Séance du
jeudi 2 septembre 2021 à
14h10
2e
législature -
4e
année -
3e
session -
16e
séance
PL 12907-A
Premier débat
Le président. Nous arrivons maintenant à la procédure des comptes et entamons le premier débat du PL 12907-A, soit le rapport de gestion, en catégorie II, cinquante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, je tiens à remercier le service du Grand Conseil pour l'aide qui m'a été fournie pour la rédaction de ce rapport, notamment M. Audria et M. Thorens.
Ensuite, Mesdames et Messieurs les députés, neuf des politiques publiques ont été acceptées et quatre ont été refusées. On peut donc dire que la majorité des politiques publiques a été acceptée, pas forcément avec une cohérence des différents groupes. Ce qui a présidé à l'acceptation de ce projet de loi approuvant la gestion du Conseil d'Etat, c'est que, pendant l'année 2020, sur laquelle portent ces comptes, il y a eu une crise sanitaire extrêmement difficile, à la résolution de laquelle le Conseil d'Etat s'est attelé, et on peut estimer que mis à part quelques éléments critiques, le gouvernement a très bien géré cette crise. C'est une des raisons pour lesquelles la majorité de la commission a voté ce rapport de gestion. Néanmoins, à la lecture du rapport de commission, vous verrez que certains groupes formulent quelques critiques s'agissant des différentes prestations.
L'aide de l'Etat dans le cadre de la crise s'est élevée à 378 millions, avec une perte due à la pandémie de 107 millions; l'impact sur les comptes a été de 485 millions, même s'il avait été annoncé à l'époque que le déficit au budget serait de 500 millions. On peut donc dire que le déficit aux comptes est inférieur à ce qui avait été annoncé à l'époque au moment du budget.
L'entrée en matière sur ce projet de loi a été acceptée par 8 oui - Ensemble à Gauche, le parti socialiste, les Verts, le PDC, l'UDC et le MCG - et 3 abstentions du groupe PLR. Au troisième débat, le projet de loi a été accepté par 9 oui - 3 socialistes, 2 Verts, 2 PDC et 2 MCG -, 5 non - 4 PLR et 1 Ensemble à Gauche - et 1 abstention du groupe UDC.
Enfin, par rapport à ce qui a été dit tout à l'heure, il y a quatre prestations que la république - en tout cas selon nous, les socialistes, et moi, rapporteur - devrait assurer en priorité, notamment en temps de pandémie, comme étant des droits: la santé, la formation, le logement et l'emploi, permettant à tout un chacun de se réaliser.
Concernant le logement, Mesdames et Messieurs, vous savez très bien qu'à Genève, il y a toujours entre 8000 et 10 000 personnes qui sont à la recherche d'un logement, inscrites notamment sur les listes de l'office cantonal du logement; il y en a peut-être davantage à l'extérieur de cet organisme - en tous les cas, la solution n'a toujours pas été trouvée.
Pour la formation, on observe une augmentation du nombre d'élèves par classe, notamment concernant l'école inclusive, alors qu'il faudrait justement donner plus de moyens au DIP pour essayer de diminuer le nombre d'élèves par classe, ce que font bien des pays du nord de l'Europe.
S'agissant de la santé, on peut constater qu'il y a quand même un déficit de lits à l'hôpital, et là il faut mettre en question la politique suivie pendant des années, qui consistait à diminuer le nombre de lits, politique dont on voit aujourd'hui qu'elle n'était pas tout à fait adéquate: réduire la voilure de l'Hôpital cantonal en temps de crise peut poser de véritables problèmes et augmenter les déficits.
Pour ce qui est de l'emploi, cela fait des années et des années que ce canton affiche les mêmes chiffres du chômage. Ce qui est dommage, c'est qu'on devrait se poser la question ou faire comme certains pays, c'est-à-dire proposer aux personnes sans emploi de nouvelles formations correspondant aux nouveaux métiers qui apparaissent - d'autres disparaissent -, mais je constate que les lois sur le chômage notamment fédérales ne bougent pas et que le Conseil d'Etat ne fait rien pour que Berne modifie ces lois, pour assurer à des personnes inscrites au chômage un emploi futur avec une formation adéquate.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le rapporteur.
M. Alberto Velasco. D'accord, je finis tout de suite alors ! Enfin, je tiens à relever que, s'agissant de la pyramide des contribuables, on nous dit chaque année la même chose: c'est un chantage à la fragilité des revenus. Malgré le fait qu'on nous dise chaque année la même chose, je constate que rien n'est fait par le Conseil d'Etat pour essayer d'écraser cette pyramide, afin que ce soit l'économie productive qui amène le maximum de revenus à ce canton et pas forcément des rentiers. Je dois dire qu'une phrase du rapporteur de minorité est quand même assez éloquente: il nous dit que les pauvres devraient être contents qu'à Genève il y ait plus de riches, parce que quand il y a plus de riches, il y a plus de revenus. C'est quand même extraordinaire ! Le rapporteur de minorité fait fi de ce qu'on appelle l'évolution contributive de l'impôt et du fait qu'une égalité doit quand même exister dans le canton. Dire aux pauvres qu'ils doivent être contents qu'il y ait de plus en plus de riches, c'est quand même un état d'esprit assez choquant.
Je vous dirai également que la commission a travaillé sur le rapport du BAK. Une majorité de groupes a mis en question les analyses comparatives, qui manquaient d'une certaine rigueur scientifique, s'agissant de la comparaison entre des prestations fournies dans chaque canton, compte tenu des aspects économiques et sociologiques locaux. Mais il est vrai que les chiffres peuvent être intéressants.
Voilà, Mesdames et Messieurs, pour le reste, je vous renvoie à mon rapport. Merci, Monsieur le président.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Parler de la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2020, c'est évidemment revenir sur une année extraordinaire à plus d'un titre. A cet égard, il convient d'analyser la gestion du Conseil d'Etat à la fois dans sa partie extraordinaire, celle qui concerne la crise que l'on a connue, et dans sa partie ordinaire, qu'on ne peut pas oublier parce que précisément il y avait un événement extraordinaire.
S'agissant de la partie extraordinaire, il est juste de dire que le Conseil d'Etat a fait au mieux et qu'on ne peut que le remercier et l'encourager à continuer: recevant des informations de scientifiques, d'ailleurs parfois contradictoires au fil du temps, qui pouvaient même changer chaque semaine ou en tout cas tous les mois, le Conseil d'Etat devait systématiquement s'adapter non seulement selon ces messages scientifiques, mais également par rapport aux politiques publiques qu'il devait mener et aux mesures qui devaient rester proportionnées. Alors on peut dire au Conseil d'Etat, bien entendu, que certaines de ces mesures ne l'étaient pas, allaient trop loin ou au contraire pas assez, on peut tous avoir un avis là-dessus - c'est l'histoire qui nous dira qui avait raison de faire quoi. Mais, sur ce thème-là, on peut au moins soulever un point positif: nous avons vu un Conseil d'Etat qui a travaillé en équipe et qui a travaillé rapidement, notamment du point de vue économique, en aidant les entreprises et donc évidemment les emplois qui leur sont liés, avec des projets très rapidement lancés - qui ont pu être complétés ou améliorés par le parlement, mais il n'en demeure pas moins que le Conseil d'Etat a agi avec célérité et bon sens. Il l'a fait en équipe, et cela, il faut bien sûr le souligner et l'en remercier.
Si maintenant on fait abstraction de cette situation extraordinaire, il est juste de parler aussi de la gestion ordinaire. Ce n'est pas parce qu'il y avait une crise, qui naturellement a demandé des moyens extraordinaires - moyens que ce parlement, y compris d'ailleurs les minoritaires de la commission des finances, a votés -, qu'il n'est pas juste aussi de se poser la question: est-ce qu'on n'aurait pas dû anticiper cette crise sur certains aspects ? Non pas sur la partie sanitaire évidemment, mais sur la partie économique; et: qu'est-ce que l'on va faire pour la suite ? A ce titre-là, la gauche nous serine toujours cette idée qu'on manque de moyens, on manque de moyens, on manque de moyens, du coup, il faut toujours rajouter des moyens, rajouter des moyens, rajouter des moyens. Or on constate - j'y viendrai tout à l'heure avec le rapport BAK - que ce n'est pas une question de manque de moyens, mais de gestion et d'utilisation de ces moyens, car là, le Conseil d'Etat n'agit plus du tout en équipe: on constate que, lorsqu'il y a une urgence - qu'elle soit sanitaire, écologique, sociale ou autre - et que le Conseil d'Etat devrait décider de mettre des moyens supplémentaires, il pourrait aller en prendre dans un autre service, dans un autre département, mais là, c'est toujours la même rengaine: «Non, je veux bien que cette urgence soit importante, mais il faut aller prendre ces moyens dans le département d'un autre, parce que chez moi, absolument tout est urgent !» Il n'y a pas ici de travail en équipe de ce Conseil d'Etat; chacun est dans son coin, dans son silo, alors qu'il suffirait de transférer des profils. On a souvent rétorqué au PLR: «Mais une infirmière ne peut pas faire le travail d'un comptable et un policier ne peut pas aller faire la comptabilité d'un service, par exemple de l'aménagement du territoire !» Evidemment ! Mais il faut se rendre compte que ces dernières années, les profils qui ont été engagés sont majoritairement des juristes, des commis administratifs, des comptables, des contrôleurs de gestion, des secrétaires et autres assistants administratifs: Mesdames et Messieurs, laissez-moi vous dire qu'il est aisé de les déplacer d'un service à l'autre et même d'un département à l'autre ! Et ce n'est pas parce qu'un juriste ou un comptable est peut-être spécialisé en matière de comptabilité policière qu'il ne peut pas tout à coup aller s'occuper de la comptabilité du DIP, s'il s'avère qu'il y a une urgence. Il y a là un manque patent de volonté de la part du Conseil d'Etat, crise ou pas crise. Cela doit être résolu une fois pour toutes. Il y a pour nous non pas un problème de moyens, mais un problème de gestion de ces moyens.
Un exemple symptomatique qui concerne le DIP: savez-vous combien de postes ont été votés pour le DIP entre le 31 décembre 2019 et le 31 décembre 2020 ? Vous trouverez le chiffre dans mon rapport: 57 postes ! Savez-vous combien d'enseignants il y a en plus entre le 31 décembre 2019 et le 31 décembre 2020 ? Moins quatorze ! Moins quatorze enseignants ! Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'au DIP, on engage, mais pas sur le terrain. Alors évidemment, à gauche, on va me dire: «Oui, mais on engage des psychologues, des infirmières qui sont aussi dans les écoles, ils sont sur le terrain pour aider les élèves !» Je pourrais l'entendre, si sur ces 57 postes, il y avait un tiers, que sais-je, 20% d'accompagnement important sur le terrain. Mais lorsque c'est 100%, qu'il n'y a pas un seul enseignant supplémentaire et qu'il y en a même en moins, nous expliquer que la droite ici... (Commentaires.) ...torpille les finances publiques et empêche d'engager des enseignants, c'est juste mensonger ! On vous donne les postes et vous ne les attribuez pas au bon endroit. C'est un exemple patent, c'est dans les chiffres auxquels vous avez accès.
M. Velasco nous parlait tout à l'heure d'écraser la pyramide fiscale. Il ne s'agit pas d'écraser la pyramide fiscale ! Qu'est-ce que cela veut dire, écraser la pyramide fiscale ? Cela veut dire que ceux qui sont tout en haut, on les écrase et on les jette dehors ? Oui, ça, on sait que c'est la volonté du parti socialiste. Non ! Notre volonté à nous, c'est de faire en sorte qu'elle s'élargisse dans l'autre sens et qu'il y ait de plus en plus de gens qui gagnent de plus en plus, de manière que l'Etat ait de plus en plus de moyens financiers pour continuer à délivrer des prestations de qualité à la population.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Yvan Zweifel. Il ne s'agit pas d'écraser la pyramide fiscale, il s'agit de l'améliorer. C'est cela l'objectif, c'est cela la priorité. La question des inégalités est peut-être importante, mais il ne s'agit pas de savoir si les 15% des plus riches continuent à s'enrichir, la question importante est de savoir si les 15% des plus précarisés, on s'en occupe ou on ne s'en occupe pas, et c'est parce qu'il y aura toujours plus de riches - oui, Monsieur Velasco, parce qu'on crée d'abord la richesse avant de la distribuer ! - qu'on aura les moyens d'aider les 15% les plus précarisés, c'est simplement une évidence.
Concernant le rapport BAK, nous avons un Conseil d'Etat qui demande à l'institut BAK d'analyser les charges de l'Etat. Que dit ce rapport ? A la page 5, que «la combinaison du potentiel de ressources et d'exploitation du potentiel fiscal donne les recettes fiscales par tête. Dans le canton de Genève, celles-ci sont supérieures d'environ 90% à la moyenne des cantons», ce qui a d'ailleurs été vérifié par d'autres éléments. Concernant les charges, à la page 19, le rapport indique que «l'indice des coûts standards du canton de Genève s'élève au total à 189. Le canton de Genève affiche par conséquent des dépenses nettes par habitant supérieures de 89% à la moyenne des 25 autres cantons». La gauche s'est arrêtée à la page 19. Elle a dit: «Le rapport BAK dit ce que la droite dit depuis des années, à savoir qu'on prend le total des charges, on divise par la population et on compare avec les autres, mais ce n'est pas comparable !» Alors on va leur donner raison ! Et le rapport BAK leur donne raison, et il a décidé d'aller plus loin dans l'analyse en faisant deux choses: premièrement, on ne va pas diviser par le nombre d'habitants, mais par le nombre de bénéficiaires de la prestation, et on va ensuite analyser cela en fonction de cantons comparables et non de tous les autres cantons. Quel est le résultat, Mesdames et Messieurs ? L'indice des coûts par cas est de 139. Le canton de Genève a donc des coûts par cas - donc en tenant compte des spécificités sociodémographiques de Genève ! - de 39% supérieurs à la moyenne du groupe de comparaison spécifique ! Voilà qui clôt ce fameux débat pour savoir si on a un excédent de charges ou un excédent de revenus, une crise des recettes ou une crise des dépenses: nous avons une crise des dépenses, ce sont les scientifiques qui le disent ! Mesdames et Messieurs de la gauche, pendant la crise sanitaire, on nous serine tous les jours d'écouter les scientifiques: eh bien, faites-en de même pour ce qui concerne les questions économiques !
Je reviens évidemment aussi sur la dette. La dette est un élément important, parce que nous avons à Genève une dette bien trop importante, vous le savez. On ne s'en est pas préoccupé pendant des années, parce qu'on avait des recettes fiscales qui étaient celles que l'on connaît, qui étaient supérieures d'ailleurs à l'augmentation des charges et surtout de la population; mais il s'avère que la Confédération a pris des mesures importantes avec des freins à l'endettement, qui ont permis à la dette - de la Confédération, des cantons et des communes - de passer de 49% en 2003 à 30% en 2019, ce qui a donné à notre pays et à l'immense majorité des cantons la possibilité de dégager des moyens en empruntant pour aider ceux qui ont été touchés violemment par la crise sanitaire, économique et sociale que l'on connaît. A Genève, on n'avait pas, ou plus difficilement, ces moyens. Cela doit être un signal, un signal important pour qu'enfin on résorbe cette dette, afin que si une crise survient à nouveau, nous puissions en prendre la mesure et que nous ayons les moyens de la résoudre et d'aider ceux qui doivent l'être.
Beaucoup ici - et c'est juste - ont décrété l'urgence climatique. On est d'accord à gauche comme à droite. Il faudrait peut-être ouvrir aussi les yeux et pas seulement le porte-monnaie pour découvrir qu'il y a aussi une urgence budgétaire et financière et que si celle-ci n'est pas réglée, vous ne pourrez pas régler les autres crises, qu'elles soient sociales ou environnementales.
C'est pour cette raison que la minorité de la commission des finances, celle qui est responsable et raisonnable et celle qui sait lire les chiffres et compter, vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser la gestion du Conseil d'Etat, non pas spécifiquement pour l'année 2020, mais pour 2019, 2018, 2017, 2016, 2015, j'en passe et des meilleures, parce que ce Conseil d'Etat n'a pas pris la mesure de ce qui se passait et se retrouve aujourd'hui face au mur. Il est de notre devoir de remettre notre Conseil d'Etat sur le droit chemin de la saine gestion des deniers publics en refusant ce rapport de gestion.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je partage une grande partie des critiques qui ont été formulées par le rapporteur de majorité, qui n'a pas été beaucoup plus avare en critiques envers la gestion du Conseil d'Etat que le rapporteur de première minorité, à tel point qu'on peut se demander si son soutien n'est pas un soutien de politesse - mais comment lui jeter la pierre, après tout ? Il est vrai que ce qui ressort de cette année forcément très particulière, puisque marquée par la crise, c'est l'absence de volonté du Conseil d'Etat de répondre aux besoins les plus criants et fondamentaux de la population. Alors on parle beaucoup de la population, mais il faut préciser ici qu'il y en a deux, et d'autant plus en période de crise. Il y a celle qui s'est enrichie pendant la crise, parfois même grâce à la crise: le Conseil d'Etat n'a jamais eu de peine à répondre aux besoins et aux préoccupations de celle-ci. Et puis il y en a une autre, celle qui a perdu beaucoup ou tout pendant la crise, celle qui s'est appauvrie et qui continuera à s'appauvrir dans les années à venir si rien n'est fait, en urgence, sur le plan politique. A celle-là, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat a tout simplement tourné le dos. On peut évoquer bien sûr la question des travailleuses et des travailleurs précaires, qui du jour au lendemain ont perdu l'ensemble de leur revenu, qui se sont retrouvés dans le dénuement le plus total. Le Conseil d'Etat a mis des mois à venir devant ce parlement, avec un projet de loi largement insuffisant, un projet de loi qui d'ailleurs venait bien après un autre texte, celui-là très rapide, pour un complément d'indemnité fédérale aux cadres d'entreprises. Le Conseil d'Etat, on le voit, a été plus soucieux d'apporter un complément à des personnes qui, d'une part, avaient des revenus élevés à la base, et, d'autre part, touchaient déjà des indemnités de la Confédération, que de s'occuper de celles et ceux qui se sont retrouvés dans la pauvreté la plus totale, sans la moindre possibilité de gagner leur vie, c'est-à-dire de se nourrir, de payer leur loyer, etc. A ceux-là, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat a tourné le dos pendant la première vague d'abord, en n'intervenant que trop timidement et trop tardivement, mais surtout par la suite, puisque après cela, le Conseil d'Etat a décidé, et ce jusqu'à aujourd'hui, de ne rien faire ! Mesdames et Messieurs, depuis la deuxième vague, sur le front de l'aide aux plus précaires, le Conseil d'Etat est resté parfaitement immobile ! A l'inverse, on a eu de grandes déclarations depuis le début sur le fait qu'il était exclu, exclu de demander une contribution - même temporaire - de solidarité à celles et ceux qui en ont les moyens, c'est-à-dire aux plus grosses fortunes. Ensemble à Gauche l'a demandé régulièrement, non pas seulement pour punir les plus riches de ce canton, mais en partant simplement du constat que ce sont elles, que ce sont eux qui ont les moyens de contribuer davantage à financer les services publics et les prestations à la population, d'autant plus nécessaires en période de crise, vitales même.
Et puis, bien sûr, la gestion de la crise, pour bonne part, a été faite par celles et ceux qui ont travaillé au quotidien, sur le front, contre la pandémie d'abord - on pense au personnel soignant, au sein duquel les infirmières et les infirmiers, ainsi que les aides-soignants, qui ont fourni le gros des troupes pour lutter contre la pandémie; mais on peut aussi parler des nettoyeuses, des nettoyeurs dans les hôpitaux ou ailleurs et des travailleuses et travailleurs sociaux, par exemple à l'Hospice général, qui sont venus en aide à celles et ceux qui en avaient besoin au plus fort de la crise. Ces salariés, pour la plupart de la fonction publique et, pour la majorité, des femmes, le Conseil d'Etat ne les a pas soutenus, et c'est peu dire. Au contraire, en pleine deuxième vague, alors que les chiffres étaient affolants à l'hôpital, bien plus encore que pendant la première, que nous dit le Conseil d'Etat ? Qu'il faut baisser les salaires de la fonction publique, y compris des infirmières et des infirmiers, qui se battaient 72 heures par semaine dans des conditions innommables et sur les épaules desquels l'ensemble du canton reposait, puisque c'était à leur travail acharné qu'on devait le fait de s'épargner le plus terrible des désastres, qui a pu ravager d'autres régions du monde - même si le canton de Genève s'est quand même octroyé la médaille peu glorieuse de la région du monde la plus touchée par le covid-19 au mois de novembre. Eh bien, ces personnes-là qui travaillaient, le Conseil d'Etat les a traitées de privilégiées - on pense aux déclarations de Mauro Poggia, qui parlait de privilégiés qui devaient eux aussi faire un effort de solidarité en se référant à ces mêmes personnes qui étaient au front.
Alors évidemment, la crise a mis en relief les besoins de la population en prestations, en services publics. C'est vrai, ces prestations et ces services publics ont un coût, raison pour laquelle il est important de demander une contribution supplémentaire aux plus grosses fortunes et de s'attaquer aux inégalités sociales.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Jean Burgermeister. Très bien, Monsieur le président. Je rappelle que le canton de Genève est le canton le plus inégalitaire du pays; cela s'est encore renforcé avec l'effet de la crise. M. Zweifel nous disait que plus il y a de riches, mieux c'est pour les pauvres, mais alors comment expliquer qu'à Genève, la richesse croît à une vitesse folle et que, parallèlement, la pauvreté aussi ? Au contraire, on le voit à Genève: plus il y a de riches, plus il y a de pauvres ! Et le fait que les riches s'enrichissent à Genève beaucoup plus rapidement et beaucoup plus fortement que dans le reste du pays n'a jamais aidé les pauvres de ce canton. (Commentaires.)
Par ailleurs, M. Zweifel nous disait - je finirai là pour l'instant - qu'il y a à Genève une crise des dépenses. Peut-être que c'est vrai. Mais il faudra qu'il nous explique où il veut faire des économies, puisque, en pleine période de crise, croire qu'il répond aux besoins de la population en disant: «Je suis sûr qu'on va trouver quelque part un juriste qu'on pourra mettre dans un autre département», enfin, c'est grotesque ! Tout comme dire qu'on engage trop d'infirmières dans les écoles genevoises. Ce n'est évidemment pas, je crois, le point le plus brûlant de l'année 2020, je pense qu'il le sait. Mais si on a une crise des dépenses, il faut le dire aussi, c'est peut-être à cause du libéralisme économique, qui coûte cher, qui coûte très cher à ce canton ! Nous l'avons vu pendant la crise covid: les assurances-maladie ne servent absolument à rien. Elles ont démontré d'une manière incontestable leur statut d'activité parasite, puisqu'elles ont ponctionné de force la population, et chèrement, et qu'elles n'ont pas financé l'essentiel des pertes et des coûts supplémentaires des Hôpitaux universitaires de Genève. Eh bien, Mesdames et Messieurs, si on supprimait le système d'assurance-maladie privée, si on instaurait un système public, avec des primes proportionnelles au revenu, l'Etat de Genève pourrait faire des économies de plus de 600 millions ! Le déficit, en 2020, vous le savez, est d'environ 500 millions. Cela signifie que si le PLR, à Berne, cessait son soutien acharné et obstiné aux assurances-maladie pour s'occuper du sort de la grande majorité de la population, il n'y aurait pas de déficit en 2020 à l'Etat de Genève.
M. Eric Leyvraz (UDC). En tant que président de la commission des finances, j'ai pu observer de près l'action du Conseil d'Etat lors de cette année 2020. Nous avons traversé une période tellement extraordinaire, historiquement particulière... On peut dire qu'on a connu l'impensable. Il me semblait donc fair-play de mettre cette année entre parenthèses, avec un Conseil d'Etat qui s'est débattu longtemps à six, avec les mains liées par les décisions du Conseil fédéral, et qui, dans le cadre de la pandémie, s'est plutôt bien débrouillé, si on regarde cela en comparaison cantonale et internationale. Je me suis donc abstenu lors du vote de ce rapport de gestion en commission. Mais mon groupe m'a rappelé que l'on faisait de la politique, que plusieurs sujets nous fâchaient, comme la politique de mobilité - je suis d'accord -, donc au final, l'UDC refusera ce rapport de gestion. Dont acte. Je ne m'opposerai évidemment pas à mon parti, mais vu mon âge avancé, je sens que j'aurai une petite faiblesse physiologique au moment du vote et que je serai malheureusement absent ! (Rire.)
A titre personnel, je remercie le Conseil d'Etat, qui a agi lors de cet «annus horribilis» du mieux qu'il pouvait, qui a aidé les entreprises à s'en sortir. Dans les conditions mortifères que nous avons traversées, il me semblait bon de mettre de côté pour une fois les disputes politiques lors de l'examen des comptes, qui présente rarement des problèmes. Nous aurons tout le loisir de nous écharper en étudiant un très difficile budget 2022, où l'Etat va absolument devoir serrer les boulons pour éviter un envol de la dette genevoise, qui est déjà colossale en comparaison cantonale, et devra aussi tenir compte du rapport BAK, qui dénonce clairement que Genève dépense pour sa fonction publique en tout cas 30% de plus que la moyenne des autres cantons comparables et le double pour les aides sociales. Je vous remercie.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, les comptes 2020 ont été plutôt bien gérés par le Conseil d'Etat. C'était un exercice difficile, qui a généré des charges sans précédent dans le domaine de la santé. Le Conseil d'Etat a géré ces charges avec une véritable anticipation des besoins pour faire face à la pandémie. Nous constatons que nos institutions ont bien fonctionné. Dans le cadre de l'octroi de crédits extraordinaires demandés par le Conseil d'Etat, la commission des finances a joué son rôle de vérification au travers de nombreuses auditions sur les dispositifs aménagés par le Conseil d'Etat. Celui-ci a répondu en toute transparence aux nombreuses questions des commissaires. Dans les faits, la commission des finances a voté plus de 500 millions de francs en autorisations de crédits supplémentaires. Dès lors, nous pouvions imaginer un exercice extrêmement difficile, avec des charges qui avaient été budgétées avec 500 millions de francs d'insuffisance de fonctionnement. A ce stade, nous pouvons remercier le Conseil d'Etat pour le travail qu'il a réalisé dans l'urgence et bien souvent dans l'inconnu.
Les conséquences sur les comptes ont été corrigées par des recettes supplémentaires et des charges non dépensées. Nous relevons une fois de plus que la fiscalité du canton repose toujours plus sur un petit nombre de contribuables - n'est-ce pas, Monsieur... Ensemble à Gauche ! (Remarque.) D'ailleurs, quand on regarde l'origine du résultat, on se rend bien compte que notre économie était très solide avant la crise, puisque les rentrées d'impôts étaient au rendez-vous. Encore une fois, nous pouvons remercier les entreprises qui ont fortement limité la casse lors de cet exercice 2020.
La véritable réflexion sur nos recettes d'impôts passe par l'évolution des méthodes d'évaluation sur l'estimation de l'année 2020. Elles ne peuvent toutefois pas être les mêmes par beau temps que par mauvais temps. Nous regrettons qu'une décote supplémentaire sur l'année 2020 n'ait pas été imaginée par le Conseil d'Etat, même si cela aurait eu pour effet de corriger nos comptes, avec une insuffisance de financement plus proche de la réalité. Le PDC restera très attentif à ces faits ces prochaines années, afin de vérifier que l'exercice 2020 avait été estimé correctement, car cela a un impact réel sur la réserve conjoncturelle qui nous permet d'envisager des budgets déficitaires. C'est avec cette exigence que le PDC écoutera les explications du Conseil d'Etat.
Le retour à l'équilibre passera par des réformes structurelles inévitables. Nous constatons que tant au niveau du parlement que du Conseil d'Etat, personne ne souhaite rechercher les réformes. Nos charges ne permettent plus d'éviter une augmentation des recettes. Nous n'accepterons plus aucune recette supplémentaire sans réforme et sans une véritable symétrie des efforts. Les réformes structurelles, c'est aussi repenser la répartition des tâches entre notre canton et les communes, ainsi que les partenaires associatifs et privés. L'Etat ne peut plus tout faire et doit apprendre à se concentrer sur l'essentiel, à savoir nos tâches régaliennes. Les prestations à la population ont été délivrées. Les moyens et les ressources donnés à l'Etat ont été largement suffisants. On voit que, sur beaucoup de postes, les charges du canton sont trop larges et trop confortables.
Le groupe PDC a été un peu surpris par le rapport BAK. Pas par la qualité du rapport, mais par ce qu'on souhaite y lire. On peut se demander si ce n'était pas un moyen de se donner bonne conscience. Effectivement, ce rapport a été commandé, avec des demandes pas toujours pertinentes. Dès lors, chaque service et chaque département a pu apporter ses propres analyses, en expliquant que le contexte genevois n'est ni le contexte bâlois ni le contexte zurichois. Pour le parti démocrate-chrétien, il est un peu dommage d'appréhender ce rapport de façon à éviter les réflexions qui s'imposent.
Le PDC regrette vivement le niveau des investissements, qui n'ont pas été à la hauteur de ce qu'on pouvait imaginer. Depuis plusieurs années, on voit que les investissements ont de la peine à se mettre en place. La question qu'on peut se poser est la suivante: que font nos conseillers d'Etat pour s'assurer de l'exécution de ces investissements ? Rappelons que le gouvernement est chargé par la constitution d'exécuter le budget voté par ce parlement. A lui de s'assurer que lorsque des investissements sont votés, ils sont exécutés ! Surtout en période de crise. Nous ne pouvons pas continuer à avoir un niveau d'investissement réel aussi bas, par rapport aux moyens donnés par le parlement; à l'heure où nos investissements doivent être anticycliques, cela se justifie. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) L'état des risques tel que dévoilé par la Cour des comptes montre qu'il y a des dysfonctionnements au sein de l'OCSIN.
Le président. Merci. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Olivier Cerutti. Je conclus. Le PDC regrette que le Conseil d'Etat ait beaucoup de peine à dialoguer avec les syndicats et l'ensemble des communes. On a de la peine à avoir une véritable vision sur l'ensemble des charges du canton...
Le président. C'est terminé.
M. Olivier Cerutti. Quant à savoir qui serait le mieux placé pour réaliser des prestations de proximité...
Le président. Merci.
M. Olivier Cerutti. ...poser la question, c'est y répondre. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci. La parole va maintenant à M. le député Thomas Wenger pour deux minutes cinquante-huit.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, quand on parle du rapport de gestion 2020, un mot vient tout de suite à l'esprit du groupe socialiste: ce mot, c'est bien entendu «merci». On se souvient des applaudissements lors de ce fameux printemps 2020 où tout s'est arrêté, où tout le monde est rentré à la maison, où les écoles ont fermé, où les personnes se sont retrouvées de plus en plus avec des problèmes de santé dus au covid - à l'hôpital, bien sûr, et à la maison également.
Cela a déjà été fait par notre président du Grand Conseil, mais nous voulons redire merci à toutes les personnes qui ont travaillé pendant toute cette année 2020, aux soignantes, aux soignants - que ce soit aux HUG, dans les cliniques, à l'IMAD pour les soins à domicile -, aux enseignantes, aux enseignants, aux policières, aux policiers, aux éboueuses, aux éboueurs, aux gardiennes et aux gardiens de prison, aux conductrices et conducteurs des TPG, à toutes les personnes qui ont oeuvré dans le social - on se souvient de ces malheureuses et tristes images de files d'attente aux Vernets -, à toutes les personnes qui ont travaillé dans les pompes funèbres, dans les magasins d'alimentation, à nos agricultrices, à nos agriculteurs et à tous ceux qu'on ne peut pas citer, faute de temps.
Merci également au Conseil d'Etat qui a travaillé d'arrache-pied pendant cette année 2020 pour faire face à cette crise, et merci à notre Grand Conseil qui a aussi travaillé et qui a voté les différents crédits. On parle aujourd'hui de plus de 420 millions d'aides, notamment aux entreprises, mais bien entendu pour maintenir l'emploi pour les travailleurs et travailleuses de notre canton. Oui, Mesdames et Messieurs, les collectivités publiques, communales, cantonales, fédérales, l'Etat, comme on l'appelle, a joué un rôle central pendant cette année 2020; il a joué un rôle central de protection de la population, également de fournisseur de prestations pour la population, pour les entreprises, pour le tissu associatif, pour les milieux culturels, sportifs et autres. Donc non, Monsieur Zweifel, l'Etat n'est pas trop gros, les fonctionnaires ne sont pas en train de dormir sur leur bureau; ils sont quotidiennement et encore aujourd'hui aux côtés de la population.
Le covid a été, malgré lui, un formidable accélérateur d'adaptation, de transition. On a dû s'adapter, gérer, que ce soit la population, les familles - avec des gens qui se retrouvaient tout à coup en télétravail avec leurs enfants qui n'étaient plus à l'école, dans des deux-pièces, dans des trois-pièces, etc. -, les entreprises ou le tissu associatif. 2020 a été une tragédie. 2021 est une embolie... Une embellie, pardon ! Les prochaines années, j'espère, seront synonymes d'harmonie. Le groupe socialiste entrera en matière sur ce rapport de gestion. Merci.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, un traitement aussi tardif de nos comptes 2020 n'aura malheureusement que peu d'écho auprès du Conseil d'Etat, s'agissant de nos soutiens, remarques et autres doléances en vue de l'établissement du budget 2022. Il faut reconnaître que l'exercice 2020 n'a pas été facile, notamment au regard de la crise sanitaire, sociale et économique que nous avons vécue et qui n'est pas encore finie. Certes, les chiffres des comptes sont justes. Toutefois, en matière de réalisation, nous aurions pu faire mieux. Dans cette période si particulière, nous devons relever et saluer qu'à chaque fois ou presque, notre parlement a été uni pour soutenir l'économie locale et les citoyennes et citoyens de la république, qui se sont retrouvés face à d'immenses difficultés.
Les Verts formuleront lors du traitement de ces comptes différentes remarques à l'attention du Conseil d'Etat et de notre parlement, afin que l'urgence climatique et sociale puisse être prise en considération. Les Verts seront particulièrement attentifs aux propositions du gouvernement pour le projet de budget 2022, annoncé pour le 16 septembre, notamment en matière de transition énergétique, d'économie circulaire et de justice sociale. L'urgence est effectivement aujourd'hui de changer de paradigme économico-écologico-social, afin que les générations futures, notamment nos enfants, puissent vivre dans un environnement qui soit encore tenable. Nous savons toutes et tous que sans changement important dans nos façons de vivre et de consommer, l'avenir de l'humanité sera très difficile. Nous souhaitons rappeler que la notion de bien commun, sur le moyen et le long terme, se doit d'être intégrée par toutes et tous au service du bien de la République et canton de Genève, soit l'ensemble de notre population. Le groupe des Verts votera l'entrée en matière sur les comptes 2020. Je vous remercie de votre attention.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous traitons du rapport de gestion 2020 et non 2021, qui fera l'objet de débats ultérieurs, je pense que c'est important de le rappeler. Par ailleurs, 2020 a été une année terrible ! Une année terrible, parce qu'évidemment, il y a eu ce covid-19, et puis c'est aussi l'année où sont entrées en vigueur deux réformes majeures, d'une part celle de la CPEG et d'autre part la RFFA. Bien entendu, on s'attendait - les prévisions étaient catastrophiques - à un déficit énorme, aux alentours de 800 millions, si ce n'était pas plus. Eh bien, les résultats sont meilleurs, mais ils le sont parce qu'il y a eu des recettes fiscales supérieures. Merci à l'activité, merci aux entreprises, qui malgré les difficultés de la crise ont su et ont pu amener suffisamment de résultats pour que ces recettes fiscales soient en augmentation ! Merci aussi pour le fait qu'un certain nombre de dépenses ont été minorées - mais c'est notamment tout simplement à cause du covid-19. J'aimerais aussi remercier toutes celles et tous ceux qui ont oeuvré à cela: les fonctionnaires, qui ont fait leur travail, ainsi que les entreprises et leurs travailleurs. Durant cette crise du covid-19, oui, l'Etat était présent, et d'ailleurs - je vais paraphraser -, les Etats en général, dans le monde entier. Heureusement qu'ils étaient là ! Heureusement qu'ils ont pu soutenir l'activité économique ! Je crois que ce sont plus de 400 millions qui ont été dépensés à Genève pour soutenir les entreprises et par conséquent l'emploi et les travailleurs, il ne faut pas l'oublier.
Un des scandales de cette crise - qui n'est bien sûr pas lié à la gestion du Conseil d'Etat - concerne nos assurances-maladie, qui n'assument pas - qui n'assument pas ! -, malgré leurs réserves considérables, les dépenses liées au covid-19, alors qu'elles pourraient le faire ! Nous devons le dénoncer, c'est un véritable scandale !
J'aimerais dire aussi que les choses qui se sont passées cette année-là ont quand même permis de voir qu'il y avait une certaine réactivité, et j'aimerais à ce titre remercier les citoyennes et les citoyens, qui ont compris quels étaient les enjeux et ont suivi au mieux les directives du Conseil d'Etat, de façon à tenter de contenir cette terrible pandémie.
Il faut bien se souvenir aussi que nos entreprises souffrent. Elles ont souffert. Elles ne sont pas toutes encore revenues à l'état de 2019, et il faut veiller à ce que tous les citoyens et les contribuables ne soient pas taxés encore plus suite à cette crise ! (Commentaires.) Parce qu'on peut penser tout ce qu'on veut... Je me souviens d'un livre - en France, on disait: «On veut toujours plus, toujours plus !» Et puis ce toujours plus aboutit à toujours moins, parce qu'on n'y arrive plus à un moment donné. La pression fiscale est forte à Genève; elle ne doit en tout cas pas encore augmenter. La classe moyenne souffre, et peut-être même qu'en ce qui la concerne, il faudrait baisser la pression fiscale. Les familles n'arrivent plus à tourner, et c'est quand même le minimum.
Evidemment, il y a un certain nombre de politiques que nous ne pouvons pas accepter, notamment celle de la mobilité. Vous vous en doutez bien. On en parlera lorsqu'on abordera les différentes politiques. Utiliser le covid-19 pour tracer en catimini des pistes cyclables de manière totalement incohérente en une nuit, nous le dénonçons, c'est un véritable scandale et cela n'aurait pas dû avoir lieu ! (Commentaires.) Cela ne veut pas dire qu'on est contre les pistes cyclables, mais cela a été fait d'une manière anarchique et on voit aujourd'hui les bouchons permanents qui entravent non seulement les citoyens et les citoyennes, mais aussi les entreprises et donc l'activité économique ! On ne peut plus circuler à Genève, c'était difficile avant, c'est impossible aujourd'hui ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Merci aussi à la Banque nationale, qui a compris qu'elle devait faire une contribution supplémentaire. Elle l'a faite, et on l'en remercie, parce que cela a naturellement aidé les cantons et en particulier celui de Genève.
Le président. Merci.
M. Daniel Sormanni. Voyez-vous, malgré ces difficultés, le MCG entrera en matière sur ce rapport de gestion de l'Etat. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. le député Patrick Saudan pour deux minutes trente.
M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais intervenir brièvement, parce que j'ai été un peu interpellé par un chiffre qu'a donné le rapporteur de deuxième minorité, concernant des horaires de travail de 72 heures par semaine aux HUG. Je laisserai M. Poggia répondre sur ce point, mais en ce qui me concerne, je n'ai jamais rencontré cela dans ma carrière, sauf chez les médecins, et il y a vingt-cinq ans.
Je vais usurper le rôle du député Pfeffer - vous ne m'en voudrez pas, Monsieur Pfeffer ! - en faisant une comparaison entre Genève et Bâle, entre les deux hôpitaux universitaires pour l'année 2019, avant la crise covid. A Bâle, qui est un grand hôpital universitaire et qui ne couvre pas que la population bâloise, il y a eu 38 570 hospitalisations durant l'année 2019. L'établissement compte 5737 équivalents temps plein. A Genève, selon le rapport 2019, il y a eu 56 761 hospitalisations en 2019 et l'hôpital compte 10 120 équivalents temps plein. On retrouve aussi à peu près 20% de plus de personnel - toutes catégories confondues - à l'hôpital de Genève qu'à celui de Bâle. C'est pour cela que je ne pense pas qu'il faut mettre de côté le rapport BAK. Celui-ci montre quand même clairement que, malheureusement, Genève dépense trop et dépense peut-être mal. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. le député André Pfeffer pour trois minutes et sept secondes.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur le rapport BAK. Une analyse des dépenses de fonctionnement du canton de Genève a été faite en 2020. Cette étude avait été commandée par le Conseil d'Etat. Que dit ce rapport ? Notre canton dépense, par habitant, 89% de plus que la moyenne des 25 autres cantons suisses. Cette étude très détaillée et de qualité relève aussi que Genève dépense 39% de plus par prestation et par rapport à des cantons comparables. De tels écarts de dépenses montrent clairement que l'Etat de Genève a un problème d'efficience et d'efficacité. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que notre Conseil d'Etat ne fait rien de ce rapport, qu'il a pourtant lui-même commandé. Cette étude montre clairement l'immense problème de gestion et de la dilapidation de nos deniers publics. Notre Conseil d'Etat ne fait rien, n'envisage rien et n'est probablement conscient de rien ! Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole au rapporteur de deuxième minorité pour deux minutes quarante-neuf. Monsieur Jean Burgermeister, c'est à vous.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, je suis quand même un peu surpris quand j'entends ce parlement s'autocongratuler et féliciter le Conseil d'Etat d'avoir répondu aux besoins - des entreprises, peut-être; de la population, c'est une autre affaire ! Selon beaucoup de discours, c'est comme si, pour tout le monde, la crise était passée; comme si on avait répondu aux besoins les plus importants et que 2021 était une année d'embellie. Mais, Mesdames et Messieurs, pour beaucoup, 2021, ce sera l'année des licenciements ! Vous savez, l'Hospice général ne prévoit pas une diminution du nombre de dossiers, ni en 2022, ni même en 2023 ! En l'état, la pauvreté est vouée à se répandre et à s'accélérer à travers le canton ! Et contre cela, rien n'est fait ! On a voté des projets de lois d'aide aux entreprises, mais je vous rappelle que le Conseil d'Etat et la majorité de ce parlement ont systématiquement refusé d'y introduire la moindre ligne en faveur des salariés, malgré les demandes répétées d'Ensemble à Gauche; rien n'a été fait pour protéger les revenus, pour protéger l'emploi. Alors non, Mesdames et Messieurs: vous êtes venus en aide non pas à l'économie, mais aux patrons des grosses entreprises ! Et vous avez tourné le dos...
Une voix. Mais non ! (Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. Vous avez tourné le dos à une majorité de la population ! Pour celle-là, 2021, ce n'est toujours pas l'accalmie ! (Commentaires.) Et nous n'avons pas répondu à ses besoins les plus criants.
Pour conclure, je dois dire qu'une crise comme celle que nous connaissons aujourd'hui doit nous pousser à en tirer les conclusions. Or ce parlement, de même que le Conseil d'Etat, ne le fait pas. Il y a d'abord évidemment la nécessité de renforcer considérablement les services publics, à commencer par les soins médicaux. On sait que c'est le manque de moyens dans les hôpitaux qui, à travers le monde, a tué massivement, bien plus encore que le virus. Et puis tirer les conséquences, c'est s'attaquer aux causes, à ce qui rend de plus en plus probables les pandémies aujourd'hui, c'est-à-dire l'accroissement continu du trafic aérien, le réchauffement climatique et la destruction des milieux naturels. S'attaquer aux causes, c'est repenser une autre société, s'extraire de ce modèle de développement ultra-extractiviste, productiviste à outrance, bref, de ce capitalisme parasite et désastreux pour l'ensemble du globe. Evidemment, sur ce plan, aucune conclusion n'est tirée. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Or il se trouve que cette pandémie, même si elle était difficile à anticiper, n'était pas une totale surprise: je rappelle que beaucoup de scientifiques à travers le monde avaient déjà tiré la sonnette d'alarme quant au risque grandissant d'une pandémie liée à un agent respiratoire infectieux. Eh bien, Mesdames et Messieurs, si nous ne faisons rien, cette probabilité va continuer de s'accroître...
Le président. Merci.
M. Jean Burgermeister. ...et il faudra s'attendre à connaître d'autres pandémies.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je rends également la parole à M. le rapporteur de première minorité Yvan Zweifel pour une minute et trois secondes.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais répondre à ce que vient de dire le rapporteur de deuxième minorité, qui nous explique que pas un franc, ou très peu de francs ont été versés pour aider les emplois et les salariés. Il n'a peut-être pas suivi ce qu'il s'est passé dans le cadre de cette crise, mais les moyens les plus importants versés par les pouvoirs publics l'ont été au titre et au travers des RHT, c'est-à-dire du chômage partiel. Quel était le but de ces RHT ? C'était de dire aux patrons d'entreprises: on vous empêche de travailler, on vous dit stop, vous n'avez pas le droit de travailler, ce qui induit évidemment d'immenses pertes de revenus. Les patrons auraient dès lors licencié leur personnel. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le but des RHT était justement de dire aux patrons: ne les licenciez pas, on va payer une partie de cela, gardez-les pour que vous puissiez à nouveau avoir ces emplois lorsque la crise sera terminée. Alors oser...
Le président. Merci.
M. Yvan Zweifel. ...dire ici que pas un franc n'a été mis en faveur des salariés et de l'emploi, c'est soit ne rien comprendre, soit faire preuve d'une mauvaise foi particulièrement crasse. Mais il paraît que c'est habituel tout au fond là-bas à gauche ! (Rire. Commentaires.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes aujourd'hui en train d'examiner les comptes 2020 et j'aimerais rappeler que c'est exactement il y a deux ans que nous vous présentions le projet de budget 2020. Ce projet de budget, à l'époque, était affecté de façon extrêmement importante par les trois réformes qui allaient entrer en vigueur en 2020, à savoir la recapitalisation de la caisse de pension, la réforme de la fiscalité des entreprises et celle concernant les subsides d'assurance-maladie. Ces trois réformes ont affecté de façon durable nos finances publiques.
J'aimerais également relever que l'essentiel des débats qui avaient eu lieu sur ce projet de budget concernait les postes. Vous vous en souviendrez, votre parlement avait supprimé l'ensemble des nouveaux postes qui figuraient à ce budget. Ensuite, nous avons dû, un à un, venir vous trouver à la commission des finances pour défendre quelques postes indispensables et des postes affectés au front - peut-être pas forcément tous dans l'enseignement, mais bien évidemment dans la prise en charge des élèves, dans leur encadrement, en particulier dans certains types d'enseignement. Le Conseil d'Etat avait d'ailleurs remercié la commission des finances d'avoir accepté ces quelques postes.
Ensuite, Mesdames et Messieurs, vous l'avez dit, vous le savez, 2020, cela a été la première année, cet «annus horribilis», de la covid-19. Le Conseil d'Etat ne peut pas rester sans réagir lorsque certains expriment le fait que la population n'aurait pas été soutenue. Ce sont 439 millions de crédits supplémentaires qui ont été votés, je dis bien supplémentaires aux millions et aux centaines de millions déjà contenus dans le projet de budget ! Pourquoi ? Effectivement, le Conseil d'Etat n'avait pas le choix. Il se devait de faire face à cette crise, et ce montant gigantesque a été octroyé pour répondre aux besoins sociaux, aux besoins des entreprises, de façon qu'elles puissent maintenir l'emploi pour les salariés, et également aux besoins de notre système sanitaire: aux HUG, à l'IMAD, pour que ces entités puissent prendre en charge l'ensemble des malades et des personnes touchées par le virus dans notre canton. Alors, Mesdames et Messieurs, oui, l'Etat a joué son rôle pendant cette année 2020, et aujourd'hui, nous estimons que si peut-être nous aurions pu mieux faire sur certains points, personne n'a été laissé au bord du chemin en 2020, et c'est à cela qu'a servi votre parlement; c'est pour cela que la commission des finances a voté l'ensemble des crédits supplémentaires, et c'est pour cela que la majorité de votre parlement nous a suivis dans l'ensemble des projets de lois d'aide à la population et aux entreprises. Soyez-en majoritairement remerciés.
Mesdames et Messieurs, malgré nos craintes concernant le niveau de liquidités du canton pendant cette année, concernant le montant des revenus fiscaux, concernant l'explosion de la dette, nous avons pu compter sur la résilience de certains secteurs économiques et nous devons nous en féliciter et être reconnaissants de cette résilience, car ce sont les revenus fiscaux qui en ont découlé qui ont permis d'assumer les dépenses qui allaient de pair avec cette crise. Nous avons également pu compter sur les revenus supplémentaires de la BNS. Ce haut niveau des recettes fiscales en 2020 en a surpris plus d'un; j'ai effectivement entendu à la commission des finances certains députés s'en étonner, voire critiquer les estimations établies par l'administration fiscale cantonale. Je tiens toutefois à rappeler - cela a d'ailleurs été démontré à la commission fiscale - que la marge d'erreur de ces estimations est plutôt faible et que les correctifs des exercices précédents dont nous avons pu bénéficier s'expliquent surtout par le fait que les années 2017 à 2019 se sont avérées bien meilleures que prévu. Ce n'est pas seulement l'AFC qui a sous-estimé la croissance de ces années, mais l'ensemble des instituts de prévisions suisses. Et je tiens à rappeler que, s'agissant de la méthode d'estimation des recettes fiscales qui est la nôtre, les résultats y relatifs sont publiés et analysés à la loupe par la Cour des comptes, notre organe de révision.
Au sujet de la dette, malgré les dépenses supplémentaires dues aux conséquences de la crise sanitaire, malgré le maintien du niveau des investissements de l'Etat, nonobstant le retard pris par différents chantiers pendant le premier semestre 2020, malgré le fait que les prestations à la population ont été délivrées et ont été augmentées, la dette n'a augmenté en 2020 que du montant du versement accordé à la CPEG pour la recapitalisation. Le Conseil d'Etat s'en réjouit, même s'il est conscient que le montant de la dette demeure très élevé. Il faut toutefois souligner que cette dette est extrêmement bien gérée et que, même si son montant demeure le plus élevé de l'ensemble des cantons, son coût en revanche ne fait que baisser au fil des années; une majeure partie de la dette est en taux long, ce qui fait que nous sommes aussi relativement bien protégés contre d'éventuelles modifications des taux d'intérêt.
Le Conseil d'Etat considère que l'ensemble de l'Etat de Genève s'est montré à la hauteur des enjeux de cette année particulière à tous points de vue. Je l'ai dit tout à l'heure, nous avons su tous ensemble - le Conseil d'Etat et le Grand Conseil - protéger la population des conséquences de ce virus, sur le plan sanitaire, sur le plan social et économique; l'ensemble de la population a pu compter sur l'Etat dans sa globalité.
J'ajouterai un dernier mot, Mesdames et Messieurs, sur le rapport BAK, pour dire que nous comprenons la déception et la frustration qui s'expriment notamment dans le rapport de minorité de M. Zweifel. J'aimerais rappeler, et je le regrette, les conditions dans lesquelles ce travail a été effectué. Il a été mandaté au début de l'année 2020, et l'ensemble des travaux s'est déroulé en plein confinement, alors que les collaborateurs de l'Etat étaient affectés à des tâches urgentes liées à la crise et qu'ils étaient aussi en télétravail. Dès lors, le travail n'a peut-être pas pu se faire de façon aussi sereine que nous l'aurions souhaité, et il est vrai que de nombreuses questions restent ouvertes. Toutefois, contrairement à ce que certains peuvent penser, le Conseil d'Etat ne rejette pas du tout les conclusions de ce rapport, bien au contraire. Nous sommes conscients que sur un grand nombre de prestations - mais pas toutes -, nous sommes plus chers que les autres cantons et que nous ne sommes pas toujours en mesure d'expliquer de manière rationnelle les différences de coûts. Cependant, oui, il y a parfois des explications culturelles, des choix politiques ou tout simplement le poids des pratiques historiques qui font que nous n'avons peut-être pas toujours été suffisamment concernés par l'efficience des prestations. Il y a aussi des prestations supplémentaires que l'Etat de Genève fournit à sa population, et ces prestations supplémentaires, Mesdames et Messieurs, découlent des décisions prises par votre Grand Conseil. Parce que, vous le savez, le Conseil d'Etat n'a pas, en la matière, les compétences de prendre seul ces décisions. J'aimerais rappeler que le Grand Conseil genevois est l'un des législatifs qui jouit du plus grand nombre de compétences par rapport à l'ensemble des autres parlements: dans le canton de Vaud, vous ne verrez jamais un parlementaire déposer un projet de loi ! Quid d'un projet de loi que le Conseil d'Etat ne souhaiterait pas ? Eh bien, chez nous, Mesdames et Messieurs, cela se fait... (Commentaires.) ...et vous êtes aussi responsables que nous des résultats financiers du canton !
Une voix. Ben voyons ! (Commentaires.)
Mme Nathalie Fontanet. Quoi qu'il en soit, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat n'a pas l'intention... (Commentaires.) Le Conseil d'Etat n'a pas l'intention... (L'oratrice élève la voix.) ...de rester les bras croisés face aux constats du rapport BAK. (Brouhaha.) Il a d'ores et déjà entamé un certain nombre de travaux visant à améliorer l'efficience et l'efficacité de ses processus internes. D'autre part, comme vous le verrez en étudiant le projet de budget 2022 que nous allons vous présenter dans quelques jours, la maîtrise des charges reste un objectif essentiel du Conseil d'Etat.
Enfin, pour conclure mon intervention, j'aimerais remercier l'ensemble des collaborateurs de l'Etat qui ont participé à l'élaboration du rapport sur la gestion du Conseil d'Etat et des cinq tomes des états financiers. Je pense particulièrement à la direction générale des finances et à l'office du personnel de l'Etat, mais aussi à tous les services financiers des départements qui ont accompagné la commission des finances dans son travail d'examen. J'en profite pour remercier la commission des finances, en particulier son président, Eric Leyvraz, et son secrétaire scientifique, M. Audria, pour le très bon déroulement des travaux. Je rappelle par ailleurs que malgré mon énervement passager, j'ai toujours énormément de plaisir à me retrouver avec les députés et le président de la commission des finances. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous voilà rassurés ! Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12907 est adopté en premier débat par 48 oui contre 37 non et 3 abstentions.
Deuxième débat
Le président. A présent, Mesdames et Messieurs, nous passons au deuxième débat, c'est-à-dire l'examen du rapport de gestion. Je vais procéder à l'appel des politiques publiques en commençant par la lettre D. Le temps de parole global est de vingt minutes pour les rapporteurs et de trente minutes par groupe, chaque intervention étant limitée à cinq minutes. Le Conseil d'Etat répond aux questions à la fin de chaque politique publique; cela signifie que dès lors qu'il s'est exprimé, nous enchaînons avec la politique publique suivante. Aussi, je vous remercie d'appuyer à temps sur votre bouton pour demander la parole.
D - CULTURE, SPORT ET LOISIRS
Le président. Nous entamons les travaux avec la politique publique D «Culture, sport et loisirs», et je cède la parole à Mme Nicole Valiquer Grecuccio.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous constaterez, en ce qui concerne cette politique publique, que les commissaires se sont surtout attachés à examiner le volet sportif, notamment la nouvelle patinoire - le projet de loi vient d'être déposé et renvoyé à la commission des travaux - ainsi que l'avenir du pôle football suite à l'adoption, il y a quelques mois, du projet de construction d'un cycle d'orientation à Balexert. Je ne reviendrai pas sur le seul élément culturel mentionné, à savoir la Cité de la musique, qui nous rappelle la problématique que soulève un projet culturel d'ambition cantonale soumis au vote à une échelle locale.
Pour ma part, j'aimerais insister sur un aspect qui a été peu relevé, soit le montant des indemnités covid allouées en 2020. Comme l'indique l'Office fédéral de la statistique dans un document relatif à l'ensemble des cantons... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Voilà, poursuivez, Madame la députée.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...ce ne sont pas moins de 15 millions qui ont été versés en mars et octobre de l'année dernière. Notre parlement devra poursuivre son action en faveur du secteur culturel, car celui-ci a été le premier touché et sera très certainement le dernier à se relever. Ainsi que le montrent les statistiques fédérales, le nombre de travailleurs dans ce domaine a reculé de près de 5% en raison de la crise tandis que le taux de personnes au chômage a évidemment augmenté. Nous aurons beaucoup à faire pour soutenir la culture cette année et les suivantes, et nous comptons sur vous pour appuyer les lignes directrices de la politique culturelle qui ont été présentées aujourd'hui par le département de la cohésion sociale. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je précise en préambule que je m'exprimerai uniquement sur la politique culturelle. L'année 2020 restera gravée dans nos mémoires: la culture a été reléguée au second plan lors de la crise, chacune et chacun a ressenti le manque suite à une année entière sans théâtres, concerts, musées, librairies, cinémas, bibliothèques. Nous avons été plongés dans un désert culturel et social. Un vide qui a coûté très cher à nos artistes et à nos institutions culturelles, puisque aujourd'hui, pas moins de 43% des artistes envisageraient de changer de profession pour des raisons financières.
Il ne faut pas oublier, Mesdames les députées, Messieurs les députés, que tout un monde gravite autour de la culture; c'est donc un écosystème entier qui s'est presque effondré, se retrouvant non seulement sans travail, mais également avec peu d'aides financières. Alors que les artistes connaissent déjà des conditions précaires, notamment ceux actifs dans les arts plastiques et la musique, beaucoup moins protégés que les comédiens, par exemple, leur situation s'est fortement dégradée en 2020. L'office cantonal de la culture et du sport s'est retrouvé sous pression avec une charge considérable de travail, notamment en raison de l'attribution des RHT, et nous remercions à cet égard les collaboratrices et collaborateurs qui ont travaillé sans relâche durant cette période.
En revanche, nous regrettons que les aides aient tardé à arriver, qu'il ait fallu attendre juin 2021, soit un an et demi après l'apparition de la pandémie, pour que le Conseil d'Etat propose des mesures de soutien à hauteur de 20 millions en faveur du secteur culturel; nous déplorons qu'il n'y ait pas eu de réaction plus rapide et de mise en oeuvre d'une véritable politique publique. Alors que le canton de Zurich offrait un revenu de base à tous ses artistes quelques mois seulement après le début de la crise, à Genève, les artistes et travailleurs du milieu culturel ont été pris dans le piège d'une lourdeur administrative décourageante.
Dans sa réponse du 19 mai à la question écrite urgente 1533 intitulée «Une culture oubliée dans les aides de l'Etat ?», le gouvernement rapporte des chiffres effarants quant au taux de réponses positives du département suite aux requêtes du monde de la culture. J'aimerais vous les citer: 11% pour les entreprises sur 168 demandes, 0% pour les indépendants sur 45 demandes et 20,5% pour les projets de transformation sur 254 demandes. Le contexte sera difficile dans les années à venir, et il est impératif que l'Etat soutienne ce secteur de manière adéquate si nous ne voulons pas nous retrouver dans une société sans artistes.
Au-delà des défis engendrés par la crise sanitaire, laquelle nous a également plongés dans une crise économique, le chantier lié à la réorganisation de la politique culturelle souhaitée par l'initiative 167 «Pour une politique culturelle cohérente à Genève» reste en suspens; nous en attendons l'aboutissement depuis 2019 et nous espérons qu'une stratégie à la hauteur des ambitions de notre canton sera rapidement mise en place. Apparemment, cette politique a été exposée aujourd'hui, elle est encore en cours de présentation, et nous espérons vraiment qu'elle répondra à nos demandes.
La culture ne doit plus être reléguée au second plan; parce qu'elle constitue un élément essentiel dans la vie de nos concitoyennes et concitoyens, elle doit devenir le vecteur d'une véritable politique publique cantonale. Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts s'abstiendront sur la politique publique D «Culture, sport et loisirs» des comptes 2020. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je laisse maintenant la parole au doyen de l'assemblée, M. Christian Zaugg.
M. Christian Zaugg (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, concernant la politique publique D, le groupe Ensemble à Gauche tient à relever que le ministre n'a pas entièrement démérité. On l'a vu sur le terrain, il a pris quelques initiatives en matière de culture, de sport et de loisirs liées à la pandémie, notamment en faveur des intermittents. Dont acte.
Cependant, nous sommes loin, très loin de la mise en oeuvre de l'initiative 167 intitulée «Pour une politique culturelle cohérente à Genève», acceptée par plus de trois quarts des votants et qui énonçait: «Le canton et les communes élaborent et mettent en oeuvre une stratégie de cofinancement pour la création artistique et les institutions culturelles.» S'agissant des institutions culturelles, les propositions d'Ensemble à Gauche relatives au Grand Théâtre, à la Nouvelle Comédie et à la Bibliothèque de Genève, cosignées par nombre de députés, sont toujours gelées à la CACRI, et on ne peut pas dire que le magistrat chargé de la culture les ait ardemment soutenues lors de son audition en commission - c'est un euphémisme.
Pour sortir du marasme, le groupe Ensemble à Gauche suggère de commencer par la Bibliothèque de Genève, car cette institution sise aux Bastions travaille de concert avec l'université. J'ajoute que le bâtiment, qui héberge des activités patrimoniales de première importance, se trouve dans un état de délabrement avancé et que le coût de sa rénovation pourrait avoisiner les 80 millions, un investissement qui dépasse les capacités financières de la Ville de Genève. A cet égard - il est piquant de le relever -, le conseiller d'Etat a laissé entendre qu'il n'entrerait en matière sur le fond que si la Ville prenait en charge l'entier de la restauration. Une belle antinomie qui montre que la bonne volonté n'est pas encore au rendez-vous, hélas !
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vous me permettrez de faire quelques commentaires sur la politique publique D «Culture, sport et loisirs», plus spécifiquement sur le volet sportif, car comme je le dis souvent, Genève n'est pas le tiers-monde du sport, mais plutôt le quart-monde.
J'aimerais revenir sur le déménagement du pôle football de Balexert aux Evaux. Vous le savez sans doute, il y a une levée de boucliers considérable et un nombre fort important d'oppositions au sujet de cette opération, ce qui risque de freiner également la construction du cycle du Renard à Balexert, tout étant lié. Tôt ou tard, il faudra trouver un plan B, parce que le projet des Evaux est très, très mal embarqué.
En ce qui concerne la nouvelle patinoire, le crédit d'étude a été déposé par le Conseil d'Etat et renvoyé à la commission des travaux. Là encore, vis-à-vis de la ligue nationale, il va falloir agir rapidement afin que les délais fixés à 2028 soient tenus. Le groupe UDC, qui refusera le rapport de gestion, acceptera néanmoins la politique publique D. J'ai dit, Monsieur le président, merci.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Je voudrais réagir à la prise de parole de la députée Verte, qui revendique une politique culturelle ambitieuse. Il faut rappeler que le groupe des Verts - et des Vertes - a été le principal fossoyeur des projets d'envergure dans le domaine culturel en Ville de Genève. Le référendum contre le projet d'extension du Musée d'art et d'histoire a été gagné avec l'appui de ce parti, projet qui prévoyait un agrandissement et une rénovation de l'établissement car celui-ci, depuis six ans, tombe en ruine. Nous aurions pu obtenir une magnifique collection d'art d'après-guerre en prime, nous aurions pu renforcer notre collection d'antiquités, ce qui aurait fait du MAH l'un des musées les plus en vue d'Europe, mais le projet a été combattu par les Verts, puis refusé. Une décision très dommageable pour notre canton.
Je signale également que les Verts ont été les principaux opposants à la Cité de la musique, une opération qui aurait permis d'offrir un superbe écrin à l'Orchestre de la Suisse romande, à tous les amateurs de musique, mais aussi aux étudiants de la Haute école de musique qui ont besoin de nouveaux lieux, d'un nouveau campus, cela aurait été absolument génial pour Genève.
Dans une ville qui peine à attirer des visiteurs - les hôtels sont occupés à 99% par du tourisme d'affaires en lien avec l'ONU, avec nos entreprises -, si nous possédions des fleurons dans le domaine muséal et dans celui de la musique, nous attirerions certainement un public comme celui de Bâle ou de Zurich, les gens viendraient découvrir Genève, profiter de ses beautés et de sa culture. Malheureusement, en grande partie à cause des Verts, cela n'a pas pu se faire, et notre canton souffre d'un manque de touristes tout comme d'une absence de grands projets ambitieux dans le secteur culturel. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Vous transmettrez à M. de Senarclens, Monsieur le président, que si les Vertes et les Verts aspirent à une culture ambitieuse, ce n'est pas pour autant qu'ils acceptent n'importe quel projet, et celui de la Cité de la musique comme celui du MAH ne répondaient pas à nos critères environnementaux. Nous ne voulons pas une culture démesurée, nous voulons une culture à taille humaine, des projets qui favorisent les artistes locaux ainsi que la culture alternative; nous ne sommes pas opposés aux projets culturels, nous en soutenons certains, mais pas tous, nous réfléchissons avec notre tête. Je vous remercie de respecter cela. (Applaudissements.)
Le président. Madame la députée, merci de ne pas manipuler votre micro pendant vos interventions, cela nuit à la compréhension de vos propos. La parole revient à M. Souheil Sayegh.
M. Souheil Sayegh (PDC). Merci, Monsieur le président. Quelques mots pour dire que le PDC votera la politique publique D. Nous avons noté et saluons les efforts du département s'agissant de la culture et des RHT dans cette période ultradifficile et non anticipable qu'a été la crise covid en 2020. Nous avons tous souffert du manque d'activités culturelles, tant les acteurs que les spectateurs, et c'est pourquoi nous validons la vision que le département a essayé de concrétiser sur ce plan. Il faut savoir qu'il n'a pas agi seul, mais dépendait en partie de la Confédération. Forts de ces considérations, nous approuverons la politique culturelle.
En ce qui concerne le sport, le rapport met en évidence la patinoire du Trèfle-Blanc qu'on attend comme le messie... (Remarque. L'orateur rit.) Quant au football, on a récemment vu l'équipe suisse battre la France à l'Euro, et deux de ses joueurs sont issus de l'académie du Servette, ils portaient d'ailleurs le drapeau genevois. A cet égard, il convient de rappeler que Genève est aussi le berceau de grands athlètes, cela a été confirmé lors des derniers Jeux olympiques.
Le sport d'élite n'est pas le seul à avoir souffert pendant la pandémie, il y a aussi les usagers des installations sportives, les sportifs de tous les jours qui ont subi l'arrêt des activités, avec pour conséquence de nombreux problèmes médicaux liés à la sédentarité, à la prise de poids, au manque d'exercice. Qu'il soit précisé ici que le sport fait partie des besoins de première nécessité, le PDC ne manquera pas de le rappeler lors des prochaines vagues si elles devaient survenir. Pour toutes ces raisons, notre groupe acceptera la politique publique D. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Je serai très rapide, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je répète qu'on parle ici de la gestion 2020, et pas de l'avenir... Enfin, en théorie, car chacun évoque le futur en espérant qu'on en fera plus. Les aides dans le domaine culturel étaient nécessaires tout comme dans le milieu du sport, nous approuvons cette façon de voir les choses.
Cela étant, pour ce qui est de l'avenir, on attend le fameux message culture qui avait fait «plouf» très rapidement au début de la législature. Par ailleurs, je pense qu'il doit y avoir une nouvelle répartition des tâches entre le canton et les communes, car la Ville de Genève soutient la culture presque à elle toute seule, à coups de 300 millions par année.
En ce qui concerne le sport, le déménagement du pôle football doit évidemment se réaliser ainsi que la patinoire, et je me réjouis à cet égard de constater que le crédit d'étude pour la construction de celle-ci a été déposé aujourd'hui. Aussi, nous accepterons cette politique publique.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, merci tout d'abord pour l'accueil favorable que vous vous apprêtez à réserver à la politique publique D. Cela a été souligné, le temps passe vite en temps normal, il file encore plus rapidement en période de covid, et on a l'impression que nous sommes déjà en train de traiter 2021. Cela étant, les comptes 2020 montrent plusieurs choses.
En premier lieu, il y a l'importante mobilisation de l'office cantonal de la culture et du sport, toutefois pas pour attribuer les RHT, car celles-ci ne sont pas versées par le département de la cohésion sociale, mais par celui de l'économie et de l'emploi. En revanche, nous avons dû gérer d'autres aides extrêmement importantes, à savoir les indemnités pour perte d'activité ainsi que les projets de transformation dont la validation revient désormais à la Confédération.
Pour bénéficier d'un soutien fédéral, Mesdames les députées, Messieurs les députés, il faut remplir deux critères. D'une part, l'organisme doit être en mesure d'appliquer les principes de la Confédération. D'autre part, une égalité de traitement est nécessaire; cela signifie que l'ensemble des requêtes doivent être étudiées et préavisées par une commission pour nous permettre d'aller de l'avant d'un point de vue technique et sur le fond.
Des représentants de l'administration fédérale des finances sont venus à trois reprises au sein de l'office vérifier que le franc fédéral accordé était bien utilisé. Oui, c'est vrai, il y a eu du retard dans l'attribution des demandes d'indemnisation, principalement pour deux raisons. Premièrement, la mise en place de cette nouvelle organisation a pris plus de temps que prévu. Deuxièmement, pour remplir l'ensemble des critères, il faut bien entendu un dossier complet; or plus de 86 dossiers ont été renvoyés à l'expéditeur avant d'être réexaminés, car il manquait un certain nombre de pièces. Depuis, nous avons tiré des enseignements de la première vague et, partant, corrigé le dispositif afin qu'il soit efficace le plus rapidement possible pour les artistes. Ainsi, certaines avances ont enfin été acceptées par Berne.
Ensuite, l'exemple de Zurich a été évoqué. La mesure est intéressante, mais elle n'a pas été déployée en 2020: elle a été annoncée en 2020, puis refusée par l'Office fédéral de la culture. A quelques mois près, nous avons pris quasi la même orientation. Alors soutenir que le canton de Zurich a été proactif et pas Genève, c'est méconnaître la situation précise, ce qui affaiblit évidemment le propos.
Ce d'autant qu'à Genève, nous avons trouvé des solutions pour les artistes, notamment via la Fondation pour la promotion de lieux pour la culture émergente: un montant de 2 millions a été dégagé pour offrir un soutien rapide et efficace aux artistes. C'est l'organe genevois de répartition des bénéfices de la Loterie romande qui a doté la FPLCE, et une somme supplémentaire d'environ 1 million a été accordée entre fin 2020 et juin 2021; la décision de poursuivre la dotation de ce fonds a été rendue par l'organe de répartition.
J'aimerais encore souligner la capacité d'innovation déployée par le département en temps de crise. Certains des propos que j'ai entendus semblaient sous-entendre que nous nous bornions à assurer une simple administration culturelle; ce n'est pas du tout l'ambition du département et encore moins celle du Conseil d'Etat, et c'est pourquoi nous avons développé une série de propositions qui ont d'ailleurs toutes été votées par votre parlement. J'en profite à cet égard pour vous réitérer mes remerciements.
Le dernier élément à mentionner s'agissant du volet culturel, c'est le message culture, les lignes directrices de la politique culturelle cantonale, établies suite à l'adoption de l'initiative 167 par 83% de la population genevoise. Comme cela a été signalé, nous avons aujourd'hui présenté celles-ci devant les participantes et participants aux ateliers de concertation qui ont eu lieu en juin dernier afin qu'ils prennent connaissance des aspects retenus. Fin septembre ou début octobre, le Conseil d'Etat sera saisi d'une proposition de formulation de cette politique culturelle cantonale, puis déposera un projet de loi modifiant la loi sur la culture et celle sur la répartition des tâches entre les communes et le canton ainsi que son volet culture. Le but est de concrétiser quatre missions que le canton souhaite porter et que je présenterai au Conseil d'Etat prochainement.
S'agissant du domaine sportif, je formulerai deux remarques. Monsieur le député Ivanov, je sais votre amour débordant pour le sport, mais je regrette le qualificatif de «quart-monde» que vous avez employé; c'est particulièrement insultant pour les communes genevoises qui accomplissent un travail magnifique en faveur des clubs, de même que pour l'ensemble du tissu associatif. Aujourd'hui, le canton ne dispose pas de compétences à proprement parler dans ce secteur, mais notre soutien aux infrastructures sportives ainsi qu'aux faîtières est réel, il ne se limite pas au quart de nos possibilités, mais s'élève à bien plus, je tiens à le relever.
En ce qui concerne la patinoire, Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous avez, et je vous en remercie, renvoyé en commission notre projet de loi ouvrant un crédit d'étude en vue de la construction de cet ouvrage très attendu. Le texte, qui a été élaboré avec l'ensemble des partenaires concernés, est désormais entre les mains de la commission des travaux qui, je l'espère, lui réservera non seulement un accueil favorable, mais également un traitement rapide. En effet, dès le printemps prochain, après le vote d'une part de la commission, d'autre part de votre Grand Conseil sur ce crédit d'étude, nous serons prêts à lancer un concours en deux tours, ce qui nous permettra de faire un pas supplémentaire vers la réalisation de cette infrastructure. Encore une fois, merci de faire bon accueil à cette politique publique D.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la politique publique D «Culture, sport et loisirs» est adoptée par 49 oui contre 17 non et 10 abstentions.
E - ENVIRONNEMENT ET ÉNERGIE
Le président. J'appelle maintenant la politique publique E «Environnement et énergie» et je cède la parole à M. le député Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni. C'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. C'est une erreur ! La parole va donc à M. le député Thomas Wenger.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, c'est déjà une erreur que de ne pas parler d'environnement ! L'Etat, en 2020, a poursuivi son action en faveur de la transition écologique en travaillant sur un plan climat cantonal renforcé - plan climat présenté et adopté début 2021, avec deux objectifs: la diminution de 60% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 et la neutralité carbone en 2050.
Comment y arriver ? Par des économies d'énergie, par les énergies renouvelables, bien entendu par la réduction du CO2, mais surtout par une économie, l'emploi, la mobilité, la consommation, le numérique, la finance qui doivent être plus durables ! Dans tous les domaines de la vie, Mesdames et Messieurs, il nous faut plus de sobriété, et pour montrer l'exemple, je vais m'y astreindre avec ma prise de parole. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je serai forcément un peu moins élogieux. Je l'ai dit en introduction: une vraie politique de lutte contre les pandémies passe inévitablement par une rupture conséquente sur le plan des politiques écologiques. Cela implique de rompre fortement avec la croissance exponentielle du trafic aérien que nous connaissons aujourd'hui, avec ce système purement extractiviste dont Genève s'est fait un soutien acharné - y compris avec sa politique économique consistant à attirer le plus de grandes entreprises par une sous-enchère fiscale honteuse. Eh bien, sur tous ces sujets et évidemment sur celui, central, de la lutte contre le réchauffement climatique, force est de constater que l'Etat de Genève n'est globalement pas du tout à la hauteur des enjeux climatiques ni de la crise que nous traversons et qui exige des mesures fortes. Sans cela, la prochaine pandémie est déjà prévisible; ce n'est qu'une question de temps avant que nous y soyons confrontés.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs, le groupe Ensemble à Gauche refusera cette politique publique, comme d'ailleurs les précédentes. Je tiens du reste à dire que le groupe Ensemble à Gauche refusera toutes les politiques publiques, parce que c'est finalement aussi une question de cohérence: nous jugeons l'action du Conseil d'Etat dans son ensemble. Nous ne voulons pas entrer dans le petit calcul des autres partis, qui votent oui ou non en fonction de la tête du magistrat ou de la magistrate en charge du département.
Pour finir, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais dire que Genève a également pris un retard très important en matière de gestion de l'eau. Sur ce point, force est de constater que l'inactivité du Conseil d'Etat, depuis des années, devient véritablement problématique, d'autant plus à l'heure où c'est une ressource qui va manquer. Certes, à Genève et en Suisse, nous avons un peu plus de marge qu'ailleurs, mais nous ne pouvons continuer à nous adonner à des gaspillages d'eau potable comme nous le faisons aujourd'hui, et il est temps de changer de cap à ce sujet. C'est néanmoins la loi du marché qui encore une fois prédomine en matière de gestion de l'eau puisque l'on continue à utiliser les réseaux d'eau potable pour les champs mais aussi pour les chasses d'eau ou les douches, tout simplement parce que cela reviendrait trop cher - et ce n'est donc pas économiquement rentable - d'avoir un deuxième système d'acheminement parallèle. Mesdames et Messieurs, une politique environnementale conséquente demande de rompre avec une politique qui répond avant tout à la loi du profit pour prendre en compte avant tout les besoins de la planète et de la population, bien entendu. (Applaudissements.)
M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, après avoir déclaré l'urgence climatique en 2019, le Conseil d'Etat a maintenant déposé le second volet du plan climat cantonal. Les intentions sont là; reste à les mettre en oeuvre en direction de la sobriété heureuse, oui, mais en ne restant pas sobre dans les efforts.
Le projet de révision de la loi sur les déchets est enfin sorti et va être étudié en commission. Au niveau de l'agriculture, la loi sur la promotion a été révisée et nous l'avons votée lors de la session précédente. (Brouhaha.) Pour la politique de l'eau, l'inauguration de la plage des Eaux-Vives améliore nettement les accès à l'eau et cela va se poursuivre avec divers autres aménagements. (Brouhaha.) Pour nos rivières et pour le lac, la problématique... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député, un instant ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vous pouvez reprendre.
M. Philippe Poget. Merci. Pour nos rivières et pour le lac, la problématique de la qualité et de la quantité subsiste, et nous devons arriver à garantir ces aspects.
Au niveau de la nature, le plan d'action biodiversité est en vigueur, même si les mesures ne sont pas encore visibles et que les montants dépensés restent à un faible niveau. Il faut insister sur le fait que la pandémie a révélé d'autres aspects, avec l'augmentation notable de la pression du public sur les milieux naturels et dans l'espace rural. Si l'on peut se réjouir que la population découvre ou redécouvre ces espaces, la gestion de cet impact renforcé peut nous inquiéter et doit aussi trouver une réponse.
La gestion de l'année écoulée montre encore une fois des avancées intéressantes mais toujours insuffisantes, bien que l'on doive tenir compte de la crise sanitaire. Puisque tout le monde parle de l'étude BAK, je voudrais juste citer la conclusion de la note du département à son propos. La note, qui nous montre également les travers méthodologiques de l'étude, avec des groupes comparatifs biaisés, nous dit: «A l'heure de la nécessaire transition écologique, la question est d'abord politique. Avons-nous le sentiment d'en faire trop en matière environnementale ou au contraire pas assez ?» La réponse du groupe des Verts est clairement non ! Nous n'en faisons pas assez, et il faut rappeler que la politique publique E pèse toujours moins de 1% des charges du canton - dont près de 50% sont financés par des revenus.
Nous n'en faisons donc pas assez et nous n'investissons pas suffisamment dans cette transition, alors que tous les signaux d'alarme sont au rouge très foncé, comme nous le rappelle le rapport du GIEC qui vient de sortir. Nous allons toutefois accepter la gestion passée de cette politique avec l'exigence que le prochain budget tienne compte dans une tout autre mesure des enjeux liés à la transition écologique. (Brouhaha.) Je vous remercie. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Une rumeur croît dans cette salle ! Merci aux petites conversations dans les travées de s'exporter en dehors de la salle afin que nous puissions entendre les oratrices et les orateurs. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Cela vaut pour M. Pistis, M. Valentin, M. Morel, Mme Fiss, Mme Wenger et M. Zaugg. (Un instant s'écoule.) Ah, c'est mieux ainsi ! Madame de Chastonay, c'est à vous.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Au nom des Vertes et des Verts, je souhaiterais ajouter quelques commentaires sur la politique de gestion des eaux, soit le programme E03. Les Vertes et les Verts saluent entre autres la fin des travaux de la plage des Eaux-Vives et du nouveau Port-Noir qui améliorent nettement les accès à l'eau. Nous saluons aussi la finalisation du dernier des six schémas de protection, d'aménagement et de gestion des eaux, les SPAGE. En revanche, s'agissant de nos rivières et du lac, de gros problèmes subsistent et nous le déplorons.
Concernant le lac, la découverte de munitions dans ses fonds - une dépollution devrait en découler - tout comme l'urgence d'agir sur la question des microplastiques sont inquiétantes. La qualité de l'eau est au coeur de nos préoccupations et il y a encore du travail. Il en va de même pour nos rivières: l'enjeu de la qualité est aussi fondamental que l'enjeu de la quantité. Nous sommes en situation d'urgence climatique et la simple collaboration transfrontalière n'est plus suffisante. Il est temps de passer à l'action; c'est pourquoi nous saluons les efforts du Conseil d'Etat qui veut passer la deuxième vitesse en proposant un projet pilote pour travailler sur une gouvernance partagée. Certes, la gestion des eaux, à Genève, est complexe puisque de nombreuses rivières prennent leur source en France voisine. Nous, les Vertes et les Verts, souhaitons qu'il n'y ait plus de manque d'eau chronique dans l'Aire - la rivière, donc ! - ni de pollutions accidentelles, qui sont malheureusement récurrentes. Nous souhaitons que la qualité des eaux soit assurée, car elle permet une vie aquatique équilibrée. Nous voulons de véritables plans de gestion de l'eau, avec de véritables cahiers des charges franco-suisses.
Il faut désormais que la loi sur la biodiversité que nous avons votée en 2020 soit mise en application. Il faut désormais un engagement ferme de l'Etat - du Conseil d'Etat - afin de faire en sorte également que des rivières comme l'Aire ou encore l'Allondon restent vivantes, pour notre environnement mais aussi pour notre qualité de vie. Nous accepterons cette politique publique, mais nous souhaitons une mise en oeuvre plus poussée. Merci.
Mme Patricia Bidaux (PDC). L'environnement a été abordé de manière très développée, concrètement, cet après-midi. J'aimerais aborder maintenant un autre point sensible pour la survie de notre espèce; je pense ne surprendre personne si je traite un peu plus en détail la thématique de l'agriculture.
Cette année 2020 a vu la mise à jour de diverses stratégies, de plans et lois sur l'agriculture. La stratégie et le plan sur la biodiversité ont démontré la nécessité de développer une analyse fine des liens entre notre agriculture et la vie urbaine et des démarches allant dans leur sens. Je tiens ce soir à remercier toutes nos paysannes, tous nos paysans qui ont permis, durant la période où les frontières ont été fermées, de maintenir l'accès à l'alimentation locale - il convient de le souligner. Les biens alimentaires sont autrement plus que des productions agricoles. Ce sont des biens et, en tant que tels, ils ont une valeur inestimable ! Le maintien de la production de biens alimentaires, ici et maintenant, est une richesse pour notre canton; 359 familles paysannes se mobilisent pour produire le nécessaire afin de maintenir - pour une toute petite partie - la subsistance de nos concitoyens.
Cette année, la saison est ce qu'elle est - et elle est bien difficile. La pluie et les nuits froides ont demandé une présence constante dans les champs. L'engagement au travers de la loi sur la promotion de l'agriculture démontre le choix de ce parlement de maintenir une agriculture genevoise viable, durable et qui s'inscrit dans l'avenir. Pour toutes ces raisons, le PDC soutiendra la politique environnementale. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Juste quelques mots; je peux partager les propos tenus par Mme Bidaux et je ne vais donc pas les répéter. Ce qui m'inquiète, c'est qu'une fois que la pandémie a été un peu réduite, les citoyennes et les citoyens sont retournés à leurs vieilles habitudes de l'autre côté de la frontière, et cela ne m'enchante point du tout !
J'aimerais dire aussi, en ce qui concerne la politique de l'énergie, qu'une grande partie du travail est faite par les Services industriels de Genève. Ils font le travail de façon à justement aller dans le sens de cette transition écologique, notamment - du reste à la demande de l'exécutif, à travers le contrat de prestations - en se lançant très fort dans la géothermie. Je crois qu'on avance à grands pas, à pas raisonnables; nous aurons d'ailleurs peut-être l'occasion d'en discuter puisque deux projets de lois majeurs pour la géothermie, en faveur des Services industriels qui mettent en oeuvre la politique du Conseil d'Etat, sont à l'ordre du jour. Nous allons donc dans le bon sens et le MCG soutiendra cette politique publique. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à se prononcer sur la politique publique E.
Mise aux voix, la politique publique E «Environnement et énergie» est adoptée par 38 oui contre 8 non et 13 abstentions.
F - FORMATION
Le président. Nous passons à la politique publique F «Formation». La parole revient à Mme Sophie Desbiolles.
Mme Sophie Desbiolles (Ve). Je vous remercie. Chères et chers collègues, j'aurais aimé pouvoir me passer de mentionner la crise sanitaire dans cette intervention, mais rien n'y fait, ce sera pour une prochaine fois. L'école et les établissements de formation sont des lieux essentiels: lieux de socialisation, d'éducation, de partage, lieux privilégiés pour diminuer les inégalités sociales, car ils se caractérisent par une grande diversité. Malheureusement, la pandémie a renforcé les disparités, qu'elles soient dues à des situations familiales, sociales ou à un manque d'encadrement particulier. A cet égard, on ne peut que saluer les efforts déployés pour garder à tout prix l'école ouverte; par la suite, il s'agira d'oeuvrer afin que celle-ci reste diverse et adaptée aux besoins de chacune et de chacun.
Pour préparer mon discours, j'ai pris connaissance des documents utiles; c'est beau, ça parle de codes fonctionnels, tables de transcription, surcoûts, indices, efficience, taux de réussite, croissance, effectifs, résultats, valeurs cibles, bilan, conditions de financement, volume d'offre. Par contre, certains mots font cruellement défaut comme bonheur, épanouissement, plaisir, lieux de travail de qualité. Définitivement, je suis une idéaliste ! Mais ça a des avantages indéniables.
Quand il est question de chiffres, on comprend bien qu'un nombre croissant d'élèves n'entreront pas dans un nombre fini de bâtiments... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame la députée ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vous pouvez poursuivre.
Mme Sophie Desbiolles. Merci. Mais oui, mais oui, c'est de la physique ! Un peu comme une croissance infinie dans un monde fini - cela étant, pour éviter de perdre une partie de mon audience, je n'en dirai pas plus.
Quand il est question de chiffres, on peut aussi saisir une notion comme la carence en effectifs au sein du corps éducatif, qui est flagrante, récurrente depuis des années, par exemple à l'OMP - que le syndicat des enseignants accuse par ailleurs de dysfonctionnements -, et ce alors que la demande en enseignement spécialisé augmente. Les élèves à besoins spécifiques manquent terriblement d'accompagnement, ce qui met à mal l'école inclusive.
Les Vertes et les Verts accepteront cette politique publique, mais émettent une mise en garde: quand on ne considère l'humain que sous l'angle des statistiques, on n'est pas forcément en mesure d'observer d'autres réalités comme l'épuisement, la surcharge de travail, la santé mentale, le besoin d'encadrement et de suivi particulier pour certains enfants. La pandémie va laisser des traces et nous jouer des tours quelque temps encore, et les Vertes et les Verts espèrent que tous les moyens seront mis en oeuvre afin d'assurer une éducation et une formation adaptées à chacune et chacun dans notre canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Olivier Baud (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, comment juger si le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse - le DIP - a bien dépensé l'argent qu'il n'a pas reçu ? Question à dessein un peu absurde, mais qui illustre la situation. Ainsi que cela a été rappelé, aucun poste n'a été accordé au DIP en 2020. C'est la réalité, même si d'aucuns essaient de minimiser l'impact de cette iniquité. Alors bien sûr, on peut toujours se demander si, malgré ce défaut de moyens, l'enseignement auprès des élèves a été assuré au mieux; là, il faut reconnaître que le bât blesse, car l'exercice consistant à fournir les prestations de formation dues est réellement difficile.
Autant il est inadéquat de fustiger les postes administratifs et techniques - les PAT - quand il s'agit d'infirmières scolaires ou d'éducatrices en les opposant aux postes d'enseignement, autant relever le manque d'effectifs au front et de prestations directes aux élèves est pertinent - cruellement, dirais-je, car celles et ceux qui en font les frais, ce sont les jeunes. Genève entend mener une politique d'école la plus inclusive possible, mais c'est mission impossible tant que les conditions ne seront pas modifiées.
Il est souvent question de taux d'encadrement et de moyenne d'élèves par classe. Or ni l'un ni l'autre ne s'améliorent, et ce depuis des lustres. Pourquoi continuer à dénoncer cette stagnation ? C'est assez simple. D'une part, Genève détient les chiffres les plus mauvais de Suisse romande. A titre d'exemple, le canton de Neuchâtel affiche une moyenne de 18 élèves par classe pour le cycle 1, soit les 4 à 8 ans, et de 18,7 pour les 8 à 12 ans. Genève est à 20 élèves par classe depuis des années. D'autre part, si on veut maintenir les élèves à besoins éducatifs particuliers ou handicapés dans les classes de l'enseignement régulier, eh bien, tout le monde le comprendra, il faut réunir les conditions d'accueil nécessaires, notamment en diminuant le nombre d'élèves par classe. En effet, beaucoup de choses sont liées.
Ce n'est pas la première fois que je le dis, Genève est le canton suisse qui a le pourcentage le plus élevé de classes très hétérogènes: plus de 70%, soit le double de la moyenne nationale. Comment, dans ce contexte, avec des classes pleines, des locaux insuffisants, un saupoudrage contraint des postes de soutien pédagogique, peut-on continuer à charger la barque inconsidérément ?
Le DIP, s'il n'obtient pas tous les postes d'enseignement dont il a besoin, doit faire des choix et mettre réellement en vigueur sa promesse de privilégier les forces au front des classes en réduisant notamment la bureaucratie, en taillant - pourquoi pas ? - dans une organisation administrative qui enfle et génère des tâches inutiles pour justifier son existence. Il est urgent de s'occuper des élèves, d'améliorer leurs conditions de formation en mettant davantage de postes sur le terrain; jusqu'à présent, nous n'avons encore rien vu. Par conséquent, Ensemble à Gauche refusera la politique publique F.
M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs, le parti socialiste salue les efforts du département de l'instruction publique dans un contexte social et économique difficile. En ce qui concerne l'apprentissage, la politique menée par le canton a été renforcée, de nouveaux objectifs ont été fixés. L'Etat, vous le savez, investit beaucoup d'argent dans la formation professionnelle, mais du fait du nombre réduit de personnes qui rejoignent la filière duale, il est impossible d'effectuer des économies d'échelle. L'objectif de Genève est de créer au moins 14 000 places d'apprentissage pour rattraper la moyenne suisse. Le dispositif GO-Apprentissage doit être évalué. En moyenne, le nombre de jeunes qui choisissent la voie duale à la sortie du cycle d'orientation a été doublé. Une analyse du SRED est attendue sur le sujet, mais globalement, pour pouvoir booster cette filière, il faudrait vraiment améliorer la concertation et la coordination avec les milieux professionnels.
Par rapport aux effectifs dans l'ES II, comme l'a rappelé mon collègue Baud, aucun poste n'a été accordé au DIP en 2019 et 2020, ce qui a rendu sa tâche particulièrement compliquée. Le département a dû économiser 28 postes au cycle d'orientation alors qu'il en aurait vraiment besoin maintenant pour réaliser son ambitieuse réforme CO22, une réforme qui vise à réduire les inégalités sociales et scolaires. Là encore, l'ensemble du collège gouvernemental devrait se montrer solidaire.
L'objectif du DIP est d'éviter à tout prix les hospitalisations sociales. Dans ce but, il devrait poursuivre son programme de soutien à la parentalité, sa politique d'assistance éducative en milieu ouvert et engager des moyens supplémentaires au niveau de l'école spécialisée; malheureusement, il n'a pas pu développer toutes les mesures prévues. Il faut éviter la ségrégation et permettre au plus grand nombre d'élèves en situation de handicap d'être pris en charge dans le cadre de l'enseignement régulier. A noter que les écoles n'ont pas fermé pendant le covid - c'était la volonté du Conseil d'Etat - et que dans l'ensemble des cursus, le taux de réussite est comparable à celui de 2019, y compris pour les certifications.
Enfin, certaines nouveautés qui vont être introduites sont réjouissantes, comme les trois périodes d'éducation physique en onzième année, le développement de matériel spécifique pour l'enseignement du fait religieux à l'école, le renforcement de l'informatique au collège et le certificat de pédagogie délivré à l'ECG. Une fois encore, nous saluons le travail mené par le département dans un contexte économiquement tendu et espérons qu'il disposera de plus de moyens à l'avenir. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, quelques mots sur une année 2020 que nous souhaiterions tous voir loin, très loin. Une année dramatique, mais qui a démontré que labouré et semé dans l'urgence, le champ de ce qui semblait impossible est devenu un champ des possibles: fermer les écoles - dans le sens large du terme - pendant plusieurs semaines, mais tout mettre en oeuvre pour assurer la transmission du savoir par des moyens novateurs d'enseignement; fermer les écoles, mais tout faire pour maintenir la cohésion des classes.
Ce champ met également en évidence des lacunes: la fracture numérique, l'isolement social pour nombre de jeunes, c'est une réalité. Les lieux d'enseignement ont été rouverts, mais les conditions ne sont pas celles d'avant, et cela ne sera probablement pas le cas pendant quelques mois encore; voilà une autre vérité que nous devons regarder bien en face. Les directions ont porté et mené à bien les défis structurels, le corps enseignant s'est en majeure partie mobilisé, semant ce champ des possibles, faisant preuve de créativité, d'agilité et d'engagement; à celui-ci, le PDC adresse ses remerciements. Nous accepterons cette politique publique. Je vous remercie.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'émettrai quelques remarques par rapport à des propos que vous avez tenus soit au cours de la présente discussion, soit lors du débat d'entrée en matière. Le député Baud a parfaitement résumé la problématique qui a été celle du département en 2020: comment dépenser l'argent dont on ne dispose pas ? Comment faire face à une hausse du nombre d'élèves attendue, prévue dans le budget déposé par le Conseil d'Etat, mais en réponse à laquelle nous n'avons obtenu aucun poste supplémentaire pour la rentrée 2020 ?
Eh bien nous avons fait exactement ce que le député Zweifel appelle de ses voeux, à savoir réallouer. Le problème, Monsieur Zweifel, c'est qu'on ne peut pas biaiser les chiffres après coup. De quelle façon avons-nous procédé ? Je l'ai signalé, il a fallu gérer une augmentation importante - et planifiée - du nombre d'élèves à l'école primaire et surtout dans l'enseignement spécialisé. Comme vous le savez très bien, Monsieur le député, dans l'enseignement spécialisé, il y a des enseignants, bien évidemment, mais il y a également des éducateurs, des logopédistes, etc.
Qu'avons-nous fait pour assurer la rentrée, pour éviter que des enfants et des enseignants se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles ? Nous avons réalisé des économies sur des postes d'enseignants au secondaire II ainsi qu'au cycle d'orientation, des postes qui ont tous été réalloués, mais parmi eux, il y avait forcément des éducateurs. Alors venir nous faire la leçon aujourd'hui en citant l'exemple du DIP, en soutenant qu'il y aurait de la bureaucratie, que des fonctions administratives inutiles seraient ajoutées, c'est tout simplement scandaleux quand on sait que vous faites partie de ceux qui ont refusé d'octroyer des moyens supplémentaires au budget 2020 ! (Applaudissements.)
Permettez-moi un autre commentaire, Mesdames et Messieurs les députés. Il a été fait allusion, notamment par M. Cerutti, au rapport du BAK, ce fameux document qui compare les cantons. Je suis persuadée qu'un certain nombre d'entre vous se réjouissaient d'en découvrir les résultats, s'attendant à ce qu'ils montrent un DIP ultradépensier, le plus cher de Suisse, comptant enfin obtenir des arguments pour justifier les coupes.
Manque de pot, Mesdames et Messieurs les députés, l'enseignement obligatoire genevois, c'est-à-dire le primaire et le cycle d'orientation, se place exactement dans la moyenne suisse. Nous avons un indice de 100 alors que le rapport du BAK, compte tenu de la richesse du canton, du niveau des salaires, en accepterait un de 130, nous autoriserait donc à être 30% plus coûteux qu'ailleurs. Eh bien non, nous ne pouvons pas effectuer d'économies dans l'enseignement obligatoire.
En ce qui concerne l'enseignement secondaire II, l'indice se situe à 116; c'est certes un peu plus élevé que la moyenne helvétique, mais toujours en dessous des limites définies par le BAK. Je rappelle à ce propos, puisqu'il a beaucoup été question de l'apprentissage, que ledit rapport a comparé Genève avec un certain nombre d'autres cantons. Dans ceux-ci, 90% des apprentis en moyenne évoluent dans des filières duales, seuls 10% sont à plein temps. Si les employeurs genevois pouvaient garantir suffisamment de places d'apprentissage, si ne serait-ce que 10% des jeunes suivaient le cursus plein temps, le département et, partant, les contribuables économiseraient 36,5 millions de francs par année ! Voilà ce que l'étude du BAK nous apprend. Non, le DIP n'est pas particulièrement dispendieux, et je ne peux à cet égard que revenir sur les propos du député Baud quant à la moyenne d'élèves par classe: à l'école primaire genevoise, elle est supérieure à celles prévalant dans le reste de la Suisse.
Dans l'enseignement spécialisé, nous faisons actuellement face - j'ai déjà eu l'occasion d'en parler au Conseil d'Etat ainsi qu'à la commission des finances - à un problème qui dépasse d'ailleurs les frontières cantonales - on l'observe dans d'autres cantons, dans d'autres pays -, à savoir une explosion des troubles du comportement, de l'autisme, des difficultés liées au langage, une explosion des troubles chez les petits qui implique des moyens supplémentaires.
Ces moyens, nous les mettons, mais il faut être honnête: on a toujours l'impression de courir après le train, parce que depuis deux ou trois ans, les chiffres croissent au-delà de tout ce qu'il était possible d'anticiper. Toutefois, il est faux de prétendre que l'enseignement spécialisé n'a pas bénéficié de ressources; comme je vous l'ai indiqué plus tôt, celui-ci s'est maintenu en 2020 grâce aux économies réalisées ailleurs. A la rentrée 2021, celle qui vient d'avoir lieu, 56 postes étaient destinés à l'enseignement spécialisé, dont une dizaine sur le terrain en primaire pour soutenir les enseignants et les élèves dans leur apprentissage.
Il est important de souligner que les fonds octroyés à l'enseignement spécialisé servent en partie à aider les élèves sur le terrain, et on ne peut pas prétendre - sur ce point, Monsieur Baud, je ne vous rejoins pas - qu'il règne une bureaucratie inutile au sein du département. Heureusement que je peux m'appuyer sur des personnes compétentes qui s'engagent pour garantir des rentrées scolaires de qualité ! Naturellement, Mesdames et Messieurs, il ne tient qu'à vous de nous attribuer plus de ressources si vous le souhaitez. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, je mets aux voix la politique publique F «Formation».
Mise aux voix, la politique publique F «Formation» est adoptée par 40 oui contre 34 non et 9 abstentions.