Séance du
jeudi 27 janvier 2022 à
20h30
2e
législature -
4e
année -
7e
session -
40e
séance
IN 179 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous traitons maintenant le troisième point fixe, soit l'initiative 179 ainsi que le rapport du Conseil d'Etat correspondant. Ces deux points sont classés en catégorie II, trente minutes, et sont préavisés pour un renvoi à la commission fiscale. Je cède la parole à M. le député Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, tout le monde ne sait pas qu'à Genève, 1600 personnes, 1600 contribuables touchent 1 milliard de francs par année de dividendes sur leurs actions. Or ils ne sont pas taxés comme les salariés. Les salariés sont taxés sur le 100% de leurs revenus, alors que les actionnaires - les gros actionnaires seulement, ceux qui détiennent 10% des actions d'une entreprise - sont taxés sur 70% de leurs revenus. De plus, les actionnaires ne paient pas de cotisations sociales, contrairement aux salariés. C'est une injustice caractérisée. Nous avons parlé très longuement avec la population en récoltant des signatures pour cette initiative, parce que nous les avons récoltées deux fois: une première fois, puis, la loi fédérale ayant changé dans les derniers jours, il a fallu recommencer la récolte. Nous avons donc récolté deux fois 6500 signatures.
Ensuite, aujourd'hui, sur les bénéfices nets d'une entreprise, 70% sont versés en dividendes en moyenne en Suisse. Il y a 30 ans, c'était 30%. Ce qui veut dire que l'essentiel de la richesse produite par le travail va accroître la fortune des classes privilégiées de ce pays et ne contribue plus à l'investissement dans l'économie réelle. C'est pour cela qu'à Genève, au cours de ces sept dernières années, les fortunes cumulées de ceux qui disposent de plus de 3 millions de francs de fortune ont triplé. En sept ans, les grosses fortunes à Genève ont triplé, malgré la crise, malgré la montée de la pauvreté dans ce canton. Notre canton est le plus inégalitaire de Suisse. Pourquoi ? Parce que justement, tous ces privilèges fiscaux sont accordés aux plus riches.
Enfin, on nous objecte que la population a voté un paquet ficelé, la RFFA. Eh bien oui, en acceptant la RFFA, les gens ont voté pour un financement de l'AVS, pour des subventions aux assurances-maladie, mais je vous assure que les gens n'ont pas voté pour une inégalité de traitement entre les salariés et les gros actionnaires. Par conséquent, évidemment, Ensemble à Gauche se battra pour que cette initiative triomphe en votation populaire et pour qu'enfin une injustice considérable soit éliminée du paysage fiscal genevois. Merci.
M. André Pfeffer (UDC). Nous entendons les exigences de la gauche, mais il faut aussi rappeler qui paie les impôts à Genève. 0,2% des contribuables paient 17,4% des impôts sur le revenu. 4,1% des contribuables paient presque la moitié. 15,2% paient presque les trois quarts. Je répète: 15,2% des contribuables paient 73,8% des impôts sur le revenu !
Une voix. Encore une fois !
M. André Pfeffer. S'agissant des entreprises, la situation est encore plus tendue: 0,1% des entreprises rapporte presque la moitié des impôts des personnes morales. La gauche, habituée à des prestations bien plus généreuses qu'ailleurs, risque de faire fuir ses bienfaiteurs. Avec de tels projets, notre gauche gourmande ne fait rien d'autre que de mordre sa main nourricière. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Je dois avouer que je suis assez content de ce débat ce soir, parce que c'est un vrai débat droite-gauche, finalement un peu précurseur de celui que nous mènerons, que la population mènera en 2023, et j'espère que des gens nous écoutent ce soir. En effet, c'est la question qui va être soumise à la population avec l'élection du Grand Conseil et du Conseil d'Etat en 2023: veulent-ils toujours un Etat qui devient de plus en plus gros, qui taxe de plus en plus, ou un Etat un peu plus svelte, un peu plus raisonnable et qui taxe un peu moins ?
La question qui nous est posée ce soir, c'est de savoir si on considère qu'il est important que les actionnaires ne soient pas taxés sur l'intégralité des dividendes, puisqu'il y aurait dans ce cas une double imposition: la société est déjà imposée, et si on arrive à une imposition totale avec celle de l'actionnaire également, c'est ce qu'on appelle une double imposition, et c'est justement ce qu'il faut éviter. L'objectif de la RFFA que nous avons votée en 2019, c'était justement d'éviter cela. Ce vote est tout récent, et voilà que la gauche veut d'ores et déjà revenir dessus. Cela crée une insécurité dans le domaine fiscal qui est très dommageable. Il faut savoir que tous les cantons en Suisse appliquent cette atténuation de la double imposition, que cette initiative va porter gravement préjudice à l'activité entrepreneuriale à Genève, que cela va détériorer l'attractivité du canton, alors que l'on sait qu'en comparaison intercantonale, notre canton est le champion toutes catégories confondues dans le domaine fiscal: c'est celui qui épuise, qui exploite le plus son potentiel fiscal.
Par ailleurs, mon collègue de l'UDC l'a relevé, cela aurait un impact catastrophique sur les finances du canton, car on connaît notre pyramide fiscale très pointue, avec quelques gros contribuables qui contribuent très largement aux impôts et au bien-être de toute la population. Comme vous le savez, comme le Conseil d'Etat l'a rappelé dans son message, 4,2% des contribuables paient 48,4% de l'impôt cantonal sur le revenu. C'est très, très conséquent. Or, tout le monde, toute la classe moyenne paiera si un de ces gros contribuables s'en va, et c'est important de le rappeler: nous avons besoin que ces gros contribuables demeurent à Genève, et à nouveau, c'est l'enjeu des élections de 2023. Merci, Monsieur le président.
Une voix. Bravo !
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, ces vingt dernières années, les Genevois ont dû avaler nombre de couleuvres sous forme de cadeaux fiscaux faits aux plus riches et aux entreprises, avec toujours la même logique de la droite: faire en sorte que les plus fortunés et les multinationales ne paient plus d'impôts du tout. La suppression de l'impôt sur les successions et du droit des pauvres, l'augmentation de la déductibilité des donations ou encore les réformes de l'imposition des entreprises RIE II et RFFA ne sont que quelques exemples de ces cadeaux fiscaux. Ces baisses d'impôts successives et systématiques pour les plus fortunés font perdre des milliards aux collectivités publiques. Celles-ci n'ont plus les moyens d'offrir des services à la population en quantité suffisante. Il n'y a qu'à voir les milliers de places en crèche qui manquent, les problèmes dans les domaines de la santé et de l'éducation, ainsi que les nombreux services sociaux débordés par les sollicitations, ne disposant pas des effectifs suffisants, tout cela étant aggravé par la période du covid.
Mesdames et Messieurs, l'offensive libérale met en danger l'équilibre de notre société, que ce soit au niveau communal - suppression de la taxe professionnelle -, cantonal - on l'a vu juste avant: diminution de l'impôt sur les véhicules - ou fédéral - suppression du droit de timbre, sur lequel, on le rappelle, notre peuple votera le 13 février, et là, il faut dire clairement aux personnes qui nous écoutent de voter non à la suppression de cet impôt qui ferait perdre jusqu'à 250 millions par an à la Confédération. Le train de suppressions continue, la droite voulant supprimer l'impôt anticipé sur les obligations - moins 1 milliard de revenus pour la Confédération. Suivra la suppression du droit de timbre de négociation sur les obligations suisses. Pour rappel, les cantons seront touchés par ces mesures, vu que 10% de l'impôt anticipé leur est également versé.
Il est donc prudent de prévoir d'autres sources de revenus. Cette initiative, dans ce contexte de cadeaux nouveaux et d'allégements fiscaux, nous permet d'identifier une niche fiscale qui permettra de préserver la santé de l'Etat sans que ce soit toujours aux mêmes de payer, c'est-à-dire les salariés et les retraités. Sa mise en oeuvre, et ça, c'est le Conseil d'Etat qui l'indique dans son rapport, permettra de rapporter entre 79 et 157 millions à l'Etat par année, des recettes indispensables au maintien et au développement des prestations, qui permettront également de réaliser les investissements nécessaires pour répondre à l'urgence climatique.
Concernant la double imposition, les salariés sont taxés à 100% sur leur salaire et paient la TVA. Il n'est donc absolument pas juste que, s'agissant d'entreprises qui réalisent du bénéfice, les actionnaires ne paient pas sur 100% des gains sur les actions. Le parti socialiste soutiendra donc cette initiative. Nous vous remercions de votre attention.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Vertes et les Verts partagent en grande partie les objectifs de cette initiative, mais ont une position réservée sur l'une des propositions. Il ne vous a pas échappé que l'initiative propose de modifier deux articles de loi. Nous ne demandons d'ailleurs qu'à être convaincus sur la deuxième modification.
Cette initiative se concentre tout d'abord sur l'article 22 de la loi sur l'imposition des personnes physiques, qui concerne le rendement de la fortune mobilière. L'ensemble des revenus possibles est énuméré. On y voit par exemple les intérêts d'avoirs, les dividendes, les parts de bénéfice, les revenus de droits d'auteur, etc. Tout cela est imposé à 100%, tout comme les revenus d'une activité salariée. Arrive alors l'alinéa 2 qui fixe une exception pour les dividendes, lorsque les droits de participation équivalent à 10% au moins du capital-actions. Le revenu imposable est alors réduit à 70%. Et cela crée clairement une iniquité par rapport à tous les autres types de revenus.
L'argument de la double imposition ne tient pas ici, puisque l'imposition s'applique à deux entités différentes: d'une part, à la personne morale qui participe à l'impôt sur le bénéfice et, d'autre part, à la personne physique qui reçoit le dividende. C'est comme si on disait que le salaire ne doit être imposé que partiellement, parce que l'entreprise employeuse paie déjà ses impôts. En ce sens, une imposition de l'ensemble des dividendes est parfaitement justifiée.
L'autre article visé par l'initiative est l'article 19B, qui concerne le produit de l'activité lucrative indépendante. Seuls 60% des dividendes sont imposés, pour autant que les droits de participation équivalent à 10% au moins du capital-actions. Il s'agit ici d'indépendants, pour lesquels l'impôt sur le bénéfice et l'impôt sur le dividende s'appliquent à la même personne physique. Nous avons des doutes sur le fait qu'une imposition à 100% soit utile dans ce cas de figure, mais nous demanderons une évaluation en détail dans le cadre du travail de commission.
C'est le seul point de cette initiative sur lequel nous émettons un doute et il ne concerne que le point 8.3 de l'argumentaire du Conseil d'Etat en lien avec l'activité entrepreneuriale. Nous réfutons par contre tous les autres arguments. Premièrement, celui consistant à dire que l'atténuation de la double imposition a été acceptée en votation populaire: cela a déjà été dit, cela faisait partie d'un très gros paquet ficelé appelé RFFA, qui comportait bien d'autres aspects, et le débat s'était surtout cristallisé autour du taux d'imposition. Le deuxième argument que nous réfutons consiste à dire que tous les autres cantons atténuent la double imposition: ce n'est pas une raison, Genève peut donner une image de précurseur. En dernier lieu, celui de la détérioration de l'attractivité de Genève: pour les personnes physiques, ce n'est certainement pas vrai, les faits prouvent le contraire, puisque les gros revenus et les grosses fortunes continuent d'affluer à Genève. Nous traiterons tout cela en commission. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède maintenant la parole à Mme la députée Françoise Sapin.
Une voix. Aah !
Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce qu'il y a de bien avec Ensemble à Gauche, c'est la constance des attaques. Je citerai comme exemple le bouclier fiscal: je ne sais pas combien de fois on a voté sur cet objet dans cet hémicycle ! (Commentaires.) Cette nouvelle attaque sur les dividendes est inique. Je rappellerai juste que les méchants actionnaires qui encaissent des milliards paient doublement des impôts: une fois sur le bénéfice de leur entreprise et une fois sur les dividendes. Quand on dit ici que ce n'est pas vrai qu'il s'agit d'une double imposition, peut-être que ce raisonnement s'applique aux multinationales, où il ne s'agit pas des mêmes personnes, mais que faites-vous de toutes les PME dont le propriétaire est le seul et unique actionnaire ? Lui, il paie bien deux fois des impôts. Par ailleurs, quand j'entends que les multinationales paient moins d'impôts qu'avant la RFFA, c'est faux. C'est totalement faux: la RFFA a augmenté le taux d'imposition des multinationales de 11,4% à 13,99%. Mais trêve de mots, je ne vais pas faire le débat ici et maintenant. Le MCG votera le renvoi de cette initiative à la commission fiscale.
Le président. Merci, Madame la députée. Je vous rappelle que le renvoi en commission est automatique. Monsieur le député Sébastien Desfayes, c'est à vous.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Merci, Monsieur le président. Soyons justes avec le député Batou, il a dit une chose correcte ce soir.
Une voix. Aah !
M. Sébastien Desfayes. Effectivement, son groupe a recueilli deux fois les signatures nécessaires. Pourquoi ? Parce que la première fois, le texte de son initiative aboutissait à une baisse de la fiscalité, ce qui avait d'ailleurs été signalé par le député Zweifel... (Commentaires.) ...qu'on peut remercier ici - ou pas ! Cela montre deux choses: dans le meilleur des cas, cela témoigne d'une désinvolture crasse par rapport à un sujet important et, dans le pire des cas, d'une incompétence. (Remarque.)
Ce qu'il faut savoir, c'est que cette initiative passe totalement à côté de son but. A partir d'un seuil de 10% de détention du capital-actions, on dit qu'il s'agit des gros actionnaires. Mais c'est faux ! Parce que si on possède 10% du capital-actions d'une société, cette société ne sera bien entendu pas UBS, pas Novartis, pas une société cotée. Qu'est-ce que ce sera ? Une société familiale ! Ce sont donc de petits entrepreneurs qui seront péjorés par cette imposition. Cela pose un double problème: un problème d'injustice par rapport à l'entrepreneuriat, mais aussi par rapport à notre système d'imposition en Suisse, qui taxe l'outil de travail. C'est un impôt quasiment unique au monde, qui n'existe même pas dans les enfers fiscaux comme la France. Et non seulement on ne corrige pas ce défaut, mais en plus on l'empire ! Merci.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole pour une minute et cinquante et une secondes à M. le député Patrick Dimier.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est juste pour rappeler deux choses. L'opposition principale qui existe entre les marxistes, cryptomarxistes, et nous, c'est qu'eux se plaignent sans cesse qu'il y a trop de riches et que notre souhait à nous, c'est qu'il y en ait davantage ! Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que si une république peut se permettre d'avoir moins de 4% des gens qui paient plus de 50% de l'impôt, c'est un luxe. Par conséquent, notre souhait à nous, c'est bien évidemment qu'on augmente cette part de 4% pour augmenter la capacité fiscale de ce canton. Lorsque vous avez une pyramide et que vous la faites tenir sur sa pointe, il y a peu de chances que vous gardiez l'équilibre très longtemps. Merci.
Des voix. Bravo ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour cinquante-huit secondes, je cède la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. On l'aura compris, Ensemble à Gauche, comme à son habitude, attaque les riches. Ensemble à Gauche attaque les riches sans fin. Alors maintenant, on a une nouvelle version. Qu'est-ce que c'est ? Le «virus des inégalités» et les gros actionnaires ! Mais à force de vouloir tuer les riches, comme vous voulez le faire, vous allez vous attaquer aux pauvres et les ruiner ! (Commentaires.) C'est ce que vous faites, c'est ce que vous allez réussir à faire ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Parce que l'argent de la RFFA sert à payer les dépenses sociales et les dépenses de l'Etat ! C'est grâce aux riches que nous pouvons nous payer tout ça ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Batou, il ne reste plus de temps au groupe Ensemble à Gauche. (Exclamations. Commentaires.) S'il vous plaît !
Une voix. Il y a une injustice, là ! (Rires.)
Une autre voix. Mise en cause !
Le président. Il n'y a pas de mise en cause. Monsieur Romain, il ne reste plus de temps au groupe PLR. (Commentaires.) Pour conclure ce débat, je cède la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a effectivement décidé de refuser cette initiative sans lui opposer de contreprojet... (Exclamations.) ...et ce pour différentes raisons. Mais avant de commencer à les énumérer, j'aimerais corriger quelques inexactitudes. La RFFA n'a pas seulement augmenté le taux d'imposition des entreprises: elle a aussi augmenté le taux d'imposition des dividendes, Mesdames et Messieurs. Cela a donc été l'occasion de passer de 60% à 70% de taux d'imposition des dividendes. Je crois donc qu'il faut maîtriser ses sujets avant de tenter d'en parler et d'insinuer qu'il n'y aurait eu que des baisses d'impôts dans cette république. La RFFA a bel et bien impliqué une hausse d'impôts.
Les raisons qui motivent le Conseil d'Etat à refuser cette initiative sont diverses. Je ne reviendrai pas sur la question de la pyramide fiscale que j'ai l'occasion de vous décrire à chaque projet de budget et à chaque validation des comptes. Comme on le constate, cette pyramide fiscale a tendance à s'intensifier, avec, de plus en plus, une toute petite partie de la population qui paie une grande partie de l'impôt.
L'initiative vise à taxer doublement une entreprise et son actionnaire. Elle vise aussi à distinguer une fois de plus Genève des autres cantons. L'ensemble des cantons atténue aujourd'hui cette double imposition, et Genève serait le seul à ne pas le faire. C'est à ce moment-là que surgit cette volonté de s'opposer à l'attractivité fiscale. L'attractivité fiscale n'est pas un gros mot, elle est absolument essentielle. Il est essentiel que nous puissions accueillir dans notre canton des contribuables susceptibles de payer des impôts, notamment pour compenser les 36% de contribuables qui n'en paient pas; s'ils n'en paient pas, c'est non seulement parce que, pour certains, ils n'en ont peut-être pas les moyens, mais aussi parce que nous menons une politique en matière de taxation qui est sociale, notamment pour les familles. Dans ce contexte-là, si on veut mieux traiter certains groupes de la population et faire en sorte qu'ils ne paient pas d'impôts, il est important que nous ayons des contribuables qui en paient. Je vous répète ce qui a déjà été dit: le canton de Genève est celui qui utilise le plus son potentiel fiscal, c'est-à-dire que c'est le canton dans lequel tout ce qui peut être fait pour qu'il y ait des impôts est fait. Nous sommes le champion en la matière. A un moment donné, augmenter encore plus les impôts aura malheureusement un seul effet: faire partir ces gros contribuables.
Je vous parle d'expérience: j'ai eu ces jours des discussions avec des contribuables importants qui, d'une part, sont inquiets de la suite, se voyant de plus en plus imposés, et qui, d'autre part, sont déstabilisés - je le répète aussi régulièrement - par les différents projets ou initiatives qui inondent notre canton. Ces personnes qui vivent dans notre canton, qui vivent en Suisse aiment la sécurité juridique de ce pays et aiment évidemment payer des impôts - elles me l'ont dit, d'ailleurs -, mais elles n'iront pas au-dessus d'un certain montant. C'est quelque chose que je constate régulièrement et qui m'inquiète, parce que le jour où ces contribuables-là quitteront notre canton, nous n'aurons pas les bonnes nouvelles que nous avons eues par exemple à la fin novembre, avec des estimations de revenus fiscaux supérieures pour l'année à venir. Nous nous retrouverions avec des nouvelles négatives et avec tout à coup des estimations de revenus fiscaux inférieures. Et là, je n'ose penser à la catastrophe ! Nous avons besoin de ces revenus pour financer les politiques publiques, pour financer l'aide aux plus nécessiteux. Dans ce contexte-là, j'insiste sur le fait que nous ne devons pas nous distinguer encore plus des autres cantons. Cela fait partie des raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat a souhaité refuser cette initiative, qui est un message extrêmement négatif vis-à-vis des contribuables du canton et de celles et ceux que nous souhaiterions y attirer. Voilà, Mesdames et Messieurs, cette initiative sera évidemment renvoyée en commission.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat.
L'initiative 179 et le rapport du Conseil d'Etat IN 179-A sont renvoyés à la commission fiscale.