Séance du
jeudi 1 juillet 2021 à
20h30
2e
législature -
4e
année -
2e
session -
12e
séance
PL 12989
Premier débat
Le président. Nous poursuivons le traitement des urgences avec le PL 12989. Cet objet est classé en catégorie II, trente minutes. Avant que M. Ivanov ne refasse de remarque, je précise que la place des députés pendant la session est dans la salle; nous sonnons peu de temps avant le vote, donc se trouver à la buvette ne constitue pas une excuse pour invalider un résultat ! Cela étant dit, afin qu'elle puisse nous présenter ce projet de loi, je donne d'abord la parole à Mme la conseillère d'Etat Fabienne Fischer.
Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi que je vous présente ce soir a pour objectif de soutenir financièrement les travailleurs et travailleuses aux revenus modestes impactés par la crise covid. Il s'agit d'une aide à fonds perdu s'inscrivant dans la continuité des mesures déjà prises par la Confédération. Les personnes pour lesquelles les employeurs doivent recourir aux RHT ne perçoivent que 80% de leur traitement; lorsque vous touchez le salaire minimum, Mesdames et Messieurs, c'est-à-dire 4111 francs net par mois, ce taux correspond à environ 3200 francs. Tout le monde sait qu'il n'est pas possible de vivre correctement avec un tel montant à Genève. Pourtant, ces salariés travaillent à 100%. Ce que vise l'indemnisation proposée ici, c'est permettre aux employés modestes de s'en sortir dignement et de manière autonome, sans avoir besoin de recourir à l'aide sociale.
Dans le cadre des discussions que j'ai menées tant avec les employeurs que les représentants du personnel, les syndicats, chacun a reconnu que les RHT ont permis d'une part de maintenir notre tissu économique en vie, d'autre part de préserver l'emploi. Aujourd'hui, nous sommes tous très heureux de sentir les premiers frémissements de la reprise; les perspectives dans certains secteurs sont tout à fait positives. Toutefois, un certain nombre de domaines ne pourront prendre part au redémarrage qu'avec un certain décalage; je pense par exemple à l'hôtellerie, à l'événementiel, au tourisme, au nettoyage, autant de branches dans lesquelles les petits salaires sont légion. Pour ces gens, après seize mois de crise, seize mois de revenus à 80%, s'ils avaient encore quelques réserves, celles-ci sont dorénavant épuisées, et même depuis longtemps. Ce que nous voulons éviter, c'est que ces personnes doivent faire appel à l'aide sociale ou, pire encore, se retrouvent dans des situations de précarité parce qu'elles ne peuvent plus payer leur loyer ou leurs primes d'assurance-maladie et renoncent à se faire soigner alors qu'elles en auraient besoin. Nous devons leur offrir un coup de pouce, et c'est précisément le but du présent objet.
Concrètement, en quoi consiste le dispositif ? Il se fonde sur le système des RHT, c'est-à-dire les réductions de l'horaire de travail, mais ne consiste pas en une distribution de RHT à proprement parler. Les RHT sont financées par un budget fédéral qui relève de la loi sur le chômage et est basé sur le principe des cotisations prélevées ainsi que sur un droit d'assurance; le projet de loi ne fonctionne pas selon ce mécanisme. Il s'agit d'une aide complémentaire cantonale émargeant au budget de l'Etat et ciblant les travailleurs et travailleuses qui, aujourd'hui, ne perçoivent plus le revenu minimum, comme je l'ai expliqué tout à l'heure. Ainsi, on se réfère aux RHT, mais on n'applique pas de dispositions d'assurance sur le mode de la LACI, on octroie un supplément qui provient du budget cantonal.
L'allocation maximale apportée est de l'ordre de 800 francs par mois; elle sert à couvrir des besoins fondamentaux, des charges fixes, en particulier le loyer et les primes d'assurance-maladie. Comme bon nombre d'autres prestations sociales, telles que celles de la LMC, la loi en matière de chômage, cette aide est destinée aux personnes domiciliées dans le canton de Genève. Le critère de résidence est largement reconnu en politique sociale; on le retrouve notamment dans la LMC, dans la loi de soutien aux travailleurs et travailleuses précaires votée au mois de mars dernier ainsi que dans de nombreuses autres dispositions.
Sur le plan financier, les montants requis dans le cadre du projet de loi sont des plafonds qui ont été estimés sur la base des chiffres de mai 2021. Or, avec la reprise, le nombre de bénéficiaires des RHT diminue chaque mois. D'après les estimations, le dispositif concernerait 5000 personnes en juillet, 3700 en août, 2800 en septembre. Les montants alloués seraient dégressifs selon la même logique: 2,9 millions en juillet, 2,2 millions en août et 1,7 million en septembre. La procédure est calquée sur celle des RHT dans l'idée vraiment basique d'éviter aux employeurs de nouveaux formulaires à remplir, de nouvelles démarches à entreprendre. L'objectif est donc d'inviter les entreprises qui ont effectué des demandes de RHT à compléter celles-ci en indiquant les salariés pour lesquels elles sollicitent le complément cantonal. Il faut être pragmatique, il faut être simple, il faut être efficace pour que cette mesure déploie ses effets qui, je le rappelle, sont limités dans le temps.
Je précise que le destinataire de l'indemnité, à teneur de l'article 4, n'est pas l'employeur, mais clairement l'employé qui aura le droit de réclamer à son patron, au moment où celui-ci aura perçu la subvention, un versement direct. L'OCE s'est déjà engagé à informer toutes les sociétés susceptibles d'effectuer une requête quant à la manière dont elles devront procéder; une fois que les prestations auront été distribuées, les destinataires finaux, c'est-à-dire les salariés, seront également informés et pourront faire valoir leurs droits.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, nous commençons à distinguer le bout du tunnel. A ce jour, nous avons distribué quelque 280 millions de francs à fonds perdu aux entreprises genevoises pour leur permettre de rester en vie. Il faut maintenant accompagner la reprise; des difficultés spécifiques se font jour dans certains secteurs. La visée du projet de loi qui vous est soumis, c'est d'éviter que tous les efforts que nous avons consentis au cours des derniers mois soient réduits à néant et qu'un nombre important de travailleurs et travailleuses tombent dans la précarité. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Jacques Béné (PLR). Je remercie Mme la conseillère d'Etat d'être venue devant la commission de l'économie nous présenter ce projet de loi. En revanche, je la remercie moins d'essayer d'utiliser des lois fédérales pour mener une politique cantonale. Ce texte détourne en effet le but premier des RHT pour faire de l'aide sociale ! Vous l'avez dit vous-même dans votre présentation, Madame, en évoquant le critère de résidence des travailleurs - critère qui est d'ailleurs contesté par certains groupes politiques qui ont déposé des amendements à ce sujet: vous avez indiqué qu'il s'agissait d'un principe courant en matière sociale. Oui, en matière sociale ! S'il s'agit ici de politique sociale, laquelle ne relève pas de votre département, alors on aurait préféré entendre M. Apothéloz nous expliquer ce qu'il compte entreprendre sur le plan social avec ce complément aux RHT.
Sur le dos de qui va-t-on verser ces indemnités, Mesdames et Messieurs ? Sur le dos des contribuables, évidemment, mais également sur celui des entreprises, car avec cette usine à gaz proposée par le projet de loi... (Remarque.) Oui, oui, c'est une usine à gaz, notamment avec tous les amendements déposés qui risquent de trouver une majorité dans ce parlement, c'est vraiment une usine à gaz. Il faudra que les sociétés procèdent elles-mêmes à la demande.
Ensuite, Madame la conseillère d'Etat, vous avez expliqué que les travailleurs toucheront directement le montant de l'aide, c'est ce que vous venez de mentionner, ou alors je ne vous ai pas comprise. S'ils perçoivent directement la somme, qui va s'en occuper ? Cela représente des postes supplémentaires au sein de l'OCE. Qui va s'en charger ? Normalement, tout ce qui a trait aux RHT est financé par la Confédération, mais là, en l'occurrence, il s'agit d'une allocation cantonale, donc elle ne sera pas prise en charge au niveau fédéral, y compris les postes de travail y relatifs. Bref, j'ai un peu de peine à suivre.
Vous avez parlé de sortie de crise, eh bien je suis désolé - vous transmettrez, Monsieur le président -, mais ce dont les entreprises ont besoin maintenant, c'est qu'on les laisse travailler. La relance passera par là: il faut les laisser travailler. On doit favoriser la reprise économique, certes, mais on n'est pas dans une situation avec un problème de demande; il y a eu un problème d'offre parce que tout a été fermé, mais il n'y a pas besoin de relance. Preuve en est qu'aujourd'hui, sans le mécanisme que vous proposez, Madame la conseillère d'Etat, on annonce... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...une augmentation du PIB genevois de 3,5% à 4%. Alors, s'il vous plaît, faites simplement en sorte que les entreprises puissent travailler, qu'elles obtiennent des réponses rapides de la part de l'Etat pour leurs démarches administratives, elles vous en seront reconnaissantes.
Une voix. Bien dit !
M. Jacques Béné. Mais surtout - surtout ! -, le point essentiel, Mesdames et Messieurs...
Le président. C'est terminé.
M. Jacques Béné. Le point essentiel, c'est qu'il n'y a pas eu de consultation, et vous l'avez confirmé en commission...
Le président. Merci...
M. Jacques Béné. ...des organismes faîtiers des hôteliers, des...
Le président. C'est vraiment fini !
M. Jacques Béné. S'il vous plaît, Monsieur le président, laissez-moi terminer, parce que j'aimerais présenter une demande... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Vous avez dépassé votre temps, Monsieur le député, mes excuses. La parole va maintenant à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président...
M. Jacques Béné. Je sollicite le renvoi en commission, Monsieur le président !
Le président. Heureusement que vous l'avez demandé suffisamment fort, à défaut d'être dans les temps. Je soumettrai cette requête aux votes à la fin du débat. Monsieur André Pfeffer, c'est à vous.
M. André Pfeffer. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi propose une indemnité à 100% des personnes touchant des RHT et dont le revenu correspond au salaire minimum. Notre groupe, après débat en caucus, a décidé de le refuser. Les RHT ont pleinement rempli leur rôle, soit le maintien des postes. L'été dernier, environ 100 000 Genevois, c'est-à-dire un tiers des travailleurs du canton, en bénéficiaient; fin mai 2021, ce nombre a drastiquement baissé, passant de 100 000 à 18 328 très exactement. Evidemment, il est encore trop élevé, mais nous devons dorénavant favoriser le retour à l'activité.
L'arrosage gratuit était nécessaire, et l'UDC a soutenu les aides lorsqu'elles étaient justifiées, mais ce texte-ci n'est pas pertinent. Les bénéficiaires des RHT ont pu conserver leur emploi; cette catégorie de salariés a également profité de l'introduction d'un salaire minimum, de l'augmentation des subsides d'assurance-maladie et d'autres prestations cantonales et communales, notamment les chèques et le crédit de 12 millions destiné au paiement des loyers.
A présent, le canton de Genève devrait à nouveau gérer avec soin les deniers publics et limiter les dépenses à des actions qui font sens et qui sont utiles. Comme notre collègue M. Béné, le groupe UDC propose le renvoi de cet objet à la commission de l'économie pour qu'il puisse y être étudié et analysé correctement. Merci de votre attention.
M. Jean Burgermeister (EAG). Ecoutez, je ne peux que souscrire aux propos de Mme la conseillère d'Etat Fischer quant à la nécessité de compléter les revenus des personnes modestes qui ont perdu une partie de leur salaire, une partie évidemment vitale eu égard au prix des loyers et de l'assurance-maladie à Genève. Alors bien sûr, si on avait la possibilité d'instaurer des plafonds aussi bien aux loyers qu'aux primes des caisses maladie, lesquelles ont volé la population pendant l'année 2020, cela éviterait à une tranche de la population de sombrer dans la précarité.
Naturellement, il faut éviter de pousser des portions entières de travailleurs et travailleuses dans la pauvreté. A cet égard, on peut se demander ce qu'a fait le Conseil d'Etat depuis le début de la crise sur ce front-là. Pour le coup, ce n'est pas une critique à l'endroit de Mme Fischer qui a un alibi sérieux pour l'année dernière, puisqu'elle n'était pas encore en fonction, mais il est tout de même invraisemblable que le gouvernement arrive si tard avec des projets aussi fondamentaux pour les bas revenus. Rappelons, même si j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, que pour ce qui est des employés précaires qui ont perdu la totalité de leurs revenus lors de la deuxième vague, le Conseil d'Etat n'a rien fait du tout ! Depuis mai-juin 2020, il n'a tout simplement rien fait pour les plus précarisés du canton face à la crise sociale ! C'est tout de même une performance extraordinaire.
Le député UDC parlait de l'arrosoir des dépenses à perte que la droite a soutenu jusqu'à maintenant, mais la droite s'est contentée de voter les aides aux entreprises, jamais ou presque celles pour la population ! Je rappelle aussi que l'UDC a participé au référendum lancé conjointement avec le MCG contre l'indemnisation des travailleuses et travailleurs précaires.
Malheureusement, le projet de loi qui nous est soumis ici pose un certain nombre de problèmes sérieux. Il y a d'abord la volonté de n'offrir la compensation qu'aux salariés domiciliés dans le canton de Genève.
Une voix. Eh ben oui !
M. Jean Burgermeister. On s'étonne, pour une première mesure, qu'un gouvernement à majorité de gauche reprenne ainsi les propositions du MCG. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) En réalité, pourquoi le personnel vaudois ou français ne pourrait-il pas bénéficier du dispositif sachant que certains Genevois qui officient dans le canton de Vaud perçoivent des compléments RHT versés par l'Etat vaudois ? Pourquoi ensuite limiter le mécanisme aux entreprises dont le siège est à Genève ? A Swissport, par exemple...
Le président. Merci...
M. Jean Burgermeister. ...dont le siège n'est pas situé dans notre canton, les employés ne pourraient pas toucher la prestation. Je termine tout de suite, Monsieur le président, mais comme j'ai présenté beaucoup d'amendements, ça me prend un peu de temps, forcément...
Le président. Concluez, s'il vous plaît.
M. Jean Burgermeister. ...alors je vous demande de vous montrer compréhensif !
Le président. Vous êtes maintenant au bout de votre temps.
M. Jean Burgermeister. Ces amendements, je les ai déposés avec M. Mizrahi et Mme Marti... (Le micro de l'orateur est coupé. Paroles inaudibles de l'orateur, qui poursuit son intervention.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à M. Jacques Blondin. (Commentaires.) Je rassure M. Burgermeister: il sera donné lecture des amendements. Allez-y, Monsieur Blondin.
M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. J'espère que mon temps ne tourne pas depuis trente secondes ! Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne ce projet de loi déposé par Mme la conseillère d'Etat, le fond du problème est réel. Bien évidemment, il est difficile de vivre à Genève avec un petit revenu, chacun en convient. La crise a été longue et douloureuse pour tout le monde, et on ne doit pas oublier les travailleurs.
Cela étant, les craintes émises par les membres de la commission de l'économie lors de la présentation de ce texte au sujet de l'inégalité de traitement avec les pendulaires vaudois et les frontaliers sont fondées. Le fait qu'un Vaudois - je prends cet exemple pour ne pas citer celui du frontalier - ne bénéficie pas des mêmes droits qu'un Genevois au sein d'une même entreprise ouvrira inévitablement la porte à des recours. Pour information, il est estimé - cela figure dans l'exposé des motifs - que dans le domaine de l'hôtellerie, 80% des salariés ne résident pas à Genève.
De plus, utiliser les RHT pour réaliser du social est également problématique, car le but des RHT est de maintenir l'emploi alors que l'aide sociale, elle, se pratique sur la base d'autres principes tels que les revenus et plus particulièrement ceux du groupe familial.
Enfin, les deux secteurs principalement concernés par la mesure proposée, soit l'hôtellerie-restauration et le nettoyage, ne se sont pas formellement prononcés sur le projet, pas plus d'ailleurs que les syndicats, puisqu'il n'y a pas encore eu de consultation. Afin que nous puissions voter sur cet objet en toute connaissance de cause après avoir sollicité les milieux impliqués et obtenu des compléments d'information au sujet de l'exclusivité cantonale, le PDC propose lui aussi le renvoi à la commission de l'économie. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Vertes et les Verts partagent bien entendu les objectifs de ce projet de loi. L'indemnisation à 80% des personnes qui se sont retrouvées au chômage technique a été supportable pour certaines et certains, notamment du fait des économies de dépenses liées aux sorties ou aux voyages qui étaient devenus impossibles.
Mais ce raisonnement ne tient certainement pas pour les employés dont le salaire est déjà tout juste suffisant pour couvrir les loyers et l'alimentation; celles-là et ceux-là ont très probablement déjà épuisé leurs éventuelles réserves, celles-là et ceux-là ont peut-être déjà quelques paiements de loyer en retard et se retrouvent le cas échéant en état de poursuite, celles-là et ceux-là ont probablement fini par frapper à la porte de l'Hospice général. Les effets délétères de ce genre de situation sur la santé psychique ont été mis en évidence et doivent nous préoccuper. La possibilité d'un retour au travail peut ainsi être fortement obérée, ce qui n'est dans l'intérêt ni des employés ni des employeurs.
Maintenant, Monsieur le président, nous constatons que plusieurs amendements ont été déposés; si les Vertes et les Verts sont enclins à en soutenir certains, ils sont également conscients qu'il s'agit de conserver une certaine cohérence, et il sera difficile d'y parvenir dans le cadre d'une délibération en plénière. Dès lors, nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission de cet objet, même si, comme mentionné auparavant, son urgence est manifeste. A contrecoeur, nous estimons qu'il vaut mieux obtenir tardivement un projet qui peut réunir une majorité que de ne pas avoir de projet du tout. Je vous remercie.
M. Sandro Pistis (MCG). En premier lieu, Mesdames et Messieurs, nous regrettons que ce projet de loi ait été uniquement présenté à la commission de l'économie, et pas examiné attentivement comme devrait l'être un texte parlementaire. Le fait d'aider en priorité les résidents genevois fait partie de la ligne politique du MCG, à laquelle nous ne pouvons que nous montrer fidèles. Malheureusement, le texte qui nous est soumis ici présente de grandes faiblesses.
D'une part, les employés de la succursale genevoise d'une société dont le siège est situé ailleurs en Suisse seront exclus du mécanisme. D'autre part, nous savons que les salariés frontaliers et les syndicats qui les représentent sont particulièrement procéduriers; les tribunaux, influencés à tort par la législation européenne, leur donnent trop souvent raison. Nous craignons que ce dispositif serve de cheval de Troie pour introduire davantage encore les frontaliers dans notre système d'aide helvétique, avec pour conséquence un afflux massif de travailleurs français; nous obtiendrions alors un effet contraire à celui recherché, puisque nous encouragerions la venue de frontaliers à Genève.
Rappelez-vous la douloureuse expérience de la déduction des frais de déplacement: le lobby frontalier était intervenu pour que les Français puissent déduire les frais de déplacement de leurs impôts. A l'époque, Genève avait perdu plus de 100 millions de recettes fiscales, ce qui avait affaibli la situation des employés genevois. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG ne soutiendra pas le projet de loi tel qu'il a été présenté, nous voterons en faveur du renvoi à la commission de l'économie. Merci. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce qui me frappe dans le discours de la droite, mis à part la position habituelle du MCG qui refuse tout le paquet sous prétexte que certains salariés n'habitent pas du bon côté de la frontière, c'est sa vision du partenariat social, notamment celle du PLR. Il y a quelque temps, on nous disait: «Oui, pas de problème, aidons les entreprises.» Et une fois que les sociétés ont reçu des millions, on s'exclame: «Maintenant, il faut nous laisser tranquilles, il faut nous laisser réaliser des bénéfices !» Ce qui me sidère, c'est cette asymétrie, cette sorte de je-m'en-foutisme à l'égard des travailleurs et travailleuses pauvres dont M. Béné n'a pas fait une seule fois mention.
Ces gens touchent le salaire minimum, donc avec les RHT, ils perçoivent 80% du salaire minimum. C'est évidemment une mesure de politique sociale que de permettre à ces personnes d'être au moins au niveau du salaire minimum; c'est une mesure de politique sociale tout comme le salaire minimum, et pourtant, je le rappelle, celui-ci n'est pas réservé aux seuls résidents et résidentes, ce serait totalement incohérent.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé, avec des collègues d'Ensemble à Gauche, un premier amendement qui porte sur le critère de résidence: il faut tout simplement que l'ensemble des employés qui travaillent dans ce canton puissent bénéficier du même soutien. Comment, en tant qu'employeurs, Mesdames et Messieurs de la droite - vous transmettrez, Monsieur le président -, allez-vous justifier le fait que certains de vos salariés obtiendront l'indemnité et d'autres pas ? C'est tout à fait absurde.
Absurde également la restriction par rapport aux entreprises dont le siège ne se situe pas à Genève, qui frappera injustement certains travailleurs et travailleuses; nous proposons dès lors de renoncer à cette condition. Nous présentons encore un amendement pour étendre la durée de la mesure jusqu'en mars 2022; les RHT étant prévues jusqu'à cette date, nous ne voyons pas pourquoi l'aide complémentaire s'arrêterait au bout de trois mois, cela n'a tout simplement aucun sens. Enfin, notre dernière proposition de modification porte sur la possibilité pour le personnel de solliciter directement l'allocation, car il est parfaitement insensé qu'un tel mécanisme dépende de la bonne volonté des employeurs, lesquels pourraient décider arbitrairement d'octroyer le versement ou pas.
Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à soutenir ce projet de loi dans l'esprit du partenariat social qui, pour certains, n'est pas qu'un chiffon de papier. Nous pensons qu'il doit y avoir un équilibre: nous avons voté les aides aux entreprises et maintenant, nous vous enjoignons de soutenir celles pour les salariés modestes. Nous vous encourageons également à accepter les amendements pour que chacun dans ce canton soit traité à égalité. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. François Baertschi pour une minute.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Enfin la gauche tombe le masque ! La gauche attaque les résidents genevois, la gauche défend les frontaliers. C'est clair, c'est net, c'est précis. La gauche ne tient absolument pas compte du fait que le coût de la vie est beaucoup plus bas de l'autre côté de la frontière, ce qui confère un avantage compétitif aux gens qui y vivent, et cela, nous ne pouvons pas l'accepter. Dès lors, le MCG refusera tous les amendements de la gauche qui produisent cet effet délétère; bien évidemment, nous voterons en faveur d'un renvoi à la commission de l'économie afin d'y examiner plus attentivement ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie. Il ne reste plus de temps au groupe Ensemble à Gauche ni aux socialistes. La parole n'étant plus sollicitée, je prie l'assemblée de se prononcer sur la proposition de renvoi à la commission de l'économie.
Une voix. Sonnez le tocsin, président !
Une autre voix. C'est trop tard !
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12989 à la commission de l'économie est adopté par 77 oui contre 2 non et 4 abstentions.