Séance du
vendredi 20 mai 2022 à
18h05
2e
législature -
5e
année -
1re
session -
5e
séance
R 800-A
Débat
Le président. Le prochain point qui nous occupe est la R 800-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de résolution date du 29 septembre 2015, donc d'il y a bientôt sept ans. Sept ans pour que ce parlement se décide sur cet objet ! Entre-temps, j'ai assisté à une conférence très intéressante - vous savez que ce dont on parle ici, ce sont les travaux du professeur Rubbia, prix Nobel de physique, c'est lui qui a développé cette technologie. J'ai appris que l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne travaille là-dessus, il y a eu des avancées très intéressantes sur le traitement des déchets radioactifs. Je pense qu'après sept ans, même si on refuse cet objet, il pourrait valoir la peine pour notre commission de l'énergie de s'informer des avancées, de savoir si elles sont vraiment prometteuses, si on peut vraiment traiter, comme on le dit, les déchets nucléaires avec cette technologie qui est née dans notre canton. Par conséquent, je propose le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de l'énergie. Cela nous permettrait d'auditionner les physiciens de l'Ecole polytechnique fédérale, puisque par ailleurs, les auteurs invitent le Conseil fédéral «à étudier la voie du thorium dans sa stratégie et sa politique énergétique»; c'est une université fédérale qui se charge de cela, il serait donc intéressant de les entendre. Je vous propose dès lors le renvoi à la commission de l'énergie. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Il est pris bonne note de votre demande. Monsieur le rapporteur de minorité, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi ?
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Ecoutez, je suis très heureux de voir que la majorité de la commission revient...
Une voix. Le rapporteur de majorité !
M. Christo Ivanov. ...de voir que le rapporteur de majorité - mais nous étions seuls contre tous, mon cher ! - revient un peu à la raison et se rend compte des mutations et des évolutions s'agissant du futur énergétique. Nous ne sommes plus dans la croissance ou la décroissance, mais dans la post-croissance ! (Commentaires.) Je soutiendrai donc le renvoi en commission, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de résolution 800 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 39 non contre 25 oui.
Le président. Nous poursuivons donc notre débat, je cède la parole à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek. Oui, merci, Monsieur le président. Je... (Commentaires.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. Le rapporteur de minorité n'a pas présenté son rapport. Je lui passe donc la parole et vous la reprendrez après. Monsieur le rapporteur de minorité, c'est à vous.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette résolution invite simplement le Conseil fédéral, comme cela a été dit par le rapporteur de majorité, à étudier la voie du thorium, qui s'appelle aussi le nucléaire civil, dans le cadre de sa stratégie et de sa politique énergétique. Il s'agit de développer la recherche pour trouver d'autres solutions. Vous avez vu que l'Ecole polytechnique fédérale travaille sur de nouveaux chantiers en partenariat entre autres avec la Finlande; ils sont près de mettre au point un nouveau réacteur qui pourra travailler sur cette piste prometteuse qu'est le thorium.
Le Conseil fédéral indique que la consommation d'énergie par habitant doit diminuer de 40% d'ici 2030; c'est sans compter la croissance démographique de 80 000 résidents par an en Suisse, soit plus d'un million d'habitants d'ici 2030, et sans tenir compte de la libre circulation des personnes, du solde positif des naissances par rapport aux décès et de l'avènement des voitures électriques entre autres; cela risque d'entraîner un déficit de ressources énergétiques, voire une crise majeure de l'énergie. Avec ce qui se passe actuellement, notamment la guerre en Ukraine, il est évident qu'il va falloir travailler sur de nouvelles pistes, et celle du thorium en est une. J'ai terminé pour l'instant, Monsieur le président.
M. Pierre Vanek (EAG). J'ai été un peu surpris par la demande de renvoi du rapporteur de majorité qui me représente. Nous étions en effet une majorité des députés de la commission - à l'exception donc de l'UDC - à dire qu'il fallait rejeter cette résolution, et je pense toujours qu'il faut la rejeter. D'abord, parce que l'invite est évidemment tout à fait inutile: l'UDC a des représentants abondants à Berne. Le Freysinger, il y a une dizaine d'années, et Addor, il y a deux-trois ans, ont taguenassé le Conseil fédéral sur cette question, et le détour par la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève, qui est un canton qui proscrit le nucléaire, je le rappelle - à part ça, c'est une valeur constitutionnelle à laquelle nous avons prêté serment ! -, pour donner des indications à Berne sur le type de recherches nucléaires qu'il faut poursuivre, est un peu incongru et absurde.
C'est d'autant plus incongru que la résolution contient toute une série de considérants qui vantent de manière abusive et unilatérale le thorium comme étant un nucléaire vert, merveilleux et ne posant aucun problème. Je pourrais vous faire une conférence - je ne suis probablement pas le plus qualifié, mais enfin, je sais lire quelques articles scientifiques: une bonne partie des vertus qu'on prête au thorium sont inexactes. Dans une des réponses à une intervention d'Addor au Conseil national, le Conseil fédéral lui-même répond: «Le thorium pourrait comporter un désavantage considérable dans la mesure où les réacteurs au thorium fournissent une quantité plus importante de matériel pouvant servir au nucléaire militaire - uranium-233.» Le thorium et ses descendants présentent en outre de graves problèmes de radiotoxicité, et le développement potentiel de réacteurs au thorium n'en est qu'à ses tout débuts.
Mais surtout - je ne vous ferai pas de conférence technique, d'abord parce que ce n'est pas le lieu, ensuite parce que je suis incompétent en la matière, je suis un amateur un peu éclairé, mais pas forcément beaucoup - quelle est la fonction d'agiter le thorium ? Il y a toujours en matière nucléaire une étape ultérieure, un conte de fées, qui va résoudre tous les problèmes: c'étaient les surgénérateurs - on en a parlé abondamment dans cette salle -, les Superphénix. Ils devaient nous assurer une ère d'abondance et d'énergie quasiment gratuite. Mais auparavant, dans les années 50, avec la conférence «Atoms for peace» à Genève, c'était la même chose: on présentait le nucléaire à venir comme étant la solution à tous nos problèmes.
On a vu, depuis cinquante ou soixante ans, que ce n'est pas le cas; on l'a vu avec les surgénérateurs. Or le thorium, c'est la même chose. Les promoteurs du nucléaire agitent toujours le drapeau d'une... Il y a aussi la fusion qui va venir: depuis que je suis tout petit, la fusion, elle est toujours pour dans vingt ans et elle va résoudre nos problèmes. Et tout ça a une fonction, une fonction politique et non technique: une fonction politique consistant à nous démobiliser par rapport aux exigences de l'heure en matière de politique énergétique, celles de développer activement des énergies renouvelables et d'investir dans leur production, mais aussi et peut-être surtout de gérer et de diminuer la demande en énergie, d'utiliser l'énergie de manière plus rationnelle, de mener une politique de l'énergie qui réponde à toutes ces considérations qu'on trouve aujourd'hui dans nos lois genevoises. Ce type de texte a pour fonction de dire: «Ecoutez, les gars, en fait, l'essentiel et la solution sont ailleurs !» Je pense qu'il faut achever ce texte, qui a...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. Oui, oui, vous avez raison, j'y viens ! (Rire. Commentaires.) Il faut achever ce texte. Si on veut discuter, je discute volontiers avec Christo Ivanov ou avec n'importe qui de propositions énergétiques, mais cette résolution-là, vraiment, la majorité écrasante de la commission qui a...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Pierre Vanek. ...voulu l'écarter et lui dire non avait raison et il faut la suivre !
M. Adrien Genecand (PLR). Pour le groupe libéral-radical, il serait dommage de se priver de la réflexion. Je vous passe la genèse du thorium, dont le nom a été donné en hommage au dieu Thor par celui qui a découvert la molécule. Il s'agit d'un combustible qui serait d'une certaine façon une substitution à l'uranium. Quoi qu'en dise Pierre Vanek, s'agissant de la consommation énergétique, on est toujours à plus de 100 millions de barils par jour, et ce n'est pas tellement que la consommation d'énergie a baissé, ne serait-ce qu'une année - sauf avec le covid, et ça a repris depuis. Par conséquent, le fait est que les centrales nucléaires jouent encore un rôle très important dans la production énergétique, y compris de notre pays, et que, le problème des déchets pouvant en quelque sorte être réglé par la question de la recherche notamment liée au thorium, il serait dommage de priver le canton et plus généralement la Suisse d'une réflexion à ce sujet.
Dans le prolongement de ce qu'a dit M. Alberto Velasco, je rappellerai que, au-delà de la question de l'EPFL, Carlo Rubbia, l'ancien directeur général du CERN, a été salué et félicité et a obtenu un prix en 2020 pour ses travaux notamment sur cette question. Par ailleurs, il y a une société du nom de Transmutex qui, depuis Genève, cherche à travailler sur cette découverte et à la rendre industrielle. A nouveau, là, il ne s'agit pas tellement ni de dépenser des sous ni d'envoyer autre chose qu'un message d'intention, dans le sens où réfléchir à ça, c'est probablement... Quoi qu'en pensent Pierre Vanek et d'autres dans ce parlement - j'en suis certain -, le fait est que le nucléaire, au même titre que l'hydroélectrique, c'est 6 grammes de production de CO2 par kilowatt-heure produit...
Une voix. Soixante !
M. Adrien Genecand. ...et, avec l'hydroélectrique, c'est largement moins que d'autres énergies; ce sont donc les énergies les moins productrices et émettrices de CO2. Par conséquent, c'est évidemment dans ce domaine-là... De plus, le facteur de charge permet de produire de façon constante, à 90%, pendant toute l'année, et souvent, il est utilisé quand les énergies renouvelables ne peuvent pas, elles, produire. Le nucléaire constitue donc un apport non négligeable sur ces questions et si on peut apporter une solution à la problématique de la sécurité et des déchets, il serait évidemment dommage de s'en priver. Je vous remercie.
Mme Claude Bocquet (PDC). Selon l'auteur, il est possible de transformer les centrales nucléaires actuelles en centrales au thorium, élément qui est moins radioactif et non fissile, donc moins dangereux. Cette allégation a été invalidée par certains commissaires, qui ont relevé qu'il fallait de l'uranium 235 ou du plutonium pour démarrer la réaction nucléaire. Les physiciens auditionnés ont également confirmé que les choses n'étaient pas si simples.
Les commissaires ont été surpris de la proposition de cette résolution, alors que notre constitution s'oppose à toute construction de centrales, de dépôts et d'usines de retraitement, et que Genève a approuvé la sortie du nucléaire à 72,5% ! Il serait donc assez incongru que notre parlement envoie cette résolution à Berne.
Sans entrer dans des explications techniques sur les propriétés des différentes filières nucléaires, que notre parlement est loin de maîtriser, il faut tout de même savoir que les déchets produits par un réacteur au thorium ont une durée de vie de cinq cents ans. Dire que le thorium est un atome vert pour le développement durable, c'est prendre beaucoup de liberté avec la définition des mots «vert» et «durable».
Des études ont démontré que la population suisse pourrait économiser 30% de son énergie, sans perdre en qualité de vie, en évitant le gaspillage. Ces 30% représentent ce qui est produit par les centrales nucléaires actuellement. Nous avons donc en main ce qu'il faut pour pouvoir réellement aller vers un développement durable, et cela sans utiliser de thorium ! Le PDC vous invite à refuser cette proposition de résolution.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, il est difficile pour moi de commencer cette intervention sans citer le refrain de Boris Vian dans «La Java des bombes atomiques» écrite en 1955: «Y a quelque chose qui cloche là-dedans, j'y retourne immédiatement.» (Rires.) Les pro-nucléaires se sont finalement rendu compte de l'impasse de la filière de l'uranium et se rabattent maintenant sur celle du thorium - en y retournant immédiatement, bien entendu !
Tout comme la fusion nucléaire, la filière thorium se trouve sur la table depuis les années 1960 - du temps où je poursuivais mes études de physique - et n'a pas beaucoup progressé depuis, malgré tout ce qu'on peut en dire. Le thorium nous fait miroiter quelques promesses, notamment celle de pouvoir éliminer les déchets de longue durée de vie des centrales actuelles, mais ce concept reste à démontrer, du moins pour une application industrielle - c'est bien joli de le faire sur le papier, de façon théorique, mais il faut en faire une application industrielle ! Il restera tout de même passablement de déchets, cela a déjà été mentionné, de durée de vie faible à moyenne, qu'il faudra gérer pendant plusieurs centaines d'années - alors pas plusieurs centaines de milliers d'années, mais plusieurs centaines quand même ! La filière du thorium présente donc quelques avantages sur la filière uranium, mais cela reste du nucléaire, dont la Suisse, par votation populaire, a décidé de se passer.
Il est irréaliste de penser qu'une centrale de ce nouveau type puisse être opérationnelle en Suisse avant 2050-2060. Rendez-vous compte: maintenant, on parle d'un projet de recherche. Il va falloir peut-être l'industrialiser, puis démonter la loi sur l'énergie actuelle, et ensuite, il faudra la construire. Nous avons donc besoin d'au moins trente ans ! Donc avant 2050, aucune de ces centrales ne sera construite. Or 2050, c'est la date à laquelle la stratégie énergétique doit être pleinement réalisée, pas la date à laquelle elle doit débuter !
Laissons donc la filière thorium aux activités de recherche qui pourront éventuellement trouver des applications dans la deuxième moitié de ce siècle. Mais s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, n'intégrons pas cette idée dans la stratégie énergétique de la Confédération ! La transition passera notamment par un développement massif du solaire photovoltaïque, ce qu'on appelle le sprint solaire. La technologie existe, le soleil est présent - on l'a vu aujourd'hui ! Il suffit d'en avoir la volonté politique.
Enfin, comme cela a déjà été dit par le député Vanek, il serait bizarre que Berne reçoive une demande de ce genre de la part des autorités d'un canton dont la constitution spécifie explicitement: «Les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens [...] aux installations de centrales nucléaires [...].» Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, rien qu'en raison de la constitution genevoise, cette résolution est incongrue. On aura l'air de quoi ? Déjà, la grande majorité de nos résolutions destinées à Berne passent directement à la poubelle, mais alors celle-ci va y aller avant même d'être arrivée ! C'est un premier point.
Maintenant, il est faux de dire que le thorium est un combustible nucléaire: il ne l'est justement pas, il faut l'enrichir avec de l'uranium 235 ou avec du plutonium 239; ce n'est pas moi qui l'invente, ce sont les physiciens que nous avons entendus en commission qui le disent, il suffit de lire le rapport - et merci au rapporteur d'avoir fidèlement résumé tout cela. Qui plus est, on ne peut pas utiliser les centrales existantes, ce sont deux systèmes complètement différents: les actuelles sont à eau pressurisée; pour celles au thorium, ce serait ce qu'ils appellent à sels fondus.
D'accord, peut-être qu'en Suisse, les études se poursuivent, qu'on est à la pointe de tout ça: eh bien quand ils auront accouché d'une souris, on le saura, que ce soit dans dix, vingt ou trente ans ! Tant mieux s'ils poursuivent la recherche, et peut-être qu'ils trouveront des choses ! Il n'y a pratiquement plus personne à part la Chine qui poursuit un certain nombre d'essais. Aux Etats-Unis, ils ont arrêté, ils ont fermé les centrales, en Allemagne aussi, et pour ce qui est des centrales expérimentales qu'ils ont tenté de mettre sur pied, ce n'est pas si sûr qu'elles fonctionnent. Je ne sais pas pourquoi on s'emberlificote là-dedans, je crois que ça n'a pas de sens ! Nous ne sommes pas des ingénieurs nucléaires, et on peut difficilement se faire... A part avec ce qui a été fait à la commission de l'énergie, où on a pris la peine d'entendre des physiciens, qui nous ont présenté les principes de base que je viens de vous réexpliquer, mais tout cela est parfaitement expliqué dans le rapport.
Ça ne sert donc à rien d'aller plus loin; c'est pour ça aussi que nous avons refusé de renvoyer cette résolution en commission pour recommencer le travail, même si elle a déjà quelques années. Pour l'instant, ce n'est pas viable, ça ne fonctionne pas, et de toute façon, il faudrait recommencer à zéro, pour se lancer dans des centrales dites nucléaires, qui plus est dans un canton qui s'est déclaré antinucléaire. Par ailleurs, on devra utiliser de quoi enrichir ce thorium, donc de l'uranium ou du plutonium. Ce n'est donc pas la bonne solution et je pense qu'il n'est pas utile de continuer à imaginer un certain nombre de choses et d'envoyer à Berne cette résolution qui ne servira pas à grand-chose. Cela n'arrêtera pas la recherche et les travaux en Suisse: ils vont se poursuivre, mais nous n'avons pas besoin de nous mêler de ça, ça ne nous apportera rien. Je vous invite donc à rejeter cette résolution. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Philippe de Rougemont pour une minute vingt-quatre.
M. Philippe de Rougemont (Ve). Merci, Monsieur le président. On se demande dans quel canton on vit, je crois qu'on a la mémoire très courte. Il faut rappeler qu'à Genève, il y avait un projet de centrale nucléaire près de Russin: à Verbois, il devait y avoir une centrale nucléaire en 1971. Les vignerons et les propriétaires fonciers de la commune ont entraîné avec eux les scientifiques du canton et les autres communes pour dire non. La résistance a été tellement forte que ce projet a été abandonné, tout autant que le projet de Graben à Berne et de Kaiseraugst à Bâle. On est un canton antinucléaire et ce n'est pas pour rien, il faut un peu s'en souvenir.
Actuellement, l'industrie nucléaire est aux abois dans le monde entier. Cette industrie est active dans 33 pays du monde; beaucoup en sont sortis, et ceux qui veulent poursuivre dans cette industrie-là sont des dictatures, ce ne sont pas des démocraties. Il y a aussi l'Angleterre, mais c'est EDF qui a racheté British Energy pour créer un client. Cette industrie veut se sauver elle-même en disant qu'elle veut sauver la planète, et c'est à nous ici d'être lucides, de garder la tête froide et de nous souvenir de ce qu'il s'est passé...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Philippe de Rougemont. ...quand on prétend maîtriser l'infiniment petit, alors que ce qu'il faut faire, c'est maîtriser notre demande d'énergie. C'est la politique du canton et de la Confédération. Par conséquent...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Philippe de Rougemont. ...je vous enjoins de rejeter ce projet d'un autre âge, complètement dépassé. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole à M. Charles Selleger pour une minute et demie.
M. Charles Selleger. Excusez-moi, c'est encore une erreur: le bouton est tellement mal placé que chaque fois que je mets un bout de papier dessus, ça s'allume ! (Commentaires.)
Le président. Très bien, merci, Monsieur le député. Je donne donc la parole à M. le rapporteur de minorité Christo Ivanov pour une minute quarante-neuf, plus le temps du groupe.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je voulais répondre à ma préopinante du PDC. Ce n'est pas cinq cents ans pour les déchets à base de thorium, c'est trois cents, et vraisemblablement... (Commentaires.) ...vraisemblablement, c'est beaucoup moins. J'aimerais quand même juste dire - parce qu'on ne va pas s'éterniser sur ce débat - que la Chine a testé en septembre 2021 le premier réacteur nucléaire à sels fondus et au thorium.
Une voix. C'est une dictature !
M. Christo Ivanov. Ce prototype, érigé non loin de la ville de Wuwei, est d'une puissance modeste, puisqu'il est censé pouvoir produire de l'énergie pour moins de 1000 habitants, avec un objectif de 100 000 habitants.
Cela a été relevé par mon préopinant PLR, la société Transmutex à Genève, une start-up qui a levé beaucoup de fonds, travaille sur une nouvelle génération de réacteurs utilisant le thorium comme combustible à la place de l'uranium. Il serait donc bien que la Suisse et notre canton - puisqu'il y a le CERN à Genève, qui est quand même important, avec un prix Nobel de physique, M. Rubbia, cela a été dit - ne ratent pas le virage de la future génération post-nucléaire ou cinquième génération nucléaire qui va bientôt arriver. Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir accepter cette résolution. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco, pour deux minutes vingt.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, je vous ai dit que cette résolution date d'il y a sept ans, c'est-à-dire de la précédente législature. En sept ans, beaucoup de choses se passent. Moi, vous savez, l'obscurantisme scientifique ou technique, je n'y adhère pas ! On peut être opposé au nucléaire et s'informer des avancées, notamment si notre Ecole polytechnique fédérale fait des choses intéressantes. Pourquoi est-ce que je vous dis cela ? Parce qu'en ce qui me concerne, je suis très intéressé par le traitement des déchets nucléaires. Si justement il existe un moyen de réduire le temps de traitement de ces déchets, pourquoi ne pas s'y intéresser ? Qu'est-ce qui empêche d'aller en commission et d'auditionner les gens qui travaillent sur ces pistes depuis un certain nombre d'années pour s'informer ? Cela ne veut pas dire que vous allez accepter la résolution ! Mais au moins, vous serez informés de ce qu'il s'est passé en sept ans ! Il se peut que rien n'ait été fait. Mais il se peut qu'il y ait eu des avancées.
Cela étant dit, Monsieur le président, effectivement, comme l'a relevé M. Vanek, j'ai la responsabilité de représenter la majorité, etc., mais ce que je veux dire par là, c'est que les dernières éoliennes ont été refusées en Valais; Genève se positionne comme un canton à l'énergie, entre guillemets, «verte», mais si toute l'Europe voulait faire la même chose, je ne vois pas où on irait chercher cette énergie ! Aujourd'hui, il y a un problème énergétique grave, tout le monde en discute, tout le monde en parle, et à un moment donné, il faudra aussi dire à la population: «Soit vous réduisez de 30% ou 40% votre train de vie» - et à ce moment-là, on pourra vivre avec l'énergie autre que les énergies fossiles - «soit, franchement, il y aura des problèmes !» Le rôle des députés, c'est peut-être de voter contre le nucléaire, mais à un moment donné, il faut aussi reconnaître que les centrales hydrauliques, on ne peut plus en construire, et qu'il y a de graves questions qui se posent en matière d'approvisionnement.
Donc voilà, après, chacun peut prendre ses responsabilités, une fois informé. Moi, je regrette sincèrement qu'on ne puisse pas, de manière ouverte, sans a priori, sans dogmes, en parler librement, s'informer, et ensuite prendre ces décisions. Je le regrette beaucoup. J'ai fait une proposition de renvoi en commission pour justement permettre de s'informer sur le point où on en est en Suisse, puisque la Confédération met de l'argent là-dedans, mais ça a été refusé. Soit !
Une voix. Bravo ! (Commentaires. Un instant s'écoule.)
M. Alberto Velasco. La position de la commission - je finis là, Monsieur le président -, c'est de voter contre cette résolution. Voilà. Je vous l'ai donnée, et c'est ainsi. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur Adrien Genecand, il vous reste une minute quarante.
M. Adrien Genecand (PLR). Je n'aurai pas besoin d'autant de temps, Monsieur le président. C'était pour vous donner des statistiques sur notre canton, dans le prolongement de ce que vient de dire le rapporteur de majorité, parce qu'elles sont quand même très intéressantes: on achète deux tiers de notre électricité et on en produit un tiers - largement constitué, soit pour près de 30% de la consommation totale, par les barrages et par les Cheneviers -, et là-dedans, la production d'électricité photovoltaïque et géothermique et celle des diverses personnes qui ont installé des panneaux, pour l'instant, ça représente moins de 2%. C'est le stade où on se trouve aujourd'hui. Alberto Velasco a donc raison de vous le dire, quand on entend notre préopinant du groupe des Verts nous expliquer qu'il va falloir réduire la consommation, eh bien, on se réjouit de la transparence et de la clarté du message: Mesdames et Messieurs, ça veut dire qu'il faudra réduire de deux tiers votre consommation électrique ! (Exclamation.) Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote. Je rappelle que la majorité de la commission recommande de rejeter cet objet.
Une voix. Vote nominal, Monsieur le président ! (Commentaires.)
Le président. Le vote sera de toute façon nominal, puisqu'il s'agit d'un vote final. Il n'est pas nécessaire de le demander, il se fait ainsi d'office.
Mise aux voix, la proposition de résolution 800 est rejetée par 58 non contre 30 oui et 1 abstention (vote nominal).