Séance du jeudi 1 septembre 2022 à 20h30
2e législature - 5e année - 3e session - 19e séance

IN 185
Initiative populaire cantonale 185 « Pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 1er et 2 septembre 2022.
IN 185-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 185 « Pour une contribution temporaire de solidarité sur les grandes fortunes »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 1er et 2 septembre 2022.

Débat

Le président. Nous traitons à présent l'initiative 185 ainsi que le rapport du Conseil d'Etat qui l'accompagne. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. le député Alexandre de Senarclens.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Merci, Monsieur le président. Cette initiative 185 serait une véritable catastrophe. Une catastrophe non pas pour les personnes les plus fortunées du canton - les personnes visées par cette initiative -, mais pour toutes les autres. Au lieu de remplir les caisses de l'Etat de Genève, cette initiative va les vider et les vider pour très longtemps, avec le départ de ces très gros contribuables.

C'est une attaque en règle contre notre économie. C'est une attaque en règle contre les entrepreneurs de ce canton, ceux qui créent des ressources fiscales, ceux qui permettent à notre Etat social de fonctionner et à notre système éducatif d'être ambitieux, ceux qui permettront de financer la nécessaire transition économique et numérique souhaitée par le Conseil d'Etat.

En effet, les ressources fiscales du canton reposent - et c'est une particularité genevoise - sur quelques centaines de contribuables très fortunés; la pyramide fiscale est très fragile. Rappelez-vous: 1% des contribuables du canton financent 66% de l'impôt sur la fortune. 4,2% financent plus de 50% de l'impôt sur le revenu. Or ces contribuables, puisqu'ils sont très fortunés, ne sont par définition pas captifs. Avec 1,5% d'impôts sur la fortune, ainsi que le propose l'initiative, ces personnes vont petit à petit partir, alors que l'on sait que le plus mauvais élève après Genève, c'est Bâle avec seulement 0,85% - le canton de Vaud est à 0,79%. Ils vont partir en Suisse et certainement à l'étranger, avec, petit à petit, leurs entreprises.

Qui va payer ? C'est évidemment, en bout de ligne, la classe moyenne, ceux qui ne peuvent pas partir, et les plus fragiles qui auront moins de prestations sociales. C'est terrible pour l'image de Genève ! C'est terrible qu'une majorité de gauche du Conseil d'Etat rompe toutes ses promesses sur cette question et démontre son incompréhension du tissu économique genevois, son incompréhension des entrepreneurs et de la concurrence fiscale qui règne entre les cantons et entre les nations ! Comment peut-on d'ailleurs imaginer qu'une ministre de l'économie soutienne une telle initiative, qui va justement détruire nos emplois et détruire les entreprises du canton ?

C'est pour ces motifs que le PLR va rejeter cette initiative et refusera de lui opposer un quelconque contreprojet. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Jean Batou.

M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Je pense que c'est pour ça que Jean Romain avait pressé sur mon bouton tout à l'heure ! (Remarque.) Je sais avec quelle emphase, avec quelle émotion la droite défend les privilégiés de ce canton. Tout d'abord, Genève est le canton où la fortune a crû le plus rapidement au cours de ces quinze dernières années. Le degré d'inégalité des fortunes est le plus élevé de tous les cantons et la croissance des inégalités était la plus rapide. En sept ans, les fortunes de plus de 3 millions de francs ont triplé à Genève. Voilà ce que défendent le PLR et l'ensemble des partis bourgeois: la croissance des inégalités, le creusement des inégalités. Il y a aussi à Genève la plus grande proportion de contribuables qui ne sont pas imposés sur la fortune parce que leur fortune est insuffisante pour passer la barre de l'impôt. Nous sommes donc le canton où il y a le plus de ménages qui ne paient pas d'impôt sur la fortune.

Qu'est-ce que demande cette initiative ? Elle demande, pour dix ans, une contribution de 5 pour 1000 - vous m'avez entendu: 5 pour 1000 ! - sur la seule part de la fortune qui dépasse 3 millions. On peut imaginer que 5 pour 1000, sur la part de ma fortune qui dépasse 3 millions, c'est tout de même supportable sans qu'on doive fuir l'enfer fiscal de ce canton ! D'ailleurs, l'enfer fiscal qu'on nous décrit comme celui où la fortune est la plus taxée de Suisse est celui où les plus grosses fortunes s'accumulent le plus vite ! Cherchez l'erreur !

Enfin, cette initiative propose deux mesures de plus. D'abord, la réduction du bouclier fiscal qui protège essentiellement les multimillionnaires et, en compensation, le triplement des déductions sociales pour les petites fortunes et l'outil de travail des artisans. C'est cette fois-ci évidemment une mesure sociale, qui sera entendue, je pense, par une grande partie de la population.

Bien entendu, Ensemble à Gauche, qui participait à la récolte de signatures, soutient cette initiative, la défendra devant le peuple, et nous espérons que cette fois-ci, les millionnaires, les multimillionnaires devront faire un petit effort pour les défavorisés de ce canton. Merci. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Xavier Magnin.

M. Xavier Magnin (PDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative 185 et son contreprojet feraient passer le taux d'impôt sur la fortune nette de 1% à 1,5% pour les fortunes de 3 millions. Ce taux doit être comparé avec celui de nos voisins immédiats, les Vaudois, qui est actuellement à 0,79%. C'est un écart qui existe déjà, mais nous nous trouverions dans une situation où celui-ci passe presque du simple au double. Sachant que les personnes aisées peuvent facilement changer de lieu d'habitation ou de domicile fiscal, pour elles, le calcul sera vite et bien fait: le risque sera qu'elles quittent notre canton.

Un chiffre: aujourd'hui, 9% des contribuables sur les 28,8% qui paient l'impôt sur la fortune - soit le tiers des contribuables du canton - seraient soumis à cette contribution supplémentaire, pour un montant global d'environ 250 millions. Comme l'impôt sur la fortune rapporte, selon les comptes 2021, 971 millions, l'augmentation proposée représente une charge fiscale en hausse de 25% pour les personnes concernées, ce qui est loin, vraiment loin, d'être négligeable. Cette catégorie de contribuables supporte déjà la presque totalité de l'impôt. Dès lors, en cas de départ vers d'autres contrées, la structure même des recettes liées à l'impôt sur la fortune se trouverait grandement fragilisée. Au vu des écarts engendrés, les quelques avantages genevois ne seront clairement plus suffisants pour une partie de ces contribuables qui partiront facilement.

De plus, c'est un très mauvais message dans la situation économique actuelle: guerre en Ukraine, hausse des prix, difficultés d'approvisionnement en matières premières et perspective d'une crise énergétique majeure. Il faut noter que les recettes fiscales progressent d'année en année. La dette se stabilise, malgré des obligations aux conséquences majeures, telles que la recapitalisation de la CPEG ou l'aide en période de crise.

En conclusion, ces propositions ne sont pas adéquates. Elles démontrent un manque de compréhension et de connaissance de la situation à laquelle font face ceux qui créent l'emploi dont bénéficient les citoyens genevois. Ce n'est pas une limite de temps, comme celle introduite par le contreprojet, qui changera quoi que ce soit à la situation et au message.

Le parti démocrate-chrétien ne veut pas entendre le silence assourdissant des excellents contribuables ayant quitté notre canton...

Une voix. Mais non !

M. Xavier Magnin. ...ni écouter les rires satisfaits de nos voisins d'outre-Versoix, ravis de profiter d'une décision genevoise en leur faveur. Nous pourrions aussi parler des fondations, du mécénat, des actes philanthropiques, que l'on inciterait à quitter le canton pour aller de l'autre côté de la Versoix. Le PDC recommande donc vivement de voter non à cette initiative 185 et à son contreprojet. Merci.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il s'agit d'une initiative, il faut le dire, suicidaire pour notre économie et pour nos emplois. Personne n'oublie que ceux qui gagnent de l'argent, les contribuables forfaitaires, les entreprises, grâce à qui nous avons d'ailleurs eu des comptes positifs en 2022, font de la production, créent de l'emploi et paient des impôts. Grâce à eux, nous avons eu un excédent: alors qu'on partait au départ avec plus de 800 millions de déficit, nous finissons avec 49 millions de bénéfice.

Ces gens-là sont extrêmement mobiles ! Tout est flexible ! Je vais vous raconter le cas de quelqu'un qui m'a téléphoné il y a une semaine. Il m'a tenu la jambe une bonne trentaine de minutes, nous avons échangé. Il m'a dit: «Je suis un petit propriétaire, nous avons des terrains agricoles et je paie 72% d'impôts !» 72% d'impôts ! Ils ont des terrains, deux ou trois petits immeubles de famille en nom dans une petite commune genevoise. (Commentaires.) Il m'a dit: «C'est très simple: on va mettre les immeubles en société anonyme et je vais quitter Genève pour aller en Valais !» Telle est la réalité ! (Exclamations. Commentaires.) Et votre limite de 3 millions touche aussi des petits propriétaires et des propriétaires de villas, parce que si vous avez un terrain qui a pris une plus-value, ce qui est le cas avec un bâtiment, 3 millions, vous y êtes extrêmement vite ! (Eclats de rire.) Mais aujourd'hui...

Une voix. Mais non, mais non ! (Commentaires. Le président agite la cloche.)

M. Christo Ivanov. Mais oui ! A 3 millions... (Commentaires.) A 3 millions...

Le président. Un instant, Monsieur le député !

M. Christo Ivanov. ...je suis désolé de vous le dire, mais vous y êtes extrêmement vite ! (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît...

M. Christo Ivanov. Vous êtes complètement déconnectés de la réalité, vous êtes en dessous de tout ! (Rires. Exclamations. Commentaires.)

Le président. Mesdames et Messieurs, si vous voulez prendre la parole, vous appuyez sur le bouton, s'il vous plaît !

M. Christo Ivanov. Moi je fais partie des chefs d'entreprise, qui se lèvent tous les matins à 4h30-5h et qui créent de la richesse ! (Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence !

M. Christo Ivanov. Vous êtes les fossoyeurs de l'économie genevoise ! (Vifs applaudissements et approbations. Huées.)

Des voix. Bravo ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Christo Ivanov. A un moment, faut arrêter !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que les citoyens qui vont vous élire dans quelques mois vous regardent. Donc, s'il vous plaît, ayez au moins la décence d'avoir un discours correct et du respect !

M. Christo Ivanov. Aujourd'hui, on a un deuxième problème. Je ne parle pas à ceux qui ont les moyens... (Brouhaha.)

Une voix. Mais faites-les taire, Monsieur le président !

Le président. Continuez, Monsieur le député.

M. Christo Ivanov. Faut les virer, y a un règlement, vous les virez ! (Rire. Commentaires.)

Le président. Monsieur Ivanov, ça suffit !

M. Christo Ivanov. Monsieur le président, je vais continuer ! Je vais parler des gens... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, Ensemble à Gauche, vous vous calmez ! Continuez, Monsieur le député.

M. Christo Ivanov. Je vais maintenant parler des gens modestes, des retraités et de ceux qui aujourd'hui arrivent à l'âge de la retraite et qui se demandent: «Combien vais-je toucher d'AVS ? Combien vais-je toucher de LPP ? Combien vais-je payer d'impôts ? Combien vais-je payer pour les plaques de voiture et les assurances-maladie ?» (Commentaires.) Et qu'est-ce qui se passe ? Ces gens-là quittent le canton pour aller ailleurs: Vaud, Valais, Jura, Fribourg, dans leurs familles où ils ont une attache, car ils vont économiser 1500 à 2000 francs par mois ! Telle est la réalité que vous ne voulez pas voir ! Concernant les plus riches... (L'orateur est interpellé.) Madame Wenger, vous me laissez parler, merci !

Une voix. Laisse faire ! Continue ! (Commentaires.)

M. Christo Ivanov. C'est bon, la cinquième colonne, restez où vous êtes ! (Rires. Exclamations.)

Une voix. Bravo ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Christo Ivanov. A un moment, faut juste arrêter !

Le président. Monsieur le député, c'est...

M. Christo Ivanov. Parce que nous, les chefs d'entreprise, c'est nous qui créons la richesse dans ce canton ! (Huées.)

Des voix. Bravo !

M. Christo Ivanov. Mais oui ! C'est la réalité ! Donc cette initiative... (Brouhaha. Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. C'est terminé.

M. Christo Ivanov. C'est un véritable scandale ! (L'orateur continue de s'exprimer hors micro.) Vous êtes les fossoyeurs de l'économie de ce canton ! Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Voilà, on se calme, on respire et on reprend avec le prochain intervenant, M. Pierre Eckert.

Une voix. A un moment, on applique le règlement !

Une autre voix. Chut !

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, difficile d'intervenir après cette bronca ! Je ne sais pas si je peux calmer le jeu. (Brouhaha.)

Des voix. Chut !

M. Pierre Eckert. Comme cela a été dit, cette initiative a été lancée après la première année de covid. Après cette année difficile pour la plus grande partie de la population, les constats étaient clairs: d'une part, l'accumulation des plus grosses fortunes a été énorme. C'était déjà le cas avant la crise, comme cela a été mentionné, mais durant la crise covid, l'accumulation de fortune a été absolument énorme dans ce canton. D'autre part, les services publics ont été placés sous une forte pression pour continuer à délivrer des prestations sanitaires à la population ainsi que pour l'aide nécessaire au monde du travail, il ne faut pas l'oublier. Que ce soit pour les entreprises ou les indépendants, l'Etat a joué son rôle.

Cette situation est bien entendu appelée à se poursuivre ces prochaines années. Non seulement les effets de la crise actuelle ne sont pas près de se dissiper, mais d'autres, plus durables, provenant du réchauffement climatique et de la perte notable de biodiversité, vont s'y superposer. Nous aurons d'importants besoins, par exemple dans la formation, la prise en charge des personnes âgées, l'investissement énergétique. Les coûts de cette nécessité incontournable augmentent clairement plus rapidement que le nombre de personnes vivant dans ce canton. Les comptes 2021 ne doivent pas faire illusion: même le Conseil d'Etat a reconnu que le résultat était exceptionnel et probablement non pérenne. Les perspectives sur le budget 2023 ne sont pas roses - on verra ça dans une ou deux semaines. Il convient de donner un coup de pouce temporaire à travers l'impôt de solidarité sur les grandes fortunes que cette initiative propose.

Insistons aussi sur le fait que l'augmentation de cet impôt ne touchera pas les épargnants ordinaires que nous sommes peut-être vous et moi, ni même les propriétaires de villas. (Commentaires.)

Une voix. 3 millions, hein !

Une autre voix. Chut !

M. Pierre Eckert. Au contraire, l'impôt sur la fortune de ces personnes diminuera, puisque l'initiative triple les déductions sociales sur la fortune, les faisant par exemple passer à 500 000 francs pour un couple marié sans enfants. Il faut aussi relever que le maximum de déductions des éléments de fortune investis dans l'exploitation commerciale artisanale ou industrielle passera quant à lui à 1,5 million au lieu de 500 000 francs actuellement, ce qui devrait rassurer celles et ceux qui pourraient penser que cette initiative met en danger les petites entreprises familiales.

Alors en avant pour le renvoi en commission, dans laquelle nous étudierons avec attention les propositions du Conseil d'Etat consistant à réduire la durée de l'impôt supplémentaire à cinq ans au lieu de dix ! Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. André Pfeffer.

M. André Pfeffer (UDC). Je crois qu'il n'y a plus de temps de parole. Merci quand même !

Le président. Il reste cinq secondes, effectivement. Nous poursuivons avec le député Sylvain Thévoz.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti socialiste, cette initiative fiscale tombe à point nommé. Elle tombe à un moment difficile... (Commentaires de désapprobation.)

Une voix. Les fossoyeurs !

M. Sylvain Thévoz. Elle tombe à un moment extrêmement difficile pour la population: un taux d'inflation à pratiquement 3%, des charges - électricité, mazout - qui vont augmenter brutalement. Nous avons aujourd'hui une classe moyenne exsangue, en souffrance... (Commentaires.) ...avec une attente de solutions, et la droite - vous transmettrez, Monsieur le président - ne devrait pas railler et mépriser les gens qui nous écoutent, je l'espère, et qui sont en attente et dans l'angoisse de boucler les fins de mois.

Face à cela, une initiative fiscale pragmatique qui propose, de façon temporaire - durant dix ans, Mesdames et Messieurs ! -, dans cette période de crise, simplement d'ajuster la fiscalité pour que les personnes qui disposent d'une fortune de plus de 3 millions puissent contribuer modestement à maintenir la santé de l'Etat et ainsi à soutenir, par des projets innovants que ce parlement lancera certainement, des redistributions de richesse permettant aux gens de passer l'hiver et de boucler leurs fins de mois.

On ne touche pas aux entreprises, on ne touche pas aux PME. Pour preuve, cette initiative contient une possibilité pour celles-ci de tripler les déductions fiscales. Avec ce texte, on soutient donc les entreprises et les PME. C'est quelque chose d'extrêmement pragmatique. Quand on entend le récurrent chantage au départ, le récurrent chantage à la fuite, permettez-nous de dire que la droite a un discours éculé, un discours dogmatique... (Commentaires de désapprobation.) ...un discours qui est de l'ordre de: «Pas touche aux vaches sacrées !» (Rires. Commentaires.) Et on est un peu étonnés, de notre côté du parlement, parce que ces gens-là, la droite, ne défendent pas la population genevoise, mais défendent le clientélisme - et M. Cuendet sait de quoi on parle ! -, les... (Vives protestations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Sylvain Thévoz. Merci, Monsieur le président. ...les personnes qui font de l'argent avec l'argent. Je sais que les vérités dérangent. Apparemment, elles vous touchent, mais c'est la réalité ! On a dans ce parlement des lobbys - les lobbys de l'argent, les lobbys de l'immobilier -, qui ne supportent pas et qui s'opposent de toutes leurs forces... (Commentaires.) ...quand on demande - Mesdames et Messieurs, si vous nous entendez à travers l'écran, pendant que cette droite hurle - 2,5 pour 1000 sur des fortunes de plus de 3 millions ! Qui, Mesdames et Messieurs, a aujourd'hui 3 millions sur un compte en banque ? Qui, aujourd'hui, peut... (Vifs commentaires.)

Une voix. Eux, eux, là-bas ! Eux ! (Protestations.)

M. Sylvain Thévoz. 22%... (Vifs commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! (Brouhaha.)

M. Sylvain Thévoz. 22% d'augmentation des charges... (Brouhaha.)

Le président. Une seconde, Monsieur le député. Ce sera déduit de votre temps. (Un instant s'écoule. Vifs commentaires.) Messieurs de la droite, si vous voulez vous exprimer, vous appuyez sur le bouton. Mais malheureusement, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur le député, continuez.

M. Sylvain Thévoz. Il est étonnant de voir qu'une partie de cet hémicycle, quand elle entend des propos qui vont dans son sens ou qui sont lénifiants... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! Laissez parler le député !

M. Sylvain Thévoz. ...est démocrate et laisse les personnes s'exprimer, alors que, quand on parle de vérités... (Commentaires.) ...en lien avec des enjeux importants que la population genevoise aimerait entendre, dont elle aimerait débattre, on a là un clan de gens qui hurlent pour défendre leurs prébendes et leurs intérêts ! (Vives protestations. Applaudissements.) 22% ! 22% d'augmentation pour l'électricité, 35% d'augmentation pour les charges, ça c'est ce que les Genevoises et les Genevois vont payer. (Commentaires.)

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Sylvain Thévoz. 2,5 pour 1000, c'est ce à quoi la droite s'oppose pour les fortunes de plus de 3 millions !

Une voix. Il a dépassé son temps ! (Brouhaha.)

M. Sylvain Thévoz. J'aimerais avoir un temps complet, apparemment on m'en prive, mais je reprendrai, j'espère, la parole ultérieurement pour développer mon argumentaire. Merci. (Brouhaha.)

Le président. C'est terminé, Monsieur le député, merci.

Une voix. Trente secondes, faut arrêter ! (Commentaires.)

Le président. Non, le temps a été interrompu quand la droite vociférait. Voilà, nous passons, je l'espère, dans un peu plus de sérénité... (Commentaires.) ...un peu plus de sérénité...

Une voix. A peu près tous les membres d'Ensemble à Gauche sont propriétaires immobiliers, à part vous peut-être ! (Commentaires.)

Une autre voix. C'est l'exception qui confirme la règle !

Une autre voix. T'as que des millionnaires dans ton groupe ! (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Le président. Moi je ne suis pas pressé, j'ai toute la nuit ! Mais si vous voulez finir à l'heure, je vous conseille de vous taire et de laisser parler les intervenants; sinon, nous n'allons pas terminer à 23h.

Une voix. C'est pas grave ! (Commentaires.)

Le président. Je suis ravi de savoir que vous êtes donc pour une séance «open end» ! Je passe maintenant la parole à Mme Françoise Sapin. (Exclamations.)

Une voix. Enfin la vérité !

Une autre voix. Françoise, Françoise !

Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative devrait en fait s'intituler «Ou comment scier la branche sur laquelle on est assis». (Rires.)

Une voix. Eh oui, eh oui ! (Commentaires.)

Mme Françoise Sapin. Eh oui, Mesdames et Messieurs, comment peut-on encore taxer ces «sales riches»...

Une voix. Vous avez les moyens de vous asseoir sur... (Protestations.)

Mme Françoise Sapin. ...alors que ce sont déjà eux qui supportent la plus grande partie de l'impôt sur la fortune à Genève ? (Commentaires.)

Une voix. A Burgermeister de financer... (Commentaires.)

Une autre voix. Chut !

Mme Françoise Sapin. En plus, nous avons le taux d'imposition sur la fortune le plus élevé de Suisse. On veut encore en rajouter. Ce qu'Ensemble à Gauche n'a pas du tout compris... (Exclamation.) ...c'est que ces fortunes sont mobiles. Elles sont très mobiles et elles peuvent quitter le canton très rapidement. Et après ? Que va-t-on faire pour payer toutes les prestations que vous voulez payer et que vous voulez rajouter pour la population ? Pour le MCG, il est impossible de jouer avec le feu. (L'oratrice est interpellée. Vives protestations.)

Une voix. Elle va se taire, ou bien ?!

Une autre voix. Monsieur le président, faites quelque chose !

Mme Françoise Sapin. Pour toutes ces raisons, nous refuserons tant l'initiative que le contreprojet. (Brouhaha.)

Une voix. Président, il faut présider ! (Commentaires.)

Le président. J'aimerais surtout qu'on ne prenne pas la parole hors de propos, s'il vous plaît, Messieurs ! (Commentaires.) Ça suffit, à droite !

Une voix. C'est elle qui fait... (Vive remarque. Brouhaha.)

Une autre voix. Chut !

Le président. S'il vous plaît, Messieurs ! Un peu de tenue !

Une voix. A un moment faut arrêter !

Le président. Vous êtes les représentants du peuple !

Une voix. Vous aussi ! Comme vous !

Le président. Vous devez servir les intérêts de la république, arrêtez de vous conduire de cette façon, s'il vous plaît, tant à droite qu'à gauche !

Une voix. Vous faites votre boulot, vous présidez, vous devez présider !

Le président.  Ça suffit, Monsieur Ivanov, taisez-vous !

Une voix. Non, je me tairai pas ! (Commentaires.)

Le président. Eh bien, à ce moment-là, j'interromps les débats ! (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Ça suffit maintenant ! Nous continuons avec le prochain intervenant. Monsieur Jean Burgermeister, il ne vous reste que treize secondes.

M. Jean Burgermeister (EAG). Je vous remercie, mais nous avons évidemment été mis en cause. D'abord, nous avons été traités de cinquième colonne, ce qui est une accusation de trahison. Ensuite, M. Cuendet, qui sert avec diligence les intérêts des banquiers et des millionnaires de ce canton, a prétendu que j'étais un millionnaire. (Exclamations.) Bien sûr, si cela intéresse M. Cuendet ou n'importe qui, je peux vous... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue de s'exprimer hors micro.)

Le président. C'est terminé, Monsieur Burgermeister. Je donne maintenant la parole à M. Dimier. (Le président est interpellé.) Non, c'est terminé, Monsieur ! C'est terminé. Asseyez-vous, c'est terminé ! (Commentaires. Huées.)

Une voix. File dans ton manoir !

Le président. Asseyez-vous et laissez parler M. Dimier ! Monsieur Dimier, il vous reste une minute quarante.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Depuis 1917, le rang d'en face nous sert la même recette, c'est-à-dire commencer par prendre l'argent des riches pour finir par voler celui des pauvres ! (L'orateur est interpellé.) Cette comédie suffit ! S'il vous plaît, restez un peu corrects à l'égard de la république ! Non seulement cette initiative fera fuir les forfaitaires, mais elle pourrait bien sonner le glas de la république sociale que nous a livrée Fazy, et il se pourrait que ce soit elle qui, pour finir, déclare forfait. Nous nous opposons également au contreprojet soutenu par la majorité du Conseil d'Etat, qui oublie que tout a un prix, y compris le «Fischer-Price» ! (Rire. Commentaires.) Merci.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Tout d'abord, j'espère que les débats en commission autour de cet objet, qui est certes important, seront de meilleure tenue que ceux auxquels nous avons assisté aujourd'hui. (Commentaires.)

Le Conseil d'Etat est raisonnable. Je vous le dis, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le gouvernement est raisonnable. (Rires. Commentaires de désapprobation.) D'abord, il a accepté la validité juridique de cette initiative 185. Elle respecte les principes du droit, la conformité au droit, y compris supérieur, l'exécutabilité et le principe de clarté.

Cette initiative introduit en effet trois modifications majeures, dont l'une est temporaire - le contreprojet prévoit une durée de cinq ans, alors que l'initiative prévoit une durée de dix ans. Sur le fond, le Conseil d'Etat estime que cette initiative permettra de soutenir les finances publiques. Selon les initiants, il s'agit de 350 millions supplémentaires pour le canton et de 85 millions pour les communes. Selon l'administration cantonale, il s'agit de 200 millions pour le canton et de 50 millions pour les communes. Cette initiative tombe en effet à un moment où, face à la crise covid, les sacrifices ont été nombreux, malgré les efforts du gouvernement et du parlement pour soutenir notre économie, avec un peu plus de 500 millions injectés ainsi qu'une centaine de millions pour les individus, habitantes et habitants de notre canton.

A quoi vont servir ces rentrées fiscales supplémentaires ? Tout d'abord à stabiliser les comptes et l'endettement de notre canton; à maintenir les prestations publiques, malgré l'augmentation importante des besoins des habitantes et des habitants, par exemple dans l'éducation, la santé ou encore la sécurité; à développer les mesures dont nous avons tant besoin dans les domaines du numérique ou encore du climat, ainsi qu'à soutenir la population dans la situation que nous connaissons actuellement, avec déjà aujourd'hui une inflation avérée s'agissant du prix de l'essence, du mazout, du chauffage, de l'électricité, des assurances-maladie et des denrées de base. L'indice genevois des prix à la consommation nous le montre: 0,7% d'augmentation en février 2022; 0,5% en mars et 0,3% en avril. Ces augmentations interviennent dans une situation où Genève connaît déjà le revenu disponible le plus bas de Suisse, et ce n'est pas un affreux gauchiste qui vous le dit: c'est le Credit Suisse, dans son étude de mars 2021.

On a beaucoup parlé de ce premier volet, qui vise à augmenter la participation sous la forme d'une contribution de solidarité; on a un peu moins parlé des autres changements, pérennes, qui interviendraient si cette initiative était acceptée par le peuple, à savoir un triplement des déductions sociales sur la fortune et un affaiblissement du bouclier fiscal.

A travers son contreprojet, le Conseil d'Etat montre qu'il soutient la classe moyenne, dont certains ont évoqué ici la situation - les petits épargnants, les commerçantes et les commerçants, les indépendantes et les indépendants, ou encore les propriétaires de leur logement.

En conclusion, cette initiative affrontera effectivement des débats difficiles; j'espère que vous aurez toutes et tous la possibilité de débattre à la commission fiscale de façon sereine et dans un meilleur climat. Le Conseil d'Etat a décidé de vous proposer un contreprojet pour limiter à une durée de cinq ans le premier volet - les deux autres volets restent pérennes -, puisqu'une contribution de solidarité a été estimée nécessaire dans la situation actuelle. Merci, Mesdames et Messieurs, de prendre langue à ce sujet et de faire en sorte qu'à la commission fiscale, nous soyons toutes et tous capables de penser à l'avenir de notre canton. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je n'entends pas prolonger le débat. C'est simplement pour préciser que c'est la majorité du Conseil d'Etat qui a pris cette décision. Il y avait une minorité de trois membres au sein du Conseil d'Etat qui ne l'a pas soutenue. (Exclamations. Commentaires.) Merci. (Acclamations. Vifs applaudissements. Un instant s'écoule.)

Des voix. Bravo !

Une voix. Et la collégialité, alors ?

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. (Brouhaha.)

L'initiative 185 et le rapport du Conseil d'Etat IN 185-A sont renvoyés à la commission fiscale.