Séance du vendredi 18 mars 2022 à 18h05
2e législature - 4e année - 9e session - 53e séance

M 2531-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Serge Hiltpold, Simone de Montmollin, Céline Zuber-Roy, Georges Vuillod, Raymond Wicky, Pierre Nicollier, Alexis Barbey, François Wolfisberg, Diane Barbier-Mueller, Cyril Aellen, Alexandre de Senarclens, Jacques Béné, Véronique Kämpfen, Philippe Morel, Rolin Wavre, Sylvie Jay pour une valorisation des mâchefers genevois en circuit court
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 16 et 17 janvier 2020.
Rapport de Mme Céline Zuber-Roy (PLR)

Débat

Le président. Nous reprenons notre programme des urgences avec la M 2531-A, classée en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à la rapporteure, Mme Céline Zuber-Roy.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. La proposition de motion 2531 a été déposée en mars 2019 et traitée à la commission de l'environnement durant trois séances en juin et septembre 2019. Elle concerne le traitement des mâchefers, c'est-à-dire des résidus provenant de l'incinération des déchets. Je précise déjà à ce stade que cette motion ne vise que la question du traitement des mâchefers après l'incinération. La thématique de la réduction des déchets avant incinération, qui a évidemment un impact sur la quantité de mâchefer produit, est actuellement traitée à la commission de l'environnement dans le cadre de la nouvelle loi sur les déchets et ne fait pas l'objet du débat du jour.

Pour en revenir à la M 2531, elle part du constat de la saturation de la décharge de Châtillon et de l'opposition tant des communes que du parlement à la construction d'une nouvelle décharge bioactive pour entreposer les mâchefers, comme l'avait attesté en 2018 l'acceptation de la motion 2452 du PLR et, en 2019, des pétitions 2035 à 2038 provenant des communes de Satigny, Versoix et Collex-Bossy ainsi que d'AgriGenève.

La motion a un double objectif: réduire la quantité de mâchefers avant leur stockage, en visant un minimum de 50% de réduction, et retraiter les vieux mâchefers entreposés à Châtillon pour libérer de la place. La première invite demande de réduire significativement, au minimum de 50%, la quantité de mâchefers mis en décharge. Actuellement, ce taux n'est que de 10%. Cet objectif peut certes paraître ambitieux, comme l'ont relevé les SIG en audition, mais à l'heure de l'urgence climatique, il est nécessaire de faire preuve d'innovation et de relever des défis. C'est du reste ce qu'a fait la direction générale de l'environnement, qui espère même, suite à des essais, atteindre une valorisation des mâchefers de 80%. La première invite de cette motion soutient donc les efforts du département du territoire et encourage les SIG à renforcer leurs efforts en la matière.

La seconde invite s'attaque à la délicate problématique de la gestion des vieux mâchefers entreposés sur le site de Châtillon. La perspective actuelle était de continuer à remplir cette décharge jusqu'à saturation avant d'enfouir définitivement ses déchets. Il semble même qu'il soit envisagé d'installer le nouveau centre de tir cantonal sur ce lieu. La motion propose, elle, de retraiter les déchets déjà déposés afin de les valoriser au moyen des nouvelles technologies développées ces dernières années. Au vu du défi tant financier que technologique que représente ce projet, la motion propose de s'associer au secteur privé pour le mener à bien. Le traitement des anciens mâchefers permettrait de diminuer le volume des déchets stockés et d'allonger la durée de vie de la décharge de Châtillon.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Céline Zuber-Roy. Cet important travail de revalorisation des vieux mâchefers s'inscrit également dans la responsabilité collective envers les générations futures de tout mettre en oeuvre pour minimiser les déchets que nous leur léguerons.

Au moment où le département continue d'avancer sur son projet de nouvelle décharge bioactive, en particulier en commençant des analyses du sol à Satigny, cela malgré l'opposition clairement affichée tant de ce parlement que des communes concernées, il devient urgent d'envoyer cette motion au Conseil d'Etat. Pour cette raison, la majorité de la commission de l'environnement vous invite à la soutenir. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Eric Leyvraz (UDC). Il s'agit d'un problème lancinant, parce que quand vous brûlez une tonne de produits aux Cheneviers, 20% subsistent sous forme de mâchefers. Alors évidemment que Satigny s'oppose à un nouveau dépôt de ces mâchefers. Vous me direz que c'est logique, c'est toujours la même chose: on veut bien un dépôt, mais pas à côté de chez soi, dans son jardin. Il faut dire que Satigny est une commune largement touchée par les problèmes de bruit, de pollution, avec l'aéroport qui est assez proche, tout comme la zone industrielle, à la sortie de laquelle il y a d'énormes passages de véhicules, etc. Il semble donc que Satigny a déjà bien payé de ce côté-là.

Le problème de ces mâchefers que vous devez comprendre, c'est que nous avons une nouvelle usine en préparation, qui va brûler entre 160 000 et 180 000 tonnes de déchets. Par ailleurs, on nous demande de recycler les produits, ce qui est très bien. Maintenant, on nous le demande; après, ce sera obligatoire - on contrôlera les poubelles. Nous pouvons donc nous attendre quand même à une baisse des déchets à incinérer. Mais ce ne sera pas le cas.

Pour quelle raison ? Cette usine que nous allons construire est prévue pour trente ans. Elle brûlera 160 000 à 180 000 tonnes de déchets pendant trente ans: cela représente un million de tonnes de mâchefer, ce qui est énorme ! C'est un problème à long terme. Et pourquoi est-ce que je vous dis qu'on ne baissera pas cette quantité ? Parce que cette usine a besoin de cette quantité de déchets pour fonctionner ! Parce que nous faisons du chauffage à distance, nous faisons de l'électricité, et si nous n'avons pas ce tonnage de déchets, l'usine ne fonctionnera pas, il n'y aura pas de chauffage suffisant pour tout ce qu'on est en train de mettre en place; on dépense des centaines de millions pour ce chauffage à distance, il faudra qu'on amène peut-être des déchets de l'extérieur pour pouvoir faire fonctionner cette usine complètement.

Le deuxième point qui nous gêne beaucoup aussi, c'est qu'on nous promet que ces décharges de mâchefers seront étanches et qu'une fois qu'on aura couvert tout le territoire de ces mâchefers, on remettra de la terre par-dessus et on pourra cultiver sans problème ! Vous savez très bien qu'en Suisse, il y a énormément d'endroits où on a déposé toutes sortes de matériaux et que trente ans, quarante ans après, il faut les ressortir, à des coûts gigantesques, parce que de nombreux problèmes qu'on n'avait pas prévus apparaissent tout à coup.

Il est donc essentiel maintenant que nous renvoyions cette motion au Conseil d'Etat. Il faut trouver des solutions pour diminuer la quantité de ces mâchefers. Il faut aussi trouver des solutions pour quelque chose qui paraît complètement anecdotique, mais qui ne l'est pas du tout, c'est-à-dire les litières pour chats: celles-ci représentent environ 10% de la quantité de mâchefers. Il semble qu'on pourrait quand même les remplacer par des litières végétales pour ne pas charger trop l'usine. Je vous remercie.

M. Philippe Poget (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les mâchefers posent un problème qui n'est toujours pas résolu et la recherche de solutions se poursuit, plus de deux ans après le dépôt du rapport de la commission.

Je vais répéter un peu ce qu'ont dit mes préopinants, mais je rappellerai que cette motion visait d'abord à permettre la diminution de la quantité de mâchefers sortant des Cheneviers: d'une part, en utilisant des moyens techniques qui se développent et par la modification des normes, qui permettrait une valorisation du sable issu du lavage des mâchefers - il faut rappeler que le sable est une ressource naturelle qui va aussi se raréfier, même si elle reste pour l'instant moins onéreuse que le produit issu du recyclage; d'autre part, en diminuant la quantité totale de déchets urbains produits, solution plus simple et certainement à prioriser. Alors M. Eric Leyvraz a cité avant moi l'exemple des litières pour chats: on a appris au cours des travaux sur cette motion que cela représente 10% de la matière minérale des mâchefers, qui elle-même représente 90% de la quantité totale. Qu'est-ce qui nous empêcherait de supprimer cette source ? Cela réduirait la quantité annuelle de mâchefers aux Cheneviers, si on prévoit un volume de 30 000 tonnes, de quelque 2700 tonnes. Est-ce que c'est trop simple ? Qu'est-ce qui empêche les acheteurs de ce produit - la litière -, qui aiment tous leur chat et qui ont certainement tous la volonté de sauvegarder leur cadre de vie, de renoncer à cet apport à la production de mâchefers ? Visiblement, il existe des solutions simples que nous pourrions appliquer rapidement. Le projet de loi sur les déchets que nous traitons actuellement à la commission de l'environnement montre aussi d'autres pistes qui pourraient amener à la réduction de la production de déchets.

La seconde invite qui vise à valoriser les vieux mâchefers stockés à Châtillon semble soulever quand même un certain nombre de difficultés techniques, mais permettrait d'allonger la durée de vie du stockage à Châtillon et inviterait aussi à chercher des solutions qui pour l'instant sont encore inconnues. Est-ce qu'on veut vraiment transmettre ce stock de déchets à nos descendants sans chercher de manière plus intense à oeuvrer pour de meilleures solutions et ainsi assumer notre responsabilité ?

Enfin, nous constatons, comme l'a déjà relevé M. Leyvraz, que la recherche d'un futur site soulève de vives oppositions, notamment dans la commune de Satigny. Je pense que le signal donné par cette motion consiste également à inviter à relancer un processus participatif avec les communes, qui doit permettre d'éviter les blocages actuels. Ce n'est pas en allant à la confrontation avec les citoyens que l'Etat arrivera à trouver un site que nous savons nécessaire.

L'Etat doit aussi poursuivre ses efforts pour réduire les quantités et rechercher des solutions de meilleure valorisation qui aboutiront en fin de compte, on l'espère, au redimensionnement d'un futur site. Le groupe des Vertes et des Verts vous invite donc à soutenir cette motion. Je vous remercie de votre attention.

Mme Badia Luthi (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est sûr que le parti socialiste souhaiterait soutenir cette motion qui vise la valorisation des mâchefers genevois en circuit court, mais deux points nous poussent à revoir notre position.

Premièrement, les SIG travaillent dans ce sens depuis plusieurs années, malgré les difficultés qu'ils rencontrent pour atteindre les objectifs de revalorisation des mâchefers, car le problème provient avant tout de la quantité des déchets à incinérer. D'autre part, ayant intégré le programme éco21, les SIG collaborent déjà avec l'entreprise Soreval, dans l'objectif de favoriser le développement accéléré de la valorisation des mâchefers en les transformant en sable réutilisable et bien sûr dépourvu de toute pollution. Ils se donnent un délai allant de trois à cinq ans pour arriver à une meilleure pratique de valorisation, avec un modèle de fonctionnement écologique et durable dans le temps, et il est très important de ne pas nier ces efforts.

Le PLR demande que les SIG travaillent avec des entreprises privées sur cet objet. Ils ont néanmoins bien déclaré leur volonté de collaborer avec des partenaires privés. Seulement, pour cet objet précis, ils étaient approchés uniquement par des entreprises qui proposaient des projets ne respectant guère la loi, les intérêts de la collectivité publique ou les deux. C'est pour cette raison que, pour le moment, les SIG ne travaillent qu'avec la société Soreval, qui reste la seule ayant présenté un projet valable qui honore le règlement et l'environnement.

Nous tenons à rappeler que les SIG sont un établissement de droit public, dont 55% appartiennent à l'Etat. C'est un établissement autonome certes, mais qui reste de droit public. Et le parti socialiste fait confiance aux SIG, qui mènent une gestion des intérêts de la collectivité qui reste satisfaisante à nos yeux.

La deuxième raison pour laquelle nous nous abstenons de voter cette motion, c'est qu'on nous a bien rendus attentifs aux faux rêves ou espoirs que l'on peut nous promettre, avec des solutions miracles permettant de ne plus avoir de mâchefers grâce à des technologies développées. Le recours au traitement des vieux mâchefers est souhaité par les signataires, mais cette ambition ne peut être réalisée.

Nous ne nions pas que la motion parte de la très bonne intention de s'inquiéter de la valorisation des mâchefers, mais nous nous trouvons malheureusement face à des solutions qui ne sont pas réalisables. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Diane Barbier-Mueller pour deux minutes vingt.

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas rappeler les invites de cette motion, puisque Mme la rapporteure et M. Poget l'ont fait: elles demandent la réduction des mâchefers et la valorisation de ces déchets. Cela a été traité en commission et le Conseil d'Etat a eu connaissance de ce travail. Pourtant, ses solutions sont simples: on enterre tout, on fait assumer ça aux... (Brouhaha.) Monsieur le président, je n'arrive pas à m'entendre parler !

Le président. Oui, vous avez raison ! (Un instant s'écoule. Commentaires.)

Mme Diane Barbier-Mueller. Pourtant, c'est tellement intéressant que je le regrette ! (L'oratrice rit. Rires. Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) Poursuivez.

Mme Diane Barbier-Mueller. Merci, Monsieur le président. La solution du Conseil d'Etat est simple: on n'a qu'à enterrer ces déchets, tant pis pour les agriculteurs, tant pis pour les champs de colza, les pâturages et les céréales ! (Commentaires.) Aujourd'hui, on le sait, nos agriculteurs n'ont plus beaucoup de terres, on ne veut plus les déclasser, M. Hodgers a été très clair là-dessus: on arrête de toucher à la zone agricole ! Pourtant, pour les mâchefers, alors que des solutions alternatives existent, pas de souci !

Mme Luthi a été un peu confuse dans ses explications au sujet des SIG: ils ont un monopole, mais ne peuvent pas trouver de solutions; les privés sont tous mauvais, tous mal intentionnés, donc on n'arrive pas non plus à trouver de solutions, et pourtant... (Commentaires.) Je vais me laisser un peu de temps, parce que j'ai vu que M. Burgermeister voulait parler ! ...je pense que les solutions de partenariat public-privé ont toujours montré qu'on arrivait à réaliser de grandes choses ainsi. Aujourd'hui, c'est là-dessus qu'il faut axer nos efforts. Le Conseil d'Etat doit se sortir un petit peu... les doigts de la bouche... (Rires.) ...et trouver des solutions correctes ! Merci. (L'oratrice rit. Rires.)

Le président. J'ai toutes sortes d'images désagréables qui me viennent à l'esprit ! (Rires.)

Une voix. Moi aussi, Monsieur le président !

Une autre voix. Je suis pas étonné, hein ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Jean Burgermeister, vous avez la parole.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Cette motion du PLR est passée très près d'être tout simplement inutile. Malheureusement, elle dépasse légèrement ce stade pour devenir légèrement nuisible. Voyez-vous, pour ce qui concerne la première invite, celle d'avoir un objectif de recyclage de 50% des mâchefers, évidemment, nous ne perdons rien à le proclamer. Simplement, en l'état, c'est impossible. Aujourd'hui, le taux de recyclage est d'environ 10%. Les SIG nous ont dit, et le département aussi, qu'ils travaillaient d'ores et déjà - ils n'ont pas attendu cette motion - sur des solutions qui pourraient peut-être à l'avenir permettre d'augmenter ce taux de recyclage pour qu'il atteigne 35% à 45%. Vous voyez donc que, sur ce plan-là, cette motion est parfaitement inutile. Elle affiche des objectifs inatteignables pour l'instant; ce n'est pas son principal défaut, mais elle propose d'avancer dans une direction qui est déjà prise. Il n'y a donc aucun intérêt à la voter.

Par ailleurs, la deuxième invite - et c'est là le petit côté nuisible de cette motion - insiste sur le fait qu'il faut réaliser ces tests avec des partenaires privés. Alors d'une part, c'est déjà le cas, mais évidemment, le PLR a en tête l'idée que certains privés pourraient essayer de se faire du bénéfice, puisque certains ont sans doute des solutions lucratives pour le recyclage des mâchefers. Or le directeur des SIG nous a prévenus en commission qu'il fallait faire attention aux solutions miracles et aux docteurs miracles qui affirment qu'il est possible de ne plus avoir de mâchefers, qui, en principe, ont des intérêts économiques privés, et qui surtout mènent une activité absolument désastreuse pour l'environnement. Ce sont les mots du directeur des SIG. On pourrait évidemment se débarrasser des mâchefers, comme c'est fait notamment dans certains pays voisins, en les répandant dans les sous-couches de revêtement routier; ça aurait le mérite de les faire disparaître de la vue des habitantes et des habitants du canton, mais cela serait extraordinairement néfaste pour les sols qui seraient massivement pollués.

En réalité, aucune piste nouvelle n'est apportée par cette motion et, il faut le dire, si l'on veut réduire massivement les mâchefers - parce que c'est évidemment un objectif souhaitable -, il faut avant tout travailler en amont et notamment au niveau de la production. Vous savez sans doute... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez, s'il vous plaît.

M. Jean Burgermeister. Merci, Monsieur le président. Vous savez sans doute que par exemple 10% des mâchefers proviennent des litières à chat. (Exclamation. Remarque.) Mesdames et Messieurs, si nous rendions obligatoires les litières biodégradables, nous pourrions réduire facilement la quantité de mâchefers de 10%. C'est une solution simple, mais évidemment, sur ce plan-là, le PLR reste extraordinairement immobile, puisqu'il se refuse à imposer des restrictions aux entreprises ! C'est pourquoi nous vous proposons de rejeter cette motion largement inutile et un tout petit peu nuisible. Je vous remercie.

Mme Danièle Magnin (MCG). C'est là que nous voyons, Mesdames et Messieurs les députés, comment la seule voix qui s'est opposée à cette motion réussit à prendre une place énorme dans cet hémicycle et à faire un foin maximum pour dire non, alors que nous étions tous d'accord pour dire oui, sauf justement le représentant d'Ensemble à Gauche. Venir dire que les litières de chat composent 10% des mâchefers et que c'est aux entreprises d'y faire attention, c'est un non-sens qui n'aura échappé à personne ! Parce que ce ne sont pas les entreprises qui ont des litières à chats domestiques. Voilà ! (Commentaires.) C'est complètement idiot ! Les chats harets, les chats en liberté, les chats de jardin, les chats qui se promènent n'ont pas de litière ! Voilà, c'est tout simple !

Ça, c'est seulement pour le problème des chats. Pour le reste, il est absolument évident que le tri doit être mieux fait; la commission de l'environnement et de l'agriculture travaille sur la loi sur les déchets proposée par le Conseil d'Etat et nous espérons vivement que la population dans son ensemble portera plus d'attention au tri de ses déchets, de telle sorte qu'il y ait beaucoup moins de mâchefers. Le MCG vous encourage, contrairement à ce que dit Ensemble à Gauche de façon tout à fait éhontée, à accepter la motion 2531. Merci beaucoup.

Des voix. Bravo !

Mme Patricia Bidaux (PDC). Merci, Mesdames et Messieurs, de l'intérêt pour cette motion: alors que tout semblait impossible, beaucoup est devenu probable ! La simplicité habituelle, c'est d'observer autour de nous: on voit les villas, on voit les appartements, les immeubles... Et puis on voit une grande plaine: c'est la zone agricole. La simplicité, une fois de plus, c'est de regarder cette zone agricole et d'en faire la banque des mâchefers. On ouvre des terres agricoles, on construit une boîte hermétique en béton en sous-sol et on la recouvre ! On attend et on espère que rien ne coule, que rien ne s'écoule ! On cultive, on mange et on espère encore que rien ne coule, que rien ne s'écoule ! Enterrer des déchets, qui plus est toxiques, c'est les mettre sous le tapis et penser que tout ira bien !

Les résidus de l'incinération des déchets appelés mâchefers sont constitués de nombreux minéraux et métaux - ferreux et non ferreux -, de métaux lourds, nobles et rares, et de moins nobles, mais majoritaires: les résidus de litières pour chats, nous l'avons entendu. Pour que ces minéraux résiduels soient valorisés, leur composition chimique doit s'approcher le plus possible de celle des minéraux naturels. Les essais menés montrent qu'il est possible de les laver en maintenant l'eau de lavage en circuit complètement fermé, pour éviter tout risque de contamination.

En 2019, des essais d'élaboration de béton - et non pas de bitume - à partir de sable de mâchefer lavé ont finalement été suffisamment satisfaisants pour que celui-ci soit utilisé pour la construction. Ainsi, la conclusion de cette première étude démontre que le lavage permet de séparer efficacement les parties valorisables de mâchefers et que les essais menés à Genève vont plus loin que ceux menés dans cinq installations européennes, en visant une valorisation à hauteur de 80% de la matière du mâchefer. Une partie du solde de cette matière traitée pourrait être recyclée comme matériau de construction ou au moins mise en décharge de type B.

Ainsi, alors qu'il était devenu indispensable de creuser les champs pour y enfouir la totalité des mâchefers produits par nos déchets dans des cuves en béton, une installation ad hoc permettant de déminéraliser un maximum de métaux et ainsi d'augmenter la proportion de sable de mâchefer semble se dessiner. Le PDC, vous l'aurez compris, acceptera cette motion et vous engage à faire de même. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Diane Barbier-Mueller pour cinquante-deux secondes.

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Monsieur le président. C'est juste pour un constat, qui ne me surprend pas: M. Burgermeister n'a encore rien compris. Ensemble à Gauche s'oppose comme d'habitude à une mesure pour l'environnement par pur dogmatisme !

Des voix. Bravo ! (Commentaires.)

Le président. C'était effectivement très bref. Le groupe UDC et le groupe Ensemble à Gauche n'ont plus de temps de parole.

Une voix. J'ai été mis en cause, Monsieur le président !

Des voix. Non ! (Exclamations. Rires.)

Le président. Non, vous n'avez pas été mis en cause ! (Commentaires.) Surtout, vous retardez une intervention certainement très attendue: Monsieur Patrick Dimier, vous avez la parole. (Rires.)

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Alors pour une fois, je vais essayer d'être sérieux, les gars ! (Exclamation.)

Des voix. Nooon ! (Commentaires.)

M. Patrick Dimier. Beaucoup de choses ont été dites, mais j'aimerais juste expliquer que le mâchefer est un matériau beaucoup plus complexe à aborder que ne l'est un simple résidu. J'ai longuement parlé avec des personnes lors de notre visite aux Cheneviers et je dois vous avouer que j'ai eu une surprise: je pensais par exemple qu'on pouvait en faire des enrobés. Vous me direz que ça me convient, vous n'avez pas tort ! (Rires.) Mais si on intègre ces mâchefers dans un enrobé, quand les voitures roulent, elles dégagent des poussières et celles-ci se retrouvent bêtement dans l'atmosphère et elles polluent. Ce n'est donc pas une affaire simple à régler.

Bien sûr qu'il faut soutenir ce texte. Moi, je m'étonne toujours d'entendre des gens nous faire des leçons académiques alors que je ne les ai pas vus participer à ces travaux, mais cela doit faire partie de toute l'école léniniste... (Commentaires.) ...qui est si forte et puissante à Genève ! (Rires.) On verra qui a... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je m'arrête, Monsieur le président, vous avez raison. C'est juste pour dire qu'à force de parler de mâchefers, ça saoule, ce qui nous laisse une gueule de bois ! (Rire. Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à la rapporteure de commission, Mme Céline Zuber-Roy, pour quarante-deux secondes.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je vais être brève. Je remercie pour leurs ajouts les commissaires qui étaient présents aux travaux, c'est-à-dire pas M. Burgermeister ! (Rires.) Je relèverai ensuite que cette motion donne une orientation, en signifiant qu'on veut réduire les mâchefers au maximum, qu'on ne veut pas de nouvelles décharges. On soutient donc les démarches actuellement menées par Satigny et d'autres communes. Il faut vraiment trouver d'autres solutions, et même si aller rechercher les vieux mâchefers paraît compliqué, il faut véritablement investiguer pour voir s'il n'existe pas des possibilités. Je vous remercie.

Des voix. Bravo !

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat peut très bien vivre avec cette motion. Elle valide finalement l'essentiel des démarches qu'il mène avec son bras industriel que sont les SIG dans le but de diminuer la quantité de ces mâchefers. Mais la science ne se décrète pas, même par votre auguste assemblée.

Le mâchefer est le résidu incompressible, ce qu'on n'a pas réussi à éviter comme déchet, ce qu'on n'a pas réussi à trier et ce qu'on n'a pas réussi à incinérer. Il reste toujours quelque chose. Alors ce quelque chose - et c'est dans ce sens que le Conseil d'Etat accepte cette motion - doit être le plus petit et le plus restreint possible. Aujourd'hui, nous travaillons depuis quelques années déjà, en partenariat avec le privé, qui a bien évidemment toute sa place et peut montrer toute sa créativité dans cette recherche scientifique - dans le fond, c'est une recherche technique et scientifique -, pour obtenir la réduction la plus importante possible de ce résidu ultime de nos fours.

Cependant, la science a ses limites: la loi de l'entropie dit clairement qu'il reste toujours quelque chose à la fin. Par ailleurs, le droit fédéral indique aussi, comme cela a été évoqué par le député Dimier, qu'on ne peut pas faire tout ce qu'on veut de ce qu'il reste. Il y a des risques: s'il s'agit d'un matériau relativement inerte, il ne l'est pas entièrement; l'utiliser sous forme d'enrobé pour des routes ou sous forme de béton pour des bâtiments représente donc un risque accru pour l'environnement, puisque nous pourrions nous retrouver face à des problématiques de santé publique - pensez à l'amiante ! Ce n'est donc pas si simple de réutiliser ce matériau, quand bien même, j'insiste, nous devons faire mieux, nous pouvons faire mieux. Notre canton est engagé dans des travaux scientifiques pour réduire la part non recyclable des mâchefers. Il est aussi engagé dans un dialogue avec la Confédération pour que le droit suisse permette également son usage. Parce que c'est là un des points saillants de ce dossier: il s'agit avant tout d'appliquer le droit fédéral. Vous comprenez que ni le Conseil d'Etat, ni les SIG, ni même le Grand Conseil ne peuvent déroger à une norme fédérale, qui est claire, en matière de décharge de type D et au sujet du mâchefer. Nous devons donc faire évoluer non seulement la science, mais aussi le marché, pour que les fabricants de béton par exemple acceptent davantage ce type de mélange dans leurs matériaux et que celui-ci puisse être commercialisé.

Maintenant, il restera toujours quelque chose. Le droit fédéral prévoit l'enfouissement. Alors quelle est la solution, Mesdames et Messieurs, qui aujourd'hui vous solidarisez avec Satigny et les autres communes pour refuser d'enterrer ces mâchefers ? Le droit fédéral dit une chose: il faut l'enterrer en zone agricole, parce que, contrairement à ce que disait la députée Barbier-Mueller, cela reste une zone agricole. Une fois que les mâchefers sont enterrés - selon des dispositions techniques strictes, comme on les connaît en Suisse, avec un drain, un contrôle de leur évolution et une capacité d'intervention en cas de problème avec la cage qui protège le reste de l'environnement de ces mâchefers -, le terrain concerné redevient de la zone agricole effective, avec de beaux champs de colza, Madame la députée ! Il ne faut donc pas croire aujourd'hui que l'enfouissement des mâchefers soit un sacrifice de la zone agricole, ce n'est techniquement pas vrai. C'est une contrevérité. Ce n'est pas vrai non plus d'un point de vue légal, puisque le droit fédéral nous amène à cela.

Bien sûr, ce n'est pas l'idéal ! Je suis le dernier à vouloir mettre des matériaux ferreux ou - cela a été dit - de la litière pour chats ou ce genre de choses dans nos terres agricoles. D'autant plus que si l'on peut cultiver du colza et d'autres produits agricoles, on ne pourra plus cultiver de la haute tige ou de la vigne... (Remarque.) ...parce qu'effectivement, les racines de ce type de cultures vont trop profondément dans la terre et peuvent créer un risque pour l'enveloppe que nous aurons créée. Il y a donc une limitation. Mais quelle est la solution ? Continuer à exporter ? C'est ça, la solution que Genève souhaite ? Demander à nos voisins vaudois, comme ils l'ont fait pendant des années, ou à nos compatriotes jurassiens, qui l'ont fait pendant quatre ans, d'accueillir nos mâchefers ? (Remarque.) Eh bien, cette filière est finie, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.) Et il faut en prendre acte ! (Commentaires.)

Une voix. Chut !

M. Antonio Hodgers. On ne peut pas mener une politique publique de gestion des déchets qui consiste à exporter nos propres déchets chez nos voisins. Et là, je suis quand même surpris d'entendre au sein de ce parlement des propos qui refusent une réalité scientifique qui établit que, quand bien même on réduira les volumes de mâchefers, il y en aura toujours et que, s'il y en a, on doit les gérer sur notre territoire, car il est irresponsable de vouloir les enterrer chez les autres, dans leurs terrains agricoles, comme si les terrains agricoles jurassiens n'avaient pas la même valeur, comme si finalement les autres cantons suisses étaient le réceptacle des déchets genevois. Ce n'est pas tolérable. Nous avons nos propres chats - chacun sait d'ailleurs qu'à Genève, le duc de Savoie a été nommé «le Chat» ! - et nos propres déchets; nous devons l'assumer, tout comme nous devons assumer nos propres responsabilités. (Commentaires.)

Dans ce sens, j'aimerais accepter cette motion avec bienveillance pour travailler dans le sens indiqué, avec le privé, à la réduction des mâchefers, mais j'aimerais profiter aussi de ce débat pour souligner que nous n'échapperons pas au fait d'ouvrir une décharge pour enterrer ces déchets de type D. Nous réserverons donc un bon accueil à ce texte et vous donnons rendez-vous au prochain épisode pour la suite de cette série sur les mâchefers !

Une voix. Et les chats !

M. Antonio Hodgers. Et les chats ! (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Vous avez visiblement la réponse matou ! (Exclamation. Rire.) Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur la prise en considération de cette proposition de motion.

Mise aux voix, la motion 2531 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 63 oui contre 7 non et 16 abstentions (vote nominal).

Motion 2531 Vote nominal