Séance du
vendredi 3 juin 2022 à
18h15
2e
législature -
5e
année -
1re
session -
10e
séance
La séance est ouverte à 18h15, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: M. Serge Dal Busco et Mme Fabienne Fischer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Bertrand Buchs, Beatriz de Candolle, Olivier Cerutti, Jennifer Conti, Sébastien Desfayes, Diego Esteban, Marc Falquet, Joëlle Fiss, Patrick Lussi, Fabienne Monbaron, Philippe Morel, Patrick Saudan, Sylvain Thévoz, Salika Wenger et Céline Zuber-Roy, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Rémy Burri, Gilbert Catelain, Denis Chiaradonna, Nicolas Clémence, Jean-Charles Lathion, Aude Martenot, Jean-Pierre Pasquier, Sébastien Thomas et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Le président. L'objet suivant est retiré par ses auteurs:
Proposition de motion de Mmes et MM. Pierre Nicollier, Yvan Zweifel, Natacha Buffet-Desfayes, Jean-Pierre Pasquier, Murat-Julian Alder, Véronique Kämpfen, Jacques Béné, Alexis Barbey, Diane Barbier-Mueller, Helena Rigotti, Sylvie Jay, Fabienne Monbaron, Pierre Conne, Beatriz de Candolle, Alexandre de Senarclens, Cyril Aellen, Francine de Planta, Joëlle Fiss, Serge Hiltpold, François Wolfisberg, Adrien Genecand, Raymond Wicky, Jacques Apothéloz, Patrick Malek-Asghar : COVID-19, facilitons les transitions professionnelles vers les métiers de la santé (M-2713)
Une voix. Bravo !
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons le traitement de notre ordre du jour avec l'objet suivant, soit le RD 1369-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Bertrand Buchs, remplacé par Mme Patricia Bidaux, à qui je laisse la parole.
Mme Patricia Bidaux (PDC), rapporteuse ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le présent rapport de la commission de contrôle de gestion concerne l'activité de la Fondation Eclosion pour l'année 2019. Avant toute chose, il est nécessaire de spécifier qu'il porte sur une situation complexe, à savoir la cessation d'activités de celle-ci.
Les trois missions principales d'Eclosion sont un accompagnement et un hébergement de start-ups effectués par des coachs spécialisés dans les sciences de la vie ainsi que des prestations de financement sous forme de prêts en fonction d'analyses lorsqu'elles ne peuvent pas assumer leurs frais.
Ces activités sont évaluées selon quatre étapes. La première consiste en l'étude des projets par une commission scientifique et le conseil de fondation, puis il y a une validation par ce dernier. Ensuite, une étude approfondie est menée, une phase qui dure de trois à douze mois, avant que le projet soit réorienté. Le stade de construction et de validation expérimentale constitue la dernière étape lors de laquelle la start-up est accompagnée.
En 2019, plus de seize start-ups ont bénéficié du soutien de la fondation. Ce fut également une année de transition, puisque deux directeurs ont quitté la structure. Il est à noter que les finances étaient saines.
La Fondation Eclosion a fait l'objet d'un contrôle du SAI et des recommandations ont été mises en oeuvre. Cela a abouti en 2019 au transfert des activités dans le domaine des sciences de la vie vers la FONGIT. Deux éléments phares ont mené à ce changement: d'une part la convergence des technologies, d'autre part le fait de se concentrer sur l'entrepreneuriat. Ce sont 24 sociétés qui bénéficient de l'aide de la fondation, soit onze contrats de prestations de services d'hébergement, cinq contrats d'incubation d'hébergement et huit contrats d'incubation et de financement.
En ce qui concerne les résultats financiers, une subvention annuelle de 1 470 000 francs était attribuée à la fondation de même que des produits de refacturation à hauteur de 200 000 francs. Les frais étaient liés à l'infrastructure et au loyer.
La commission de contrôle de gestion a eu connaissance d'une situation compliquée du point de vue de la gestion, à savoir l'imbrication d'un certain nombre de liens personnels entre des personnes qui étaient dans la distribution à la fois de subventions et de services, ce qui a conduit à la mise en liquidation d'Eclosion. Un travail de fond a été mis en place et toutes les recommandations du SAI ont été suivies.
Cela étant, la CCG a tout de même déposé une plainte pénale. Le manque de transparence ne permettait pas de mener les processus ad hoc quant au choix des entreprises soutenues. Face à l'absence et à la destruction de documentation probante et par souci d'efficience, la nouvelle direction a également opté pour un dépôt de plainte pénale le 5 juin 2020 contre les différents membres de la direction d'Eclosion SA et de la Fondation Eclosion.
Le 28 juin 2021, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière sur la base de deux constats: d'abord que le projet Eclosion a fait l'objet d'un contrôle de l'Etat par l'entremise de la commission de suivi, laquelle a validé tous les rapports d'activité, ensuite que les manquements reprochés ne sauraient être qualifiés d'infractions pénales.
Faisons un rapide historique. Nommée en décembre 2018, la nouvelle direction d'Eclosion s'est rapidement attelée à l'établissement d'un règlement du personnel et d'un cahier des charges de l'entier des fonctions du conseil de direction; d'autres réalisations ont suivi, comme des tableaux de bord. Au premier trimestre, le conseil de fondation a été renouvelé, ce qui a permis de définir et de finaliser une nouvelle stratégie. En juin, la fondation a reçu le rapport final de l'audit du SAI et a commencé à travailler sur les recommandations. Au mois de juillet, le directeur a démissionné avec effet en septembre, mais depuis cette date-là, il n'a plus oeuvré en présentiel. En octobre, il a été annoncé que la subvention versée par l'Etat serait supprimée fin 2020, celui-ci ayant jugé plus efficient de réunir toutes les sciences de la vie sous le toit d'une seule institution subventionnée, à savoir la FONGIT, suite à la décision d'adopter une stratégie différente en matière de soutien aux sciences de la vie. Afin de se préparer à la liquidation, la fondation a engagé un nouveau directeur pour une période de douze mois. En 2019, le conseil de direction a été mandaté pour mettre en oeuvre les éléments que j'ai cités précédemment, ce qui a stabilisé la situation financière. 100% des objectifs de suivi selon le contrat de prestations ont été atteints et 100% des objectifs de la feuille de route ont été appliqués.
Au moment de traiter le rapport d'activité 2019, et c'est bien ce qui nous occupe aujourd'hui, la majorité de la commission de contrôle de gestion a souhaité en prendre acte, ce qui n'est pas une manière de couvrir les difficultés rencontrées, mais de constater que la nouvelle direction a traité la problématique et que les recommandations du SAI ont été respectées. Pour toutes les raisons qui précèdent, la majorité de la commission vous recommande de faire de même, c'est-à-dire de prendre acte de ce rapport. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites par la rapporteure. La société Eclosion a été créée en 2004 pour soutenir des projets dans les sciences de la vie afin de transformer le fort potentiel d'innovation régional dans ce domaine en valeur économique et en emplois. Le fonctionnement de la fondation occupe la commission de contrôle de gestion depuis un certain temps suite à un rapport sévère du service d'audit interne, le SAI. Nous nous retrouvons dans la situation particulière de voter le rapport d'activité 2019 alors que nous avons déjà accepté celui de 2020 au mois de mars dernier.
En 2019, et l'actuelle cheffe du département n'y est pour rien, la situation présentée a laissé planer de gros doutes dans les rangs de la commission de contrôle de gestion. En 2020, les choses se sont éclaircies suite à un changement de direction. La fondation a porté plainte le 5 juin 2020, cela a été mentionné, contre les anciens membres de la direction. L'Etat a ensuite décidé de transférer les activités d'Eclosion vers la Fondation genevoise pour l'innovation technologique, la FONGIT, ce qui a également amené la commission des finances à jeter un oeil critique sur le fonctionnement d'Eclosion. Une loi est en cours de préparation et réglera tous les détails du transfert, mais nous aurons encore l'occasion de nous prononcer sur le rapport d'activité pour l'année 2021 - le dernier, espérons-nous.
Je précise encore, même si cela ne fait pas partie du rapport 2019, que la commission s'est attachée à la remise des activités d'Eclosion à la FONGIT. Le département a clairement fait savoir qu'il s'assurerait du recouvrement de l'ensemble des créances au moment de la cession qui sera opérée dans le cadre du transfert. La commission salue cet engagement et suivra le processus à intervalles réguliers. Comme le rapport 2020 a déjà été adopté, tout cela n'a plus tellement d'importance pour 2019; en conséquence, nous nous abstiendrons au sujet de ce rapport.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). En effet, ce rapport porte sur l'activité, la gestion et la situation financière de la Fondation Eclosion pour l'année 2019. D'un point de vue formel et quelle que soit l'opinion que l'on peut avoir sur cet organisme, on ne peut que l'accepter. Sur le fond, le bilan de l'année 2019 a été positif pour la Fondation Eclosion, 100% des objectifs de suivi selon le contrat de prestations ayant été atteints et 100% des objectifs de la feuille de route ayant été mis en oeuvre.
En revanche, plusieurs critiques sur la gouvernance ont été formulées par la nouvelle présidente lors de sa prise de fonction, critiques d'ailleurs corroborées dans l'audit du SAI dont il a déjà été question. Rapidement, la nouvelle présidente s'est attelée à mettre en place les recommandations contenues dans ce fameux rapport qui lui avait été transmis en juin 2019; une nouvelle stratégie a été définie et diverses mesures ont été prises, comme l'a rappelé tout à l'heure la rapporteure.
En octobre 2019, le Conseil d'Etat a fait savoir à la fondation que la subvention versée par l'Etat serait supprimée fin 2020, suite à la décision d'adopter une stratégie différente en matière de soutien aux sciences de la vie. L'entité s'est ainsi vue contrainte de se préparer à sa liquidation. Les objectifs formels contenus dans le contrat de prestations portant sur l'année 2019 ayant été atteints et la liquidation ayant suivi correctement son cours, malgré les vicissitudes connues par la Fondation Eclosion, le groupe PLR vous propose de prendre acte de ce rapport. Merci, Monsieur le président.
M. Jean Burgermeister (EAG). Je ne reviendrai pas sur les problèmes sérieux constatés au sein d'Eclosion, voire les suspicions plus graves encore - qui ne proviennent pas de la commission de contrôle de gestion qui a traité cette question -, mais j'aimerais insister sur le fait que la majorité de ce Grand Conseil, à l'exception d'Ensemble à Gauche, semble considérer qu'il n'y a plus aucun risque maintenant que la Fondation Eclosion a été dissoute, a en réalité été intégrée à la FONGIT.
Or, à Ensemble à Gauche, nous pensons que le problème provient structurellement de ces incubateurs à start-ups qui sont caractérisés par une certaine opacité, et je ne pense pas qu'au sein de la FONGIT, qui a repris les activités d'Eclosion, on se soit donné les garanties nécessaires afin qu'il n'y ait aucune collusion ni aucun conflit d'intérêts. D'ailleurs, ce n'est pas seulement Ensemble à Gauche qui le souligne: à la commission des finances, lorsque nous traitions le projet de loi de subvention de la FONGIT dans le cadre de l'intégration d'Eclosion, un député PLR s'est inquiété du manque de cautèles suffisantes pour éviter les conflits d'intérêts constatés au sein de la structure.
Il s'agit fondamentalement, je l'ai dit, d'un système opaque, d'un dispositif de mutualisation des coûts et de privatisation des bénéfices, puisque l'essentiel des dépenses pour les progrès technologiques et scientifiques sont publiques: ce sont d'abord les dépenses scolaires pour former les enfants, puis les dépenses publiques pour l'université, laquelle permet les progrès scientifiques, du moins dans les sciences fondamentales. Mais ensuite, ces start-ups cherchent à privatiser la petite pointe rentable en marge des progrès scientifiques, avec en plus la possibilité pour l'Etat de continuer à les subventionner, non seulement à travers ces incubateurs de start-ups, mais plus largement d'un point de vue fiscal. En effet, si on lit les rapports de gestion du Conseil d'Etat de ces dernières années, on constate que ce sont souvent les start-ups actives dans la biotechnologie ou la technologie médicale, c'est-à-dire précisément les domaines d'action d'Eclosion, qui bénéficient d'allégements fiscaux accordés par le Conseil d'Etat. En revanche, lorsque l'entreprise, dans une minorité de cas par ailleurs, devient rentable, eh bien les gains sont entièrement privatisés.
Je pense qu'il s'agit d'un cache-misère de la politique du Conseil d'Etat en termes de création d'emplois. Celui-ci aurait davantage intérêt, plutôt qu'à miser sur des start-ups opaques et donc sans aucun objectif, à investir dans la création d'emplois publics qui répondent à des besoins sociaux, à l'urgence environnementale et aux attentes de la population. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce que vient de signaler le préopinant, ces incubateurs sont utiles. Bien sûr qu'ils sont utiles, parce qu'il s'agit des entreprises de demain, des emplois du futur. Ce n'est pas en engageant quelques fonctionnaires de plus qu'on va doper l'activité économique et les emplois dans ce canton - ni nulle part ailleurs. Il l'a bien compris, puisqu'il s'en va, ça ne l'intéresse pas.
Il y a tout de même un problème: la Fondation Eclosion finançait une partie des activités d'Eclosion 2 SA, une entité privée, et on a vu qu'il y avait un certain nombre de collusions et de conflits d'intérêts. On nous dit que toutes les créances seront recouvrées, mais on n'en est pas sûr, on verra bien suite à l'éventuel rapport du Conseil d'Etat sur ce sujet.
Le doute demeure, puisque des plaintes ont été déposées, et la commission de contrôle de gestion elle-même a signalé tout cela au procureur général, qui s'est empressé de classer le dossier, malheureusement. Je pense qu'un certain nombre de problématiques restent ouvertes avec ce qui s'est passé entre la Fondation Eclosion et Eclosion 2 SA, qui est privée. En ce qui nous concerne, eu égard à ce doute qui persiste, nous refuserons de prendre acte du rapport. Merci.
M. Thomas Bläsi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, concernant la Fondation Eclosion, on peut dire que ce n'est pas tous les jours que la commission de contrôle de gestion se lance dans une dénonciation pénale, c'est la première chose à souligner. L'ensemble des membres de la commission ont été choqués par ce qui avait été entendu, par les propos des auditionnés et par l'image qui apparaissait au fur et à mesure des auditions quant au système que constituait Eclosion. Il faut bien se rendre compte que les choses ont duré de 2004 à 2019; ça fait quinze ans d'opacité, quinze ans de non-transparence, quinze ans de subventions mal contrôlées dont on ne sait pas véritablement où elles ont fini.
Il faut aussi signaler que ces problématiques étaient prévisibles. A la création d'Eclosion, il y a eu quelques belles réussites comme Epithelix, par exemple, une société active dans la culture d'épithélium pour des études en laboratoire qui a bien réussi, c'était très prometteur. Il y a eu des choses positives. Mais il y a également eu une proximité tout à fait inacceptable entre le conseiller d'Etat responsable à l'époque et son bras droit, qui a pris la direction de la fondation, avec un financement du salaire de ce bras droit de l'ancien conseiller d'Etat que je ne citerai pas par courtoisie, décence et pitié, des procédés parfaitement intolérables et iniques.
Aujourd'hui, nous décidons qu'il vaut mieux arrêter de creuser, parce qu'on risquerait d'exposer ce qui s'est passé. Le groupe UDC, tout comme le MCG, refusera ce rapport. Cela devrait attirer notre regard sur la nécessité non pas de ce que disait M. Burgermeister tout à l'heure, mais de contrôler les subventions qu'on met en place. Voilà ce qui est important, c'est de savoir ce qui en est fait, ce qu'elles vont devenir et ce que ça rapporte à nos concitoyens. Nous fermons le dossier honteux qu'a été Eclosion pour la République et canton de Genève et surtout pour les politiciens qui s'y sont impliqués à l'époque, et nous refuserons ce rapport, car nous sommes très fâchés de ce qui s'est passé dans cette entité. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. François Lefort pour cinquante et une secondes.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. En conclusion de ce que nous avons entendu et sans mélanger les objectifs de la fondation et son historique, j'aimerais rendre hommage à l'ancien directeur Yann Dean, qui a démissionné après avoir alerté quant aux dysfonctionnements, conflits d'intérêts et pressions subies. Oui, ce directeur a été un véritable lanceur d'alerte qui a conduit ce parlement à s'intéresser à la gestion de cette fondation. Je ne peux que regretter également la décision du Ministère public de ne pas donner suite à la dénonciation pénale de la commission de contrôle de gestion, il y aurait certainement eu matière à poursuites. Je vous remercie.
Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Quelques mots pour confirmer qu'au stade où en sont les choses maintenant, Mesdames et Messieurs, la Fondation Eclosion est en phase de liquidation et la dernière personne qui y travaillait a fini son activité, les locaux ont été restitués. Ainsi, le prochain rapport consistera uniquement à vous informer de la manière dont cette liquidation a été opérée.
Dans le contexte des doutes que vous évoquez, des questions que vous soulevez, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer devant la commission de contrôle de gestion et je souhaite ici encore souligner d'une part que les recommandations formulées en 2019 par le SAI ont été considérées comme réalisées, d'autre part qu'au moment où j'ai repris la responsabilité du département qui supervise cette fondation, j'ai annoncé à la commission de contrôle de gestion - et je le refais devant vous aujourd'hui - que j'accorderais une attention très soutenue à ce que toutes les créances soient recouvrées et à ce qu'aucun conflit d'intérêts passé ne puisse ressurgir à l'avenir. Il s'agit donc d'un dossier auquel je vais continuer à prêter l'attention nécessaire.
Cela étant et parce que, comme l'a souligné le député Eckert, vous avez dans l'intervalle déjà validé le rapport d'activité 2020, il me semble que celui de 2019 peut à son tour être adopté, et j'espère que vous serez satisfaits du rapport 2021 quand il arrivera dans votre ordre du jour.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi au Conseil d'Etat que je soumets aux votes de l'assemblée; en cas de refus, il sera pris acte de son rapport.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1369 est rejeté par 32 non contre 8 oui et 17 abstentions (vote nominal).
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1369.
Premier débat
Le président. Nous avons à nouveau terminé un département; nous abordons celui des infrastructures avec le PL 10626-B, classé en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Ça n'arrive jamais ! (Commentaires.) Merci, Monsieur le président. Bon, pour une fois que je suis rapporteur de majorité, je vous remercie de ne pas vous être trompé !
Le président. C'est bien exact, Monsieur le rapporteur !
M. Romain de Sainte Marie. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi date d'il y a un certain nombre d'années. On s'en souvient, il avait été déposé par le groupe MCG et par son virulent député Eric Stauffer.
Une voix. Brillant député !
M. Romain de Sainte Marie. Il a subi un renvoi en commission et a été amendé pour qu'on aboutisse enfin au projet de loi dont nous avons aujourd'hui à débattre en séance plénière. Cet objet est issu du terreau de la zone aéroportuaire, terreau malheureusement propice aux conflits sociaux. Depuis plusieurs années, voire décennies, des conflits sociaux agitent en effet les entreprises au bénéfice de concessions à l'aéroport. Qu'ils concernent le personnel au sol ou le personnel d'entretien, ils sont souvent liés à des conditions de travail insatisfaisantes, qui sont en particulier insuffisamment cadrées. Bien souvent, ces entreprises ne sont pas signataires de conventions collectives ou le sont au niveau national, mais pas au niveau local.
Ce projet de loi vise donc à faire en sorte que les entreprises au bénéfice de concessions dans la zone aéroportuaire et d'au moins 20 employés en équivalent temps plein soient soumises à une convention collective de travail. Ce secteur, comme je le disais, est particulièrement touché par de médiocres conditions de travail. On le voit, c'est un véritable fléau: les entreprises qui se trouvent, d'une certaine manière, au bout de la chaîne économique subissent une pression, notamment du fait des prix de vols toujours plus bas que proposent les compagnies aériennes. Ce sont ces mêmes compagnies aériennes qui exercent une pression sur les entreprises au sol - de maintenance, de catering, de domaines liés à la logistique aéroportuaire. La pression se répercute sur le bout de la chaîne, soit ces entreprises au sol et leur personnel. Elle a donc un impact sur les conditions de travail.
C'est la raison pour laquelle il faut véritablement fixer des règles, de sorte que l'Aéroport international de Genève, une régie publique, puisse, dans le choix des concessions qu'il octroie à ces entreprises-là, émettre certaines règles. Le projet de loi stipule donc que les entreprises de plus de 20 employés équivalent temps plein doivent être au bénéfice d'une convention collective de travail. La majorité de la commission de l'économie vous invite à accepter ce projet de loi tel qu'amendé et sorti de commission.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. M. Romain de Sainte Marie a bien fait de préciser qu'il était rapporteur de majorité, parce que, dans la version du PL 10626-A, j'étais rapporteur de majorité; les aléas du parlement font que je suis devenu minoritaire, mais c'est la démocratie ! (Remarque.) C'est bien de le préciser, parce que, comme l'a rappelé M. de Sainte Marie, ce projet date de 2010 et a été déposé dans le cadre d'un conflit social très tendu par le très vibrionnant député Stauffer qui, on l'a vu lors des débats, pensait qu'on se trouvait à un piquet de grève devant Swissport ou Gate Gourmet, armés de mégaphones; mais je pense qu'ici, au parlement, nous devons ranger les banderoles et les calicots et faire du droit. Alors c'est peut-être moins drôle, on ne parle pas dans un mégaphone mais dans un simple micro et il faut se baser sur les règles juridiques en vigueur.
Deux situations différentes étaient à l'origine de ce projet: celle de Swissport, qui était au bénéfice d'une concession, et celle de Gate Gourmet, qui a signé un contrat de bail avec l'aéroport. Ce sont deux situations juridiques très différentes. Pourquoi ? Parce que, comme nous l'a très clairement expliqué Mme Stoll, de l'OCIRT, il n'est pas possible d'introduire des conditions salariales dans un contrat de bail. Il n'est pas non plus possible de travestir un bail en concession. C'est un point important, parce que cela concerne spécifiquement Gate Gourmet. (Brouhaha.) Si Mme la conseillère d'Etat pouvait arrêter de parler juste sous mon oreille, je lui en serais très reconnaissant, c'est un sujet qui la concerne ! Merci ! (Remarque.) Oui, mais... Enfin bon. Je propose qu'on interrompe le débat... (Protestations. Commentaires.)
Le président. Monsieur le député !
M. Edouard Cuendet. Ce temps me sera décompté ! Merci ! (Commentaires.)
Le président. Je vous laisse poursuivre, Monsieur le député.
Une voix. Faudra sortir le mégaphone !
M. Edouard Cuendet. Voilà, justement, mais M. Cruchon a l'habitude ! Sortez votre banderole, vous serez plus crédible ! (Rires. Commentaires.)
Le président. Poursuivez, Monsieur le député.
M. Edouard Cuendet. Je continue. Je disais donc qu'il n'est pas possible d'introduire des normes liées aux conditions de travail dans un contrat de bail. Il est possible de le faire pour des concessions, mais avec certaines conditions: notamment, pour l'extension des CCT, on ne peut imposer dans une concession une CCT avec un salaire minimum que s'il y a une situation de dumping salarial prouvée. (Remarque.) Or l'OCIRT a indiqué à de nombreuses reprises qu'il n'y avait eu de dumping salarial ni dans le cas de Gate Gourmet ni dans celui de Swissport.
Un autre point important a été souligné par la directrice de l'OCIRT: on ne peut pas imposer une CCT à un concessionnaire, parce que celui-ci peut signer soit une CCT, soit les usages ! Et ça, c'est tout à fait clair, ça ressort d'un avis de droit. L'OCIRT n'a pas sorti ça de son chapeau, ça sort d'un avis de droit d'un professeur situé hors du canton de Genève, ce qui prouve son indépendance - d'ailleurs, même s'il était de Genève, il serait aussi indépendant. Il s'agit du professeur Thomas Geiser, de l'Université de Saint-Gall, qui a clairement dit qu'on peut prévoir soit une CCT, soit les usages. Et malheureusement, ce PL 10626-B n'est pas conforme au droit supérieur, parce qu'il prévoit l'obligation d'une CCT. De plus, il contient un élément totalement arbitraire, avec un effet de seuil à 20 ETP: l'obligation d'avoir une CCT pour une entreprise concessionnaire vaudrait pour les entreprises à partir de 20 employés en équivalent temps plein. Là, on se trouve exactement dans une situation d'arbitraire: pourquoi 20, pourquoi pas 10, pourquoi pas 100 ? Cela ne résistera pas à un examen juridique sérieux. C'est pour cela que le groupe PLR a refusé ce projet de loi et vous invite à faire de même.
Enfin, nous n'allons évidemment pas rentrer dans le débat - d'ailleurs M. de Sainte Marie n'a pas pris la peine de le faire - qui portait sur un des éléments du projet de loi initial, à savoir de prévoir que l'Aéroport international de Genève devait prioritairement octroyer les emplois à pourvoir aux résidents genevois au chômage, ce qui n'est conforme à aucune règle légale. Je pense qu'il n'y a pas besoin de s'attarder là-dessus dans notre présent débat. Celui-ci ne porte que sur la question de l'obligation de CCT, qui n'est pas conforme au droit supérieur, ce qui nous avait déjà été expliqué clairement par M. François Longchamp, conseiller d'Etat d'alors, lors des premières auditions sur ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, ce projet de loi, vieux de plus de douze ans, résulte d'un des plus grands conflits sociaux, vécu en janvier 2010 à l'Aéroport international de Genève où l'entier de l'activité aéroportuaire s'est vue très fortement limitée. Il faut rappeler qu'il s'agit d'un établissement de droit public, placé sous la surveillance du Conseil d'Etat, et qu'il a une mission générale d'intérêt public. De par ses obligations internationales, l'AIG délègue la réalisation de différentes prestations à des entreprises de services qui deviennent concessionnaires. Pour ce faire, un appel d'offres est établi, dans lequel des conditions-cadres sont posées, et celles-ci doivent être respectées tout au long de la durée de la concession.
Ce projet de loi tel qu'amendé demande de garantir la paix du travail au travers de l'existence et de la signature d'une convention collective de travail par toute entreprise souhaitant soumettre sa candidature à une concession. Du moment que cette règle conditionne la signature de la convention, aucune discrimination ne peut être pratiquée, chaque candidat devant obligatoirement respecter l'ensemble des conditions convenues entre les partenaires sociaux. C'est pourquoi une CCT obligatoire doit s'appliquer à l'entier des activités de l'établissement public qui, de fait, et par contrainte légale, délègue à des entreprises tierces des prestations indispensables à son fonctionnement. Il n'est en effet pas acceptable qu'un conflit social au sein d'une entreprise concessionnaire puisse impacter l'entier de l'activité d'un établissement public autonome. Par analogie, imaginons un seul instant que l'activité de restauration au sein des HUG s'arrête et que ceux-ci soient empêchés de travailler correctement: cela n'est pas concevable, vous en conviendrez. Il en va de même pour l'AIG. Pour assurer au mieux la paix du travail sur le site aéroportuaire, le groupe des Verts vous encourage très fortement, chères et chers collègues, à voter ce projet de loi tel qu'amendé à la commission de l'économie il y a déjà deux ans. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été rédigé suite au licenciement à l'aéroport de tous les employés de Swissport et à leur réengagement sous une nouvelle convention collective de travail pratiquant des salaires plus bas. A ce titre, il est utile de relever les propos du conseiller d'Etat alors chargé du département de l'économie. Il disait: «Certes, cette façon de faire est conforme à la loi, mais les résidents genevois qui gagnent en dessous de 4000 francs par mois n'arrivent pas à subvenir à leurs besoins et doivent demander de l'aide à l'Etat. Il faut se poser les bonnes questions.» Il aura fallu des années pour que la sous-enchère salariale dans toutes les sociétés d'assistance au sol à l'aéroport soit enfin reconnue comme abusive et répétée et que, ce 1er juin, un contrat type de travail soit enfin imposé. Cela illustre clairement comment le défaut de respect des droits des travailleurs fait qu'on peine à donner raison à ces derniers et le temps qu'il a fallu pour parvenir à ce résultat.
Lors des travaux de commission, le PLR a systématiquement invoqué la non-conformité du projet de loi au droit fédéral. Or selon le rapport d'expertise du professeur Thomas Geiser sollicité à ce propos, il apparaît qu'il est légal d'imposer au travers des concessions l'obligation de respecter une CCT ou les usages et qu'il est également légal d'obliger tout le monde à signer les usages. A cet égard, il rappelle que ceux qui signent les usages sont soumis aux contrôles obligatoires organisés par l'OCIRT, ce qui permet de suppléer à l'absence d'un dispositif de contrôle, qui ne serait pas prévu par une CCT d'entreprise.
Ce projet de loi, expurgé de l'alinéa 2 de l'article 40 relatif à la préférence cantonale, est pour nous acceptable. Ce qui devient finalement le seul alinéa de cet article 40 nous agrée, dans le sens où il faut prévoir que le personnel travaillant sur le site de l'aéroport soit au bénéfice d'une convention collective de travail. Cependant, il nous semble insatisfaisant dans la mesure où il se réfère uniquement à la nécessité d'appliquer des CCT. Or nous avons vu avec l'exemple de Gate Gourmet qu'il est facile pour un employeur de dénoncer une convention collective dûment négociée avec les partenaires sociaux locaux et de se référer à une autre convention dont les conditions seraient malheureusement bien moins bonnes; c'est ce qui s'est passé avec la convention nationale de l'hôtellerie-restauration.
Nous avons tous suivi les péripéties de l'affaire Gate Gourmet en 2013 et nous avons vu en quoi la mise en opposition des conventions collectives nationales et d'une cantonale pouvait être préjudiciable aux salariés. C'est pourquoi notre groupe vous propose un amendement pour pallier ce manque. Il ne vise pas à exclure les conventions collectives, grand Dieu, non ! Il s'agit en fait d'ajouter une priorité aux conventions collectives qui ont été négociées localement, avec les partenaires sociaux. Je vous propose donc un amendement qui stipule à l'article 40 - je vous prie de m'excuser, j'ai écrit «alinéa 1», mais il n'y a plus d'alinéa 1, puisqu'il n'y a qu'un alinéa dans cet article 40: «Le personnel travaillant pour l'Aéroport international de Genève doit être au bénéfice d'une convention collective de travail. Il est référé prioritairement aux CCT locales lorsqu'elles existent.» Je vous remercie d'accepter cet amendement et de soutenir ce projet de loi ainsi amendé. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo !
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Il est vrai que la première version de ce projet de loi, le rapporteur de minorité l'a rappelé, date de 2010 - à l'époque où il était rapporteur de majorité; il se retrouve maintenant rapporteur de minorité, c'est une fonction très formatrice et je suis content qu'il puisse l'accepter aujourd'hui. (Remarque. Rire.)
Il y a un certain nombre d'éléments qui n'ont malgré tout pas été éclaircis depuis. Le premier problème, c'est ce plancher à 20 équivalents temps plein, qui n'est pas compréhensible et dont je vois difficilement l'applicabilité sur un plan juridique. Il y a également un certain nombre d'inconnues liées à la distinction entre la concession et un contrat de bail et aux conséquences qu'elle implique, notamment par rapport à la signature d'une convention collective, cela a été relevé à juste titre par le rapporteur de minorité.
Le texte présente également un certain nombre de problèmes par rapport à la conformité au droit supérieur. Entre-temps, depuis 2010 - on le verra peut-être si on aborde ce soir les rapports d'activité de l'aéroport -, nous avons eu des problèmes liés au covid, ce dès le 16 mars 2020, des pertes extrêmement importantes subies par l'aéroport et une certaine évolution de la situation, qui semble être meilleure à l'heure actuelle. Nous recevons aujourd'hui un amendement d'Ensemble à Gauche: j'aimerais que l'on ait la possibilité de l'étudier de manière un petit peu plus approfondie et de reposer sur la table l'ensemble des dispositions auxquelles nous avons affaire. C'est pour cela que je vous demande un renvoi de ce projet de loi à la commission de l'économie, qui nous permettra de mettre les choses à plat et puis peut-être de réévaluer la situation de l'aéroport après la crise très grave qu'il vient de subir, en fonction des dispositions des conventions collectives de travail possibles et en fonction également de l'analyse de l'amendement de Mme Haller, dont je n'ai pas encore pu évaluer les conséquences. Je vous remercie de réserver un bon accueil à cette proposition que je juge sage et conforme aux habitudes de ce Grand Conseil. Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Sur cette demande, je donne la parole d'abord au rapporteur de minorité, M. Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je salue la voix de la sagesse en la personne de M. Guinchard. En tant que rapporteur de minorité, je soutiens évidemment ce renvoi en commission. Je précise qu'il est très justifié, puisque - vous transmettrez, Monsieur le président - Mme Haller a ressorti sa banderole de syndicaliste et que l'OCIRT a précisé - je cite mon rapport - qu'«il est légal de privilégier une CCT nationale avec des salaires plus bas, plutôt qu'une CCT régionale. [...] Il n'est pas non plus possible d'obliger les partenaires sociaux à signer un avenant cantonal». J'ai donc de sérieux doutes sur la revendication syndicaliste de Mme Haller - vous transmettrez, Monsieur le président. Elle mérite une étude juridique, c'est pour cela que je soutiens le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi en commission.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous constaterez que la gauche n'a pas le monopole de la demande de renvoi en commission...
Une voix. Pour une fois !
M. Romain de Sainte Marie. ...mais que cela tient plutôt au rapport de force entre la minorité et la majorité. Ce projet de loi date d'il y a déjà douze ans. Je pense qu'en matière d'ancienneté de projet de loi, ce n'est pas mal ! Il a déjà été étudié à deux reprises à la commission de l'économie; là aussi, en matière d'étude, c'est quand même relativement bien ! On parle souvent de l'efficience de nos travaux au Grand Conseil. Par conséquent, j'inviterai le parlement à ne pas accepter ce renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur le conseiller d'Etat Serge Dal Busco, sur le renvoi en commission ?
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Très volontiers, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai entendu que partiellement les excellents arguments dont a fait part M. Guinchard. Je peux vous dire que le Conseil d'Etat soutient ce renvoi en commission, précisément, Monsieur le rapporteur de majorité, parce qu'au cours de ces nombreuses années depuis la date du dépôt de ce projet de loi, les choses ont quand même passablement changé. Il y a lieu de reprendre un certain nombre de points. La question de la légalité interpelle, et l'évolution a quand même été notable ces derniers temps du côté de l'aéroport. C'est donc le bon sens qui commande, selon l'avis du Conseil d'Etat, de soutenir un renvoi; ce n'est pas non plus dans l'habitude du Conseil d'Etat de soutenir les renvois en commission, mais dans ce cas-là, cela se justifie pleinement.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10626 à la commission de l'économie est rejeté par 52 non contre 27 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons notre débat, je passe la parole à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi, qui date effectivement de 2010, voudrait imposer à l'aéroport de Genève des contraintes qui ne sont pas conformes à la loi. Exemple: à l'article 31, alinéa 3, il est question de subordonner l'octroi d'une concession à la condition que l'entité de plus de 20 collaborateurs soit au bénéfice d'une CCT. L'audition de l'OCIRT a clairement indiqué que cette demande est irréalisable. Le choix entre la signature d'une CCT ou des usages auprès de l'OCIRT est conforme et est la règle. La deuxième contrainte qui n'est pas conforme à la loi, c'est l'article 40. Celui-ci voudrait imposer au personnel de l'Aéroport international de Genève d'être au bénéfice d'une convention collective de travail. Là aussi, une convention collective de travail de site, vu la diversité de toutes les activités exercées à l'aéroport, n'est tout simplement pas possible, et cela a aussi été confirmé par l'OCIRT.
Sur le plan juridique, ce projet de loi n'est pas défendable. Par contre, les initiants, il faut le reconnaître, ont en réalité un autre objectif: une chasse au dumping et aux conflits sociaux. Là aussi, il faut relever ce qu'a indiqué l'OCIRT lors d'une audition. Je répète, l'OCIRT, responsable de cette problématique, a très clairement déclaré qu'il n'a constaté aucun cas de dumping à l'aéroport de Genève. (Commentaires.) Pour rappel, l'Aéroport international de Genève est un établissement de droit public, et la minorité souhaiterait qu'il puisse maintenir une certaine autonomie - dans le cadre de la loi, évidemment. Les conditions de travail relèvent prioritairement de la compétence des partenaires sociaux. Une ingérence et une tutelle excessive de l'Etat et surtout du législateur via des lois ne constituent pas la bonne voie. Il y a environ 1000 collaborateurs à l'aéroport ainsi que quelque 9000 travailleurs engagés par des entités qui bénéficient de concessions ou de contrats de location et il faut tout faire pour éviter que l'Etat s'ingère trop dans cet aéroport. Merci de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Il y a douze ans, quand le MCG a déposé ce projet de loi, les problèmes étaient malheureusement les mêmes qu'aujourd'hui. Quels étaient-ils, quels sont-ils ? Les résidents genevois ne peuvent plus travailler dans certaines entreprises concessionnaires de l'aéroport parce que les salaires sont trop bas, et on est obligé d'engager des frontaliers. Cela signifie que soit tous les travailleurs qui habitent dans le canton de Genève sont condamnés à la pauvreté, à la misère... (Remarque.) ...soit on est condamné à engager du personnel frontalier.
C'est pour lutter contre cela que nos prédécesseurs, qui étaient visionnaires, reconnaissons-le... Et c'est le combat que le MCG continue de porter et de défendre. C'est pour cette raison que nous devons trouver des solutions. Celles qui ont été proposées à l'époque étaient les suivantes: premièrement, une convention collective pour les entreprises concessionnaires - c'est quand même la moindre des choses - et, deuxièmement, que ces entreprises qui bénéficient d'une concession de l'Etat - ce n'est pas le privé, on est dans l'Etat, on est dans une situation monopolistique, il faut quand même reconnaître les choses telles qu'elles sont - appliquent une priorité pour les habitants du canton de Genève ! C'est la logique, c'est le bon sens ! Je ne comprends pas comment on peut s'opposer à cela ni comment on peut se dire démocrate, se dire défenseur de la libre concurrence, si on s'attaque à cela ! C'est complètement incompréhensible ! Surtout quand on tient un discours pseudojuridique pour défendre cela. Alors, malheureusement, une des deux parties du projet de loi a dû être abandonnée parce que nous n'avions pas de majorité, néanmoins le MCG vous engage à voter avec détermination ce texte qui, sorti de commission, est très modéré et va dans la bonne direction. Merci de votre soutien.
Une voix. T'as tout dit, François !
M. Serge Hiltpold (PLR). Je vous avoue être particulièrement surpris par cet objet, notamment par les discours des syndicats. Dois-je leur rappeler que l'article 40 est le coeur de ce projet de loi ? Or je vous cite l'article 40: «Le personnel travaillant pour l'Aéroport international de Genève doit être au bénéfice d'une convention collective de travail.» Je le répète, l'Etat ne peut pas imposer la conclusion d'une convention collective. C'est un accord entre les partenaires sociaux. C'est une erreur crasse d'imaginer ne serait-ce qu'un instant que l'Etat peut conclure une convention collective ! Il peut l'étendre, la rendre de force obligatoire, sous certaines conditions. C'est exactement le même problème qu'on a eu avec les heures d'ouverture de magasins, avec des extensions de conventions collectives de travail. Alors, franchement, soyez corrects ! Soyez corrects ! Cet article 40 n'est pas possible ! Il n'est pas applicable !
Ensuite, M. Baertschi nous dit qu'il n'y a pas de concurrence. Evidemment qu'il y a une concurrence ! Il y a plusieurs opérateurs. Donc ce que vous dites, Monsieur Baertschi, est particulièrement faux, puisque les conflits étaient survenus justement entre certaines entreprises. Ce qu'on peut noter, c'est que, depuis le départ d'un certain syndicaliste qui était dans le secteur de l'aéroport et dont on a hérité dans la construction - à l'aéroport, c'était vraiment conflictuel, après, c'était la construction -, ces deux secteurs vont beaucoup mieux. (Commentaires.) Ça va beaucoup mieux ! Alors ce que je vous demande, c'est juste un tout petit peu d'analyse et de circonspection et de renvoyer ce projet à la commission de l'économie, afin que la directrice de l'OCIRT, Mme Stoll, ancienne syndicaliste, qui a véritablement la tête sur les épaules, nous explique une troisième fois ce qu'il est possible de faire. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi à la commission de l'économie. Sur le renvoi, je donne la parole au rapporteur de minorité, M. Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je répéterai qu'il y a énormément de questions juridiques qui se posent: celle de la CCT de site, qui est impossible et illégale; celle de la CCT locale versus CCT nationale, qui pose des problèmes juridiques; celle des 20 équivalents temps plein, qui pose un problème d'arbitraire évident, ainsi que celle des usages alternatifs par rapport à une CCT, qui n'est pas non plus traitée. Nous partons donc dans le mur si ce projet de loi est adopté, avec un camouflet juridique - ce n'est pas le premier de la journée - que nous allons recevoir sur l'aéroport. Je vous propose donc de voter ce renvoi en commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi en commission ?
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je rejoins complètement les propos du conseiller d'Etat Serge Dal Busco juste avant: les choses ont changé à l'aéroport, c'est vrai. On pense tous au conflit Swissport, le dernier en date, au sujet duquel notre Grand Conseil a été saisi. Une task force a été créée, avec à sa tête David Hiler, ancien conseiller d'Etat; le CSME - Conseil de surveillance du marché de l'emploi - a d'ailleurs admis, ce qui est une première, qu'il y avait sous-enchère salariale à l'aéroport. Il a été admis de façon objective qu'il y a maintenant des cas de sous-enchère salariale à l'aéroport. Les choses ont donc bien changé puisque ce fait est reconnu, raison de plus pour ne pas renvoyer en commission ce projet de loi, mais pour le voter ce soir et fixer des conditions de travail décentes.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. J'invite l'hémicycle à se prononcer sur cette nouvelle demande de renvoi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10626 à la commission de l'économie est rejeté par 53 non contre 29 oui.
Le président. Nous continuons notre débat, je donne la parole à M. Patrick Dimier pour une minute cinquante-trois.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je n'aurai pas besoin d'autant, surtout que je ne veux pas faire la fine bouche, même s'il s'agit de Gate Gourmet ! La seule chose que je constate, c'est qu'on s'enfonce dans des arguties juridiques qui empêchent ce débat de décoller, ce qui par la même occasion fait que la minorité a de la peine à poser ses arguments ! Merci.
M. André Pfeffer (UDC). J'aimerais juste compléter ce qui a été dit. On sait qu'à l'origine de ce projet de loi, il y a un «visionnaire» - hein ! (Rires.) Mais je crois qu'il faut aussi rappeler que ce visionnaire avait été administrateur de l'aéroport de Genève; étant donné qu'il n'a, je pense, pas réussi à imposer ses vues de l'intérieur de l'aéroport, ni même via les partenaires sociaux, il nous demande actuellement de régler sa vision - vu que c'est un visionnaire - via une loi. Cette loi n'est effectivement pas conforme au droit supérieur. Je pense que non seulement le procédé, mais aussi le projet de loi lui-même sont inacceptables. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. François Baertschi pour une minute trente.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est juste pour répondre à mon préopinant - vous transmettrez, Monsieur le président - qu'il n'est pas acceptable d'attaquer quelqu'un qui n'est pas là. (Commentaires.) Et mettre en cause le fait... En sa qualité de député, il pouvait tout à fait déposer le projet de loi - d'ailleurs, s'il ne l'avait pas fait, on lui aurait reproché de ne faire que lancer des idées en l'air. Je crois que c'est un combat vain que de l'attaquer. Quant à parler de... On a plein de spécialistes en droit, à tous les niveaux, on n'a que des prix Nobel de droit suisse - à supposer que ça existe -, mais à mon sens, c'est la plus grande fantaisie ! Je pense que les juristes de ce parlement devraient aller faire leur numéro au cirque Knie ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je transmettrai ! Je donne la parole à M. Guinchard pour une minute vingt-neuf.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci de votre générosité, Monsieur le président. Comme je n'ai pas encore donné l'avis du Centre par rapport à ce projet de loi, je vais le faire, tout en regrettant évidemment que les deux demandes de renvoi en commission aient été refusées. Je rappelle que suite à l'acceptation par le peuple de l'initiative 163, nous avons réussi à élaborer un projet de loi ainsi qu'une loi d'application de cette initiative, par des négociations - qui n'ont pas été faciles - entre le Conseil d'Etat, l'aéroport et notamment le groupement qui se nomme CARPE. J'aurais pensé que si le renvoi avait été accepté, nous aurions pu arriver à ce même résultat de concertation et de discussion au sein de la commission. Je regrette un peu que ce Grand Conseil se mure dans cette obstination; il risque bien évidemment de se faire laver la figure à l'occasion d'un éventuel recours d'une entreprise qui se verrait imposer une convention collective. Le groupe du Centre vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité pour une minute trente-quatre.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Ça me suffira largement. Vous transmettrez, Monsieur le président, aux membres du MCG qui parlent d'arguties juridiques et d'arguments pseudojuridiques que je suis un peu perplexe. Comme je l'ai dit - je reviens à mes propos de départ -, nous ne sommes pas là avec des banderoles et calicots à un piquet de grève, nous sommes là pour rédiger le droit; en tant que parlement, c'est notre compétence. Evidemment que nous devons, si possible, et même obligatoirement, rédiger des projets de lois conformes au droit. Par conséquent, tous les arguments égrenés durant les débats qui montrent le caractère totalement illégal de ce projet de loi restent pleinement valables. Le dernier en date - c'est pour répondre à M. de Sainte Marie qui se réfère au CSME en lien avec le constat d'une prétendue sous-enchère salariale: le CSME peut constater tout ce qu'il veut, l'organe compétent, celui qui a le pouvoir, en vertu de la loi, de surveiller la bonne application de la loi sur le travail et des règles de droit, c'est l'OCIRT, ce n'est pas le CSME. C'est donc aussi un argument qui tombe à plat, vous m'excuserez, Monsieur le rapporteur de majorité.
Pour tous ces motifs, je vous invite à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi et à rejeter tous les amendements - notamment ceux d'Ensemble à Gauche, qui sont parfaitement illégaux ! Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. J'entends bien les arguments des partis de la minorité, qui sont de nature juridique. (Commentaires.) Cela me surprend quand même, parce que depuis déjà douze ans, des conflits sociaux à l'aéroport, on en a connu à peu près chaque année. Or je n'ai jamais entendu de la part de ces partis un positionnement politique pour poser un certain cadre en matière de conditions de travail ! (Commentaires.) Je veux bien entendre des arguments juridiques, néanmoins, sur le fond, jamais ces mêmes partis n'ont émis le souhait ou n'ont voté en faveur d'une possibilité de faire en sorte que les conditions de travail soient respectées dans la zone aéroportuaire.
C'est là la réalité du débat qu'il faudrait resituer aujourd'hui: le fait que dans cette zone, des entreprises effectuent de la sous-enchère salariale et que leurs conditions de travail sont catastrophiques, pour des hommes et des femmes qui oeuvrent tôt, tard, avec des horaires irréguliers et des salaires particulièrement bas, que nous devons par conséquent protéger aujourd'hui afin d'avoir une zone aéroportuaire digne de ce nom, où les hommes et les femmes puissent travailler dignement. C'est ça, le fond du débat ! Le fond n'est pas juridique ! Nous laisserons la place aux tribunaux pour arbitrer l'aspect juridique s'il le faut... (Commentaires.) ...mais aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, ayez au moins la décence de débattre du fond politique et de la nécessité de conditions de travail minimales dans la zone de l'aéroport ! Je vous invite par conséquent à accepter ce projet de loi.
Une voix. Illégal !
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'intervention du rapporteur de majorité me laisse perplexe à plus d'un titre, puisqu'il appelle à faire voter par le législateur n'importe quel texte de loi quelle que soit finalement sa conformité au droit supérieur. C'est assez inquiétant d'entendre ce genre d'arguments. Le problème ici, le Conseil d'Etat en est parfaitement conscient... Vous avez d'ailleurs eu l'occasion d'entendre en commission à moult reprises notre administration, l'OCIRT, vous dire les éléments problématiques de cet objet. Rien n'y fait, on se demande en fin de compte à quoi ce genre d'auditions peuvent servir, puisqu'on est dans la pure idéologie. Je répète ici ce qui a été dit par plusieurs d'entre vous appartenant visiblement à la minorité de ce parlement: ce projet de loi n'est pas conforme au droit supérieur, on va au-devant de grosses difficultés. J'entends le rapporteur de majorité appeler les tribunaux à trancher par la suite, mais fondamentalement, c'est une manière de procéder qui est assez étrange. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi pour les raisons que je viens de vous expliquer.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote, en premier lieu sur l'entrée en matière.
Des voix. Non !
D'autres voix. Oui !
Une voix. Mais y aura pas de troisième débat ! Renvoyez-le en commission !
Mis aux voix, le projet de loi 10626 est adopté en premier débat par 50 oui contre 36 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 31 (nouvelle teneur).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 40, proposé par Mme Jocelyne Haller:
«Art. 40 (nouvelle teneur)
Le personnel travaillant pour l'Aéroport international de Genève doit être au bénéfice d'une convention collective de travail. Il est référé prioritairement aux CCT locales lorsqu'elles existent.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'art. 40 (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Remarque.) Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour les raisons que j'ai eu l'occasion de vous expliquer à plusieurs reprises dans le cadre de ce débat, le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat. Ce texte n'est pas conforme au droit supérieur. Nous profiterons du temps qui nous est laissé pour vous apporter des éléments supplémentaires qui le démontreront. Merci.
Des voix. Bravo ! (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur le député François Baertschi, normalement il n'y a pas de prise de parole après le Conseil d'Etat. Nous concluons donc le débat. (Vifs commentaires. Brouhaha.) Nous concluons le débat. Le Conseil d'Etat ne souhaitant pas le troisième débat, il est mis fin à cette discussion. (Commentaires.) Nous reviendrons sur ce projet de loi dans les délais impartis selon la décision du Conseil d'Etat. (Commentaires.)
Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 11988-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. La parole revient à M. Thomas Wenger.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Thomas Wenger. Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'objectif de ce projet de loi est de permettre aux deux-roues motorisés d'emprunter les voies de bus portant la mention «taxi». C'est un texte qui date de quelques années et qui a été largement refusé à la commission des transports. Pourquoi ? Parce qu'un essai a été mené, plusieurs essais, même, sous la houlette du précédent magistrat, par rapport à l'utilisation des voies de bus par les motos et scooters, qui ont démontré de manière objective qu'il s'agissait d'une mauvaise idée pour de nombreuses raisons.
Aux yeux de la majorité, c'est une mauvaise idée du point de vue de la mobilité - j'y reviendrai -, que nous devrions précisément nous attacher à rendre plus durable, tandis que les tests effectués ont mis en avant un certain nombre de problèmes, notamment le ralentissement des transports publics et des taxis - ce n'est pas toujours le cas, je l'avoue, mais lorsqu'une horde de deux-roues motorisés s'arrêtent devant les feux de la voie de bus, vous avez derrière les bus et les taxis qui attendent. Enfin, on relève encore des problèmes liés aux dépassements de vitesse, à l'accidentologie, etc.
De manière générale, la mobilité aujourd'hui, et on le répète souvent tant dans ce parlement qu'à la commission des transports... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur Wenger. S'il vous plaît, Messieurs de gauche comme de droite, veuillez écouter le rapporteur de majorité. Si vous souhaitez discuter, il y a des salles disponibles à l'extérieur. Reprenez, Monsieur.
M. Thomas Wenger. Merci beaucoup, Monsieur le président. Je disais donc que la mobilité aujourd'hui à Genève - on en parle beaucoup dans ce parlement de même qu'à la commission des transports - doit bien entendu être plus durable. Qui dit mobilité plus durable dit développement des transports publics, du Léman Express, extension des lignes de tram et de bus, incitation aux modes de déplacement doux, c'est-à-dire les vélos, les vélos électriques, les trottinettes - dont on observe l'avènement actuellement - et la marche.
Favoriser la circulation des deux-roues motorisés, soit un mode de transport polluant, source de nuisances, notamment sonores - demandez aux gens qui habitent dans les quartiers urbanisés, que ce soit en ville de Genève ou dans les autres communes urbaines de notre canton, ils n'en peuvent plus de cette pollution sonore qui est généralement plus due aux motos qu'aux voitures -, leur offrir un «avantage», entre guillemets, du point de vue de la mobilité en leur permettant de circuler sur les voies de bus est vraiment une mauvaise idée, et c'est le message que souhaite faire passer la majorité de la commission des transports ce soir. Aussi, nous vous enjoignons de refuser catégoriquement cet objet. Merci beaucoup.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi date en effet de 2016 et nous le traitons quasiment six ans après son dépôt. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts, un certain nombre d'informations ont été données par mon préopinant rapporteur de majorité. Néanmoins, vous ne pouvez pas nier qu'il y a une forte augmentation de la population dans notre canton et donc des besoins en déplacements, sans oublier que notre constitution prévoit le libre choix du mode de transport. En 2016, on dénombrait 55 000 immatriculations de deux-roues motorisés; aujourd'hui, nous sommes à plus de 61 000. Pourquoi ? Parce que de nombreuses personnes passent de la voiture à la moto.
Le mérite de ce projet de loi est de chercher à trouver une solution pour désengorger le trafic en permettant aux deux-roues motorisés d'emprunter les voies de bus. J'aimerais bien savoir où vous avez trouvé des chiffres indiquant que cela ralentit les TPG et que les bus attendent derrière les motos, Monsieur Wenger; pour ma part, honnêtement, je n'ai jamais rien entendu de pareil. Deux phases de test avaient été autorisées à la Praille et à la route de Ferney, mais elles ont malheureusement été abandonnées au bout de cinq ou six mois.
On voit par ailleurs dans d'autres zones de Suisse - en Argovie, à Zurich, à Bâle -, mais également dans d'autres pays qu'un tel système fonctionne très bien. Prenons un exemple, celui de Londres: suite à l'autorisation octroyée aux deux-roues motorisés de circuler sur les voies de bus, on a constaté une baisse des accidents de 42%. La fluidité du trafic a ainsi été améliorée, et Londres, me semble-t-il, est une ville dont la circulation est spécialement engorgée. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission des transports vous demande d'entrer en matière sur ce texte et de l'accepter.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Vertes et les Verts vous recommandent bien évidemment de refuser cet objet qui vise à modifier la loi en faveur des deux-roues motorisés en les autorisant à utiliser les voies de bus portant la mention «taxi». Le prétexte: améliorer la fluidité du trafic et la sécurité.
Après plusieurs gels en raison d'un recours de la Ville de Genève concernant les tests effectués sur certains tronçons et suite à un changement de législature et de ministre de la mobilité, la commission des transports a rejeté l'entrée en matière sur ce projet de loi. Naturellement, les Vertes et les Verts soutiennent cette position. En effet, la population genevoise a voté la LMCE, la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, qui prévoit de favoriser la mobilité douce et les transports publics au sein des zones 1 et 2. Il y a donc une opposition entre le texte adopté par le peuple et les mesures en faveur des deux-roues motorisés préconisées notamment par les associations de motards auditionnées en commission.
Les deux-roues motorisés n'ont rien à faire sur les voies de bus, lesquelles doivent être prioritairement dédiées aux transports publics afin qu'ils puissent maintenir leur vitesse commerciale, essentielle pour leur attractivité. A l'heure de l'urgence climatique, les motos et scooters, qui polluent et émettent de fortes nuisances sonores, devraient au contraire être remplacés par des vélos et des vélos électriques, surtout dans un petit canton comme Genève, surtout quand le plan climat cantonal renforcé de seconde génération préconise une diminution de 40% du trafic individuel motorisé. Pour toutes ces raisons, nous refuserons l'entrée en matière. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). On arguera sans doute que ce projet de loi ne correspond pas au droit supérieur, comme on l'a fait s'agissant du texte précédent. Je me permets d'émettre quelques doutes à ce sujet, sachant que cela provient d'un Conseil d'Etat qui vient d'être désavoué dans l'affaire de Mme Moinat, dont la connaissance du droit est donc parfois aléatoire ou du moins contestée par les tribunaux. Alors je veux bien qu'on remette en question notre capacité à nous, simples députés, d'apprécier des éléments juridiques, mais quand on voit le gouvernement nous ramasser du haut de sa superbe en nous disant que nous n'y comprenons rien, j'ai les plus grands doutes dans ce domaine comme dans d'autres. Merci.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Cela a été indiqué, le présent projet de loi vise à autoriser les deux-roues motorisés à utiliser les voies réservées aux bus munies du marquage «taxi». Le PLR considère que ce texte est excessif et va trop loin. Cependant, les essais évoqués n'ont pas été menés jusqu'au bout, leur durée était à notre sens trop courte - quatre et six mois à la Praille et sur la route de Ferney. C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il convient de refaire des tests, de les conduire de façon sérieuse et d'aller au bout du processus. Partant, nous serons favorables à la M 2504 dont nous discuterons certainement en août ou en septembre.
Il est important de réaliser des essais de façon exhaustive, de s'assurer que s'il devait y avoir des deux-roues sur les voies de bus, la fluidité des TPG ne serait pas atteinte, leur cadence ne serait pas ralentie, cette circulation ne se ferait pas au détriment de leur vitesse commerciale ni de la sécurité. C'est pour ce motif que le PLR, ne souhaitant pas rejeter cet objet, a décidé de s'abstenir afin de donner un signal en faveur de la M 2504, qui sera bientôt à l'ordre du jour, l'idée étant d'aller jusqu'au bout des tests qui n'ont pas été effectués correctement. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je suis désolé pour mes collègues qui ont déposé ce projet de loi, mais celui-ci va complètement à l'encontre du bon sens, à contre-courant de ce que nous devons mettre en place actuellement dans notre canton. Il y a deux principales raisons pour lesquelles nous devrions rejeter ce texte et, au contraire, mener une politique proactive dans l'autre direction.
D'abord, il nous faut freiner drastiquement le transport individuel motorisé. C'est une urgence vitale pour la planète. Nous assistons à une destruction massive de la vie sur Terre dont nous sommes responsables, des centaines et des milliers d'espèces disparaissent au quotidien. Nous portons cette responsabilité, nous devons agir très rapidement. Dès lors, il n'est pas question d'étendre encore la circulation motorisée, mais à l'inverse de la restreindre de manière stricte. Le plan climat cantonal, qui n'a pas été élaboré par de dangereux gauchistes, prévoit une diminution du trafic de 40%; on sait que c'est insuffisant, il faudrait probablement viser une réduction de 60%. De ce point de vue là, cet objet va dans le mauvais sens.
Le deuxième argument de fond a trait à l'occupation de l'espace public. Mesdames et Messieurs, 66% de la voirie est investie par le transport individuel motorisé. Or ce mode de transport ne concerne que 27% des déplacements dans notre canton. Seulement 27% des déplacements ! C'est-à-dire que la part dédiée aux motos, scooters et voitures est complètement disproportionnée par rapport au nombre de personnes transportées ! Les piétons, les transports publics et les cyclistes représentent 73% de la mobilité dans notre canton, il y a donc un immense déséquilibre. De fait, il faut aller exactement dans la direction inverse, il faut diminuer drastiquement la largeur de la chaussée, limiter l'accès aux routes, réduire de moitié au moins la disponibilité de la voie publique pour le transport individuel motorisé.
C'est sur la base de ces deux principaux motifs que le groupe Ensemble à Gauche vous appelle à refuser le présent texte. D'autres arguments ont déjà été mentionnés, par exemple la vitesse commerciale des TPG, l'aberration que cela représente de mélanger les bus et les motos. Le groupe Ensemble à Gauche vous demande de rejeter ce projet de loi et de vous engager pour une ville et un canton sans voitures. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Patrick Dimier pour deux minutes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Pour reprendre ce qui a été indiqué tout à l'heure par le groupe PLR, je pense également que de manière un tantinet déloyale et peu réfléchie, on a interrompu les essais en cours alors qu'il n'a pas été démontré de ralentissements des transports publics lorsque les deux-roues motorisés étaient autorisés à accéder aux voies de bus.
Je viens d'entendre les propos de mon collègue Bakounine et je le remercie pour son excellent exposé. Il ne faudrait surtout pas qu'il oublie que le principal facteur de pollution, c'est la démographie et la densité - sauf que personne, à travers la planète, ne veut s'occuper de ces deux aspects -, mais certainement pas les éléments qu'il a évoqués.
Par ailleurs, si cette faction politique veut changer les choses et pour autant qu'elle aime et respecte la constitution, eh bien il faut attaquer celle-ci, il faut déposer une initiative pour supprimer la garantie du libre choix du mode de transport. Tant et aussi longtemps que vous ne le ferez pas et que vous n'aurez pas la réponse du peuple, chers amis, c'est la constitution telle qu'elle est qui s'applique. Et aujourd'hui, on a le libre choix du mode de transport.
Une voix. Absolument !
M. Patrick Dimier. En plus de tripler l'espace réservé aux vélos, puisqu'on a non seulement doublé les lignes, mais encore ajouté des pistes à côté - je pense qu'on avait trop de peinture à utiliser -, quand l'Etat perd devant les tribunaux, il se paie le luxe de recourir contre leurs décisions. Voilà la vérité, et c'est une honte. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je ne sais pas si nous avions trop de peinture, mais vous avez en tout cas épuisé le temps du groupe, ce qui fait que M. Thierry Cerutti n'a plus de temps de parole. Monsieur Jean Romain, c'est à vous.
M. Jean Romain (PLR). Pour combien de temps, Monsieur le président ?
Le président. Il vous reste une minute seize, Monsieur le député.
M. Jean Romain. Oh, ça va aller ! Je vous remercie, Monsieur le président. J'ai entendu beaucoup de choses qui sont de nature à relancer une guerre des transports, cette guerre des transports que nous avions, à juste titre, réussi à apaiser. Nous devons dès lors trouver une solution. Restreindre à tout prix le trafic motorisé, c'est une sorte de mantra que l'on répète, un chewing-gum collectif que certains partis mâchent sans relâche. Cette idéologie, le PLR ne l'approuve pas, mais il ne souhaite pas rouvrir un combat totalement inutile.
Les essais doivent être poursuivis, notamment en ce qui concerne la vitesse commerciale des TPG, parce que comme M. Dimier l'a expliqué, il n'a pas été démontré qu'ils ralentissaient la cadence des bus. Mais surtout, il faut quand même comprendre quelque chose: si vous donnez à un deux-roues motorisé une piste en site propre, il va se croire seul au monde, il va changer de mentalité et se dire: «Je suis ici chez moi, je fais ce que je veux, je roule à la vitesse qui me plaît dès lors que j'ai ma voie.» Voilà ce qui est dommageable et qui risque de poser des problèmes. Nous avons besoin de mener des tests, non seulement pour nous assurer de ne pas modifier la vitesse commerciale des transports publics, mais aussi pour leur permettre de déployer leurs effets dans le temps, pour qu'ils s'inscrivent dans une autre vision de la mobilité au sein de notre ville. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, si vous permettez, je reviens au projet de loi qui ne demande qu'une seule chose: «Les véhicules deux-roues motorisés sont autorisés à utiliser les voies réservées aux bus munies du marquage TAXI.» Les problématiques du bruit ou des véhicules électriques sont complémentaires au sujet.
Si, de notre côté, nous allons refuser ce texte, c'est parce que la priorité dans cette affaire n'est pas de polémiquer sur les tests qui ont été menés, de les interpréter d'une manière ou d'une autre, mais simplement d'admettre qu'il est important d'avoir des sites propres pour les différents types de véhicules circulant en ville, indépendamment de leur volume: les bus doivent avoir une voie afin de maintenir leurs cadences, les vélos, cela a été souligné, doivent bénéficier de pistes cyclables dans la mesure du possible et les véhicules privés de leurs propres routes, qu'il s'agisse de motos ou de voitures, électriques ou non. A ce propos, je me permets de soulever la question des trottinettes, qui commencent gentiment à polluer le secteur des véhicules individuels et qui posent un réel problème. Il est évident que c'est l'excessivité de ce texte qui est problématique.
Enfin, que ceux qui ne siègent pas à la commission des transports se rassurent: il y a huit ou dix objets en suspens qui traitent de cette thématique. Ici, c'est un cas particulier. Pour notre part, nous estimons qu'il n'est pas nécessaire de revenir sur l'utilisation des voies de bus par les véhicules deux-roues motorisés, puisque nous sommes saisis d'au moins dix projets - je ne suis même pas extrêmement précis, il y en a peut-être plus - sur ce sujet, donc nous aurons tous l'occasion d'en reparler, autant ceux qui veulent rallumer la guerre des transports que les autres qui souhaitent l'apaiser. Merci de rejeter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Pablo Cruchon pour seize secondes.
M. Pablo Cruchon (EAG). Merci, Monsieur le président, je serai rapide. Pour répondre au député Romain, il ne s'agit pas d'un mantra, le transport individuel motorisé constitue une réelle aberration énergétique. Déplacer une tonne et demie pour transporter une personne de 80 kilos, c'est complètement absurde !
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Pablo Cruchon. Il s'agit également d'une aberration en matière de santé publique, ça pollue et ça fait du bruit...
Le président. Merci...
M. Pablo Cruchon. ...et c'est un non-sens - je finis là-dessus, Monsieur le président - pour la vie collective et la convivialité dans nos quartiers. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. C'est le tour de M. Charles Selleger pour une minute trente.
M. Charles Selleger (HP). Merci pour votre générosité, Monsieur le président. Je dirais, puisque je suis vieux maintenant, qu'il y a les jeunes cons et les vieux cons, comme le chantait Brassens. Tout en étant vieux, j'utilise à la fois - enfin, pas en même temps, mais successivement - le vélo, le scooter et la voiture. Circuler en scooter m'évite de prendre la voiture, surtout s'il fait beau temps, et je consomme beaucoup moins d'essence. Maintenant, personne ne se préoccupe des cyclistes qui roulent sur les trottoirs et mettent les piétons en danger - bientôt, il faudra réserver les trottoirs aux seuls marcheurs.
La mauvaise foi dans cet hémicycle, quand on regarde du côté de la gauche, est vraiment sidérante: les essais réalisés à la route de Ferney ont démontré que la circulation était fluide lorsque les motos empruntaient ces couloirs. En revanche, les vélos qui remontent cette même route de Ferney sur la voie de bus, je vous le dis, cela ralentit beaucoup les TPG. J'habite dans le coin et je connais le problème. Il faut voter - et je voterai - ce projet de loi.
Une voix. Bravo !
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Beaucoup de choses ont déjà été dites, on ne va pas épiloguer et passer trop de temps sur cette thématique. On ne peut pas nier que nous roulerons demain à l'électrique, aux véhicules hybrides et à l'hydrogène. Des véhicules, il y en aura toujours, car la population augmente. Regardez combien d'habitants supplémentaires on dénombre chaque année dans le canton de Genève, Mesdames et Messieurs ! Il y a un véritable problème de démographie, c'est une évidence, ce qui génère une densification de nos quartiers. Par conséquent, quand on en crée de nouveaux comme à Bernex, il faut des routes, cela coule de source.
Je souscris tout à fait à ce qui a été indiqué par mes préopinants PLR, MM. de Senarclens et Jean Romain: en effet, il s'agit, et j'espère que le département ira dans ce sens, Monsieur le magistrat, de reconduire des tests pour valider des possibilités d'améliorations en faveur des deux-roues dont le nombre augmente énormément d'année en année - nous avons largement dépassé le seuil des 60 000 motos aujourd'hui. A ce propos, de nombreuses personnes circulent maintenant en moto électrique.
Alors bon, on ne va pas s'éterniser sur la problématique des cycles et des vélos, mais on peut encore mentionner les trottinettes qui roulent sur les trottoirs, ce n'est pas mal non plus. La minorité de la commission des transports vous demande de bien vouloir accepter l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci. A présent, je donne la parole à Mme Caroline Marti, qui remplace M. Thomas Wenger en tant que rapporteure de majorité.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur un certain nombre de points évoqués dans le cadre de ce débat. D'abord, les essais visant à autoriser les deux-roues motorisés à emprunter les voies de bus, cela a été souligné par plusieurs d'entre nous, ont très clairement démontré que cela prétéritait la vitesse commerciale des TPG...
Des voix. Faux, faux !
Mme Caroline Marti. Si, les études sont limpides... (Commentaires.)
Le président. S'il vous plaît, laissez l'oratrice s'exprimer !
Une voix. Non !
Mme Caroline Marti. Probablement que le conseiller d'Etat chargé de cette politique publique corroborera mes propos et citera ces mêmes études. Or quand on constate, à travers un test, que permettre l'usage des voies de bus par les motos et scooters réduit la mission première de ces couloirs en site propre, c'est-à-dire... (Remarque.)
Le président. Monsieur Sormanni, vous n'avez pas la parole, taisez-vous, je vous prie !
Une voix. Détends-toi, Daniel !
Le président. Poursuivez, Madame.
Mme Caroline Marti. Lorsqu'une telle mesure entrave l'objectif premier des voies de bus, à savoir assurer une bonne vitesse commerciale des transports publics... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...eh bien il est logique, il est cohérent d'interrompre cet essai si on observe que les conséquences sont nuisibles. D'ailleurs, cela ne fait pas tellement de mystère: il paraissait si évident qu'autoriser les plus de...
Le président. Il vous faut conclure, Madame.
Mme Caroline Marti. Je prends sur le temps de mon groupe.
Le président. Il est déjà épuisé.
Mme Caroline Marti. Mais personne n'est intervenu dans mon parti !
Des voix. M. Wenger a pris la parole !
Le président. M. Wenger a dû utiliser tout le temps.
Mme Caroline Marti. Je me permets d'insister, car personne... (Protestations. Commentaires.)
Une voix. C'est fini !
Une autre voix. C'est rouge !
Une autre voix. Non, non, c'est faux !
Une autre voix. C'est terminé !
Une autre voix. Encore un mensonge !
Une autre voix. Arrête !
Le président. Combien de temps vous faut-il encore, Madame la rapporteure ? (Commentaires.)
Mme Caroline Marti. Eh bien je vais prendre sur le temps des Verts, du coup. Je remercie ma collègue Mme de Chastonay pour sa bienveillance.
Le président. D'accord, alors allez-y. Il y a eu une erreur de chronométrage, il faut le reconnaître. (Remarque.) Il faut le reconnaître ! Continuez, Madame Marti.
Mme Caroline Marti. Je vous remercie, Monsieur le président. Naturellement, il n'était pas tellement étonnant de constater que permettre aux motos et scooters de circuler sur les voies de bus allait prétériter la vitesse commerciale des TPG, surtout quand on sait qu'on recense plus de 50 000 deux-roues motorisés dans l'ensemble de notre canton.
Je signale encore, cela a déjà été fait au cours de la discussion, que les deux-roues motorisés constituent un moyen de transport engendrant énormément de nuisances, ne serait-ce qu'en matière de pollution atmosphérique, mais aussi de pollution sonore. Aujourd'hui, de très nombreux quartiers sont soumis à des niveaux de bruit excessifs, ce qui a un impact sur la qualité de vie des riverains ainsi que sur leur santé. Bien entendu, il ne s'agit pas d'une mobilité d'avenir, ce n'est pas un mode de déplacement responsable ni respectueux de l'entier de la population.
Enfin, Monsieur le président, je répondrai à M. Dimier qui, année après année, débat après débat, invoque le libre choix du mode de transport quand il est question de mobilité. Mais le principe du libre choix du mode de transport - vous transmettrez à M. Dimier, Monsieur le président -, qui est effectivement inscrit dans la constitution, ne garantit pas à tout un chacun de réaliser l'ensemble de ses déplacements avec n'importe quel moyen de transport.
Une voix. Libre choix du mode de transport !
D'autres voix. Chut !
Mme Caroline Marti. Personne ne peut se rendre au milieu... (Remarque.)
Le président. Monsieur le député, n'interrompez pas la rapporteure de majorité ! Reprenez, Madame.
Mme Caroline Marti. Merci beaucoup. Le libre choix du mode de transport ne permet pas à un automobiliste de se rendre en voiture au milieu du parc Bertrand ! De même...
Une voix. Ni à vélo sur l'autoroute !
Le président. S'il vous plaît, Messieurs du MCG, un peu de calme ! Monsieur Florey, s'il vous plaît ! Monsieur Florey, vous qui êtes membre du Bureau, taisez-vous ! Maintenant, on fait silence dans la salle et on laisse la rapporteure de majorité terminer son intervention. Allez-y, Madame.
Mme Caroline Marti. Merci, Monsieur le président. Le libre choix du mode de transport ne permet pas aux deux-roues motorisés d'utiliser l'ensemble des voies de circulation, y compris les pistes de bus. Aux yeux de la majorité de la commission, ce projet de loi confine à l'obstination idéologique, voire clientéliste, raison pour laquelle nous vous invitons à le refuser. (Applaudissements. Huées.)
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il s'agit assurément d'un sujet idéal pour clore une session: tout le monde est parfaitement calme et serein ! Je dirai quelques mots. D'abord, une forme de légende urbaine court en ce qui concerne ces fameux essais. Juste pour que les choses soient claires, ils ont pris fin avant même le début de la présente législature. Pourquoi ? Parce que ces tests étaient liés à des arrêtés, lesquels se sont terminés avant le 1er juin 2018, date à laquelle votre serviteur a eu le privilège - c'est en effet un privilège ! - de reprendre la politique publique de la mobilité. Voilà, on aurait pu, lors de la législature précédente, prolonger ces expériences, mais il n'en a pas été décidé ainsi.
Lorsque je suis arrivé, on m'a demandé: «Que fait-on maintenant ?» J'ai dit: «Qu'était-il prévu avec ces essais ?» Eh bien il était prévu de les évaluer à la lumière d'un certain nombre de critères, chose qui a été faite, et les résultats vous ont d'ailleurs été présentés en commission. Les trois conditions établies lors de l'élaboration des phases de test, c'est-à-dire durant la précédente législature, à savoir la fluidité, la sécurité et la vitesse commerciale, ont été analysées de manière scientifique, et il a été démontré qu'il y avait une altération. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a choisi de ne pas poursuivre l'expérimentation, de ne pas conduire d'autres essais. J'ai compris qu'une proposition de motion visant à relancer des tests avait été déposée, eh bien nous vous répéterons ces éléments s'il le faut. Voilà pour ce sujet.
La question qu'il faut se poser et que je me suis d'ailleurs posée est la suivante: pourquoi avons-nous à Genève un taux de deux-roues motorisés davantage comparable à celui de certaines villes de l'Extrême-Orient plutôt que de l'Occident ? Il est vraiment saisissant de faire ce constat. Observez le paysage urbain: il y a des motos et des scooters partout. C'est quelqu'un qui a roulé en scooter pendant treize ans qui vous parle. Pourquoi ai-je circulé en scooter pendant treize ans ? Parce que c'était infiniment plus rapide et plus confortable, mais, il faut le reconnaître, si on prend la peine d'examiner ce qui figure dans la loi sur la circulation routière, si on respecte la législation, il n'y a pratiquement aucun avantage à opter pour un deux-roues motorisé.
Tout cela est dû probablement à une certaine - comment dirais-je ? - légèreté ou du moins à une forme de tolérance. Je crois même qu'elle s'est appliquée à un moment donné au parcage sur les trottoirs. A ce propos, vous avez vu que très récemment, fort heureusement, la problématique a été empoignée du côté de Berne, car on y a la tête sur les épaules et on ne fait pas n'importe quoi. En effet, il était extrêmement facile de se garer partout, je suis même persuadé que si d'aucuns pouvaient aller chercher leur pain en entrant avec leur moto ou leur scooter dans le magasin, ils le feraient. C'est la raison pour laquelle Genève affiche aujourd'hui un nombre de deux-roues motorisés très élevé. C'est un constat objectif, je ne vois pas ce qu'il y aurait d'autre de particulier qui ferait que nous avons autant de deux-roues motorisés alors que ce n'est pas du tout le cas ailleurs.
Ce que propose le présent projet de loi, fondamentalement, c'est, partant du principe que notre canton compte de nombreux deux-roues motorisés, de faciliter leur circulation en favorisant l'utilisation de ce mode de transport qui, au demeurant, est parfaitement honorable; nous n'avons rien contre, mais en tant qu'autorités, nous devons nous demander si c'est une bonne chose que de l'encourager. Or ce n'est pas le cas pour plusieurs raisons, notamment des questions de santé publique, d'accidentalité: il est prouvé que l'accidentalité de ces engins est nettement supérieure, qu'ils ont des effets sur la santé des personnes, sur les primes d'assurance et ce genre de choses.
L'Etat doit-il favoriser l'utilisation des deux-roues motorisés au regard de la santé publique ? La réponse est non. Doit-il privilégier leur usage alors que nous sommes confrontés à de graves problèmes, notamment en matière de bruit routier ? Les ordonnances ne sont pas respectées dans plusieurs villes de Suisse, c'est vrai, mais surtout pas à Genève, et un nombre considérable de nos concitoyens souffrent du bruit. Or force est de constater, en particulier durant la belle saison - ce serait faire preuve de mauvaise foi que de ne pas l'admettre -, que les motos et scooters, du moins certains d'entre eux, génèrent un bruit insupportable, sont capables de réveiller des quartiers entiers. Cela a été clairement établi, j'ai eu l'occasion de l'indiquer à plusieurs reprises. Les oreilles ne sont ni de gauche ni de droite, il serait malhonnête de ne pas le reconnaître.
Enfin, dernier élément, c'est l'engagement que nous avons pris - que votre parlement a pris aussi - dans le cadre du plan climat. Il ne s'agit pas d'une lubie du Conseil d'Etat ou de celui qui vous parle, nous nous sommes vraiment engagés, tous autant que nous sommes, à atteindre les objectifs qui sont d'ailleurs ceux de la plupart des pays développés, de la Suisse en particulier... (Remarque.) Non, on ne peut pas le contester ! On ne peut pas le contester ! Nous devons, pour atteindre une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 60%, en ce qui concerne la mobilité - chacun doit apporter sa contribution -, non seulement convertir une part notable du parc de véhicules motorisés dotés de moteurs à explosion, c'est-à-dire la très grande majorité d'entre eux - cela vaut également pour les motos -, au moins 40% d'ici 2030, mais surtout, si on souhaite tendre vers cet objectif de moins 60%, nous devons réduire globalement le trafic motorisé de 40% supplémentaires. C'est une évidence. On peut ne pas être d'accord, mais c'est ce à quoi nous nous sommes engagés, ce à quoi vous vous êtes engagés également.
Une voix. Non !
M. Serge Dal Busco. Pour ces raisons et pour plein d'autres encore - mais je crois qu'il est temps maintenant de mettre un terme à ce débat et à cette session -, le Conseil d'Etat vous incite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11988 est rejeté en premier débat par 46 non contre 20 oui et 18 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
La proposition de motion 2713 est retirée par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons bien travaillé durant cette session. Je vous souhaite un bon congé de Pentecôte. Certains d'entre vous ayant apparemment besoin de se dépenser, je vous conseille d'aller faire un petit tour au tournoi européen de football des Schtroumpfs qui a lieu ce week-end au Signal de Bernex. Vous leur ferez plaisir en les soutenant par votre présence. Je vous souhaite une bonne soirée !
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Vive Jean-Luc !
La séance est levée à 19h55.