Séance du
vendredi 28 janvier 2022 à
16h10
2e
législature -
4e
année -
7e
session -
42e
séance
PL 12828-B
Premier débat
Le président. Nous passons au PL 12828-B, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Christian Flury, à qui je cède la parole.
M. Christian Flury (MCG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi modifiant la LRGC était lié au PL 12827 qui portait sur la même problématique, mais modifiait la constitution genevoise. Après avoir été accepté avec amendements par le Grand Conseil lors de sa séance du 1er juillet 2021, il a été soumis au référendum obligatoire le 28 novembre 2021, au cours duquel il a été plébiscité et a obtenu plus de 90% des voix en sa faveur.
De son côté, le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui était retourné à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil afin qu'on précise les modalités d'appréciation relatives à l'incapacité des conseillers d'Etat à assurer leurs fonctions. Le deuxième examen en commission de cet objet a permis de clarifier la procédure de destitution d'un conseiller d'Etat pour perte de confiance en conservant les mêmes cautèles: proposition de résolution de destitution signée par au moins quarante membres du Grand Conseil, respect de la temporalité, acceptation par 75% de la plénière et soumission au référendum obligatoire. La présente loi contient donc les mêmes dispositions que la constitution après que celle-ci a été modifiée.
En parallèle a été introduite la possibilité de destitution par voie de résolution si un conseiller d'Etat n'était plus en mesure d'assurer sa fonction en raison de graves problèmes de santé ou d'autres motifs l'empêchant d'occuper effectivement sa haute fonction, pour autant qu'il n'ait pas démissionné en bonne et due forme dans un délai raisonnable. Une telle résolution, qui pourrait être déposée par les deux tiers du Bureau ou par le Conseil d'Etat, serait renvoyée à la commission des droits politiques pour examen. Le rapport de la commission serait présenté au Grand Conseil au plus tard lors de la deuxième session plénière suivant le renvoi en commission et la résolution devrait être acceptée également à une majorité de 75% du Grand Conseil. Cet objet préserve en outre la personnalité du magistrat concerné tout comme la confidentialité de la procédure et assure des voies de recours.
J'aimerais remercier au nom de la commission - et vous transmettrez, Monsieur le président - les collaborateurs de la direction des affaires juridiques de l'Etat pour leur précieux soutien et la qualité de leur suivi de nos travaux. Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil vous invite à accepter ce projet de loi qui sert avant tout à protéger les intérêts légitimes de notre république et de ses citoyens. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, on l'a rappelé, cet objet fait suite à l'acceptation du principe constitutionnel par une très très grosse majorité - on a dit soviétique - en votation populaire. Au moment du vote, seule la partie relative à une destitution pour perte de confiance avait été validée dans le projet de loi d'application - le PL 12828 - qui modifie la LRGC, la loi qui règle nos travaux parlementaires. Cette loi doit donc être adaptée en conséquence et c'est d'elle que nous parlons ici.
La disposition suivante avait été ajoutée dans la loi constitutionnelle: «La loi peut prévoir un mécanisme de destitution d'un membre du Conseil d'Etat en cas d'incapacité durable d'exercer la fonction.» Il était important pour nous de bien encadrer les conditions de cette incapacité durable et les voies de recours. Nous avons également été très soucieux de la protection de la personnalité, d'autant plus qu'un certain nombre de données médicales peuvent être en jeu.
Avec le soutien conséquent de la direction des affaires juridiques, le projet de loi a été adapté de façon à bien distinguer la destitution pour perte de confiance de la destitution pour incapacité durable. Les débats ont été longs, passablement d'amendements ont été proposés et discutés, mais les travaux ont été constructifs et ont abouti à l'adhésion d'une très grosse majorité de la commission. S'agissant des articles adoptés, nous avons tout d'abord eu de longues discussions pour définir le cadre qui permettrait de fixer les conditions de destitution pour incapacité durable. Cela a été formulé de la façon suivante: «le membre du Conseil d'Etat concerné n'est manifestement plus en mesure d'exercer sa fonction, notamment en raison de graves problèmes de santé». C'est la formulation qui a été retenue; s'il y a une marge d'interprétation, on ne souhaitait pas qu'on puisse commencer à destituer des membres du gouvernement simplement à cause d'une plus ou moins longue grippe.
Le mécanisme est différent de celui relatif à la perte de confiance: c'est le Bureau du Grand Conseil à la majorité des deux tiers ou le Conseil d'Etat dans son entier qui doit proposer la destitution. Ensuite, comme dans l'autre cas, il y a un examen en commission et un vote en plénière à la majorité des trois quarts. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Un recours est possible à la Chambre administrative, mais il n'y a pas de vote populaire. J'ai juste une remarque sur les quarante soutiens nécessaires: la formulation, qu'on ne peut malheureusement pas changer - «la représentation proportionnelle des groupes en séance plénière» -, n'est pas claire pour tout le monde.
Le président. Merci.
M. Pierre Eckert. Ça veut simplement dire que si vous avez deux députés suppléants, ils ont le droit de signer - et je finis ici - mais il ne doit pas y avoir plus de signatures...
Le président. Merci, c'est terminé.
M. Pierre Eckert. ...qu'il n'y a de membres composant le groupe. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. le député indépendant Charles Selleger pour une minute trente.
M. Charles Selleger (HP). Je vous remercie de votre générosité, Monsieur le président. Ce projet de loi tel que sorti pour la deuxième fois de commission n'est malheureusement pas meilleur qu'avant. Aucun effort n'a été fait pour définir ce qu'est un comportement susceptible d'entraîner une perte de confiance - qu'on présume, donc - de la part du corps électoral. On est dans le subjectif, on est dans le flou et c'est la porte ouverte à l'arbitraire. On présume la perte de confiance du corps électoral; qu'en sera-t-il le jour où nous aurons voté une destitution, par voie de résolution, dans notre Grand Conseil et où on s'apercevra que le peuple ne suit pas ? Je vous laisse imaginer la perte de confiance, non envers le conseiller d'Etat mais envers le parlement.
Ensuite, cette procédure de destitution ne concerne que les membres du Conseil d'Etat. On se demande bien pourquoi; est-ce que le comportement fautif ne peut pas être le fait d'un membre du législatif, de notre Grand Conseil ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ou le fait d'un membre du Pouvoir judiciaire, ou encore de la Cour des comptes ? Rappelez-vous l'histoire du seau, un seau d'eau qu'avait reçu un membre de la Cour des comptes: ce n'était pas franchement glorieux.
Le président. Merci.
M. Charles Selleger. On oublie tout ça et on élabore une loi basée sur un cas particulier...
Le président. Merci.
M. Charles Selleger. ...et cette loi, Mesdames et Messieurs, ne sera probablement jamais appliquée. Elle est complètement...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Charles Selleger. ...illégitime et je vous propose de ne pas la voter.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, je tiens à remercier, au préalable, le rapporteur de majorité dont le rapport est extrêmement complet et ne requiert quasiment aucun commentaire supplémentaire. Je ne vais donc pas être très long, mais simplement rappeler qu'il s'agissait de trouver une loi d'application suite à cette modification constitutionnelle largement acceptée par le peuple - cela a été mentionné -, soit de préciser toute la procédure applicable en cas de perte de confiance, mais également en cas d'état de santé altéré ne permettant plus d'exercer cette fonction.
Nous nous sommes attachés, au sein de la commission, à mettre en place une procédure précise que je pense être bien encadrée, notamment par un certain nombre de cautèles relatives par exemple au choix systématique de majorités qualifiées, qui permettent justement d'éviter une certaine subjectivité et surtout les coups de sang dont ce parlement est parfois capable lorsqu'il est fâché ou qu'il se considère comme tel. Le groupe démocrate-chrétien vous recommande dès lors d'accepter ce projet de loi à la même majorité que celle qui l'a approuvé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. le député Pierre Vanek, que je remercie de remettre son masque.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Oui, Mesdames et Messieurs, le projet de loi constitutionnelle a été accepté par une très très large majorité. Oui, tout comme le député indépendant qui s'est exprimé, je souhaite évidemment que ce mécanisme n'ait pas à être activé, mais on a vu que si ce mécanisme avait existé, il aurait permis d'éviter la situation problématique à laquelle nous avons été confrontés pendant de longs mois en rapport avec l'un des membres du gouvernement. Oui, cette disposition ne concerne que les membres de l'exécutif, mais enfin, c'est là que nous avons rencontré un problème aigu auquel cette loi répond - il ne s'est pas produit au niveau du législatif, et les problèmes de la Cour des comptes, c'est encore autre chose. Je me félicite donc du vote populaire, à plus de 90%, pour ce mécanisme de destitution.
Dans un premier temps, il a porté uniquement sur la question de la perte de confiance; il a été complété pour prendre en compte des cas d'incapacité matérielle, physique, d'exercer le mandat et pouvoir destituer un conseiller d'Etat qui se trouverait dans une situation de ce type-là. C'est une bonne chose, c'est un pas en avant. Je rappelle que des doutes ont été exprimés dans cette assemblée - dans une autre salle, mais au sein de cette assemblée - quant à la légitimité d'un vote populaire alors que les dispositions d'application n'étaient pas encore fixées dans la loi. Nous sommes en train de les fixer maintenant et je crois que ce problème-là - considéré par certains comme important - est résolu. La commission a fait au mieux, certes «post hoc», après le vote populaire. Ce parlement est amené de fait à prendre ces dispositions d'application après le vote populaire, mais on peut toujours les préciser par la suite si elles s'avèrent problématiques; cela a été le cas pour toutes sortes de dispositions constitutionnelles dont la mise en oeuvre intervient des années après le vote de la constitution en 2012.
Il n'y a pas de problème, Mesdames et Messieurs, on votera cette loi - elle ne sera peut-être pas votée à 90%, mais sera tout de même très largement acceptée par ce Grand Conseil: le peuple a approuvé la disposition constitutionnelle. Maintenant, la question qu'il faut se poser - qu'on peut se poser et que la commission des droits politiques devra se poser -, c'est celle d'une possible initiative populaire révocatoire à l'encontre du gouvernement ou d'un membre du gouvernement. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Parce que là, dans le cas qui nous occupe, l'initiative de départ...
Le président. Merci.
M. Pierre Vanek. ...reste entre les mains du parlement et c'est un peu problématique que le peuple lui-même, qui élit...
Le président. Merci.
M. Pierre Vanek. ...l'exécutif, n'ait pas la possibilité de le démettre. Nous avons un projet de loi en commission que celle-ci examinera...
Le président. Merci, Monsieur le député, c'est terminé.
M. Pierre Vanek. ...et nous reviendrons donc sur le sujet dans cette assemblée. Merci, Monsieur le président.
M. Cyril Mizrahi (S). J'aimerais aussi intervenir sur cet objet, au nom du groupe socialiste. Vous vous souvenez que notre groupe était relativement mal à l'aise avec le calendrier: le peuple était appelé à se prononcer sur le principe de la destitution pour incapacité sans qu'on sache bien quels en étaient les contours. Les travaux de commission ont permis de nous rassurer à cet égard parce que le texte du Conseil d'Etat, ses propositions de base ont tout de même été amendées sur plusieurs points. Les travaux - je le signale aussi suite à l'intervention de notre collègue Selleger - ont porté essentiellement sur la destitution pour incapacité d'exercer la fonction et non sur le volet de destitution pour défaut de confiance, qui avait déjà été traité précédemment.
Sur ce volet de la destitution pour incapacité d'exercer la fonction, je l'ai dit, la définition a été quelque peu renforcée, ce qui est une garantie supplémentaire sur plusieurs points. Les propositions initiales du Conseil d'Etat mettaient par exemple l'accent sur d'autres motifs que l'atteinte grave à la santé afin de destituer une personne pour incapacité d'exercer la fonction, ce qui ouvrait quand même la porte à des situations relativement inadmissibles. On aurait par exemple pu remettre en cause le fait qu'une personne en situation de handicap puisse continuer à exercer la fonction: on aurait pu dire qu'elle ne le pourrait plus parce qu'elle ne serait plus en mesure de se rendre dans la salle du Conseil d'Etat ou de lire par elle-même la documentation - ce genre de choses. C'est précisément ce que nous avons voulu éviter en durcissant un petit peu la définition, tout comme la proposition relative à la durée de l'incapacité d'exercer la fonction. Le Conseil d'Etat nous proposait initialement une incapacité «vraisemblablement appelée à durer», et nous nous sommes dirigés là aussi vers une formulation plus affirmative pour éviter de laisser trop de marge d'interprétation.
Durant les travaux de commission, nous avons par ailleurs renforcé les droits de la personne concernée par cette procédure de destitution pour incapacité d'exercer la fonction. Alors c'est vrai que nous n'avons pas obtenu gain de cause sur tous les points, sinon ça aurait été trop beau; nous avons notamment proposé que ce soit la Chambre constitutionnelle qui statue en cas de recours, mais c'est la Chambre administrative qui a été préférée par une majorité de la commission. Malgré cela, le groupe socialiste a été plutôt rassuré par ces travaux, je l'ai dit en introduction, et soutiendra donc ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
M. Patrick Dimier (MCG). Nous sommes ici au coeur des mécanismes constitutionnels les plus importants. La règle veut que seul le peuple défasse ce que le peuple a fait. Tout le mécanisme mis en place, tous les travaux de cette commission, qui ont été à la fois contradictoires et consensuels - cela a été relevé -, tournent en fait autour de l'intérêt général et de l'intérêt principal, c'est-à-dire avoir des institutions solides qui tiennent les chocs.
Il est évident qu'il y a encore des éléments qui peuvent être améliorés, le député Selleger l'a dit tout à l'heure; certains éléments, certains contours peuvent être affinés. Toujours est-il, et il faut le rappeler ici, que ce projet de loi existe parce que le MCG l'a déposé ! Il a d'abord été contesté, ensuite il a été retravaillé, puis il est revenu; mais cela démontre surtout que ce parlement et ses parlementaires savent se mobiliser et se retrouver lorsqu'il s'agit de l'intérêt supérieur de notre république. Ce qui vous est proposé peut être retravaillé, peut être amélioré, mais c'est un excellent projet de loi et je vous invite bien entendu à le soutenir.
Je me permets d'ajouter que deux éléments y manquent: le même mécanisme doit être mis en place pour le Pouvoir judiciaire, en particulier pour celui qui le préside, et pour la Cour des comptes. Tous les représentants de ces pouvoirs sont issus du suffrage universel: tous doivent pouvoir être destitués lorsque des irrégularités ou des impossibilités apparaissent. C'est un travail sur lequel nous vous inviterons très bientôt à vous pencher; pour l'heure, merci d'accepter ce texte.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole au rapporteur de commission pour quarante secondes. Monsieur Christian Flury, c'est à vous.
M. Christian Flury (MCG), rapporteur. Je vous remercie, Monsieur le président. M. Dimier a exprimé ce que je souhaitais vous dire maintenant et par conséquent je renonce. Je vous remercie beaucoup.
M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'interviendrai très sobrement et très rapidement pour vous dire que le Conseil d'Etat vous invite à soutenir ce projet de loi. Il était lui-même à l'origine de ce texte - texte qui a dû être modifié suite à la modification de la loi constitutionnelle, avec l'introduction de la notion d'incapacité durable d'exercer la fonction. Les travaux que la commission a faits, notamment sur la base d'un amendement général préparé par la chancellerie, et leur résultat - les amendements ou les ajustements purement formels auxquels vous avez procédé - nous satisfont pleinement. Je vous invite donc - et par ma voix le Conseil d'Etat - à voter cet objet. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat, pour votre concision ! Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12828 est adopté en premier débat par 86 oui contre 1 non et 2 abstentions.
Le projet de loi 12828 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12828 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 83 oui contre 1 non et 3 abstentions (vote nominal).