Séance du
vendredi 2 juillet 2021 à
14h
2e
législature -
4e
année -
2e
session -
13e
séance
M 2714-A
Débat
Le président. Nous enchaînons avec la M 2714-A. Je cède la parole à M. le député Cyril Mizrahi.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pour rappel, le packing est cette pratique controversée qui consiste à emballer des personnes dans des draps froids et humides. Le comité des droits de l'enfant de l'ONU a fait des remarques et des recommandations d'interdiction de cette pratique. Elle avait fait l'objet de travaux très conséquents, d'abord à la commission des droits de la personne, puis à la commission de la santé, ce qui a abouti à cette motion, qui demandait l'interdiction du packing dans le canton de Genève.
Le rapport du Conseil d'Etat va dans la bonne direction, en relevant qu'il ne s'agit effectivement pas d'une bonne pratique et qu'il convient de l'interdire, mais il indique qu'il ne faut pas inscrire cela dans la loi sur la santé. C'est quelque chose que nous pouvons entendre. En revanche, deux éléments sont assez gênants dans le rapport sur cette motion: premièrement, il nous dit qu'il s'agit d'une pratique qui était utilisée en gros avec les enfants autistes. En réalité, elle a été utilisée beaucoup plus largement, aussi sur des personnes avec des paralysies cérébrales ainsi que des handicaps mentaux.
Le deuxième problème, c'est que le rapport nous dit que c'est finalement une question de pratique médicale. Mais ce n'est pas une pratique médicale, Mesdames et Messieurs ! C'est une pratique controversée, qui était effectuée au sein non pas d'établissements médicaux, mais d'institutions pour personnes handicapées. Cela ne relève donc pas uniquement du département de la santé, c'est pour cela que la réponse est insuffisante ! Il faut une information destinée non seulement aux professionnels de la santé, mais aussi aux institutions qui accueillent des personnes handicapées, qu'elles soient sous la surveillance du DCS ou du DIP ! Il doit y avoir une directive claire et interdépartementale au minimum, voire un règlement qui proscrit explicitement cette pratique, et cela doit être communiqué clairement à toutes les institutions qui accueillent ou prennent en charge des personnes handicapées. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
C'est pour cette raison, Mesdames et Messieurs, que le groupe socialiste vous demande le renvoi de ce rapport soit à la commission de la santé, pour que cette question soit rediscutée, soit au Conseil d'Etat, pour que celui-ci revienne avec une réponse qui soit complète sur la question de l'information. Je fais donc formellement ces deux propositions.
Le président. Vous demandez le renvoi à la commission de la santé avant celui au Conseil d'Etat ?
M. Cyril Mizrahi. Eh bien, je crois qu'on ne peut pas faire dans l'autre sens, Monsieur le président ! Moi je suis ouvert...
Le président. Très bien, merci, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. ...cela dépend aussi des réactions des autres groupes. Mais il me semble qu'on doit voter le renvoi en commission de la...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député. Il est pris note de ces demandes, je vous remercie. Madame la députée Marjorie de Chastonay, c'est à vous.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je ne vais pas répéter ce qui a été dit par mon préopinant. J'aimerais juste rappeler qu'il a fallu six années de travaux parlementaires pour aboutir à cette motion consensuelle issue des travaux de la commission de la santé, qui invitait le Conseil d'Etat à interdire la pratique du packing dans le canton de Genève.
Les Vertes et les Verts trouvent en effet la réponse du Conseil d'Etat insatisfaisante, puisqu'elle se concentre uniquement sur les établissements médicaux. Or il faut savoir que ces pratiques controversées - pour rappel, le packing consiste à emballer le patient dans un drap humide et froid - étaient surtout appliquées... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Mme Marjorie de Chastonay. ...dans des établissements pour personnes en situation de handicap et spécifiquement pour des jeunes TSA - donc souffrant du trouble du spectre autistique. En tout cas pour nous, les Vertes et les Verts, il est important que l'information soit officielle, correctement transmise et qu'elle le soit sous la forme d'une directive interdépartementale - puisque cela concerne non seulement le département de la santé, mais aussi le département de l'instruction publique et d'autres -, afin que les personnes qui s'occupent de ces jeunes, ou de ces moins jeunes, mais de ces personnes en situation de handicap, ne pratiquent plus jamais ce packing, largement interdit, en tout cas par les instances onusiennes; il est important aussi que ce soit clairement établi par une directive interdépartementale, afin que les associations qui se sont mobilisées depuis 2014 n'aient plus besoin d'effectuer tout le travail d'alerte concernant ces pratiques controversées, disons, et considérées par beaucoup comme de la maltraitance. Nous soutenons donc le renvoi à la commission de la santé, de sorte à ajouter justement cette mention, qui est fondamentale. Si le renvoi en commission n'est pas adopté, nous soutiendrons évidemment le renvoi au Conseil d'Etat pour qu'il améliore sa réponse. Merci.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je pense qu'il ne sert à rien de renvoyer ce rapport à la commission de la santé: le travail y a été fait longuement, ainsi que dans d'autres commissions. Il vaut la peine de le renvoyer au Conseil d'Etat, puisque les remarques que nous avons faites figurent dans le Mémorial et que le Conseil d'Etat pourra s'y référer. Ma remarque, c'est que depuis longtemps, il existe une espèce de trou noir concernant les établissements pour personnes en situation de handicap. On ne sait pas qui sont les gens qui surveillent ceux-ci; on a fait déjà plusieurs observations sur leur surveillance. Il y a aussi eu des problèmes quant aux traitements qui étaient donnés: qui les donnait ? Qui les surveillait ? A nouveau, avec le packing, on oublie qu'il y a ces établissements; on ne parle que des établissements médicaux et des hôpitaux, etc., et on oublie complètement les institutions pour personnes en situation de handicap. Il faut vraiment que l'Etat se rende compte que ces établissements existent, qu'ils ont aussi le droit à une surveillance, que, clairement, la surveillance de ceux-ci, du point de vue médical, est insuffisante et qu'il faut vraiment changer cette façon de faire. Je pense donc qu'il faut renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat et non pas en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. On vient de m'informer que la demande de renvoi en commission a été retirée par son auteur. Il ne reste donc plus que le renvoi au Conseil d'Etat. Monsieur le député Pierre Conne, c'est à vous.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, le PLR soutiendra le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport. Nous souscrivons complètement aux arguments qui ont été développés. Vous constaterez que cette réponse est l'illustration que les conseillers d'Etat ne communiquent pas entre eux. Comme cela a été très bien dit, cette pratique n'est pas une pratique médicale. Elle intervient là où se trouvent des personnes en différentes situations de handicap, comme cela a été décrit par mes préopinants; qu'on se trouve dans un établissement pour personnes handicapées, dans un EMS, voire dans un établissement pour des jeunes, l'approche doit être la même. Nous allons donc renvoyer ce texte au Conseil d'Etat en invitant celui-ci à faire en sorte que tous les départements collaborent entre eux, de manière que la directive soit claire et que les recommandations concernant l'interdiction des pratiques de packing soient adressées à toutes les personnes qui aujourd'hui sont encore susceptibles de les appliquer, parce qu'elles accueillent des personnes en situation de handicap, comme cela a été décrit. Merci, Monsieur le président.
Mme Jocelyne Haller (EAG). J'allais argumenter en faveur d'un renvoi au Conseil d'Etat plutôt qu'en commission, mais je salue le retrait de cette demande, qui n'avait pas lieu d'être, puisque le sujet a été cerné particulièrement bien et longuement. Nous souscrivons à ce qui a été dit sur la nécessité de bannir cette pratique de tous les établissements dans lesquels elle serait malheureusement susceptible d'être utilisée. Par conséquent, ce qui était prévu dans la réponse initiale du Conseil d'Etat ne nous satisfait pas et nous demandons effectivement que le champ d'application de cette proscription soit élargi à tous les établissements qui pourraient avoir recours à cette pratique, que nous dénonçons. Nous sollicitons donc le renvoi au Conseil d'Etat pour prise en compte de cette demande.
Le président. Merci, Madame la députée. J'invite l'hémicycle à se prononcer sur la demande de renvoi au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2714 est adopté par 60 oui contre 6 non et 1 abstention.
Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2714 est donc refusé.