Séance du
jeudi 1 juillet 2021 à
17h
2e
législature -
4e
année -
2e
session -
11e
séance
PL 12827-A et objet(s) lié(s)
Suite du premier débat
Le président. Nous entamons maintenant l'ordre du jour avec les PL 12827-A et 12828-A, classés en catégorie II, soixante minutes, que nous traiterons conjointement. Le rapport est de M. Christian Flury, à qui je cède la parole.
M. Christian Flury (MCG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, à ce point de l'ordre du jour, nous sommes appelés à nous prononcer sur deux projets de lois. Le premier, le PL 12827, demande une modification de la constitution genevoise. Le second, le PL 12828, est une modification de la loi portant règlement du Grand Conseil, la LRGC. Ces deux textes ont une portée significative, puisqu'ils concernent ni plus ni moins que l'introduction d'un mécanisme de destitution d'un membre du Conseil d'Etat en exercice. Cette possibilité avait été étudiée par l'Assemblée constituante lors des travaux de préparation et de rédaction de notre nouvelle constitution. Elle avait toutefois été écartée par une majorité composée de ceux qui aujourd'hui la réclament. Comme quoi, nécessité fait loi lorsque midi frappe à sa porte ! Même les événements tels que ceux largement décrits par la presse locale ont démontré qu'il n'est pas possible, dans l'état actuel du droit, de se séparer d'un conseiller d'Etat en cours de mandat. Ce que le peuple a créé, seul le peuple peut le défaire. Qu'elle plaise ou non, cette règle intangible est garante de la stabilité du système. C'est pour cette très bonne raison que le projet de modification constitutionnelle, s'il obtient l'aval de notre plénum, devra être soumis au peuple avant de pouvoir être appliqué.
Lors de ses travaux, la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil a fixé les cautèles suivantes: un projet de résolution de destitution devra être porté par 40 députés au moins; après examen par la commission des droits politiques, si celle-ci l'approuve, cette résolution de destitution devra en outre être acceptée par les trois quarts des voix exprimées en plénière du Grand Conseil; en cas d'acceptation par 75% de notre parlement, la résolution de destitution est soumise au référendum obligatoire. En dernier lieu, cette possibilité de destituer un conseiller d'Etat a été assortie de clarifications temporelles. Il ne sera, en effet, pas possible d'introduire une procédure en destitution moins d'une année avant la fin du mandat du Conseil d'Etat: on évite ainsi une hypothétique destitution en début de législature suivante, si le magistrat visé devait avoir été réélu dans l'intervalle. Ce n'est qu'après avoir franchi ces étapes, qui assurent à la fois la stabilité du système et la protection des droits populaires, que le souverain sera appelé à se prononcer sur la destitution d'un conseiller d'Etat.
Au bénéfice de ces explications, la majorité de la commission des droits politiques vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à ces deux projets de lois et de les voter. Je vous remercie.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). La grande majorité du groupe PLR soutiendra ce projet de loi qui vient combler une lacune de la nouvelle constitution. Cette lacune a eu pour conséquence qu'une crise institutionnelle a duré deux ans et demi. Il ne s'agit en aucun cas d'un oubli de la Constituante, qui a traité la question de la destitution, mais bien d'une mauvaise appréciation de la situation. En effet, les membres de cette assemblée étaient partis de l'idée que dans une telle situation, la personne concernée démissionnerait. Dans le cas du conseiller d'Etat Pierre Maudet, cela a finalement été le cas en effet et le peuple a pu se prononcer en mars dernier. Toutefois, si le mécanisme de destitution prévu dans les projets de lois qui nous sont présentés avait été en vigueur, le peuple aurait pu se prononcer en 2019 au lieu de 2021.
Il ne s'agit évidemment pas de refaire le passé, mais d'en tirer les conséquences et d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise, tout en limitant les risques de dérives. La procédure de destitution proposée par la commission des droits politiques offre cette possibilité, tout en instaurant les garde-fous nécessaires - en l'espèce, l'obligation de rassembler une majorité qualifiée du Grand Conseil et la décision finale en mains du peuple.
Toutefois, le travail doit être mené de manière complète et il faut éviter de laisser perdurer une lacune. Raison pour laquelle j'ai déposé un amendement au projet de loi constitutionnelle, cosigné par des députés de plusieurs partis. Il semble en effet nécessaire d'envisager la possibilité qu'un membre du Conseil d'Etat devienne incapable d'assumer sa fonction. Un membre du Conseil d'Etat pourrait par exemple se retrouver dans un coma durable suite à un accident - situation qu'on ne souhaite évidemment pas. Dans cette hypothèse, le mécanisme prévu par les projets de lois initiaux ne pourrait pas s'appliquer. Ainsi, le Conseil d'Etat pourrait être contraint de fonctionner à six personnes pendant plusieurs mois, voire années.
Cet amendement, qui est une version réécrite par le Conseil d'Etat d'un précédent amendement que j'avais déposé en mars, vise à inscrire dans la constitution la possibilité de mettre en place dans la loi une procédure de destitution d'un membre du Conseil d'Etat s'il perd durablement la capacité d'exercer sa fonction. Je précise que cette hypothèse était déjà expressément proposée dans le PL 12420, qui a servi de base aux travaux de la commission. Les détails de la procédure pourront ensuite être discutés en commission, l'amendement précisant simplement qu'une voie de recours devant un tribunal cantonal doit être ouverte et qu'il ne s'agit pas d'une décision du peuple.
Pour ces raisons, la majorité du groupe PLR vous invite à soutenir cet amendement et à voter le projet de loi constitutionnelle. Quant au projet de loi législative, nous vous invitons à le renvoyer à la commission des droits politiques. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi du PL 12828-A - uniquement - à la commission des droits politiques. Monsieur le rapporteur, est-ce que vous souhaitez prendre la parole sur cette demande de renvoi ?
M. Christian Flury (MCG), rapporteur. Oui, merci, Monsieur le président. Le rapporteur soutient le renvoi du PL 12828-A à la commission des droits politiques. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur le conseiller d'Etat, souhaitez-vous vous exprimer sur cette demande de renvoi ?
M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme Mme Céline Zuber-Roy l'a exprimé, le Conseil d'Etat a effectivement proposé des amendements, parce que les amendements originaux ne s'inscrivaient pas parfaitement dans le texte initial. La demande de renvoi, si j'ai bien compris, ne porte que sur le projet de loi constitutionnelle, ce que souhaite le...
Une voix. C'est l'inverse ! (Commentaires.)
M. Serge Dal Busco. Ah, c'est l'inverse, pardon ! Sur le projet de loi législative ! Mais ça ne change rien à ce que je vais vous dire: le Conseil d'Etat estime - ainsi d'ailleurs que Mme la chancelière vous l'a indiqué en commission très récemment - que ce sont les deux projets de lois qui devraient être renvoyés en commission, pour qu'ils soient parfaitement articulés. Je vous demande donc de bien vouloir, si un renvoi en commission est voté, renvoyer les deux textes - le projet de loi constitutionnelle ainsi que le projet de loi législative -, de sorte que le travail soit effectué de manière adéquate.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, étant donné qu'il s'agit d'un cas inhabituel, je vais vous faire voter la demande de renvoi en commission pour chacun des objets, séparément.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12827 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 61 non contre 23 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12828 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 72 oui contre 15 non et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons donc le traitement du PL 12827-A uniquement. Je cède la parole à M. le député Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Je me félicite du vote qui vient d'intervenir. En effet, le projet de loi constitutionnelle a été abondamment travaillé. Sur le fond, s'agissant de la destitution d'un conseiller d'Etat - la destitution politique - pour perte de confiance, avec les critères qui ont été évoqués et qui rendent cette destitution indiscutable, il faut 40 signataires pour le projet de résolution et une majorité des trois quarts dans ce parlement avant d'aller en votation populaire, pour priver un conseiller d'Etat ou une conseillère d'Etat de son siège. Il n'y a pas de recours possible, c'est une destitution politique, qui n'est pas politicienne, parce que les majorités requises dépassent évidemment tel ou tel camp politique, et elles garantissent la possibilité de libérer un siège au Conseil d'Etat, si cela s'impose, comme cela se serait imposé, ainsi que l'a relevé Mme Zuber-Roy, à l'occasion des frasques que vous savez du conseiller d'Etat PLR.
Ce projet de loi est aujourd'hui un texte du Conseil d'Etat. Différentes formations - le MCG, mais aussi Ensemble à Gauche - avaient déposé des projets allant dans ce sens. Le Conseil d'Etat n'a pas souscrit à ces projets dans leur forme initiale, mais a présenté un amendement général visant à remplacer le contenu de l'un de ces projets de lois. Nous avons, à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, conseillé au Conseil d'Etat d'assumer sa position, en ne proposant pas un amendement général au projet de loi de tel ou tel parti, mais en revenant avec un projet de loi constitutionnelle de son cru, de son chef, signé et assumé par le Conseil d'Etat. C'est ce qu'il a fait. Ce texte a été travaillé abondamment, puisque nous l'avons examiné en tant qu'amendement, puis nous l'avons ensuite examiné en tant que projet de loi pour lui-même. Il est excellent.
Par ailleurs, un amendement que j'ai cosigné avec Mme Zuber-Roy ajoute dans ce projet la possibilité de destitution pour incapacité durable d'exercer la fonction. Ce sont donc là des motifs non plus politiques, mais des motifs objectifs qui sont invoqués et qui peuvent survenir. La constitution ne prévoit pas la possibilité d'écarter un conseiller d'Etat qui serait très gravement atteint dans sa santé et qui serait matériellement incapable d'exercer sa fonction. Cet élément-là - l'amendement que j'ai cosigné avec Mme Zuber-Roy et, je crois, Pierre Conne - n'est en fait pas un amendement de notre chef, mais de la commission unanime qui l'a soutenu, et surtout dont elle a demandé la réalisation à la chancellerie, donc sous l'oeil d'aigle du directeur des affaires juridiques. Cet élément-là a été injecté pour remédier à quelques inconvénients que présentait l'amendement précédent, déposé par Mme Zuber-Roy et d'autres PLR.
Ainsi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi. C'est une extension des droits démocratiques des citoyens de ce canton. Cela répond à un problème concret que nous avons rencontré, et nous pouvons le voter sans problème. Ensuite, cela demande quelques éléments d'application, du point de vue de la modification de la LRGC. Nous avons déjà les éléments d'application pour la destitution politique, si j'ose dire, et ce que nous avons renvoyé en commission, c'est le texte modifiant la LRGC, pour que celui-ci soit peaufiné sur le plan des mesures d'application du mécanisme de destitution dans le cas d'un conseiller d'Etat incapable d'exercer sa fonction. C'est quelque chose que la commission saura diligenter et mener à bien rapidement, afin qu'au moment de la votation populaire - puisqu'il s'agit d'une modification constitutionnelle -, les citoyens soient saisis non seulement de la proposition générale de modification constitutionnelle, mais aussi de la manière dont le parlement entend voir appliquer cette disposition constitutionnelle. Ainsi, Mesdames et Messieurs, je vous propose de passer rapidement au vote de ces dispositions.
Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, mes trois préopinants ont très bien expliqué non seulement le contenu de ce projet de loi constitutionnelle, mais aussi l'amendement qui l'accompagne, ainsi que la nécessité d'adopter rapidement ce texte.
Ce que le peuple a fait, seul le peuple peut le défaire. C'est la raison pour laquelle il faut lui donner cette possibilité grâce au projet de loi constitutionnelle. Le PDC, bien entendu, votera ce texte avec l'amendement qui l'accompagne, pour lequel, comme cela a été dit, nous avons bénéficié en commission de l'aide de la chancelière et de la chancellerie, que nous remercions. Cet amendement introduit la possibilité de destituer un conseiller d'Etat non seulement pour cause de perte de confiance, mais aussi pour cause d'incapacité durable. Cela pourrait éviter à notre Conseil d'Etat de devoir travailler à six, comme il a dû le faire malheureusement pendant trop longtemps, parce que ce mécanisme n'existait pas. Maintenant, il est temps de permettre au peuple de se prononcer sur cette possibilité de destitution et de voter tant le projet de loi constitutionnelle que l'amendement qui l'accompagne. Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vous me permettrez, au nom du groupe socialiste, d'exprimer une voix discordante, qui était du reste majoritaire à la commission des droits politiques et qui consistait à dire qu'au moment où nous allons soumettre au corps électoral cette modification constitutionnelle, il faut que les bases légales soient prêtes pour que l'on sache exactement de quoi on parle. Maintenant, on nous dit qu'en fait, la commission des droits politiques va devoir agir dans la précipitation pour préparer l'application de cette nouvelle disposition permettant de destituer un membre du Conseil d'Etat en cas d'incapacité durable d'exercer la fonction. C'est une notion juridique quand même passablement indéterminée ! Mon collègue Pierre Vanek relève que c'est une progression pour les droits populaires, mais ici, on est quand même en train de parler de la destitution d'un membre du Conseil d'Etat, donc en termes de droits démocratiques, c'est une atteinte assez grave au droit d'être élu et de se maintenir comme élu. Je ne parle évidemment pas de l'affaire qui a secoué la république pendant un certain nombre d'années, mais ici on parle d'incapacité durable d'exercer la fonction. Qu'est-ce qu'une incapacité durable ? Mme Zuber-Roy nous parle du cas évident, sur lequel tout le monde est d'accord, d'un coma, mais d'autres situations pourraient aussi se présenter, où d'aucuns pourraient estimer qu'un conseiller d'Etat est en incapacité d'exercer sa fonction. A partir de quand est-on en incapacité d'exercer sa fonction ? Est-ce que si l'on souffre d'un trouble psychique, on est en incapacité d'exercer sa fonction ? A partir de combien de temps considère-t-on qu'il s'agit d'une incapacité durable ? Toutes ces questions doivent être réglées et nous devons avoir une solution claire à proposer quand nous irons devant le peuple.
Nous considérons donc que ce n'est pas la bonne méthode que de travailler dans la précipitation pour concrétiser cet article - qui demande une concrétisation. Par conséquent, nous sollicitons une nouvelle fois, une dernière fois, le renvoi de ce projet de loi constitutionnelle à la commission des droits politiques, de sorte que l'ensemble du dispositif soit prêt quand le corps électoral en sera saisi. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis d'une nouvelle demande de renvoi de cet objet à la commission des droits politiques. Monsieur le rapporteur Christian Flury, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi ?
M. Christian Flury (MCG), rapporteur. Oui, Monsieur le président, merci. Ecoutez, le projet de loi constitutionnelle fixe des grands principes, des axes généraux. C'est la loi portant règlement du Grand Conseil qui contiendra toutes les finesses. Par conséquent, à mon avis, nous pouvons voter le projet de loi constitutionnelle. L'autre est déjà parti en commission; il n'y a donc plus de discussion. Dès lors, je m'opposerai à cette demande de renvoi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Le conseiller d'Etat Serge Dal Busco souhaite-t-il s'exprimer sur cette demande de renvoi ? (Remarque.) Très bien, à vous la parole, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. J'ai soutenu tout à l'heure le renvoi des deux objets en commission, non pas parce que j'étais sensible par anticipation aux arguments - qui ne sont pas inintéressants - du député M. Mizrahi, mais parce que je n'avais pas connaissance du nouvel amendement que Mme Céline Zuber-Roy et consorts avaient déposé et qui reprend intégralement ce que le Conseil d'Etat avait proposé. L'opposition, entre guillemets, «technique» que j'avais exprimée tout à l'heure n'a donc plus lieu d'être. Par conséquent, sur cet aspect-là de la question, le projet de loi constitutionnelle peut, à nos yeux, être voté.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je soumets à vos votes cette demande de renvoi en commission du PL 12827-A.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12827 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 61 non contre 27 oui et 1 abstention.
Le président. Nous reprenons le débat et la parole va maintenant à M. le député Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, depuis le début de la législature, tout le monde a pu constater le trou béant laissé par la Constituante, qui n'a pas mis en place un mécanisme de destitution d'un conseiller d'Etat ou d'une conseillère d'Etat qui aurait failli dans sa fonction. Nous ne craignons pas de dire que cette situation a pourri près de trois ans de travail à la fois du Conseil d'Etat et du Grand Conseil. On ne peut toutefois que se réjouir de ce qui a tout de même pu être accompli par ces instances durant cette période. On aura noté que la page de cet épisode particulier a été tournée et qu'il convient de se préparer à d'autres situations de ce genre. D'autres cantons, d'autres pays possèdent des dispositions qui permettent de se sortir de ce type de situation.
En ce sens, nous saluons le projet de loi constitutionnelle qui a été mis en place et nous partageons l'avis du député Mizrahi selon lequel il aurait fallu pouvoir en même temps décider de cette modification constitutionnelle et soumettre un paquet ficelé à la population, pour un vote populaire qui aura de toute façon lieu. Je suis également d'avis que la disposition qui permettra de destituer un ou une membre du Conseil d'Etat qui serait en incapacité durable de gouverner est une question relativement délicate.
Cela a été dit, il s'agit maintenant de voter ce projet de loi constitutionnelle; nous ne nous y opposerons pas et je ne demanderai pas un nouveau renvoi en commission. Néanmoins, nous trouvons dommage que les deux objets n'aient pas pu être votés en même temps. Nous espérons vivement que les travaux que nous mènerons sur la destitution... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député, un instant !
M. Pierre Eckert. Il n'y a pas encore de match de foot, ou bien ? (Rire. Un instant s'écoule.)
Le président. Vous pouvez poursuivre.
M. Pierre Eckert. Nous espérons donc que les travaux de commission que nous mènerons, qui aboutiront à la mise en place d'un système qui permettra de destituer un membre du Conseil d'Etat qui se trouverait en incapacité durable de gouverner, ne remettront pas en question le projet de loi constitutionnelle, parce que cela causerait certaines difficultés. C'est un espoir que nous formulons, nous aurions préféré que l'ensemble de ces dispositions soit voté en même temps. Cela étant dit, nous voterons le projet de loi constitutionnelle et nous voterons bien entendu également l'amendement proposé par la chancellerie et repris par Mme Zuber-Roy. Je vous remercie.
M. Patrick Lussi (UDC). Monsieur le président, vous me permettrez de ne pas refaire toute la genèse de ces objets, puisque mes préopinants ont bien décrit la situation. Il était indispensable pour l'Union démocratique du centre que nous arrivions à une solution constitutionnelle, car les événements que nous avons vécus - ou ceux qui pourraient à nouveau survenir - méritaient que quelque chose soit inscrit dans le marbre, et notre marbre est la constitution.
Je suis aussi un des signataires de l'amendement évoqué, qui sera présenté lors du vote. Je pense qu'il était absolument essentiel que l'article 115B «Destitution pour incapacité durable d'exercer la fonction» - qui est donc nouveau - figure dans ce texte. Les modalités d'application peuvent toujours être discutées. C'est ce que nous avons sagement décidé en renvoyant le PL 12828-A en commission, où les détails pourront être peaufinés. Nous sommes persuadés que c'est une solution honnête, tout comme l'est le PL 12827, qui, tel qu'il est rédigé, représente un projet pour le bien-être de notre république et de nos institutions et surtout pour leur bon fonctionnement. Raison pour laquelle l'Union démocratique du centre vous demande d'accepter ce projet de loi et bien entendu de voter l'amendement qui vous sera présenté. Merci, Monsieur le président.
M. Charles Selleger (HP). Je serai bref. Ce qu'a relevé Mme Meissner est vrai: ce que le peuple a voulu, seul le peuple peut le défaire. Je n'aborderai ici que l'aspect de la destitution politique et non pas celle pour inaptitude médicale. Sous cet angle-là, je ne doute pas que la constitution, si elle avait considéré le problème, aurait décidé de quelque chose. Je ne doute pas non plus qu'au moment où la constitution s'est discutée, personne n'aurait imaginé la situation rocambolesque que nous avons vécue. On n'édicte pas des lois pour des cas particuliers. La prérogative dont disposerait le Grand Conseil lui permettant de décider de renvoyer au peuple une décision de destitution est à mon avis unilatérale, c'est-à-dire que si le Grand Conseil ne décide pas de la destitution, le peuple n'a pas le droit de se prononcer. Il aurait été beaucoup plus pertinent de prévoir la possibilité d'une initiative populaire, permettant à un certain nombre de citoyens de poser la question de savoir si un conseiller d'Etat doit être destitué ou pas.
Par ailleurs, on ne discute pas, dans cette assemblée, de l'attitude non institutionnelle qu'a adoptée le Conseil d'Etat pendant plus de deux ans, en supprimant les dicastères de la personne en question, ce qui fait que, comme l'a également relevé Mme Meissner, le Conseil d'Etat a travaillé à six au lieu de sept. Il aurait été tout à fait possible de répartir différemment les dicastères pour équilibrer les tâches de chacun et de ne pas stigmatiser une personne, qui devait bénéficier d'un traitement institutionnel et non pas d'une espèce de vengeance de la part de ses collègues. Je voterai donc contre ces projets de lois. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. le député Pierre Vanek pour deux minutes vingt-six.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. J'ai écouté avec intérêt les arguments du député Mizrahi. Malgré toute l'amitié que je lui porte, je ne peux pas y souscrire. Il dit: «Nous devons avoir les dispositions d'application ficelées avant de voter l'article constitutionnel.» C'est quand même un peu fort de café ! Nous avons une constitution de 237 articles, que Cyril Mizrahi a proposé que nous votions, et combien d'articles ont demandé et demandent encore une législation d'application ultérieure ? C'est parfaitement normal, parce qu'il y a deux étages dans la législation, de sorte qu'on puisse, le cas échéant, voter un principe général et ensuite en préciser les modalités d'application, et, s'il y a lieu, si ces modalités d'application sont insatisfaisantes, modifier encore cette législation d'application. Le parlement est là pour ça ! Par conséquent, cette volonté de planter tout à coup les freins dans cette affaire me semble un peu incongrue et à côté de la plaque ! Allons de l'avant !
Par ailleurs, je suis d'accord, la commission des droits politiques doit mettre le turbo et, si possible, avant le vote populaire, indiquer quelle est la législation d'application et quels sont les critères retenus en la matière. Mais cette exigence-là ne doit pas servir à combattre le fond de la disposition constitutionnelle qui est proposée avec les deux aspects de la destitution. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Christina Meissner pour quatre minutes vingt-cinq.
Mme Christina Meissner (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous l'avons dit et je le répète: le projet de loi constitutionnelle, c'est un texte qui pose juste les principes. Nous devons pouvoir faire voter le peuple sur cette possibilité de destitution d'un conseiller d'Etat le plus rapidement possible. Or le plus rapidement possible, cela signifie quand même attendre au moins une année, entre le moment où nous votons cela aujourd'hui - je l'espère - au Grand Conseil et le moment où le peuple lui-même pourra se prononcer sur cette loi constitutionnelle.
J'ose espérer qu'en ce qui concerne le projet de loi législative... C'est vrai qu'il doit encore être travaillé, parce que si nous avons oeuvré avec la chancellerie sur un texte - le projet de loi constitutionnelle - où nous sommes tous tombés d'accord en commission, le travail reste à faire pour le projet de loi législative. Cela étant, M. Vanek l'a dit, nous sommes parfaitement capables de traiter cela rapidement dans notre commission - par ailleurs, de toute façon, avant que le peuple puisse se prononcer, cela va quand même prendre au moins une année. Donc allons-y, votons ce projet de loi constitutionnelle aujourd'hui ! Le peuple mérite de pouvoir se prononcer sur la destitution des conseillers d'Etat dans tous les cas. Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai envie de dire: enfin ! On arrive au bout du chemin ! Je rappelle que le MCG avait déposé, par ma plume, le 8 janvier 2019, un projet complet - constitutionnel et législatif - et qu'il a fallu pratiquement un an pour que la commission s'en saisisse; finalement, le Conseil d'Etat a présenté son propre projet le 18 novembre 2020. Donc: enfin ! On arrive au bout ! Ce projet de loi constitutionnelle est nécessaire et il faut le voter, parce qu'il n'est évidemment pas possible de se retrouver dans une situation telle que celle que nous avons vécue depuis 2018 jusqu'à son épilogue avec l'élection complémentaire au Conseil d'Etat. Il est nécessaire d'avancer et il faut voter ce soir le projet constitutionnel. Et puis, bon, il semble qu'il y ait encore des améliorations à apporter au projet législatif, mais on espère qu'il reviendra rapidement devant ce Grand Conseil, de sorte que nous bouclions la boucle de cette problématique et que nous avancions. C'est la raison pour laquelle je vous invite bien sûr à voter ce projet de loi constitutionnelle et l'amendement qui va être proposé, pour que nous puissions le compléter et pour que le peuple se prononce très rapidement. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). C'est juste pour rebondir sur la remarque de notre collègue Selleger tout à l'heure, à propos de l'aspect vengeur qu'il a relevé, et pour lui rappeler cet excellent proverbe africain, qui dit que le lion malade reçoit des coups de pied même de l'âne.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'est plus demandée, je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12827 est adopté en premier débat par 74 oui contre 1 non.
Deuxième débat (PL 12827-A)
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement proposé par Mme Zuber-Roy et consorts à l'article 46. Il consiste à ajouter «pour perte de confiance» dans le texte de la nouvelle lettre e. Il se présente comme suit:
«Art. 46, al. 2, lettre e (nouvelle)
2 Les votations ont lieu dans le plus bref délai, mais au plus tard un an après:
e) l'adoption d'une résolution de destitution d'un membre du Conseil d'Etat pour perte de confiance par le Grand Conseil.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 92 oui contre 1 non.
Mis aux voix, l'art. 46, al. 2, lettre e (nouvelle), ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 65, aussi proposé par Mme Zuber-Roy et consorts, modifiant le nouvel alinéa 2. Il s'agit également d'y ajouter «pour perte de confiance». Il se lit ainsi:
«Art. 65 (nouvelle teneur)
1 Les révisions de la constitution sont soumises d'office au corps électoral.
2 Les résolutions de destitution d'un membre du Conseil d'Etat pour perte de confiance, adoptées par le Grand Conseil, sont également soumises d'office au corps électoral.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 92 oui contre 1 non.
Mis aux voix, l'art. 65 (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un autre amendement de Mme Zuber-Roy et consorts modifiant ainsi la note de l'article 115A:
«Art. 115A Destitution pour perte de confiance (nouvelle teneur de la note)»
Monsieur Mizrahi, vous avez la parole.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. En fait, je souhaitais m'exprimer sur mon propre sous-amendement, donc je crois que j'ai...
Le président. Non, Monsieur le député, votre sous-amendement...
M. Cyril Mizrahi. ...appuyé sur le bouton un peu trop tôt.
Le président. Monsieur le député, votre sous-amendement est à l'article 115B.
M. Cyril Mizrahi. Désolé, Monsieur le président ! (Commentaires.)
Le président. Il n'y a donc plus de demande de parole pour l'amendement à l'article 115A. (Commentaires.) Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 88 oui contre 2 non.
Mis aux voix, l'art. 115A (nouveau) ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous passons à l'amendement de Mme Zuber-Roy et consorts introduisant un article 115B, pour lequel nous sommes saisis d'une proposition de sous-amendement, présentée par M. Cyril Mizrahi. Vous avez la parole, Monsieur.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Nous avons co-déposé cet amendement avec Pierre Eckert du groupe des Verts. Nous pensons en effet qu'il faut préciser cette notion d'incapacité, parce qu'il s'agit d'une notion très indéterminée, comme je l'ai indiqué avant, et cela ouvre la porte à un mécanisme qui permet quand même, pour reprendre les termes qui ont été utilisés tout à l'heure, de défaire, sans passer par le peuple, ce que le peuple a fait. Par conséquent, nous devons clairement préciser ici que cette procédure est réservée à des cas clairs. Mme Zuber-Roy a parlé tout à l'heure de la situation d'une personne dans le coma. C'est à ce type de situation... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député. J'entends beaucoup de brouhaha, j'aimerais bien pouvoir comprendre les intervenants ! Je vous remercie. Monsieur le député, vous pouvez poursuivre.
M. Cyril Mizrahi. Merci, Monsieur le président. C'est à ce type de situation absolument claire que nous devons réserver l'application de ce mécanisme, nous ne devons pas ouvrir une boîte de Pandore. Alors plutôt que d'attendre la loi d'application pour refermer cette boîte, nous vous proposons de la refermer dès maintenant en votant ce sous-amendement.
M. Pierre Vanek (EAG). Je serai bref. Il faut insérer les cautèles et les précisions dans la loi d'application, dont nous avons convenu qu'il fallait l'élaborer rapidement. Mais parler ici d'incapacité totale est inadéquat: s'il subsiste chez quelqu'un, je ne sais pas, moi... 5% de la capacité à exercer la fonction, ce n'est juste pas assez, ce n'est juste pas assez ! L'incapacité totale intervient quand on est mort ! C'est donc une précision qui vise en fait à vider cette disposition de sa puissance de feu. Je m'oppose donc à ce sous-amendement proposé par Cyril Mizrahi et Pierre Eckert. (Commentaires.)
Mme Céline Zuber-Roy (PLR). J'abonde dans le sens de M. Vanek: sous prétexte de précision, on crée au contraire de la confusion. La notion de capacité d'exercer la fonction existe dans d'autres législations, comme dans les cantons de Neuchâtel et des Grisons. En revanche, la notion de capacité totale, personne ne sait à quoi elle se rapporte. Je vous rappelle que l'alinéa 2 de l'article 115B prévoit une voie de recours, et, surtout, ce mécanisme de destitution ne peut être mis en place que par la loi, c'est-à-dire par le Grand Conseil. Or, tant que celui-ci n'aura pas adopté une loi pour préciser les modalités de mise en oeuvre, cette procédure de destitution n'existera pas. Il n'y a donc pas de crainte à avoir. Aucune boîte de Pandore n'a été ouverte: il n'y a pas besoin de la refermer. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). J'aimerais juste rappeler que contrairement au mécanisme de destitution pour des raisons de comportement, la destitution pour des raisons d'incapacité prévoit un certain automatisme. Bien entendu, la possibilité d'entendre la personne en question ne sera pas garantie et, bien sûr, un certain automatisme sera réalisé. Il y a une voie de recours, mais si la personne se trouve en incapacité d'exercer, cela va être difficile à mettre en oeuvre. Je pense qu'il faut que nous fassions en effet extrêmement attention à cette clause, et je suis, en tant que cosignataire, d'accord sur le fait qu'il faut qu'on insère cette restriction en amont et pas en aval, à travers la loi d'application.
M. Pierre Conne (PLR). Je crois que c'est le point important: la différence entre la destitution pour motifs politiques qui est soumise à votation populaire et la destitution pour incapacité, d'origine médicale dirons-nous, qui, elle, n'est pas soumise à votation populaire, mais qui est, surtout, susceptible de donner lieu à un recours au niveau cantonal. C'est donc ce point en particulier qui est important dans cet amendement. Le fait de vouloir remplacer «incapacité» par «incapacité totale» n'ajoute rien. L'interprétation de cette incapacité pourrait être faite dans le cadre du recours.
Par ailleurs, pour rebondir sur les propos tenus tout à l'heure par M. Pierre Eckert, il est évident que si une personne se trouve dans l'incapacité de faire recours, cela signifie qu'elle va disposer d'un représentant qui pourra éventuellement agir en son nom.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, Mesdames et Messieurs, à ne pas accepter le sous-amendement qui ajoute la notion d'incapacité totale et à en rester au texte tel que proposé dans l'amendement. Je vous remercie.
M. Christian Flury (MCG), rapporteur. Chères et chers collègues, comme expliqué tout à l'heure, la constitution genevoise exprime des principes généraux. Il n'y a donc pas lieu de complexifier sa rédaction. Les précisions et les détails tels que proposés par le sous-amendement qui nous est soumis ont leur place dans le projet de modification de la loi portant règlement du Grand Conseil, qui est reparti à la commission des droits politiques. Je vous invite donc à rejeter ce sous-amendement. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs, il n'y a plus de demande de parole; je vous invite donc à vous prononcer sur la proposition de sous-amendement de MM. Cyril Mizrahi et Pierre Eckert que voici:
«Art. 115B, al. 1
1 La loi peut prévoir un mécanisme de destitution d'un membre du Conseil d'Etat en cas d'incapacité totale et durable d'exercer la fonction.»
Mis aux voix, ce sous-amendement est rejeté par 64 non contre 26 oui et 2 abstentions.
Le président. Je vous fais donc voter l'amendement de Mme Zuber-Roy et consorts, tel qu'originellement déposé, proposant d'introduire un article 115B. Il se lit ainsi:
«Art. 115B Destitution pour incapacité durable d'exercer la fonction (nouveau)
1 La loi peut prévoir un mécanisme de destitution d'un membre du Conseil d'Etat en cas d'incapacité durable d'exercer la fonction.
2 Dans le cas prévu à l'alinéa précédent, la destitution n'est pas soumise au corps électoral et peut faire l'objet d'un recours cantonal.»
Mis aux voix, cet amendement (nouvel art. 115B) est adopté par 88 oui contre 1 non et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat (PL 12827-A)
Mise aux voix, la loi 12827 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 92 oui contre 1 non et 1 abstention.