Séance du
vendredi 8 octobre 2021 à
18h15
2e
législature -
4e
année -
4e
session -
27e
séance
PL 12842-A
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, le PL 12842-A... (Brouhaha.) S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, encore un peu de patience ! ...que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole à la rapporteure de majorité, Mme Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission des finances a souhaité, à travers ce rapport et ses travaux, relever que Caritas et le CSP ont été particulièrement... (Brouhaha. Un instant s'écoule.) ...ont été particulièrement au front pendant cette crise... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, on ne vous entend pas. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vous pouvez reprendre, Madame la rapporteure de majorité.
Mme Caroline Marti. Merci, Monsieur le président. Ces deux associations ont effectué un travail absolument indispensable d'information sociale mais également de soutien de premier recours pour les personnes qui en avaient le plus besoin, et la commission des finances a voulu relever que leur travail a été tout à fait remarquable.
Mesdames et Messieurs les députés, cette malheureuse constatation n'est un mystère pour personne: nous vivons une situation d'urgence sociale majeure, avec une flambée de la précarité et une explosion des besoins sociaux... (Brouhaha.) ...et, de ce fait, une envolée aussi des sollicitations... (Brouhaha.)
Le président. Madame la rapporteure, veuillez patienter un instant. Mesdames et Messieurs, un peu de silence, s'il vous plaît, on n'entend pas les propos de Mme Marti. Vous pouvez reprendre, Madame - je m'excuse de vous interrompre constamment.
Mme Caroline Marti. Je vous remercie, Monsieur le président. Les deux associations que sont Caritas et le CSP font donc face à une envolée des sollicitations et il leur est très difficile aujourd'hui, malgré leurs efforts conséquents, de répondre à toutes. En témoigne d'ailleurs un exemple mentionné par Caritas lors de son audition en commission: l'association nous a indiqué qu'elle n'était actuellement en mesure de répondre qu'à un appel téléphonique sur dix ! Vous imaginez que de très nombreuses personnes se tournent à l'heure actuelle vers ces structures parce qu'elles ont besoin d'aide, besoin de soutien, besoin de conseils; elles trouvent malheureusement porte close faute de gens qui peuvent leur répondre au téléphone.
Ces associations ont également rappelé le besoin accru de lutter contre les risques de surendettement - des risques accrus, de nouveau, en raison de la situation sociale que nous vivons - et l'importance de prendre ces situations le plus en amont possible pour éviter justement que les personnes s'enfoncent de plus en plus profondément dans le surendettement. Enfin, les associations ont tenu à mentionner et à faire valoir leur programme ambitieux en matière d'insertion socioprofessionnelle, qui aurait évidemment besoin d'être développé.
Aujourd'hui, Caritas et le CSP ne peuvent plus faire toujours plus avec une subvention qui, elle, n'augmente pas. Je dirais même que la situation a empiré puisqu'une coupe linéaire, en 2018, a réduit leurs subventions de 1%. La majorité de la commission des finances - composée du parti socialiste, d'Ensemble à Gauche, des Verts, du PDC et du MCG - a décidé de faire un geste à l'attention de ces deux associations et d'augmenter leur subvention annuelle de 200 000 francs dès 2022, de manière à soutenir celles et ceux qui soutiennent les plus faibles d'entre nous. Nous vous remercions d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité. On est à peu près dans la même situation qu'hier avec le PL 12845 qui visait à accorder une aide financière annuelle à l'association d'aide aux victimes de violences en couple, l'AVVEC, sauf que là, c'est encore mieux ! Si hier le Conseil d'Etat n'était pas entré en matière pour l'AVVEC, il n'était là pas entré en matière pour une augmentation de la subvention de Caritas, et le CSP n'avait quant à lui rien demandé ! Et puis la gauche a trouvé une majorité en commission avec le PDC et le MCG; comme c'est dans le même projet de loi, vu que Caritas demandait une augmentation de la subvention, et même si le CSP n'en demandait pas, pour que tout le monde soit content, eh bien on a donné 200 000 francs à tout le monde ! Les seuls qui ont refusé cette modification du texte déposé par le Conseil d'Etat sont l'UDC et le PLR, les deux seuls partis qui essaient de faire quand même un petit peu attention aux finances publiques, estimant qu'on n'a pas les réserves nécessaires pour faire des cadeaux de Noël avant Noël. Le plus drôle dans l'histoire, c'est que Caritas n'aurait pas besoin de 200 000 francs, mais de 400 000 !
Alors on ne donne pas vraiment satisfaction à Caritas, on lui donne un petit bout de ce qu'il a demandé - je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi on ne lui a pas donné la totalité. Ceux qui voulaient plus ne sont donc de toute façon pas contents et ceux qui ne demandaient rien sont évidemment contents qu'on leur donne - mais ils n'ont rien demandé. Je trouve cette situation assez fabuleuse; c'est pourquoi la minorité vous propose un amendement à l'article 2, alinéa 1, pour revenir aux montants prévus dans le projet de loi initial.
On sait que pour la majorité de gauche de la commission des finances, aidée par le PDC, tout est justifiable parce que du moment que c'est du social, tout sera bien utilisé ! Mais on sait aussi que les besoins de toutes ces associations ne sont pas comblés: tout le monde a toujours besoin de plus, on le sait, et ce n'est pas pour rien que l'ensemble des coûts du domaine social, à Genève, est dorénavant, et depuis de nombreuses années, une fois et demie à deux fois supérieur à la moyenne suisse. Je vous invite à reprendre le rapport de l'institut BAK qui est annexé au rapport de minorité de M. Zweifel sur le PL 12907-A relatif à la gestion de l'Etat de Genève pour 2020: y figurent toutes les indications qui vous montreront que le canton de Genève est beaucoup trop dépensier en matière sociale.
Présidence de M. Diego Esteban, président
Mesdames et Messieurs, le rôle central du Conseil d'Etat dans la négociation des contrats de prestations doit être confirmé. C'est à lui de négocier ces contrats, on l'a déjà dit hier, sinon on met en péril notre système par des décisions qui sont politiques - non seulement politiques, mais très partisanes, et trop souvent prises dans la précipitation, sans une analyse approfondie: nous avons seulement écouté les demandes des deux associations sans aller au fond du problème. Je vous remercie d'accepter l'amendement proposé dans mon rapport de minorité, qui permet de revenir au projet de loi déposé par le Conseil d'Etat, à qui nous faisons entièrement confiance pour savoir si le contrat de prestations...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Jacques Béné. ...signé avec ces deux associations est justifié ou non. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). Mon intervention sera rapide: c'est juste pour dire que je ne prends pas part au vote car j'ai un lien de famille direct avec la directrice de Caritas.
Le président. Merci, il en est pris bonne note. Monsieur le député Jean Burgermeister, c'est à vous.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Le groupe Ensemble à Gauche votera évidemment ce projet de loi amendé par la majorité de la commission des finances pour augmenter la subvention à Caritas et au SSP. (Brouhaha.) Je m'étonne que le gouvernement n'ait pas jugé adéquat, en amont, d'augmenter les moyens alloués à ces deux associations qui font un travail remarquable sur le terrain et qui sont d'autant plus sollicitées... (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, un instant. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.)
Une voix. C'est le CSP !
M. Jean Burgermeister. En effet, le CSP et non le SSP, je vous remercie de me corriger. (L'orateur rit. Remarque.)
Le président. Un instant ! (Le silence se rétablit.) Poursuivez.
M. Jean Burgermeister. Je vous remercie, Monsieur le président. Je parle bien du CSP et non du SSP ! Même si, contrairement à ce que dit M. Sormanni, le SSP n'est pas une chose à supprimer. Mais enfin: ces associations ont été d'autant plus sollicitées et ont dû travailler d'autant plus qu'il leur a fallu pallier l'extraordinaire passivité du Conseil d'Etat depuis le début de la crise que nous connaissons aujourd'hui. On sait qu'en matière d'aide aux plus précaires, aux pauvres, l'exécutif n'a rien fait ou seulement très peu ! C'est donc à ces associations qu'est revenue la lourde tâche de répondre aux besoins urgents, vitaux, de la population au plus fort de la crise. Il était par conséquent absolument nécessaire d'augmenter les montants qui leur sont alloués.
Je souscris d'ailleurs aux propos de M. Béné: on peut très bien leur verser 400 000 francs supplémentaires plutôt que 200 000 - c'est une proposition intéressante que fait là le PLR. Mais il faut bien se rendre compte que cela reste largement insuffisant, qu'on est en train de donner des moyens supplémentaires modestes pour pallier l'urgence sociale la plus terrible et que cela ne répond pas aux besoins, d'abord structurels, du canton de Genève. M. Béné - le PLR - mettait en avant le coût de l'aide aux plus pauvres; Mesdames et Messieurs, ça vient aussi et surtout du fait que Genève est le canton qui connaît la plus grande pauvreté de Suisse ! C'est le canton qui connaît les plus grandes inégalités sociales de toute la Suisse; c'est également celui dans lequel la pauvreté et la précarité se développent le plus rapidement !
Si M. Béné ne veut pas dépenser chaque année un peu plus pour les associations qui viennent en aide aux personnes les plus démunies, il faudra alors nous soutenir, à l'avenir, lorsque nous nous opposerons aux licenciements; lorsque nous voudrons encadrer les loyers ou offrir une aide aux locataires qui ne peuvent plus payer leur loyer; lorsque nous voudrons défendre les salaires des salariés de ce canton, soit de celles et ceux à qui le Conseil d'Etat comme la majorité de ce Grand Conseil ont systématiquement tourné le dos depuis la crise ! Mesdames et Messieurs, c'est à leurs besoins que nous essayons maintenant, modestement, de répondre - leurs besoins les plus élémentaires: s'alimenter, vivre sous un toit. C'est à cela que répond cet amendement modeste de 200 000 francs supplémentaires pour ces deux organisations, voté par la majorité de la commission des finances. Ensemble à Gauche vous invite naturellement à soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jacques Blondin (PDC). J'aimerais juste rappeler une chose à cette assemblée: qu'aurions-nous fait, ces dix-huit derniers mois, sans l'intervention des associations caritatives dont nous parlons aujourd'hui, à savoir Caritas et le Centre social protestant, mais aussi Partage, Colis du coeur et bien d'autres ? Elles ont dû pallier la carence de l'Etat - dans une situation difficile, je le concède - et, sans elles, on aurait été dans une situation catastrophique; je crois qu'il ne faut pas l'oublier. La loi 12836 que nous avons votée pour attribuer 12 millions à ces associations, c'est simplement la reconnaissance de ce que je viens de dire et c'était une absolue nécessité.
S'agissant des associations qui sont venues à la commission des finances, l'une a revendiqué un montant de 400 000 francs, M. Béné a raison, mais l'autre - le Centre social protestant - nous a quand même rappelé qu'il est patent, depuis de nombreuses années, que les contributions de l'Etat versées à ces associations n'augmentent pas quand bien même leur budget explose de manière phénoménale. C'est un point qu'on ne doit pas oublier.
Je reviens sur la remarque concernant l'intervention exceptionnelle de la commission des finances sur le contrat de prestations. Il est vrai que c'est une chose que la commission ne devrait pas faire parce que ces contrats de prestations sont un gros travail pour l'Etat, et il faut le reconnaître. Les négociations ont lieu, mais il y avait réellement là un problème lié à l'urgence et, à dire vrai, nous aurions préféré - nous aurions préféré ! - une attribution ponctuelle qui aurait pu être de 400 000 francs pour l'une et de 200 000 pour l'autre. Il se trouve que ce n'était pas possible pour des questions légistiques, raison pour laquelle c'est le contrat de prestations qui a été modifié, et comme il dure quatre ans, il était bien évidemment opportun de diminuer le montant de 400 000 à 200 000 francs.
Enfin, je voudrais aussi faire remarquer que le Conseil d'Etat a fait sienne la demande visant à augmenter la subvention de 200 000 francs: le magistrat chargé du département est venu nous le proposer. Ça s'est par conséquent réglé de manière relativement simple. Le parti démocrate-chrétien vous appelle donc à soutenir cette demande, qui est une exception mais qui représente la reconnaissance d'un travail magistral fait par ces associations, et à refuser l'amendement présenté par le PLR. Merci.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Je ne ferai pas l'éloge du CSP et de Caritas: je pense que leur travail sur le terrain a pu être expliqué tant par la rapporteuse de majorité que par mes préopinants. Aujourd'hui, on se retrouve encore une fois avec des associations qui n'ont pas les moyens de mener à bien leur mission - mission qui devient de plus en plus conséquente au fil des années. Les objectifs ne changent pas mais la population, et les besoins de la population, se modifient; c'est pourquoi le groupe des Vertes et des Verts votera ce contrat de prestations tel qu'il a été amendé à la commission des finances. Nous vous invitons par conséquent à refuser l'amendement que propose le PLR.
A l'heure actuelle, le Conseil d'Etat n'arrive peut-être pas à faire ces arbitrages lors de la négociation du contrat de prestations. Le parlement a le devoir, mais aussi l'obligation, de contrôler ce qui se fait dans le cadre de ces contrats; nous nous sentons légitimes, lorsqu'il le faut, de les amender. Aujourd'hui, on voit que les associations ont des besoins, des demandes, et c'est pourquoi nous vous invitons à voter ce contrat de prestations tel qu'il a été amendé. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Ce projet de loi est intéressant parce qu'il démontre un grave problème de notre société genevoise, c'est-à-dire une augmentation de la précarité, une augmentation de la pauvreté, ce qui est inquiétant et devrait nous inquiéter. Une aide financière est bien évidemment apportée à Caritas et au Centre social protestant, mais il faut voir toute la logique économique qui se trouve derrière.
Face à quelle situation est-ce que nous nous trouvons ? Face à une hyperconcurrence sur le marché de l'emploi, à une dégradation des conditions de vie. Pour quelle raison ? Parce qu'il y a une pression des frontaliers, une pression du personnel frontalier qui empêche de nombreux résidents de notre canton d'avoir des conditions de vie normales. Ils sont de plus en plus obligés, à cause des baisses de salaire mais aussi de la difficulté à trouver des emplois, de requérir l'aide charitable de ces institutions privées. Et c'est cela qu'il faut attaquer; nous allons bien évidemment voter ce projet de loi, mais il faut s'attaquer aux causes de la crise.
Et quelle est la cause ? C'est cette ouverture complètement délirante que nous avons, un marché de l'emploi qui a perdu toute sa logique, tout son équilibre; il s'ensuit que les gens sont sous-payés, que l'on voit des affiches à travers Genève: «Je travaille chez Swissport mais...» - mais ! - «...je n'arrive pas à vivre à Genève.» Je n'arrive pas à vivre à Genève parce que je ne gagne pas suffisamment d'argent, parce qu'il y a une telle poussée des salaires vers le bas. Alors on a bien évidemment fixé un salaire minimum, mais, vu son niveau, il est adorable pour les frontaliers ! Il fait le jeu des frontaliers, qui ont le salaire minimum le plus haut du monde ! Mais le salaire minimum, pour quelqu'un qui habite à Genève, qui doit payer un loyer genevois, les assurances-maladie, le coût de la vie genevois, est d'un niveau tout à fait insupportable ! Et c'est cela la véritable raison, la véritable cause. L'opinion publique est endormie par les médias, endormie par la presque totalité de la classe politique genevoise, et ne veut pas voir cette réalité. Mais il faut à tout prix avoir conscience de cette réalité: c'est pour ça qu'on a de telles difficultés à Genève ! Et c'est cela qu'il faut combattre !
Nous soutiendrons bien évidemment ces aides qui sont quelque part un pis-aller: ça ne règle pas fondamentalement la problématique ni la question du niveau de vie des habitants de ce canton. C'est à cela qu'il faut s'attaquer; c'est vraiment le deuxième échelon, la deuxième chose à laquelle nous devons répondre. Cette exigence est importante et tant qu'on n'aura pas réglé ce problème frontalier à Genève, on rencontrera ces difficultés, on n'arrivera jamais à trouver les bonnes solutions. Merci, Monsieur le président.
Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi permet de compléter les soutiens que Caritas et le CSP reçoivent par ailleurs de donateurs privés ou les revenus qu'ils génèrent au travers de certaines de leurs activités. La covid-19 a fait plonger de nombreuses personnes supplémentaires dans la précarité et tant Caritas que le CSP - parmi d'autres, d'ailleurs - ont été au front, aux côtés de celles et ceux qui ont pâti des impacts de la pandémie. L'Etat a pu s'appuyer sur leur expertise et leur réseau, notamment pour atteindre la population nécessitant un soutien rapide et efficace durant cette période difficile. L'augmentation de la subvention qu'inclut le projet de loi servira à maintenir le niveau et la qualité des activités que ces associations déploient au vu principalement de l'augmentation massive des demandes et des sollicitations - et pas seulement à cause de la covid-19.
Le rapporteur de minorité dit être conscient que les moyens alloués ne couvrent pas la totalité des besoins - il a raison -, mais il ne semble pas prêt à contribuer au renforcement des prestations. Il ne s'agit pas ici d'un cadeau de Noël, comme il l'a dit - vous lui transmettrez, Monsieur le président -, mais d'un soutien nécessaire au vu de la situation, afin d'éviter une dégradation des prestations actuellement fournies et qui sont essentielles en complément de l'ensemble du réseau d'action sociale du canton. C'est pourquoi le parti socialiste soutiendra ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la députée, je transmettrai. Monsieur le député Serge Hiltpold, vous avez la parole.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes un petit peu dans la continuité du débat d'hier. Nous reconnaissons évidemment le travail qui est fait par ces associations, comme mon collègue Jacques Béné l'a exprimé. Je crois que ni les commissaires aux finances ni ce plénum ne remettent en cause leur travail. Ce que nous remettons en cause, de nouveau, c'est simplement la méthode.
Un contrat de prestations est signé entre le Conseil d'Etat et les entités - l'un des signataires est donc le Conseil d'Etat, l'autre est l'entité subventionnée - et puis ce que vous faites maintenant systématiquement, depuis hier, c'est appliquer le principe de la triangulation. Vous êtes collaborateur de l'Etat, vous travaillez toute l'année, vous suivez ces institutions, vous faites des arbitrages; ces arbitrages, vous les proposez à votre magistrat qui fait son travail: il arbitre, et vous signez un contrat. Et puis là, un petit peu comme pour l'annuité, le Grand Conseil arrive et dit: «Eh bien non: on pense que le travail que vous avez fait toute l'année, comme employé de l'Etat, n'est pas bon.» Et alors même que le contrat est signé, vous, députés, modifiez l'accord !
En deux jours, nous avons revu des contrats de prestations; nous avons revu des objectifs et des montants. Le message est en fait assez simple: vous êtes une association, vous signez un contrat, et s'il ne vous convient pas, aucun problème, vous expliquez vos bonnes raisons devant la commission des finances. A quoi est-ce qu'on aboutit ainsi ? On décrédibilise le travail du Conseil d'Etat. (Protestations.) C'est simple ! C'est très simple: il y a une loi, la LIAF ! Le message envoyé, c'est donc que les contrats de prestations n'ont plus vocation à faire respecter les engagements pris, et c'est sur ce principe-là que j'aimerais que vous soyez raisonnables: une fois que vous signez un contrat, c'est bonne foi et confiance réciproques. Mais qu'est-ce qui se passe ? Le Grand Conseil arrive et change les données de l'accord. Et ça, c'est un véritable problème institutionnel.
En ce qui me concerne, ce n'est pas pour critiquer Caritas ou le CSP, seulement la méthode: ce n'est juste pas possible de revenir sur tous les contrats de prestations et les objectifs alors que ceux qui suivent les objectifs sont des professionnels et des fonctionnaires investis dans leur mission. Je vous ord... (Commentaires.) ...enfin, je vous recommanderai de voter l'amendement présenté par mon collègue Jacques Béné pour revenir au projet de loi initial, et vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous avez effectivement raison de vous contenter d'une recommandation; les mandats impératifs n'existent pas au Grand Conseil. Monsieur le député Jean Burgermeister, vous avez la parole pour quarante-neuf secondes.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Il faut dédramatiser un peu le problème institutionnel que provoquerait une modification du contrat de prestations. Ce parlement a quand même une responsabilité supérieure, qui est de répondre au besoin urgent de la population de ce canton ! Et ça, ça prime sur le fait que l'on demande au Conseil d'Etat, entre un vote à la commission des finances et un vote en plénière, de retravailler, de renégocier un contrat de prestations, ce qui est un problème tout à fait mineur. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je remarque au demeurant que ça ne pose aucun problème au PLR de modifier les contrats de prestations par le biais d'une coupe linéaire lors du vote sur les budgets ! Enfin, Mesdames et Messieurs, voilà qui contrevient aux négociations menées par le Conseil d'Etat - et d'ailleurs ça ne lui pose aucun problème institutionnel non plus...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Jean Burgermeister. ...de déposer des projets de lois contraires à la loi fédérale lorsqu'il s'agit par exemple de l'évaluation fiscale des immeubles.
Le président. Merci.
M. Jean Burgermeister. Mesdames et Messieurs, en réalité, le PLR...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. ...une fois de plus, défend les riches...
Le président. Je rends la parole au rapporteur de minorité.
M. Jean Burgermeister. ...et tourne le dos aux pauvres ! Voilà la seule raison... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
Le président. Je rends la parole au rapporteur de minorité, M. Jacques Béné, pour une minute et vingt-neuf secondes.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je tenais quand même à préciser une chose sur Caritas et le Centre social protestant: ils font effectivement un travail admirable. Je vais même plus loin: ce n'est pas un travail admirable, c'est un travail essentiel. Tant leur mission que les prestations qu'ils fournissent sont essentielles. La question est de savoir - à un moment donné, il faut qu'on nous l'explique - où est-ce qu'on va prendre l'argent, alors qu'on n'en a plus pour financer une partie des prestations que vous, la gauche, souhaitez. Nous les souhaitons aussi, et si vous venez avec un amendement qui prévoit de prendre ailleurs, dans les comptes de l'Etat, pour donner au CSP et à Caritas, nous n'avons aucun problème avec ça ! C'est justement cet arbitrage-là que le Conseil d'Etat fait; il se rend compte qu'on n'a pas les moyens. C'est un exécutif de gauche, vous me faites rire quand vous dites qu'il n'a pas réussi à faire les arbitrages !
S'il vous plaît, je vous en prie, arrêtons de dépenser de l'argent comme on le fait. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Prenons ailleurs si effectivement le parlement souhaite faire des arbitrages, mais avec une dette de 13 milliards - M. Hodgers ici présent a déjà dit qu'il souhaitait qu'on modifie le frein à l'endettement...
Le président. Merci.
M. Jacques Béné. ...pour justement permettre le genre d'action que vous vous préparez...
Le président. Il faut conclure.
M. Jacques Béné. ...à voter - je ne trouve pas ça admissible, au vu de la situation financière du canton. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est demandée par M. Jacques Blondin; vous l'avez pour une minute et quarante-sept secondes.
M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste intervenir pour dire - et vous transmettrez, Monsieur le président - que je partage tout à fait l'analyse faite par M. Hiltpold quant à la tendance à modifier les contrats de prestations. Mais si je n'ai pas bien été entendu tout à l'heure, je répète que le Conseil d'Etat, dans le cas d'espèce, a fait siennes les revendications formulées en commission; il n'y a pas eu à proprement parler de négociations avec l'exécutif puisqu'il est revenu avec le contrat de prestations amendé et la décision de le soutenir a été prise.
Il n'y a donc pas eu opposition entre un avis du Conseil d'Etat qui résultait d'un travail approfondi et une humeur de commission, si vous me permettez de l'appeler ainsi, qui aurait conduit à modifier le contrat de prestations. Je crois que c'est important, et je pense que M. le conseiller d'Etat va nous expliquer pourquoi il n'était pas possible, pour des questions légistiques, de faire une attribution ponctuelle qui aurait peut-être réglé ce problème qui visiblement contrarie beaucoup le PLR. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends maintenant la parole à la rapporteure de majorité, Mme Caroline Marti, pour trois minutes trente.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour commencer, je voudrais répondre à M. Béné qui nous disait que Caritas a demandé une augmentation de sa subvention alors que le CSP ne l'a pas fait. En réalité, à l'origine, le Conseil d'Etat a indiqué aux deux associations qu'il n'octroierait aucune augmentation de la subvention. Face à cette prise de position préalable, ces associations ont adopté des stratégies différentes, on va dire: l'une - Caritas - a demandé 400 000 francs supplémentaires pour pouvoir répondre à l'augmentation des sollicitations et de ses besoins alors que le CSP s'est dit qu'il n'obtiendrait de toute façon rien et que ça ne servait à rien de demander. Ce n'est pas pour autant, évidemment, qu'il ne connaît pas la même explosion des sollicitations et des besoins que Caritas.
Sur la question de la légitimité de la commission des finances, respectivement du Grand Conseil, d'augmenter la subvention dans le cadre d'un contrat de prestations: il s'agit du choix de la commission - un choix politique, effectivement - de faire usage d'un certain nombre de ses compétences, attribuées notamment par la LIAF que M. Hiltpold mentionnait tout à l'heure. La LIAF prévoit que les contrats de prestations sont votés par le biais d'une loi, c'est-à-dire par le Grand Conseil; de ce fait, le Grand Conseil a parfaitement le droit de modifier les montants inclus dans un contrat de prestations. Je rejoins par ailleurs M. Blondin qui indiquait que le Conseil d'Etat a par la suite fait sienne la proposition d'augmenter la subvention de ces deux associations et a déjà renégocié le contrat de prestations à l'aune de cette augmentation. Raison pour laquelle je vous recommande d'accepter ce projet de loi tel que sorti des travaux de commission. Je vous remercie.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je m'exprimerai tout d'abord sur la forme. Il est vrai que les rapports entre les entités subventionnées et l'Etat sont régis, d'une manière générale, par le biais de négociations directes conduites par l'exécutif, et je remercie les intervenants qui l'ont rappelé. Il n'empêche, et on l'a aussi rappelé, que votre Grand Conseil a un rôle - et même un devoir - de haute surveillance, de contrôle; le fait que la loi prévoie que nous devions passer par un projet de loi, c'est-à-dire par l'approbation du parlement, pour sanctionner l'accord entre les deux parties illustre bien que le parlement a le dernier mot. L'ajustement des conventions a été réalisé avec le consentement du gouvernement et, la rapporteure de majorité l'a dit, l'exécutif a fait sienne l'augmentation de la subvention après discussion et renégociation avec les associations concernées. Voilà pour la forme; le Conseil d'Etat est donc parfaitement à l'aise avec la proposition qui est faite.
Sur le fond, Mesdames et Messieurs, il s'agit avant tout, moyennant un montant relativement modeste par rapport au volume de l'aide sociale à Genève, de valoriser le travail des associations qui sont au front sur la question sociale et de réaffirmer notre soutien - on a cité Caritas, le Centre social protestant, Partage et bien d'autres. C'est peut-être une particularité suisse que d'avoir le monde associatif aussi mobilisé; je pense que c'est une très bonne chose. Les associations font en effet preuve de souplesse, connaissent le terrain et sont au plus près des bénéficiaires, et je crois que nous pouvons collectivement nous réjouir de la qualité de l'aide sociale qui est apportée à travers ces organisations.
Cela dit, les enjeux de fond en matière d'aide sociale demeurent, et s'il ne faut pas tomber dans le piège d'opposer les travailleurs les uns aux autres, le Conseil d'Etat estime qu'il est nécessaire de revenir sur la politique sociale dans notre canton. Et il le fera ces prochains mois, avec des propositions qui viendront renforcer, déterminer, revoir les règles guidant à Genève la politique sociale à l'égard des plus démunis. Pour l'heure, il est normal, et c'est l'un des rôles premiers de l'Etat, de répondre présent à l'égard des personnes fragilisées pour une raison ou pour une autre - ici la crise sanitaire, mais on sait que la problématique sociale est bien plus profonde et va au-delà de cette pandémie. Merci, Mesdames et Messieurs, de faire bon accueil à ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12842 est adopté en premier débat par 60 oui contre 24 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1.
Le président. A l'article 2, nous sommes saisis d'un amendement du PLR qui figure à la page 94 du PL 12842-A, dans le rapport de M. Béné. Il vise à modifier l'alinéa 1 de la manière suivante:
«Art. 2, al. 1 (nouvelle teneur)
1 L'Etat verse des aides financières monétaires de fonctionnement, au sens de l'article 2 de la loi sur les indemnités et les aides financières, du 15 décembre 2005, d'un montant annuel total de 1 175 114 francs pour les années 2021 à 2024, réparti entre les entités comme suit:
a) à Caritas Genève, une aide financière de:
538 232 francs en 2021
538 232 francs en 2022
538 232 francs en 2023
538 232 francs en 2024
b) au Centre social protestant de Genève, une aide financière de:
636 882 francs en 2021
636 882 francs en 2022
636 882 francs en 2023
636 882 francs en 2024»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 27 oui.
Mis aux voix, l'art. 2 est adopté, de même que les art. 3 à 11.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12842 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 30 non.