Séance du
vendredi 2 juillet 2021 à
16h05
2e
législature -
4e
année -
2e
session -
14e
séance
PL 12990
Premier débat
Le président. Nous reprenons le programme des urgences avec le PL 12990, classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz pour la présentation de cet objet.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vous remercie d'avoir accueilli favorablement cette demande d'urgence. Le PL 12990 nécessite effectivement une réponse rapide de votre part, qui nous permettra de concrétiser l'ordonnance fédérale s'agissant des indemnités pour le secteur culturel dans notre canton. Ce secteur est particulièrement meurtri par les différents arrêts et, même si aujourd'hui nous constatons de la part du Conseil fédéral des propositions visant à alléger ou augmenter la jauge, il n'en demeure pas moins que la reprise est difficile pour un certain nombre d'artistes et que les entreprises culturelles sont très fragilisées par ce qu'elles ont vécu depuis un an et demi. Cela dit, l'ordonnance 1 du Conseil fédéral - qui a été mise en oeuvre ensuite par le vote favorable de votre Conseil de la loi sur l'atténuation des conséquences économiques du coronavirus dans le secteur de la culture - a permis, durant l'année 2020, de combler les pertes grâce à des indemnités versées aux entreprises culturelles.
Avec le présent projet de loi, le Conseil d'Etat a l'honneur de vous présenter un dispositif légal comprenant trois volets. A travers le premier, il s'agit là encore de combler par des indemnités les pertes liées à la pandémie et à la reprise qui se trouve être plus lente que prévu. Le Conseil fédéral, via son ordonnance 2, a prévu une fois encore une aide de la Confédération, selon le même principe adopté durant l'année 2020, c'est-à-dire qu'un franc investi par le canton de Genève est égal à un franc investi par la Confédération.
La nouveauté de ce projet de loi réside dans les deux points suivants: tout d'abord, le Conseil fédéral, via son ordonnance 2, a permis d'accompagner les entreprises culturelles avec des projets de transformation. En quoi consistent ces projets de transformation ? Au fond, l'idée est d'arriver à faire en sorte que les entreprises culturelles de notre canton puissent s'adapter aux circonstances actuelles et développer de nouvelles stratégies. En gros, il s'agit pour Genève d'avoir un laboratoire avec des possibilités d'accompagner celles et ceux qui s'investissent dans ce domaine, pour leur permettre de continuer à travailler dans un secteur dans lequel nous avons largement investi - je pense à la formation, mais aussi à l'ensemble des processus budgétaires proposés.
Enfin, la troisième volonté, le troisième but de ce projet de loi se concrétise par des mesures de soutien à la relance culturelle à laquelle nous avons souhaité contribuer au cours de cette année 2021. Ainsi, le PL 12990 vous permettra d'une part de prendre la mesure de l'engagement très fort de notre canton à l'égard du secteur culturel et d'autre part d'éviter des ruptures massives de l'activité culturelle. Je le précise, parce que le dernier sondage des milieux intéressés montrait que 43% des artistes étaient prêts à renoncer à leur activité, alors même qu'ils ont bénéficié d'une formation adéquate et qu'ils ont reçu un soutien de la part de la Confédération et du canton. Il s'agit là encore de préserver la substance culturelle de notre canton et, partant, de soutenir ce secteur.
Le dispositif prévoit in fine une aide pour le secteur administratif, chargé de délivrer les prestations tant aux entreprises qu'aux actrices et acteurs culturels. Ce dispositif est aussi financé par la Confédération, à hauteur de 3%, ce que nous avons obtenu de haute lutte, étant donné que le Conseil fédéral n'avait pas prévu de soutien aux cantons pour la délivrance des prestations.
Ce projet de loi, Mesdames les députées, Messieurs les députés - et je terminerai là, Monsieur le président -, est important: il nous permettra de verser les indemnités aux personnes concernées ainsi qu'aux institutions culturelles. Je vous remercie d'ores et déjà de votre accueil favorable à celui-ci, ainsi qu'à la clause d'urgence qu'il prévoit. Merci beaucoup.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, ce projet de loi traitant des aides financières à la culture est tellement bienvenu, mais terriblement tardif ! Il s'applique en effet à la période allant du 26 septembre 2020 au 31 décembre 2021, soit une période de quinze mois, qui a débuté il y a plus de neuf mois déjà. La réponse du Conseil d'Etat du 19 mai à la question écrite urgente 1533, qui l'interrogeait sous le titre «Une culture oubliée dans les aides de l'Etat ?», donne des chiffres effarants sur le taux de réponses positives du département aux demandes du monde de la culture: 11% pour les entreprises sur 168 demandes, 0% pour les indépendants sur 45 demandes et, enfin, 20,5% pour les projets de transformation sur 254 demandes.
Alors même que la situation du monde de la culture est dramatique, il faut être conscient que l'impact de cette crise sur la culture sera réellement palpable dans quelques années seulement. Il est donc grand temps de se réveiller avant qu'un trop grand nombre d'acteurs culturels n'ait abandonné la profession, par dépit ou par obligation. Ils et elles ne pourront alors plus nourrir et questionner nos esprits.
Malgré la très forte mobilisation des milieux culturels, notamment à travers le mouvement «No culture, no future», la précarité s'y renforce au quotidien. C'est aussi tout un écosystème composé de nombreux métiers qui est menacé ou en cours d'effondrement. Pour faire face aux situations d'urgence financière, auxquelles sont confrontés depuis plus d'une année nombre d'entreprises, d'actrices et d'acteurs culturels, il est particulièrement surprenant que le département propose des avances limitées à 40% de l'indemnisation demandée, celle-là même qui est limitée à 80% des pertes financières. Cela signifie qu'une avance d'urgence, aujourd'hui, sera seulement de 32%. Mais qui peut vivre avec 32% de son revenu - sous réserve qu'il soit versé en temps et en heure -, d'autant plus s'agissant de métiers qui offrent des revenus souvent précaires ?
Nous invitons le département à répondre pleinement et rapidement aux nombreuses demandes en attente, voire en souffrance, pour enfin soutenir plus sérieusement le monde de la culture, qui se trouve dans un profond désarroi financier. Les Verts voteront ce projet de loi, mais regrettent très fortement le caractère tardif et la lenteur du soutien au monde de la culture. Je vous remercie.
M. Nicolas Clémence (S), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, la crise sanitaire que nous connaissons depuis mars 2020 a eu et continue d'avoir un impact majeur sur la culture et ses acteurs. Bien que la situation semble s'améliorer ces dernières semaines, rien encore ne permet d'affirmer que cette crise, qui s'inscrit dans la durée depuis seize mois, est derrière nous. Certaines entreprises culturelles, en particulier dans l'événementiel, subissent encore des restrictions et doivent mettre en place des mesures coûteuses pour poursuivre ou reprendre certaines de leurs activités et tenter de survivre.
Le projet de loi qui nous est soumis ce soir par le Conseil d'Etat vise à prolonger jusqu'à la fin de l'année 2021 des aides adoptées déjà en 2020 par ce Grand Conseil, et ce en application de l'ordonnance fédérale covid culture 2. La crise a contraint les acteurs culturels à réduire leurs activités et même à les cesser totalement pendant plus d'une année, et cela perdurera malgré la reprise progressive qui se dessine. En effet, les productions qui pourront être reprogrammées le seront sur une période prolongée, avec souvent des effets d'embouteillage; certaines ne pourront même jamais avoir lieu. Certains investissements réalisés ont été purement et simplement perdus ou rendus inutiles par ces fermetures ou ces reports.
Ce projet de loi est donc une participation cantonale importante à une aide décidée par la Confédération, qui y contribue pour moitié. La part cantonale sera, de plus, couverte conjointement et solidairement par la Loterie romande, l'Association des communes genevoises et la Ville de Genève. Il s'agira dès lors par ce dispositif conjoint d'apporter un soutien crucial aux entreprises et institutions culturelles, aux associations, mais aussi aux indépendants et aux intermittents, car ces derniers passent souvent entre les mailles du filet et connaissent ainsi un statut précaire.
Ce projet de loi offre un accompagnement à la reprise culturelle, avec des aides complémentaires sous forme de bourses, des aides aux projets de transformation, qui permettent de s'adapter à la crise sanitaire, notamment avec la mise en place de mesures visant à conserver son public, voire à l'élargir, ou encore des aides ponctuelles à l'innovation, avec de nouveaux lieux et de nouvelles formes culturelles. Le parti socialiste soutiendra ce texte et vous invite à faire de même. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Ce projet de loi propose des aides financières aux entreprises culturelles ainsi qu'aux actrices et acteurs culturels. Il s'agit plus précisément d'accorder des indemnisations pour couvrir jusqu'à 80% des pertes financières, mais aussi des contributions à des projets de transformation. De plus, il est question d'aides complémentaires cantonales, telles que des bourses, des aides exceptionnelles et des aides ponctuelles. Qu'entend le Conseil d'Etat par aides exceptionnelles et complémentaires ? Personne ne le sait ! C'est flou et confus !
Les montants des sommes allouées pour ces financements sont également peu explicites. Par exemple, le crédit demandé pour la période de septembre à décembre 2020 se monterait à environ 3,8 millions de francs et celui pour la période de janvier à décembre 2021 à environ 11,2 millions. Il y aurait de plus des financements complémentaires pour 2021 de l'ordre de 15,7 millions et des financements supplémentaires d'à peu près 4,95 millions, sans compter un crédit de 1,3 million pour des frais administratifs. Par ailleurs, le projet de loi prévoit à l'article 7, alinéa 6, que la Ville de Genève, l'Association des communes genevoises et l'organe genevois de répartition des bénéfices de la Loterie romande y participent également. Mais aucune idée pour quel montant ! Les modalités pour ces collaborations seront définies par une convention, qui viendra ultérieurement.
Pour le groupe UDC, le PL 12990 doit absolument être renvoyé à la commission de l'économie pour y être étudié et analysé. Si cette demande devait être rejetée, le groupe UDC refuserait alors ce projet de loi. Merci de votre attention.
Le président. Merci. Il est pris note de votre demande, qui sera traitée à la fin des débats. Je cède maintenant la parole à M. le député Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Effectivement, le secteur culturel est l'un des secteurs les plus touchés par la crise, puisque la plupart de ses activités ont été rendues impossibles, et ce depuis le début de la crise du covid. C'est aussi malheureusement, bien souvent, l'un des secteurs les plus oubliés des autorités en ce qui concerne les aides essentielles aux entreprises ainsi qu'aux acteurs et aux actrices culturels. Cette difficulté provient notamment du fait qu'il s'agit d'un domaine qui connaît une grande précarité, y compris dans son fonctionnement normal, et donc des difficultés à faire des calculs quant aux indemnisations pour pertes de revenus, s'agissant de personnes qui bien souvent n'ont pas des revenus tout à fait réguliers.
A ce titre, Ensemble à Gauche votera naturellement le projet de loi du Conseil d'Etat, mais nous regrettons, comme d'autres avant, qu'il arrive aussi tard. Malheureusement, il servira à peine à combler les manques les plus criants qui se font sentir depuis de nombreux mois dans ce secteur.
Par ailleurs, notre groupe a tout de même déposé un amendement pour demander aux entreprises culturelles de respecter les usages professionnels dans leur secteur d'activité, comme nous l'avions fait pour les aides aux entreprises, afin de s'assurer que l'argent public ne soit pas dépensé sans aucune condition - ne serait-ce que les conditions minimales pour les salariés.
M. Jacques Blondin (PDC). Vous pouvez lire dans l'exposé des motifs qui accompagne ce projet de loi qu'un sondage effectué auprès des milieux culturels romands révèle que 43% des actrices et acteurs culturels romands craignent de devoir mettre un terme à leur activité pour des raisons financières. Ce chiffre parle de lui-même. Il est vrai que la culture a été largement oubliée dans cette pandémie dramatique qui a touché tous les milieux; les causes sont multiples, je ne vais pas m'y attarder, mais mieux vaut tard que jamais, dirais-je. Il est évident qu'il est indispensable maintenant d'intervenir pour aider tous ces secteurs culturels à tous les degrés qui ont été présentés par le conseiller d'Etat.
Bien sûr, nous nous opposerons au renvoi en commission, parce que l'urgence prime - il est déjà tard. Alors, pour éviter qu'il ne soit trop tard, nous vous invitons à soutenir ce projet et à voter massivement en faveur de la culture qui, ne l'oublions pas, fait la qualité de notre vie et de notre ville. Merci.
M. Jacques Béné (PLR). Le PLR va également voter ce texte. On aurait effectivement apprécié qu'il soit présenté au préalable à la commission de l'économie, comme cela a été fait pour le projet de loi sur les RHT qu'on a traité hier. Il aurait été assez bienvenu de la part du Conseil d'Etat de venir le présenter; malheureusement, cela n'a pas été le cas. Cela dit, je ne pense pas qu'un renvoi en commission soit justifié: les explications contenues dans l'exposé des motifs et le fait qu'il y ait une référence aux lois-cadres fédérales sont plutôt rassurants; ce n'est donc pas un dispositif totalement inconnu qu'on met en place. Il est vrai aussi que les milieux culturels n'ont pas bénéficié de toutes les aides qu'on aurait peut-être dû leur verser. On ne va pas dire qu'ils sont les parents pauvres de cette crise covid, même s'ils l'ont effectivement subie très gravement - mais comme d'autres également.
Nous allons donc accepter ce projet de loi, mais refuser les amendements qui seront proposés par Ensemble à Gauche. Nous espérons que ce soutien permettra effectivement aux milieux concernés de mieux vivre la fin de cette crise, même si on peut aussi confirmer qu'il est un peu tard pour déposer ce type de projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à M. André Pfeffer pour quarante-cinq secondes.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais rappeler la demande de renvoi à la commission de l'économie que j'ai formulée tout à l'heure. Ce projet est mal étudié, peu clair, et il propose un arrosage général. Il faudrait au minimum examiner l'utilité et la pertinence de ce texte, ainsi que la façon de l'appliquer. Je maintiens donc ma demande de renvoi en commission, pour que cet objet soit étudié et analysé, ce qui n'a pas été fait. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus sollicitée, je mets aux voix cette demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12990 à la commission de l'économie est rejeté par 66 non contre 19 oui.
Le président. Nous allons donc maintenant nous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12990 est adopté en premier débat par 82 oui contre 5 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 3.
Le président. A l'article 4, nous sommes saisis d'un amendement déposé par Ensemble à Gauche. Il s'agit d'ajouter une cinquième condition pour le versement de l'aide financière, à savoir: «- l'entreprise bénéficiaire respecte les conditions de travail en usage et s'engage à respecter les usages professionnels du secteur d'activité.» Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 44 non contre 32 oui et 10 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 4 est adopté, de même que les art. 5 à 9.
Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 10 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 10 est adopté par 85 oui contre 8 non (majorité des deux tiers atteinte).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12990 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 83 oui contre 5 non et 2 abstentions.