deux bonnes nouvelles, mais ces réalisations ne répondent pas aux termes de l'IN 181, qui prétend faire face à bien d'autres impératifs.

Il est navrant de constater que, pour dénigrer l'initiative, on utilise l'argument que la création d'emplois ne suffira pas à elle seule pour réduire le chômage. Comme si on avait affirmé dans l'initiative que cela pouvait suffire ! Comme si on ne défendait pas dans l'initiative même le développement de la formation, non seulement pour répondre aux exigences de la transformation des métiers et de l'évolution des besoins en matière de transition énergétique - des besoins aussi bien sociaux que dans les soins à la personne -, mais également pour une meilleure adaptation de l'offre d'emploi à la demande !

La question de la formation sera abordée plus tard par mon collègue Jean Burgermeister. Pour ce qui concerne l'initiative, notre groupe réaffirme son attachement à une proposition permettant de sortir de la résignation face à un taux de chômage parmi les plus élevés de Suisse, un taux occultant encore et toujours une grande partie de la réalité du chômage et du sous-emploi. Cette initiative permet d'agir sur le chômage structurel, non seulement en prenant mieux en considération l'évolution du marché du travail et les besoins de la population sur le plan de la transition énergétique et de la demande, croissante, en soins et prestations à la personne, mais aussi en avançant l'idée de favoriser un meilleur partage du temps de travail par la réduction de l'horaire hebdomadaire à 32 heures, sans réduction de salaire.

Accepter l'IN 181, c'est prendre en considération la nécessité de changer de cap face aux crises économique, sociale, climatique et sanitaire auxquelles nous sommes régulièrement confrontés et qui connaissent actuellement des pics particulièrement alarmants. L'initiative, en proposant des postes de travail stables, constitue de surcroît un rempart contre la flexibilisation et la précarisation de l'emploi. En outre, elle permet non seulement de mettre à l'ordre du jour une accélération de la transition vers une société durable et des modes de consommation et de production plus respectueux du climat, mais elle présente surtout les moyens de réaliser ces objectifs. L'initiative avance aussi les moyens de faire face aux défis de l'évolution démographique de notre canton, au vieillissement de la population et à l'évolution des besoins sociaux de cette dernière.

En demandant la création d'emplois écologiques et sociaux, l'initiative permettra nombre de reconversions professionnelles, mais aussi l'apparition de nouveaux métiers. Elle favorisera par ailleurs la professionnalisation des métiers du «care», ce secteur d'activité qui s'est développé sans état d'âme sur le dos des proches aidants et aidantes, et cela particulièrement au détriment des femmes, qui y ont sacrifié une partie de leur vie professionnelle, au prix, soit dit en passant, de leur prévoyance sociale au moment de la retraite.

Aujourd'hui, il faut changer de cap. Il faut aborder avec détermination et courage le défi énergétique et sociétal. L'Etat doit donner une impulsion forte; il doit ouvrir la voie à cette transformation significative du marché de l'emploi dans notre canton - il doit, surtout, donner l'exemple ! Il a en cela une responsabilité majeure. C'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter l'IN 181, voire à soutenir un contreprojet si finalement il devait en apparaître un, mais pour autant que celui-ci ne dénature pas les intentions des initiants. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Cette initiative propose de créer mille emplois sociaux et écologiques par année et de réduire la durée de travail dans l'économie privée. Ce projet est une utopie et créerait, en cas d'acceptation, un véritable désastre. Si le taux de chômage de l'année précédente est de 5%, les initiants voudraient créer mille emplois par année, chaque année, dans les collectivités publiques et dans des structures à but non lucratif. Le budget minimum serait de 100 millions par année, soit 100 000 francs par emploi et par an. Comme déjà dit, aucune échéance n'est prévue dans ce projet.

Pour compléter l'utopie, les initiants encouragent la réduction du temps de travail dans le secteur privé et voudraient arriver, d'ici 2030, à la semaine de 32 heures pour un plein temps. Bref, le secteur qui crée de la richesse devrait se réduire drastiquement et la fonction publique devenir de plus en plus coûteuse et dépensière !

Il faut aussi rappeler aux initiants que Genève a aujourd'hui 400 000 emplois, ou 336 000 équivalents plein temps, dont plus de 300 000 emplois dans l'économie privée, et tout ça pour environ 240 000 personnes actives habitant à Genève. Notre économie crée de très nombreux emplois et cette initiative rate totalement sa cible. Pour la réduction du temps de travail, regardons l'exemple français avec les 32 heures par semaine.

Des voix. 35 ! (Commentaires.)

M. André Pfeffer. En 2022, le SMIC français est de 1679 euros brut par mois et le salaire moyen de 2275 euros brut par mois. En comparaison, le salaire médian à Genève est trois fois supérieur à celui des Français et le salaire médian de la fonction publique genevoise plus de quatre fois supérieur.

Le groupe UDC refusera ce texte, qui est en dehors de toute réalité, et s'opposera à tout éventuel contreprojet. Merci de votre attention.

Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative et les lignes directrices du contreprojet présenté en commission pointent du doigt deux questions centrales: l'organisation du travail, et cela dans un monde confronté à l'accélération du changement climatique. Au vu de l'urgence, il est plus que temps de repenser les fondamentaux du marché de l'emploi - temps d'investir dans la transition écologique en formant aux métiers de demain, de renforcer les compétences tout au long de la vie, de trouver des mécanismes pour valoriser les savoirs et savoir-faire présents dans notre population. Il est temps de réduire la durée du travail rémunéré pour permettre la conciliation des vies - réduire la durée du travail rémunéré pour mieux répartir l'emploi.

Certaines entreprises testent d'ailleurs avec succès la semaine de quatre jours à plein temps; cela montre bien que des solutions sont envisageables et qu'une partie de l'économie l'a compris. Au vu de la pénurie actuelle dans certains secteurs et du besoin de main-d'oeuvre dans les secteurs qui permettront la transition énergétique et climatique, Mesdames et Messieurs les députés, c'est maintenant qu'il s'agit d'investir. Il est temps également de valoriser et de protéger les emplois utiles et nécessaires, notamment dans les soins et le social; temps aussi de réinvestir les forces de travail qui seront - ou sont déjà - libérées par la robotisation dans des emplois nécessaires à la transition et qui valorisent la main-d'oeuvre humaine.

Cette initiative donne le ton et nous regrettons vivement que l'idée même d'un contreprojet ait été complètement balayée en commission: les solutions ne tomberont pas du ciel. La task force employabilité est en train de faire son travail et ses résultats auraient pu amener des propositions concrètes qui auraient pu nous rassembler. Vous l'aurez compris, le groupe socialiste soutient l'initiative et soutiendra également l'idée d'un contreprojet. Merci. (Applaudissements.)

M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais m'adresser au Conseil d'Etat. Nous avons une disposition constitutionnelle à l'article 60, intitulé «Examen de la validité»; l'alinéa 1 dit que «la validité de l'initiative est examinée par le Conseil d'Etat». Je saute l'alinéa 2 pour passer aux alinéas 3 et 4:

«3 L'initiative qui ne respecte pas l'unité de la matière est scindée ou déclarée partiellement nulle, selon que ses différentes parties sont en elles-mêmes valides ou non. A défaut, ou si le non-respect de l'unité de la matière était manifeste d'emblée, l'initiative est déclarée nulle.

4 L'initiative dont une partie n'est pas conforme au droit est déclarée partiellement nulle si la ou les parties qui subsistent sont en elles-mêmes valides. A défaut, l'initiative est déclarée nulle.»

Mesdames et Messieurs, nous avons là une initiative populaire structurée en trois parties - en trois articles. L'article 1A énonce un certain nombre de principes - je ne vais pas me prononcer sur le fond: le côté économie planifiée a déjà été fort bien décrit par M. Hiltpold -, l'article 1B prévoit ce mécanisme fort curieux, dépensier, qu'on va léguer aux générations futures, et puis l'article 1C propose d'instaurer la semaine de 32 heures ! En d'autres termes, on se retrouverait avec une semaine de travail qui compterait huit heures de moins mais pour le même salaire; mathématiquement, cela représente une augmentation des salaires de 20%. Notre économie et nos contribuables apprécieront.

Cela étant dit, nous avons ici des articles d'un même texte d'initiative qui abordent deux choses très différentes, Mesdames et Messieurs: d'un côté, on a la création d'emplois et de l'autre, cette semaine de 32 heures. Le principe de l'unité de la matière n'est pas respecté, et ce de manière manifeste. Le Conseil d'Etat a donc violé l'article 60 de la constitution cantonale puisqu'il aurait dû scinder cette initiative en deux parties, l'une consacrée à la création d'emplois et l'autre à ces 32 heures.

J'en viens maintenant à la question de ces 32 heures. Les cantons ne sont pas compétents pour fixer la durée de travail: c'est le droit fédéral, plus précisément la loi sur le travail et ses ordonnances d'application, qui le fait. L'article 1C est donc contraire au droit fédéral. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, indépendamment du fait d'être d'accord ou non avec l'initiative, ce texte pose en réalité un sérieux problème juridique - problème juridique que le Conseil d'Etat s'est bien gardé d'examiner, ne serait-ce que dans le but, probablement, de se présenter sur la scène politico-médiatique et de brandir les qualités d'un supposé contreprojet dont on se réjouit de voir les contours.

Mesdames et Messieurs, et je m'adresse en particulier au Conseil d'Etat, vous n'avez malheureusement pas fait votre travail. Vous avez violé l'article 60 de la constitution cantonale; cette initiative aurait dû être déclarée nulle et c'est aussi pour cette raison que le parlement doit siffler la récréation... (Commentaires.) ...siffler la fin de la récréation et voter tant contre l'initiative que contre le principe même d'un contreprojet. Nous ne sommes pas en France... (Protestations. Remarque.) ...nous avons déjà singé le salaire minimum; nous en verrons les effets désastreux lorsque celui-ci deviendra le salaire de référence. Pour l'amour du ciel, n'allons surtout pas dans la direction des 35 heures: c'est exactement ce qui a créé le chômage massif que connaît la France ! (Protestations.) Epargnons cela aux Genevois, je vous en prie ! Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant de cette initiative, on a parlé d'emplois et de l'économie, mais les emplois prévus dans ce texte ne sont pas pour l'économie ! Ils sont créés pour «les collectivités publiques cantonale et municipales, les établissements subventionnés et les institutions publiques et privées, à but non lucratif, poursuivant des buts d'intérêt public». On veut donc - dans un souci louable, naturellement - trouver des jobs pour les chômeurs en les insérant dans la structure du canton de Genève, que nous connaissons bien évidemment puisque nous sommes sur le point de discuter du budget à venir.

Pour ceux qui n'auraient pas compris l'ampleur des mesures: leur coût s'élève à 100 millions par an. Si vous faites quatre colonnes et que vous additionnez les montants - 100 millions, 200, 300, 400, parce que ça se cumule -, on arrive à un milliard en quatre ans ! C'est la réalité, si par hypothèse le chômage reste au niveau actuel. Si au moins ça permettait de régler le problème, on pourrait éventuellement envisager d'en parler, mais les exposés que nous avons eus lors des discussions de commission ne nous ont fait voir que le coût et les problèmes. Et l'Etat l'a confirmé: il y a un écart, à Genève, entre les profils des chômeurs et les postes à repourvoir dans l'économie; ils ne coïncident pas. La question qui se pose, c'est bien évidemment: que faut-il faire ?

Pourquoi sommes-nous opposés à un contreprojet ? Parce que le contreprojet serait tellement éloigné de l'initiative qu'il n'aurait finalement pas de sens; c'est la raison pour laquelle nous le refusons. De quoi était-il question dans le contreprojet ? De formation professionnelle, de réinsertion, d'aides, de subventions et autres - toutes choses dont nous sommes prêts à discuter, mais pas de cette façon, en mettant un accent maximal, à coups de centaines de millions, sur des postes dont la nécessité resterait à prouver, s'agissant de l'usage que l'Etat pourrait en faire.

Quant à la semaine de 32 heures, c'est quelque part la cerise sur le gâteau, parce que la mesure apparaît en fin d'initiative, mais elle a un coût absolument gigantesque et vous le savez fort bien. Si on entre en matière là-dessus, il n'y aura pas que l'Etat qui sera concerné: toute l'économie genevoise le sera. On l'a dit, le coût du travail augmenterait de 20% - je ne vois pas comment on pourrait s'en sortir.

Le parti démocrate-chrétien, compte tenu de toutes ces considérations, s'opposera à l'initiative et au contreprojet, parce que tel qu'envisagé - très éloigné de l'initiative -, il n'apporterait absolument rien; nous préférons par conséquent refuser l'idée. Merci.

M. François Baertschi (MCG). Cette initiative promet des emplois - des emplois pour qui ? Pas pour les Genevois... (Rires. Remarque.) ...mais pour des frontaliers. (Rires. Commentaires.) Pour les frontaliers ! (L'orateur insiste sur le mot «les».) La progression du nombre d'emplois à Genève au cours de ces dernières années a bénéficié en grande partie - pour ne pas dire presque exclusivement - aux travailleurs frontaliers.

Il est vrai que l'initiative a raison sur un point: le chômage est excessif à Genève. Il faut toutefois oser dire les vrais chiffres du chômage, qui est de 10% d'après le BIT - les chiffres du SECO sont quelque part mensongers; il convient de dire qu'il y a 10% de chômage à Genève et 7% en France voisine. Ces chiffres nous permettent une comparaison internationale et démontrent qu'il y a véritablement un problème, et ce n'est pas la création de mille emplois qui améliorera cette situation.

J'ai l'impression qu'avec cette initiative nous nous trouvons face à une illusion - illusion d'ailleurs très largement partagée par les milieux économiques et les milieux de gauche: on a l'impression que Genève est sur une île ! Qu'on vit dans un monde idéal, qu'on est à l'abri de toutes choses ! Et on oublie qu'il y a une libre circulation des travailleurs, qu'il y a un système de vases communicants, qu'il y a une surconcurrence qui profite des écarts économiques de part et d'autre de la frontière ! C'est pour cela que cette initiative n'est pas, et ne peut pas être, une bonne solution.

Quelle solution faut-il appliquer ? Eh bien celle que le MCG s'échine à défendre depuis des années: une politique de préférence cantonale - une politique qui permet aux travailleurs genevois d'avoir des salaires décents, qui permet de vivre à Genève ! C'est ce qu'ont exprimé certains travailleurs - je pense par exemple à ceux de Swissport -, qui disaient: nous n'arrivons plus à habiter à Genève avec les salaires qu'on nous verse, nous sommes obligés d'aller de l'autre côté de la frontière. Il y a des réalités économiques, des réalités sociales qui font que ce n'est tout simplement pas possible, et ce n'est pas en créant un certain nombre d'emplois qui seront en grande partie - essentiellement, voire totalement - comblés par une arrivée de frontaliers qu'on va changer quelque chose.

C'est la raison pour laquelle le MCG s'opposera avec détermination à cette initiative. Et nous ne voyons pas comment proposer un contreprojet crédible qui véritablement s'inscrive dans cette dynamique de préférence cantonale, une dynamique où on pense d'abord aux habitants de Genève et on arrête de vivre dans un monde idéal - on arrête de ne tenir compte ni de la géographie ni de l'histoire et de vivre dans cette sorte de délire collectif comme on le fait depuis trop longtemps. Merci, Monsieur le président.

Une voix. Bravo, François !

M. François Lefort (Ve). Le rapporteur de majorité a un peu peint le diable sur la muraille ! Pas avec un pistolet à peinture, mais avec un canon à peinture ! L'initiative a des conséquences, mais pas des conséquences aussi terribles que celles qui ont été décrites: ce n'est que la création de mille emplois - emplois d'ordre public au sens large - tant que le chômage reste supérieur à 5%. Le but est donc de faire baisser le chômage. Bien sûr, si le chômage reste inférieur à 5%, et là vous avez raison, la création d'emplois sera adaptée en proportion. C'est une idée généreuse !

Cela représente toutefois la création automatique d'emplois, ad vitam aeternam, dans le secteur public, sans relation avec les besoins réels de la transition énergétique. Nous aurions été favorables à la création en une fois, par exemple, de mille emplois - même dans le secteur public - pour lancer les travaux de la transition énergétique, mais pas à la création automatique de mille emplois par an, sans limites, dans le secteur public. Cette initiative, aussi généreuse soit-elle, loupe tout de même un petit peu sa cible.

Pour les raisons évoquées, nous soutiendrons évidemment le principe d'un contreprojet, le rapporteur de minorité l'a déjà mentionné, parce que nous pensons que la création d'emplois pour la transition énergétique - la création d'emplois nécessaires à cette transition énergétique ! - doit intervenir dans le privé et non dans le public ! Ce sont en effet les entreprises qui vont effectuer la transition énergétique avec tous ces métiers dont nous avons besoin. C'est pourquoi ces emplois devraient principalement être créés dans le privé, et le rôle de l'Etat est de soutenir cette création d'emplois dans le privé.

Comment la soutenir ? L'effort de l'Etat doit porter sur la formation - sur les formations dont nous avons besoin pour justement créer des emplois adaptés à la transition énergétique. En conclusion, le groupe des Verts votera bien sûr le principe d'un contreprojet, et puis par souci de paix, et bien sûr par amitié, nous nous abstiendrons sur l'initiative. Merci. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Jean Burgermeister pour une minute.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir très rapidement sur l'idée d'un contreprojet: ce qui nous avait été présenté en commission, c'était l'idée d'un véritable droit à une formation certifiante pour les personnes au chômage. Cette nécessité-là, Mesdames et Messieurs, personne ne peut la remettre en question.

Je rappelle quand même que c'était censé être la contrepartie aux centaines de millions de francs que nous avons dépensés à fonds perdu pour aider les entreprises: dès le début, le Conseil d'Etat avait dit qu'il mettrait en oeuvre une politique de l'employabilité pour les secteurs les plus touchés. La contrepartie à ces centaines de millions, Mesdames et Messieurs, le gouvernement en avait pris l'engagement - ce parlement en avait pris l'engagement - dès les premiers projets de lois d'aides aux entreprises votés au printemps 2020, c'était précisément cette formation pour les personnes au chômage !

C'est vraiment une nécessité, on le sait, mais la commission n'a pas daigné s'intéresser de près à cette question ! Elle a balayé d'un revers de la main une proposition concrète en faveur des salariés après avoir voté sans broncher des centaines de millions pour les entreprises. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cela démontre le marché de dupes auquel nous avons assisté dans ce parlement, Mesdames et Messieurs, et Ensemble à Gauche était évidemment méfiant, parce qu'on a dit: nous voterons...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Jean Burgermeister. ...nous voterons les aides aux entreprises...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Jean Burgermeister. ...mais il faudra revenir pour les salariés. Vous le voyez, la droite n'en a que faire...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Jean Burgermeister. ...une fois que les patrons se sont servis ! Je vous remercie. (Applaudissements. Commentaires.)

Le président. Merci. Monsieur Patrick Dimier, vous avez la parole pour une minute trente.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste apporter des précisions sur les chiffres - ils ne sont pas de nous: ils ont été publiés ce matin dans «Le Dauphiné libéré». Le taux de chômage, à Genève, est de 10,1% et non le chiffre flatteur qui nous est annoncé. Genève ment sur son taux de chômage, le Conseil d'Etat ment sur le taux de chômage.

Il y a, surtout, une chose qui n'est par ailleurs pas du tout réglée par la proposition qui nous est faite, à savoir le sort réservé aux chômeurs plus âgés, au-delà de 50 ans. Et ces chômeurs-là se font systématiquement siphonner les postes par des frontaliers; c'est une évidence !

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Vous aurez bien entendu remarqué que j'ai oublié de vous lire l'article 2 de cette initiative, qui dit que les emplois créés sont réservés aux frontaliers ! Je plaisante, naturellement - je m'adresse à mes collègues du MCG: ce n'est pas du tout écrit, et vous savez très bien qu'il existe actuellement une règle selon laquelle les personnes au chômage ont une préférence à l'emploi s'agissant des emplois cantonaux. C'est donc parfaitement ridicule de dire que les emplois qui seraient créés par le biais de cette initiative iraient uniquement aux frontaliers.

Maintenant, je ne sais pas si c'est mon rôle de le dire, mais je reviens sur l'intervention du député Alder et sur l'unité de la matière - vous pourrez transmettre si vous le souhaitez, Monsieur le président: il me semble quand même que l'entier de cette initiative consiste à réduire le taux de chômage, même si on peut bien entendu être d'accord ou non avec les méthodes et les moyens proposés. Un des moyens, c'est de créer un certain nombre d'emplois dans le secteur public et parapublic - c'est l'un des moyens. Et puis, on peut y croire ou non, la diminution du temps de travail permet de répartir un peu mieux le temps et, possiblement aussi, de diminuer le taux de chômage. Deux moyens différents figurent donc dans l'initiative pour atteindre l'objectif qui est de réduire le taux de chômage; je ne vois pas très bien en quoi l'unité de la matière devrait être contestée dans cet objet, mais je laisse volontiers le Conseil d'Etat répondre sur cette question.

J'aimerais par ailleurs quand même relever une chose - vous transmettrez également: le député Alder a dit à un moment donné qu'il se réjouissait du principe d'un contreprojet et, deux phrases plus loin, qu'il rejetait le principe d'un contreprojet. Je n'ai donc pas tout à fait compris; vous pouvez considérer que je l'ai mis en cause. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole à M. Patrick Dimier pour cinquante secondes.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous communiquerez à M. Eckert qu'il aille dire aux chômeurs de plus de 50 ans que notre position est ridicule et il verra comment il se fera recevoir. Merci. (Remarque.)

Une voix. Bravo, Patrick !

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Murat-Julian Alder, je vous donne trente secondes de parole.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Merci, Monsieur le président. Dès lors que les deux articles peuvent être votés indépendamment l'un de l'autre, l'unité de la matière n'est pas respectée.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant au rapporteur de majorité, M. Serge Hiltpold, pour trente secondes.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président, ce sera relativement court. Ce qui me pèse, franchement, en tant que rapporteur de majorité, c'est le jugement de valeur que l'on porte sur les emplois dans ce parlement. C'est franchement insupportable ! On est dans une démarche bien-pensante de créer des emplois sociaux et écologiques alors que ce qui est fondamental, c'est que les gens donnent un sens à leur travail et qu'ils soient épanouis dans leur métier. Alors ne portons pas de jugement de valeur sur la qualité d'un travail parce qu'il est social ou écologique; rien que pour cela, je ne voudrais pas d'un contreprojet ! Merci, Monsieur le président.

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai par revenir très brièvement sur la question de la validité de cette initiative. Je constate que seul le PLR conteste cette validité formelle pour un motif qu'il me semble difficile de considérer comme un argument, mais plutôt comme une argutie. Le travail d'analyse effectué par la chancellerie, que vous trouvez dans le rapport sur la validité de l'initiative, m'apparaît non critiquable à cet effet, de sorte que j'invite le parlement à ne pas développer plus avant les éléments soulevés par le PLR sur ce point.

L'IN 181, dite «1000 emplois», vise en effet deux objectifs principaux: d'une part développer des emplois nécessaires au développement durable et d'autre part réduire le taux de chômage. Pour ce faire, le texte de l'initiative propose la création de mille emplois par année dans le secteur public et subventionné. Comme le Conseil d'Etat a eu l'occasion de l'indiquer dans son rapport du 26 janvier 2022, nous partageons ces deux objectifs, mais le Conseil d'Etat considère que les moyens proposés par les initiants pour y parvenir - mille emplois publics par an - ne sont pas les moyens adéquats pour atteindre l'objectif visé.

A Genève, le taux de chômage calculé selon la méthode du SECO - et j'en profite pour m'interroger sur le crédit que l'on peut apporter à des informations qui viennent de France voisine et ne respectent pas la préférence cantonale des médias !... (Rires. Remarque.) Quoi qu'il en soit, le taux de chômage tel qu'il est calculé par le SECO, selon des calculs qui sont validés et admis dans toute la Suisse, après avoir atteint un pic à 5,7% en février 2021, est aujourd'hui revenu à son niveau d'avant la pandémie, à 3,7% en août 2022. Plus spécifiquement pour les chômeurs de longue durée, soit les personnes qui sont au chômage depuis plus de douze mois - douze mois et plus -, le taux de chômage à Genève s'établit actuellement à 19,2% après avoir frisé les 30% il y a environ une année. Ce taux de 19,2% est relativement bas et est même un peu inférieur à la moyenne suisse pour le chômage de longue durée qui s'établit à 19,9%. Mais qu'est-ce que ce taux indique ? Il indique que même lorsque la situation est bonne sur le marché du travail, comme c'est le cas aujourd'hui, un cinquième des chômeurs peinent à retrouver un emploi.

Dans le contexte économique genevois, il n'y a pas de lien mécanique ni automatique entre la création d'emplois et la baisse du taux de chômage. Plusieurs chiffres ont été évoqués; je m'en tiendrai à ceux en équivalents plein temps: Genève compte plus de 330 000 emplois pour environ 240 000 résidents actifs. L'économie genevoise est un exemple de décrochage entre le nombre d'emplois disponibles et le taux de chômage. Concrètement, nous le savons tous et nous l'observons, les entreprises recrutent dans un bassin qui dépasse largement les frontières cantonales, et créer de nouveaux emplois publics ne changera rien à cette tendance. Dans ce contexte, le Conseil d'Etat considère que ce n'est pas en agissant sur le nombre d'emplois disponibles que l'on va pouvoir diminuer le chômage. Le chômage se réduira si le profil des demandeurs et des demandeuses d'emploi correspond aux profils demandés par les entreprises.

Les travaux de la task force employabilité - à laquelle participent trois départements, ceux de l'économie et de l'emploi, de l'instruction publique et de la cohésion sociale, mais également les partenaires sociaux -, auxquels plusieurs d'entre vous se sont référés, ont mis en évidence à quel point la question des qualifications est centrale. De nombreux dispositifs en lien avec l'employabilité existent déjà; le système est bien entendu toujours perfectible, mais la volonté commune de tous les acteurs, dans ce domaine-là, de favoriser la qualification et la requalification des adultes est bien là.

Il y a néanmoins une phase de la vie professionnelle durant laquelle la formation professionnelle est littéralement découragée: c'est celle du chômage. En la matière, malgré les efforts entrepris à Genève pour valoriser les rares possibilités offertes par la loi fédérale - la LACI -, nous ne pouvons pas nous appuyer sur une politique fédérale à la hauteur des enjeux. Ce n'est pas qu'il ne se passe rien, à Genève, et l'OCE est évidemment en contact étroit tant avec l'office de la formation professionnelle et continue, l'OFPC, qu'avec d'autres offices dans l'objectif de permettre à des adultes d'accéder à des formations qualifiantes de type AFP ou CFC. Mais la LACI ne considère tout simplement pas comme une priorité la mise en adéquation entre les qualifications des demandeurs d'emploi et les besoins de notre économie.

Le Conseil d'Etat considère quant à lui qu'il faut agir sur cette adéquation entre qualifications et compétences recherchées pour faire baisser durablement le taux de chômage. Pour cela, il faut rendre possible la formation pendant la période de chômage. Des changements dans la politique fédérale seraient évidemment bienvenus - et même nécessaires -, mais ils restent hypothétiques et aléatoires. C'est pourquoi nous devons agir sans attendre sur ce terrain au niveau cantonal.

En matière de durabilité, différents plans directement en lien avec les objectifs de durabilité ont été adoptés à l'échelle cantonale, et ils sont source de création d'emplois. Si ces plans sont promus par l'Etat, c'est dans le secteur privé que les emplois seront créés. Je pense par exemple à la loi sur l'énergie, qui permettra la création d'emplois dans le secteur de la construction en obligeant les propriétaires à diminuer la consommation de leurs bâtiments.

Bien sûr, en matière d'insertion sur le marché du travail, la priorité de la politique de l'emploi doit rester la réinsertion, quel que soit le domaine d'activité. Mais concrètement, sans attendre que les demandeurs et les demandeuses d'emploi arrivent en fin de droit, nous pourrions leur permettre d'accéder à des formations qualifiantes de type AFP ou CFC dans les domaines du social et de l'environnement prioritairement, ce qui faciliterait par la même occasion la mise en oeuvre des plans cantonaux de développement durable. Et tout le monde ici s'est accordé à relever la nécessité d'une action déterminée en matière de développement durable.

Le Conseil d'Etat propose donc au Grand Conseil d'élaborer un contreprojet dont le siège principal serait la loi cantonale en matière de chômage. La modification législative permettrait d'assurer un revenu correct aux chômeurs suivant une formation qualifiante même si à un moment donné ils devaient perdre, de ce fait, leur droit aux indemnités. Ces programmes devront être élaborés en concertation avec les acteurs économiques - patronat et syndicats, évidemment - pour identifier à la fois les secteurs qui offrent des débouchés et les besoins en compétences observés sur le terrain.

Sauf exception, il devra s'agir de formations en emploi. Pourquoi ? Pour maintenir ou rétablir le contact avec le marché du travail et la réalité de l'entreprise. Ces formations devront en outre tenir compte des spécificités d'un public adulte - je pense évidemment aux expériences et aux formations préalables notamment -, mais aussi être adaptées en matière de calendrier de formation, d'articulation temps de travail-temps de formation, etc. Et puis ces formations devront bien sûr s'appuyer sur les dispositifs en place, notamment au sein du DIP mais aussi du DCS.

Le Conseil d'Etat n'arrive pas devant le Grand Conseil avec un projet déjà ficelé, parce que l'élaboration d'un tel projet nécessite de nombreuses collaborations, notamment avec le SECO et les partenaires sociaux - je l'ai mentionné -, mais également avec des partenaires de la formation continue comme la FFPC. Les propositions du gouvernement sont néanmoins claires, et celui-ci sera en mesure de vous soumettre un contreprojet d'ici quelques mois si, comme nous vous le proposons, vous en validez le principe.

Je sais, Mesdames et Messieurs les députés, que vous êtes nombreuses et nombreux à être très sensibles aux questions de formation, et de formation professionnelle en particulier. Les entrepreneuses et les entrepreneurs parmi vous connaissent bien les besoins du terrain et le besoin de pragmatisme et de souplesse pour embaucher et garder des collaboratrices et des collaborateurs compétents et motivés. Les syndicalistes parmi vous savent bien qu'accès à la formation rime bien souvent avec accès au travail. Enfin, nous savons toutes et tous, pour avoir un proche qui est passé par la case chômage ou pour y être soi-même passé, les ravages du chômage de longue durée, la destruction individuelle et la perte sociale qu'il provoque.

Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, il convient d'agir le plus tôt possible pour former les personnes au chômage, pour leur donner accès à une formation qualifiante dans des domaines qui embauchent. Il faut par ailleurs assurer un revenu correct pendant la formation et former dans des domaines corrélés au développement durable, des domaines utiles pour la population, utiles pour notre économie, utiles pour notre souveraineté, utiles pour notre avenir. Voilà les objectifs que poursuit le Conseil d'Etat en vous invitant à voter en faveur d'un contreprojet à l'initiative «1000 emplois».

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote de prise en considération de l'IN 181. Si elle est refusée, nous voterons sur le principe d'un contreprojet.

Mise aux voix, l'initiative 181 est refusée par 56 non contre 27 oui et 11 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 55 non contre 41 oui (vote nominal).

Vote nominal