Séance du jeudi 11 novembre 2021 à 20h30
2e législature - 4e année - 5e session - 29e séance

PL 12989-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat relatif à l'aide complémentaire RHT COVID
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 11 et 12 novembre 2021.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)
Rapport de première minorité de Mme Léna Strasser (S)
Rapport de deuxième minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Premier débat

Le président. Voici la prochaine urgence: le PL 12989-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. La parole revient au rapporteur de majorité.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis ici vise à permettre à l'Etat de soutenir financièrement les salariés aux revenus modestes face aux effets de la crise sanitaire que nous connaissons à l'heure actuelle. Il prévoit une aide à fonds perdu dans le cadre des dispositions fédérales ainsi que de leurs ordonnances d'application. La loi fédérale a instauré une modification du calcul de l'indemnité pour les travailleurs aux revenus modestes dont les employeurs ont dû recourir à une réduction de l'horaire de travail - RHT - et qui, partant, ne perçoivent plus que 80% de leur salaire.

Afin d'éviter les conséquences à long terme d'une telle situation - endettement, expulsion du logement, recours à l'aide sociale -, le présent dispositif complète, au niveau cantonal, le revenu mensuel net jusqu'à concurrence du montant du salaire minimum cantonal après déduction des charges sociales. Sont éligibles à cette mesure les employés domiciliés dans le canton de Genève qui, suite à la mise en place des RHT, perçoivent une rétribution inférieure au salaire minimum obligatoire de 23,14 francs de l'heure en vigueur depuis le 1er janvier 2021.

Pour évaluer l'impact de cette aide exceptionnelle sur le budget du canton, il est prévu dans un premier temps de la limiter à un trimestre, quitte à la reconduire en cas de nécessité. Sur le plan financier, le coût de la mesure est estimé à 6,8 millions de francs pour les trois mois considérés. L'employeur doit être domicilié dans le canton ou y disposer d'un établissement stable et exercer principalement son activité sur le territoire genevois.

Malgré une majorité confortable favorable à l'adoption de ce texte, comme vous l'aurez constaté à la lecture du rapport, divers doutes et dissensions se sont manifestés, notamment à cause de la disposition limitant l'octroi de l'allocation aux seuls travailleurs établis dans le canton de Genève. Aux yeux de certains commissaires, cela risquerait de créer des discriminations difficiles à gérer au sein des entreprises. D'aucuns ont d'ailleurs accepté le projet de loi du bout des lèvres, considérant toutefois qu'il y avait urgence à agir dans ce domaine.

En définitive, même si cet objet ne convient pas à toutes et à tous pour d'autres raisons encore, nous pensons qu'il est bienvenu et nous vous remercions de le voter tel que sorti de commission, c'est-à-dire muni des amendements validés lors de nos travaux. Pour le surplus, nous vous recommandons de refuser les modifications qui vous seront proposées ce soir, en particulier celles déposées par Ensemble à Gauche. La dernière prévoit en effet que les salariés peuvent adresser eux-mêmes leur demande d'indemnité à l'office cantonal de l'emploi, or cette démarche a été jugée trop lourde administrativement et trop compliquée à mettre en place pour un coût qui ne correspondrait pas à l'efficacité souhaitée. Dès lors, je vous prie d'adopter ce projet de loi avec la même majorité que celle obtenue en commission. Merci.

Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour la minorité de la commission, ce projet de loi part d'une intention juste et répond à une nécessité, celle de verser un complément aux travailleurs qui, en raison de la réduction de l'horaire de travail demandée par leur employeur, ne perçoivent que 80% de leur rémunération contractuelle, ce qui représente parfois un montant inférieur au salaire minimum cantonal. Cependant, nous regrettons vivement que suite aux auditions et discussions en commission, les amendements proposés n'aient pas été pris en compte, car en l'état, le texte pose plusieurs problèmes.

Tout d'abord, la minorité estime discriminatoire de n'octroyer cette aide financière qu'aux résidents genevois. L'employé vivant à Genève sera soutenu, son collègue habitant dans le canton de Vaud ou en France voisine et travaillant au sein de la même entreprise ne le sera pas. Et ce, alors que quatre salariés sur dix de nos sociétés ne sont pas domiciliés dans le canton.

Le deuxième écueil relevé par la minorité est la durée du dispositif, prévue de juillet à fin septembre 2021 alors que nous sommes déjà en novembre et que la période d'octroi des RHT a été prolongée par la Confédération jusqu'à fin mars 2022. En cas d'allongement du délai de septembre à décembre, le montant de l'enveloppe passerait a priori de 6,8 à 10 millions de francs, mais avec la reprise économique actuelle, il est fort probable qu'il soit finalement inférieur.

Vous l'aurez compris, nous soutenons à 100% l'idée de fond du projet de loi, mais nous ne pouvons pas cautionner les inégalités qu'il engendrera. Dès lors, la minorité va redéposer les deux amendements qui figurent au rapport, soit premièrement la suppression de l'alinéa 1 de l'article 6, deuxièmement l'extension du délai au 31 décembre, dans un principe de solidarité avec toutes les travailleuses et tous les travailleurs de notre canton. Merci. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Les RHT constituent une aide unanimement appréciée et ont permis à une multitude de travailleurs de conserver leur emploi. L'été dernier, suite aux importantes restrictions imposées à notre économie, presque un tiers des Genevoises et des Genevois en ont bénéficié. Si l'utilité et la nécessité de ce dispositif ne sont absolument pas remises en cause, le présent projet de loi, qui offre une indemnité complémentaire uniquement à certains titulaires des RHT, est très discutable. Les problèmes sont nombreux.

Tout d'abord, une grave pénurie de main-d'oeuvre sévit aujourd'hui, énormément de restaurants et d'hôtels n'arrivent pas à engager le personnel nécessaire. Ensuite, les représentants des associations patronales ont indiqué qu'il serait difficile pour les entreprises d'assumer le travail administratif supplémentaire induit par cette mesure.

Ces prestations représentent un arrosage très large et créeraient de multiples régimes. Je prends l'exemple de cinq collaborateurs travaillant ou ayant travaillé dans le même restaurant, il pourrait y avoir cinq cas de figure différents. Le premier, bénéficiaire de RHT et résidant à Genève, percevrait 4250 francs par mois, soit 100% de son salaire; le deuxième, également en RHT et habitant à Nyon, toucherait 3400 francs, à savoir 80% de son revenu. Le troisième, récemment inscrit au chômage, aurait seulement droit à 2975 francs par mois, c'est-à-dire à 75% de sa rétribution; le quatrième, bénéficiaire des allocations chômage et vivant en France, disposerait exclusivement des indemnités françaises qui sont nettement inférieures; quant au cinquième, chômeur avant le 1er janvier 2020, il recevrait seulement 2695 francs par mois, soit 70% de son ancien salaire de base qui s'élevait à 3850 francs. Je le répète: non seulement ce complément est un arrosage absolument incroyable, mais il générerait une totale gabegie.

Je continue, car il y a un autre point qui ne va pas: il existe des prestations complémentaires pour les travailleurs en emploi, des allocations pour le paiement du loyer, des subsides pour les primes d'assurance-maladie, c'est-à-dire que les gens qui travaillent bénéficient déjà de prestations de l'aide sociale. En outre, les éléments pour chiffrer un tel dispositif sont flous et très mal définis; sur le plan budgétaire, c'est une aventure complète. Dans la restauration, environ 1800 personnes se trouvent actuellement au chômage, une grande partie des établissements sont à la recherche d'employés. De fait, les efforts devraient plutôt être axés sur le retour en emploi de ces trop nombreux Genevoises et Genevois chômeurs.

Le Conseil d'Etat propose une indemnité mal pensée, qui induit une énorme confusion entre aide sociale et coût de pouce économique, et dont le besoin n'est franchement pas avéré. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous recommande de refuser ce projet de loi. Merci de votre attention.

Présidence de M. Jean-Luc Forni, premier vice-président

M. Pierre Eckert (Ve). Bien qu'ils aient déjà été cités, j'aimerais commencer par rappeler les objectifs de ce projet de loi: il s'agit de soutenir financièrement les travailleuses et travailleurs aux revenus modestes face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. En situation de RHT, le salaire n'est versé qu'à hauteur de 80%. Pour les revenus modestes, la loi fédérale prévoyait toutefois un complément de 10% ou 20% selon la rétribution afin de parvenir à 90% ou 100% du salaire antérieur. Or ces dispositions sont tombées le 30 juin dernier.

Le présent texte propose ainsi de prendre en charge la différence entre le revenu mensuel net et le salaire minimum cantonal. Ce dispositif s'adresse aux gens dont le salaire, qui était déjà faible, a encore baissé suite aux RHT. Selon les statistiques disponibles, ce critère a été rempli par plusieurs milliers de personnes durant les mois de juin à septembre, près de la moitié officiant dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.

Ce projet de loi est absolument nécessaire. Déjà en se trouvant au plancher du salaire minimum, Mesdames et Messieurs, il est difficile de joindre les deux bouts, alors imaginez la situation avec une réduction de 20%. Partez aussi du principe que ces employés n'ont aucune réserve ni de dépôt dans une société offshore qui leur permettrait de sortir de cette mauvaise passe.

Toutefois, ce texte présente deux défauts. Le premier concerne la période de validité. Comme on l'a vu, la branche de l'hôtellerie-restauration demeure fragile et continuera à placer une partie de son personnel en RHT pendant un certain temps, même si le nombre de cas va en diminuant. Il est dès lors important d'allonger la durée du complément jusqu'à la fin de l'année. Cela étant, même si le système fédéral des RHT a été prolongé jusqu'en mars 2022, il nous paraît encore prématuré de faire porter la mesure jusqu'en 2022 également.

Le second défaut a déjà été évoqué, c'est l'exigence de la résidence genevoise: on se retrouvera ainsi dans la même entreprise avec des salariés qui toucheront l'indemnité ou pas suivant leur lieu d'habitation. Bref, cette préférence cantonale ne nous plaît pas et nous soutiendrons volontiers l'amendement qui vise à la lever. Cependant, nous sommes obligés de constater qu'une majorité pourrait se dessiner pour refuser cette modification et ensuite voter le projet de loi tel que déposé par le Conseil d'Etat. Tout bien pesé, une grande partie du groupe acceptera le texte même si l'amendement ne passe pas. Cette décision relève d'une politique de compromis bien helvétique qui ne satisfait finalement ni celles et ceux qui en voudraient plus, ni celles et ceux qui en voudraient moins.

Je le répète: les personnes vivant à Genève ont besoin du soutien financier prévu par cet objet. Les autres très probablement aussi, mais la différence, c'est qu'en cas de grosse difficulté, on risque de retrouver les résidents genevois à l'aide alimentaire ou à l'aide sociale, ce qui pèsera bien entendu sur les finances cantonales. A contrecoeur, nous préférons pouvoir aider une partie des travailleuses et des travailleurs qui disposent de bas salaires plutôt que de n'aider personne. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi va dans la bonne direction. Contrairement à ce qu'a soutenu M. André Pfeffer - vous transmettrez, Monsieur le président de séance -, il ne consiste pas en un arrosage, bien au contraire: il vise la population qui a besoin de soutien, une population qui gagne malheureusement moins que le salaire minimum. En effet, ces gens sont au bénéfice de RHT et ne touchent que 80% de leur revenu. Par conséquent, ils n'ont pas les moyens de vivre dignement, leur rétribution n'atteint même pas le salaire minimum. Ce texte va donc dans la bonne direction, car il vient en aide aux travailleuses et travailleurs les plus touchés par la crise, une crise qui, comme cela a été relevé plus tôt, d'un point de vue tant sanitaire que social et économique, sévit toujours.

Ce parlement a voté des lois en faveur des entreprises; lors de la dernière session, il a notamment validé une rallonge budgétaire pour les cas de rigueur, c'est-à-dire les sociétés actives dans les secteurs les plus sinistrés. Ce même parlement va probablement accepter l'exonération des taxes d'exploitation pour les cafés-restaurants, aussi pour l'année à venir; l'impact de la pandémie dans les branches fragilisées est donc encore pris en compte. Il est parfaitement légitime de soutenir les entreprises, mais également les personnes qui constituent ces mêmes entreprises et, parmi elles, ceux qui gagnent le moins et qui, partant, subissent le plus les effets de la crise. Encore une fois, cet objet va dans le bon sens.

Maintenant, comme l'a souligné Pierre Eckert, il comporte malheureusement deux défauts, voilà pourquoi le groupe socialiste vous invite à adopter ses amendements qui améliorent le texte. Le premier problème est celui de la durée. Ainsi que je viens de le mentionner, la crise n'est pas éphémère, elle s'inscrit dans le temps, et il s'agit dès lors d'agir de façon plus longue que simplement sur trois mois. Pour rappel, Mesdames et Messieurs, cela fait plus d'un an et demi que le covid dure, et d'un point de vue social et économique, on sait que ce n'est pas dans les trois prochains mois que les difficultés vont s'arrêter - ici, l'effet est d'ailleurs rétroactif.

Le second élément que nous vous proposons de modifier est la population ciblée. Le projet de loi vise les travailleuses et travailleurs les plus précaires, mais uniquement résidant à Genève. Or le système des cotisations aux assurances sociales se base toujours sur le travail, non sur la domiciliation. Il est essentiel de ne pas stigmatiser une frange de citoyens, de ne pas monter une catégorie d'employés contre une autre. Au sein d'une même entreprise, tous les salariés devraient pouvoir bénéficier de cette aide, celle-ci ne devrait pas être versée en fonction du lieu d'habitation, mais par rapport à un critère professionnel.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste vous invite à accepter les amendements présentés dans le rapport de minorité de même que celui du groupe Ensemble à Gauche concernant ce projet de loi, qui, je le répète, va dans la bonne direction.

M. Jean Burgermeister (EAG). Bon, eh bien le Conseil d'Etat s'est enfin réveillé en ce qui concerne les travailleuses et travailleurs précaires, qui subissent très durement la crise. Il faut en effet rappeler que nous ne vivons pas tous cette période de la même manière, les riches et les ultrariches se portent bien, même très bien, continuent à voir leur fortune croître à un rythme insensé alors qu'une grande partie de la population a sombré dans la précarité. En fait, la pandémie a massivement accéléré un processus déjà à l'oeuvre, à savoir le creusement vertigineux des inégalités sociales, et ce alors que Genève est déjà, et depuis des années, le canton le plus inégalitaire de Suisse.

Devant ce constat, il est raisonnable de se dire qu'il faut renforcer le rôle de l'Etat comme redistributeur des richesses, mais jusqu'à maintenant, le gouvernement s'est tenu extraordinairement coi face à la crise sociale, au point qu'on en vient à se demander s'il en perçoit l'ampleur, s'il a conscience des besoins d'une grande partie des citoyens. En effet, depuis la première vague du covid, soit depuis le printemps 2020, le Conseil d'Etat n'a plus ou moins rien fait pour venir en aide à celles et ceux qui endurent les effets de la pandémie, du moins du côté des travailleuses et des travailleurs.

Cela étant, quelle mouche a piqué ce Conseil d'Etat pour proposer un tel projet de loi ? Avec, Mesdames et Messieurs, la préférence cantonale, c'est-à-dire que seuls les salariés domiciliés à Genève pourront percevoir l'indemnité ! Est-ce vraiment là la touche d'un exécutif à majorité socialiste et Verte ? C'est incompréhensible, Mesdames et Messieurs, de servir pareillement la soupe au MCG, de ne pas prendre en compte l'ensemble des employés du canton ni la réalité sociale et la responsabilité de l'Etat face à des gens qui ont travaillé au quotidien, y compris, pour certains, pendant la crise, qui en ont souffert au même titre que les résidentes et résidents genevois.

Par ailleurs, le texte est extrêmement minimaliste, Mme la députée Léna Strasser l'a déjà souligné, puisque son effet est limité à trois mois alors que les mesures RHT, elles, ont été prolongées jusqu'en mars 2022. Il n'y a aucune raison de ne pas allonger la durée du complément également, les employés en auront besoin jusqu'à fin mars 2022. C'est la raison pour laquelle j'avais déposé des amendements, d'une part pour supprimer l'exclusivité des habitantes et habitants du canton, d'autre part pour prolonger la période du dispositif, amendements qui ont été repris dans le rapport de minorité de Mme Strasser, et je l'en remercie.

J'ai transmis un autre amendement au Grand Conseil, car il y a encore un problème: ce projet de loi vise à soutenir les travailleuses et travailleurs, mais seuls les employeurs sont habilités à remplir les formalités auprès de l'Etat pour que lesdits travailleuses et travailleurs touchent l'aide financière. Ainsi, Mesdames et Messieurs, si un patron n'effectue pas la demande, eh bien ses salariés ne percevront pas l'allocation ! Ils seront alors doublement pénalisés.

Quand j'ai posé des questions à ce sujet en commission, on m'a répondu deux choses parfaitement contradictoires: d'abord que ce serait beaucoup trop compliqué à mettre en oeuvre, ensuite que ça ne servirait à rien, parce que tous les employeurs joueront le jeu. De deux choses l'une, Mesdames et Messieurs: si tous les patrons jouent le jeu, alors il n'y a pas de complication; et si c'est très compliqué, cela signifie qu'il y aura de nombreuses requêtes... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...donc une nécessité d'introduire un mécanisme permettant aux salariés eux-mêmes de faire valoir ce qui est manifestement un droit - cela devrait en tout cas l'être. Voilà pourquoi je propose un amendement qui prévoit, au cas où l'employeur n'entreprendrait pas la démarche, la possibilité pour les collaborateurs de le faire subsidiairement...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Jean Burgermeister. ...afin que leur droit fondamental d'être indemnisés soit respecté. Ils ont essuyé les effets de la crise, et cette compensation ne doit pas dépendre du bon vouloir des entreprises.

Le président. C'est terminé, je vous remercie.

M. Jean Burgermeister. Un dernier mot sur... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur continue à s'exprimer hors micro.) Je vous invite à voter mon amendement ainsi que ceux présentés par le parti socialiste et à refuser le projet de loi s'ils sont rejetés ! (Applaudissements.)

M. Jacques Béné (PLR). Je commencerai par me montrer un peu critique quant à ce projet de loi, mais l'issue de mon propos sera plus heureuse. La première chose à dire, c'est que le Conseil d'Etat l'a déposé sans vraiment avoir consulté les partenaires sociaux, que ce soit du côté syndical ou des organisations faîtières des différentes branches concernées par le dispositif. Le texte a été présenté avant l'été lors d'un débat en urgence, puis renvoyé en commission, ce qui est dommage, parce qu'on aurait pu le traiter plus tôt.

Cela étant, en ce qui concerne le fond, si on comprend la volonté d'offrir un accompagnement aux travailleurs et travailleuses qui disposent de salaires faibles, en revanche, à un moment donné, il faudra bien qu'on s'arrête. Le but est d'aider à la transition, donc le système est valable quelques mois, il ne doit pas durer trop longtemps.

Au PLR, on ne croit pas aux programmes de relance. On se trouve aujourd'hui dans une situation où le marché a dysfonctionné, mais il a dysfonctionné en raison d'un problème d'offre, pas de demande, c'est-à-dire qu'on a arrêté de fournir l'économie. Il faut faire très attention avec ça et c'est la raison pour laquelle notre groupe n'est pas particulièrement enthousiaste vis-à-vis de ce projet de loi.

Ce qui compte pour les employeurs, ce qui est nécessaire pour une véritable relance, c'est que la charge administrative soit allégée, que l'Etat réponde dans des délais raisonnables aux entreprises, qu'on ne les accable pas avec des démarches administratives supplémentaires. Or, en l'occurrence, il y aura un travail administratif supplémentaire à fournir. Alors on est d'accord de l'assumer, parce que si on déléguait ces formalités aux employés, comme le propose M. Burgermeister, eh bien ce serait une véritable usine à gaz.

Il y a autre chose qui nous dérange: les RHT constituent un mécanisme fédéral, et on essaie ici de les utiliser pour justifier une aide sociale cantonale. Voilà pourquoi nous ne sommes pas très emballés, nous pensons que les RHT sont un dispositif purement fédéral et qu'il n'y a pas lieu de détourner une loi pour en faire quelque chose de différent.

Maintenant, l'un des réels problèmes pour les entreprises aujourd'hui, et il n'a été que partiellement évoqué en commission, c'est celui des vacances. Il s'agit également d'une préoccupation fédérale, et je pense que le Conseil d'Etat aurait dû mettre la pression sur la Confédération pour qu'elle s'en saisisse. En effet, les vacances sont dues malgré les RHT: vous avez des gens qui sortent à peine des RHT et à qui il faut octroyer des congés. Ceux qui étaient pendant une année en RHT reviennent au travail et ont droit à leurs quatre ou cinq semaines de vacances, c'est un véritable casse-tête.

Malgré ça, je tiens à souligner que nous avons également le sens des responsabilités et que nous souhaitons, nous aussi... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...soutenir les personnes les plus touchées par la crise - même si cet objet crée une discrimination, puisque tous ceux dont le revenu est inférieur au salaire minimum ne bénéficieront pas de l'aide financière. Dans tous les cas, il est pour nous exclu d'accepter les amendements présentés...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Jacques Béné. ...qui prolongent la durée de l'indemnité et la versent sous la forme d'un nouvel arrosage de la gauche, y compris aux travailleurs qui...

Le président. C'est terminé.

M. Jacques Béné. ...ne sont pas domiciliés dans le canton de Genève. Nous allons donc adopter le projet de loi, Monsieur le président, mais sans les amendements; si ceux-ci passent, alors nous le rejetterons. Je vous remercie.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, au sein du groupe MCG, nous sommes un peu mitigés, non pas quant au projet de loi en tant que tel, mais quant au fait qu'on a juste omis les personnes qui sont au chômage, qui ont perdu leur emploi. Elles ne touchent que 80% de leur salaire, au même titre que celles et ceux qui disposent encore d'un contrat de travail et qui sont visés par le dispositif mais qui, eux, bénéficieront de 100% de leurs revenus. Il y a une vraie disparité entre ces deux types de salariés, à savoir celles et ceux qui sont inscrits au chômage et perçoivent 80% de leur dernier salaire, et celles et ceux qui sont sous contrat, mais en RHT.

Présidence de M. Diego Esteban, président

A notre sens, on a négligé de débattre sur cette thématique, on a oublié de partager sur ce sujet, et c'est pour cette raison que je vous propose de renvoyer le projet de loi en commission; nous pourrons ainsi discuter sereinement des amendements déposés, puis de la situation des chômeurs. Avec le texte actuel, on va créer deux classes de travailleurs: d'une part celles et ceux qui ont un contrat de travail, sont en RHT et toucheront 100% de leur rétribution, d'autre part celles et ceux qui sont au chômage et n'en reçoivent que 80%. Par conséquent, je préconise un renvoi du texte en commission pour qu'on puisse l'examiner sous cet angle.

Le président. Je vous remercie. Sur le renvoi en commission, Monsieur Pfeffer ?

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Je soutiens le renvoi du projet de loi en commission.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Le travail a été accompli en commission, je m'étonne que le député MCG qui sollicite un renvoi ne soit pas intervenu à ce sujet au moment des travaux. Je rappelle qu'il y a urgence, que l'aide est rétroactive et concerne des mois qui sont déjà écoulés. Il faut agir vite dans ce domaine, aussi je propose de refuser la demande de renvoi en commission. Merci beaucoup.

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots pour appuyer la position du rapporteur de majorité. Les éléments qui devaient être discutés l'ont été, la commission a mené de longs débats, a pris le temps nécessaire, toutes les questions soulevées par les députés ont été abordées, les auditions proposées ont été menées. Aujourd'hui, il est temps de passer au vote sur ce projet de loi de sorte que les indemnités, si vous décidez de soutenir celui-ci, parviennent aux bénéficiaires avant le début de l'année 2022.

Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de première minorité. En ce qui concerne la proposition de renvoi, nous nous rallions complètement à la position du rapporteur de majorité: il n'est pas question de renvoyer ce projet de loi en commission.

Le président. Très bien, merci. Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à vous prononcer sur la demande de renvoi à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12989 à la commission de l'économie est rejeté par 79 non contre 19 oui.

Le président. Nous continuons le débat. Monsieur Jacques Blondin, vous avez la parole pour trois minutes trente-deux.

M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président, je vais essayer d'être bref. Le parti démocrate-chrétien soutiendra ce projet de loi. Bien entendu, celui-ci n'est pas parfait, comme c'est le cas de nombreux textes, certaines exigences légales et administratives nous imposent des limites - Mme la conseillère d'Etat nous le rappellera sans doute tout à l'heure -, mais le débat a été fait.

On s'adresse ici à une population qui, jusqu'à présent, a été oubliée dans le domaine des aides covid, à savoir les petits salaires. Il a été décidé de soumettre l'indemnité à des contingences qui sont certes contestables, mais réelles, le tout sur une durée déterminée relativement courte. Cela étant, la magistrate nous a informés en commission que si la situation devait perdurer, il n'était pas impossible que le dispositif soit prolongé - j'espère que ce ne sera pas nécessaire, ce serait mieux pour tout le monde.

Quant aux modalités de déclaration, il est évident que si on ne souhaite pas créer une usine à gaz, c'est la pratique habituelle qui doit être mise en place. Naturellement, si on part du principe que tous les patrons sont des gens malhonnêtes qui ne se préoccupent pas de leurs collaborateurs, ce n'est pas gagné, mais je pense que c'est loin d'être le cas.

Nous approuverons cet objet, mais refuserons tous les amendements; il serait vraiment dommage que ces modifications conduisent au refus d'un texte qui mérite d'être voté, puisque comme cela a été rappelé, il y a urgence. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole passe à M. André Pfeffer pour trois minutes quatorze.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Il faut souligner un point: le revenu minimum cantonal a été sensiblement augmenté depuis le 1er janvier 2020. Dans la restauration, cela représente environ 400 francs de plus par mois, sans parler du fait que les bénéficiaires potentiels du projet de loi ont pu garder leur emploi grâce aux RHT. Il existe déjà des aides sociales, y compris pour les travailleurs qui se trouvent en difficulté. Eu égard à cette situation, la question est la suivante: l'Etat doit-il vraiment intervenir davantage ?

Je rappelle que le recours aux RHT se fait de plus en plus rare. Aujourd'hui, la priorité absolue devrait être le retour sur le marché du travail de nos trop nombreux chômeurs. Profitons du fait que dans plusieurs PME, il y ait une demande pour des collaborateurs. Il faut faire cesser un arrosage qui pose d'énormes problèmes administratifs aux entreprises et crée des différences de traitement chez les bénéficiaires. Enfin, dernier élément, le prix de la prestation a été mal évalué, on ne sait pas exactement combien elle coûtera.

Les RHT étaient et sont d'une efficacité saluée. Malheureusement, ce bricolage additionnel qui confond aide sociale et coup de pouce économique est très mal pensé. Pour ces raisons, le groupe UDC ne soutiendra pas le projet de loi.

Une voix. Et il demande le renvoi en commission !

M. André Pfeffer. Et je demande encore une fois le renvoi en commission. Merci.

Le président. Il est pris note de cette requête, Monsieur. Est-ce que les rapporteurs et le Conseil d'Etat désirent s'exprimer là-dessus ? (Remarques.) Non, alors je lance le scrutin.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12989 à la commission de l'économie est rejeté par 78 non contre 16 oui et 1 abstention.

Le président. Monsieur Thierry Cerutti, à vous le micro pour deux minutes et trente et une secondes.

M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. C'était à propos du renvoi en commission, mais vous m'avez oublié. J'aimerais juste rappeler deux éléments, Mesdames et Messieurs. Le rapporteur de majorité a raison, on aurait pu évoquer en commission la question des chômeurs; ça a été une omission de notre part, mais également de votre part à toutes et à tous, personne n'a soulevé ce point. Donc non, Madame la conseillère d'Etat, nous n'avons pas abordé tous les sujets, nous n'avons pas parlé du cas des chômeurs. Bon, la majorité a décidé de ne pas renvoyer le projet en commission, dont acte.

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Dans un monde idéal, il n'y aurait pas de covid; dans un monde idéal, il n'y aurait pas de marasme économique post-pandémie; dans un monde idéal, il n'y aurait pas de travailleuses et travailleurs gagnant moins de 4300 francs par mois pour un poste à plein temps; dans un monde idéal, il n'y aurait pas de chômeurs. Hélas, nous le savons toutes et tous, nous ne vivons pas dans un monde idéal.

Le projet de loi que vous soumet ici le Conseil d'Etat vise en premier lieu à poursuivre l'important effort de solidarité que vous, Mesdames et Messieurs les députés, avez déjà consenti à plusieurs reprises d'une part pour maintenir opérationnels le tissu économique et l'appareil de production de l'économie genevoise, d'autre part pour sauvegarder les emplois des salariés officiant au sein de nos entreprises.

Aujourd'hui, le Conseil d'Etat vous propose d'étendre cet effort de solidarité à destination de personnes qui évoluent dans un contexte d'insécurité économique depuis plus de dix-huit mois, sans aucune possibilité pour elles d'agir. Cette insécurité économique est générée par le fait qu'elles ne touchent que 80% de leurs revenus alors que leur loyer demeure à 100%, que le paiement de leurs primes d'assurance-maladie continue à être exigé, que l'ensemble de leurs charges restent identiques à ce qu'elles ont toujours été.

Pour les gens qui se trouvent dans cette situation, l'aide que vous allez, je l'espère, leur allouer ce soir est indispensable, notamment afin d'éviter des spirales que l'on ne connaît que trop bien: l'endettement, la perte du logement, les expulsions, le recours accru à l'aide sociale. Nous savons, vous savez parfaitement que les choses se passent très vite, qu'on peut facilement se retrouver en position de solliciter l'Hospice général alors qu'il est beaucoup plus long de sortir de cette situation. Le présent objet a pour but non seulement de respecter la dignité d'individus qui travaillent à 100%, mais également d'éviter un recours massif à l'aide sociale qui se révélera encore plus onéreux que le montant de l'indemnité qui vous est présentée.

Voilà les raisons pour lesquelles, malgré quelques imperfections que plusieurs groupes - voire tous les groupes, dirais-je - ont relevées, ce projet de loi a pour mérite essentiel d'acheminer rapidement à des citoyens qui en ont véritablement besoin un soutien qui fait suite à des mois et des mois difficiles.

J'aimerais revenir sur un certain nombre de points qui ont été mentionnés. La question des vacances n'a pas été traitée, parce qu'elle fait actuellement l'objet d'un recours au Tribunal fédéral et que la décision rendue par cette entité fera jurisprudence. D'autres éléments n'ont pas été examinés, par exemple ceux qui conduiraient à discuter d'une révision de la loi fédérale sur l'assurance-chômage, la LACI. Clairement, par pragmatisme, pour alléger la charge administrative que ce dispositif engendrera pour les entreprises, il a été proposé de passer par le système des RHT, car les sociétés ont déjà des dossiers ouverts, ont renseigné la plupart des données nécessaires auprès de l'office cantonal de l'emploi. Ainsi, l'implication au niveau administratif sera réduite au minimum.

S'agissant d'éventuels cas dans lesquels les employeurs n'entreprendraient pas les démarches, l'OCE s'est d'ores et déjà engagé d'abord à intervenir suite à chaque sollicitation qu'un salarié pourrait faire auprès de lui pour interpeller son patron, ensuite à informer aussi bien les employeurs que les employés de l'adoption de ce projet de loi, pour autant que vous l'acceptiez, de manière à garantir une large communication et que le recours à ce complément soit réclamé par l'ensemble des collaborateurs concernés.

Pour toutes ces raisons, bien qu'on puisse toujours souhaiter faire plus, bien qu'on puisse toujours vouloir faire mieux, le Conseil d'Etat vous invite à voter ce texte qui offre un coup de pouce indispensable aux personnes dans le besoin, et à le voter tel que sorti de commission. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12989 est adopté en premier débat par 82 oui contre 9 non et 3 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 5.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de Mme Léna Strasser visant à supprimer l'alinéa 1 de l'article 6, soit: «Le travailleur doit être domicilié dans le canton de Genève.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 35 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'art. 6 est adopté.

Le président. L'amendement suivant, présenté par M. Jean Burgermeister, concerne l'article 7:

«Art. 7, al. 3, 4 et 5 (nouveaux, l'al. 3 ancien devenant l'al. 6)

3 Subsidiairement à l'employeur, l'employé est habilité à effectuer lui-même la demande. A cette fin, il doit remettre le formulaire de demande d'aide complémentaire et les annexes permettant le calcul du complément.

4 Dans ce cas, l'employé doit déposer sa demande au plus tard dans les six mois suivant le mois civil auquel se rapporte sa demande ou les six mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi.

5 En cas de demande déposée par un employé, l'office cantonal de l'emploi est habilité à demander les documents nécessaires à l'employeur.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 29 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'art. 7 est adopté, de même que les art. 8 à 11.

Le président. Mme Strasser propose encore un amendement à l'article 12 qui étend le délai de la mesure au 31 décembre 2021.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 44 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'art. 12 est adopté.

Le président. Nous nous prononçons maintenant sur l'article 13 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 13 est adopté par 71 oui contre 12 non et 11 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12989 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 20 non et 14 abstentions.

Loi 12989