Séance du
jeudi 3 juin 2021 à
17h
2e
législature -
4e
année -
1re
session -
6e
séance
PL 12630-A
Premier débat
Le président. Voici l'objet suivant: le PL 12630-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je laisse la parole à la rapporteure de majorité, Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Du respect et de la compassion, c'est la moindre des choses que nous devons, pas seulement à nos aînés locataires, mais à l'ensemble de la population. Mesdames et Messieurs, le projet de loi 12630 répond à une préoccupation mise en exergue dans une émission de la RTS, qui évoquait la situation dramatique de personnes âgées perdant leur logement suite au non-paiement de leur loyer. Néanmoins, s'il relève d'une intention louable, d'une part en voulant modifier la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle - la LIASI -, d'autre part en s'appuyant sur une mauvaise compréhension de celle-ci, il se trompe de véhicule pour prévenir ces cas de figure.
Le texte vise à faire intervenir les services sociaux dès la constatation d'un défaut de paiement afin d'éviter la résiliation du bail: l'article 34A nouveau de la LIASI prévoit que le bailleur, lorsqu'il note un défaut de paiement du loyer, en informe le service social de la commune où se trouve le bien immobilier; il doit en outre informer le ou la locataire de cette démarche. La nouvelle disposition stipule qu'il incombe aux communes d'organiser au sein de leur administration, soit individuellement, soit par regroupement intercommunal, une antenne sociale habilitée à recevoir les communications précitées. Un délai d'un an dès l'entrée en vigueur de la loi leur est imposé pour instaurer ledit service qui enregistrera les avis des bailleurs afin de réaliser les intentions portées par les auteurs.
Cet objet est problématique à divers titres. Tout d'abord, il n'est pas conforme au droit supérieur dans le sens où il prescrit une nouvelle tâche aux bailleurs. Ensuite, il inscrit dans la LIASI des obligations communales qui sortent du domaine de compétence des communes. Non seulement il définit ces attributions de manière comminatoire, mais il soulève par ailleurs la délicate question du signalement social, c'est-à-dire d'une intervention non sollicitée par un usager ou une usagère, ce qui revient à légaliser une forme d'intrusion dans la sphère privée contraire au principe du libre arbitre ainsi qu'aux normes déontologiques du travail social.
Le projet de loi 12630 empiète volontairement sur le champ sensible de la répartition des tâches entre les communes et le canton; il impose, tranche sans concertation, attentant de fait à l'autonomie communale. La définition de la mission des services sociaux communaux telle qu'elle figure à l'article 34A, alinéa 3, est particulièrement restreinte et justifie difficilement la création d'entités ad hoc. De surcroît, le texte demeure flou quant à la suite que devraient donner ces organes au signalement d'un bailleur. La question des personnes âgées en difficulté, comme celle d'autres catégories de gens, ne se résoudra pas par des dispositions péremptoires et approximatives telles que les propose ce projet de loi.
Mesdames et Messieurs, le dispositif social actuel... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Avant de vous rendre la parole, Madame la rapporteure de majorité, je vous informe que vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Jocelyne Haller. Merci. Le dispositif social existant est d'ores et déjà chargé d'intervenir dans ces situations, mais il n'est pas toujours en mesure de le faire en raison de la saturation des divers services, lesquels ne disposent pas des moyens suffisants pour répondre à l'entier de leurs missions au vu des nombreuses demandes auxquelles ils font face. Si nous devons nous préoccuper d'une population qui apparaît laissée pour compte, c'est par ce biais-là qu'il faut agir; le parlement doit se décider à octroyer aux établissements sociaux et aux services de l'Etat les ressources nécessaires afin qu'ils puissent assumer les charges qui leur reviennent. Pour ces motifs, une importante majorité de la commission des affaires sociales a refusé d'entrer en matière sur ce projet de loi et vous propose d'aller dans le même sens. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est révélateur: la gauche et la droite de ce parlement se sont réunies non pour construire, mais pour détruire. Si la droite a l'excuse qu'elle défend en général les bailleurs et non les locataires, la gauche n'en a en revanche aucune, parce qu'élection après élection, elle prétend soutenir les locataires. En l'occurrence, la gauche - à l'exception d'une abstention Verte - a estimé qu'il ne fallait pas venir en aide aux locataires âgés menacés d'expulsion.
Pourtant, le projet de loi proposé ici se singularise par sa modération. Rappelons qu'il a été déposé suite à la diffusion, en tout début d'année, d'une émission de la RTS - «Mise au point» - révélant des cas catastrophiques de personnes en âge AVS qui, faute d'avoir payé leur loyer, se retrouvent à la rue. Le texte vise à éviter ces drames à travers une meilleure information à destination des communes, il s'agit de prévenir les situations avant qu'il ne soit trop tard. En cas de défaut de paiement du loyer, le propriétaire sera tenu d'informer les services sociaux communaux. Avec l'accord du locataire, l'antenne sociale pourra prendre les devants et remédier à la situation pour empêcher une résiliation du bail, ce qui permettra un dénouement favorable sans catastrophes ni drames humains.
Actuellement, hélas, les services sociaux ne sont pas systématiquement avertis, car il n'existe aucune obligation, ce qui engendre les situations scandaleuses que nous connaissons. Il faut être conscient que beaucoup de locataires n'osent pas entreprendre cette démarche. Le but est simple et évident: informer les services sociaux pour que ceux-ci puissent proposer une aide. C'est aux communes de prendre en charge cette tâche et, pour ce faire, les plus petites d'entre elles ont la possibilité de se regrouper. En effet, le projet de loi stipule: «Il incombe aux communes d'organiser au sein de leur administration, soit individuellement, soit par regroupement intercommunal, un service social [...]» Le partage des moyens afin d'assumer une compétence existe déjà pour d'autres fonctions.
Quant à la prétendue non-conformité au droit fédéral qui a été invoquée en commission, il s'agit d'un argument qui manque singulièrement de pertinence et sert plutôt d'oreiller de paresse; il serait plus juste de parler d'absence d'argument ! Le champ du projet de loi a été intégré de manière tout à fait cohérente dans la LIASI, dont le but est de soutenir les personnes en difficulté sociale, et il remplit ses conditions. Il suffit de relire le texte pour constater qu'il est fluide et clair. Certes, un règlement d'application devra être mis en place par le Conseil d'Etat, mais le cadre de l'action publique est indiqué.
Mesdames et Messieurs, cet objet n'a pas été étudié sérieusement en commission, les gens doivent savoir qu'il n'a été procédé à aucune audition. Les travaux ont été bâclés, et je le regrette. Pour ces raisons, je propose que nous le réexaminions en commission, donc je fais une demande formelle de renvoi. Il convient, à la suite des débats, de prendre les mesures nécessaires, mais avant tout de réaliser un travail de qualité afin de venir en aide à toutes celles et ceux qui se trouvent dans ce genre de situation. Je vous remercie.
Le président. Merci. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi à la commission des affaires sociales. Madame la rapporteure de majorité, souhaitez-vous vous exprimer à ce sujet ?
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Oui, Monsieur le président, je vous remercie. Mesdames et Messieurs, notre groupe refusera la demande de renvoi en commission et vous appelle à en faire autant. Il ne s'agit pas de mauvaise foi à l'égard de ce projet de loi, mais celui-ci est tout simplement incompatible avec le droit fédéral. Ce Grand Conseil n'a pas la compétence d'imposer des tâches aux bailleurs, pas plus qu'il ne peut obliger les communes à créer des services sociaux, sinon la question de la répartition des tâches entre les communes et le canton serait réglée depuis fort longtemps. Aussi, il n'y a aucun sens à examiner à nouveau le texte en commission. Si le MCG et les signataires sont inquiets quant à la situation des locataires âgés, ce que l'on peut tout à fait concevoir, alors qu'ils reviennent avec un objet qui permette véritablement de traiter cette question dans le cadre des attributions du Grand Conseil, ce qui n'est pas le cas ici.
Le président. Je vous remercie. Madame la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, un mot sur la proposition de renvoi en commission ? (Remarque.) Non, alors je lance la procédure de vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12630 à la commission des affaires sociales est rejeté par 67 non contre 15 oui.
Le président. Nous poursuivons la discussion. Monsieur Bertrand Buchs, c'est à vous.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien refusera ce projet de loi pour les raisons qui ont été explicitées par la rapporteuse de majorité. On ne peut pas voter un texte qui est contraire au droit fédéral, point ! Le Conseil d'Etat ne pourrait même pas demander le troisième débat, ainsi que cela a été expliqué aux auteurs. La commission n'a pas discuté sur le fond, elle a délibéré quant au principe, et il se trouve que cet objet n'est pas exécutable. Voilà pourquoi il n'y a pas eu d'auditions.
Nous avons demandé que le projet de loi soit transformé en proposition de motion, et le MCG était initialement d'accord de déposer une proposition de motion pour le remplacer; malheureusement, à la fin des débats, ce parti a finalement décidé de maintenir son projet de loi, et ce bien qu'on ne puisse pas entrer en matière dessus pour les deux raisons principales mentionnées: il est non conforme au droit fédéral et on ne peut pas obliger les communes à créer des services sociaux - je rappelle que 28 communes sur 45 ne disposent pas d'antenne sociale actuellement. Aussi, ce texte doit être refusé. Je vous remercie.
Mme Sylvie Jay (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'aurez compris, le présent projet de loi consiste en une modification de la LIASI par l'ajout d'un article 34A qui demande, dans un premier temps, lors de la constatation d'un défaut de paiement d'un locataire en âge AVS pouvant mener à une résiliation de bail, que le bailleur informe le service social de la commune concernée, puis, par voie de conséquence, que chaque commune instaure une antenne sociale ayant pour mission de répondre à cette nouvelle obligation.
Personne dans ce parlement ne contestera l'intention honorable, cela a été souligné précédemment, des signataires de ce texte qui vise à protéger les aînés, population identifiée comme vulnérable. Toutefois, la démarche interroge sur différents points, en premier lieu quant au choix de la LIASI dont la finalité est de prévenir l'exclusion sociale en aidant les gens à recouvrer leur autonomie, en favorisant la réinsertion sociale et professionnelle. Il n'y a pas lieu de s'immiscer dans les affaires privées que sont les relations contractuelles entre bailleurs et locataires qui, elles, relèvent du droit fédéral.
Ensuite, le public cible: nous osons croire que l'âge de l'AVS ne constitue pas en soi un critère de vulnérabilité ou de faiblesse ! Mon propos ne se veut pas ironique, mais soulève la question de l'égalité de traitement. En effet, un état de vulnérabilité ou de détresse peut toucher toute personne, indépendamment de son âge, et chacun doit bénéficier d'une aide ou d'un accompagnement propre à ses besoins, émanant soit de sa commune de résidence, soit du canton.
Les auteurs souhaitent impliquer les communes dans la lutte contre la résiliation de baux au motif de non-paiement du loyer et, pour cela, ils se réfèrent à la loi sur la répartition des tâches entre les communes et le canton. A cet égard, il convient de rappeler que la politique publique en faveur des personnes âgées est une tâche conjointe du canton et des communes. Comme l'a relevé avec pertinence Mme Haller dans son rapport de majorité, les communes sont compétentes exclusivement pour les tâches de proximité qu'elles assument pleinement.
Concernant les aînés, des prestations leur sont offertes pour éviter qu'ils ne se retrouvent isolés, des aides et un accompagnement dans la vie quotidienne leur sont proposés, cela outre la présence d'un service social spécifique, comme le requiert ce projet de loi.
Enfin, l'article 34A nouveau, s'il devait être accepté, contreviendrait à l'autonomie communale au sens de l'article 2 de la LAC, autonomie qui est garantie par la constitution et par la loi. Pour toutes ces raisons, le PLR ne votera pas ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Vertes et les Verts prennent à coeur ces situations qui touchent une partie vulnérable de la population, il y a effectivement un problème. Malheureusement, comme cela a été souligné par mes préopinants, ce projet de loi ne constitue pas le bon outil pour le résoudre, puisqu'il n'est tout simplement pas conforme au droit supérieur: le domaine du bail relève du droit fédéral. Voilà la première raison.
Ensuite, on relève un non-respect de la sphère privée qui, quant à lui, n'est pas compatible avec la loi fédérale sur la protection des données. Enfin, le texte pose problème au niveau de la LRT et du rôle des communes, l'Etat ne pouvant pas contraindre celles-ci à créer des services sociaux. Actuellement, dans le canton de Genève, 28 communes sur 45 ne disposent pas d'antenne sociale, la mise en oeuvre serait donc vraiment compliquée.
Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts vous invitent à refuser ce projet de loi, ce qui ne signifie pas que nous ne soyons pas sensibles à la problématique, mais nous essaierons par d'autres voies - nous essayons, je vous le garantis - de trouver des solutions pour les locataires en difficulté. Je vous remercie.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été rédigé par le MCG suite au visionnage d'un reportage de la RTS sur des aînés ayant perdu leur logement au motif qu'ils ne se sont pas acquittés de leur loyer. Si la problématique est bien réelle, cela a été souligné, elle mérite toutefois une réponse sérieuse et de qualité, et force est de constater que le MCG a bâclé le travail avec ce projet de loi.
Une voix. C'est toi qui l'as bâclé ! (Rires.)
M. Sylvain Thévoz. Ce projet de loi veut obliger les bailleurs, Mesdames et Messieurs - oui, les obliger ! - à communiquer - on hésite presque à dire «dénoncer» - au service social d'une commune le nom d'un locataire qui ne peut plus payer son loyer. A défaut d'apporter une solution, le texte pose surtout des problèmes, et je vais les lister rapidement.
Tout d'abord, il y a la question de l'ancrage dans la loi cantonale sur l'insertion et l'aide sociale individuelle. Les communes, vous le savez, ne sont pas des organes d'exécution de la LIASI; celles qui sont dotées d'un service social assument cette mission de leur plein gré, mais la majorité d'entre elles, c'est-à-dire 28 sur 45, n'en ont pas. Il faut en outre rappeler qu'une révision de la LIASI est imminente, et celle-ci comportera des mesures relatives au logement.
Ensuite, le texte pose problème en ce qui concerne le respect du droit supérieur. Le domaine du bail relève du droit fédéral, Mesdames et Messieurs, et on ne peut pas, dans le cadre d'une législation cantonale, imposer de nouvelles obligations aux bailleurs. Par ailleurs, les conséquences et sanctions ne sont pas prévues par le droit fédéral. Relevons également une atteinte à la sphère privée: le projet de loi n'est clairement pas compatible avec la loi fédérale sur la protection des données.
Il y a encore le rôle des communes. Cet objet attente à l'autonomie communale et reste flou quant à la suite que devraient donner les services sociaux au signalement d'un propriétaire. Bref, si les questions que vise à résoudre le projet de loi 12630 existent, l'outil proposé n'est vraiment pas adéquat, et le parti socialiste vous invite dès lors à le rejeter.
Pour nous, des solutions immédiates existent. Il faudrait notamment parvenir à accélérer l'intervention de l'Hospice général et renforcer le travail avec les milieux immobiliers pour informer davantage les locataires des ressources qui s'offrent à eux en cas de difficultés de paiement. La lutte contre le non-recours à l'aide sociale constitue un chantier pour lequel des moyens supplémentaires doivent être débloqués, de même que pour la prise en charge des loyers par l'Etat lorsque les locataires ne peuvent ponctuellement plus les assumer; il s'agit de les aider à passer le cap, sur le modèle du projet de loi 12889 qu'ont déposé ensemble le groupe socialiste, les Verts et Ensemble à Gauche.
Enfin, et je terminerai par là, Mesdames et Messieurs, nous devons avancer vers une automaticité des prestations complémentaires. Certains de nos aînés ignorent complètement qu'ils peuvent avoir recours à des prestations complémentaires, personne ou presque ne les renseigne à ce sujet. A cela s'ajoute souvent la honte ou la gêne d'avoir à solliciter une aide, et cela dépend directement de l'Hospice général. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Comme cela a déjà été signalé plusieurs fois, le respect et la compassion envers nos aînés locataires constituent un devoir. Qu'un propriétaire ou une régie balance une résiliation de bail à une personne âgée qui payait ponctuellement son loyer depuis des années et des années, et ce sans la renseigner quant au motif, c'est évidemment scandaleux, c'est un manque total de savoir-vivre.
Le projet de loi est honorable, mais difficilement réalisable. Il n'est pas certain que le mécanisme prévu, soit une obligation pour les bailleurs d'annoncer les retards de paiement, sera suffisamment rapide et efficace. Si la volonté des auteurs est louable, le texte est malheureusement inapplicable et surtout non conforme à la législation fédérale: l'article 34A, alinéa 1, ne respecte pas le droit du bail tandis que l'alinéa 2 constitue une atteinte à l'autonomie communale, sans parler des difficultés à le mettre en pratique.
En commission, le groupe UDC s'était abstenu lors du vote d'entrée en matière, et tout à l'heure, nous avons soutenu le renvoi en commission. Si, au cours de ce débat et grâce à des amendements, le projet final devait tenir la route sans engendrer de mesures disproportionnées, l'UDC changerait sa position, mais le texte tel que présenté ici n'est pas acceptable, et nous le refuserons. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est demandée par M. François Baertschi, à qui elle revient pour deux minutes seize.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. La perte du logement, c'est la mort sociale. Les personnes dont on parle ici, ce sont des gens qui, en raison de leur âge, de leur situation personnelle, du cours de la vie, se retrouvent en situation de faiblesse, et cette faiblesse est alors exploitée par certains bailleurs. C'est ce que montrait l'émission de la RTS.
On nous dit: «Il y a le droit supérieur.» Mais c'est quoi, le droit supérieur ? C'est mettre les gens à la porte ? Les laisser dans la misère ? C'est ça que l'on veut ? C'est ce que veut la gauche, c'est ce que veut la droite ? Bravo ! Ce soir, j'ai honte; j'ai honte de voir qu'on traite nos aînés de cette manière, j'ai honte de constater le manque de générosité... Même pas de générosité, mais de reconnaissance: ce sont ces générations, Mesdames et Messieurs, qui vous permettent d'être ici, d'avoir une situation confortable ! Ce sont ces générations qui se retrouvent aujourd'hui en difficulté en raison d'événements de la vie, comme nous allons nous-mêmes y être confrontés dans quelques années, et il n'y aura peut-être personne pour s'occuper de nous à ce moment-là !
L'égoïsme qui se manifeste dans ce Grand Conseil, nous ne pouvons pas le tolérer, c'est une façon d'abandonner les aînés. Il y a peut-être de bons principes, mais nous les abandonnons. Je vous demande formellement de soutenir ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je repasse la parole à M. Bertrand Buchs qui dispose d'une minute et cinquante-neuf secondes.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président, je serai très bref. Je demande au MCG d'arrêter de bâcler ses projets de lois. Si le sujet est important, il faut déposer un texte qui tienne la route, point barre. Et puis arrêtez de nous faire la leçon ! Vous présentez un projet de loi qui ne peut pas être voté et vous nous faites la leçon; ce n'est pas normal, ce n'est pas juste. Proposez de bons projets de lois, et on en discutera. Je vous remercie.
Le président. Merci. Je rappelle au groupe MCG qu'il lui reste quarante-six secondes; je céderai ainsi la parole à M. François Baertschi, mais probablement pas au député suivant.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je m'inscris en faux contre ce que vient de dire le Dr Buchs: le texte a été élaboré attentivement avec l'aide de juristes, avec des gens de qualité, compétents, vous seriez étonné des personnes qui y ont travaillé. C'est prétentieux de dire que le texte est bâclé, c'est prétentieux et méprisant !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. Christian Flury pour vingt-six secondes.
M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, j'aimerais remettre les choses en perspective: éjecter un retraité de son appartement, c'est l'occasion pour une régie de reprendre la main sur un logement occupé depuis vingt-cinq ans et qui n'a subi aucune majoration de loyer, de le rénover et de le remettre sur le marché au cours du jour.
Le président. Merci...
M. Christian Flury. Cela étant, la régie ne prend aucun risque, puisque chaque locataire a un dépôt de garantie de trois mois.
Le président. Il faut conclure.
M. Christian Flury. On peut ainsi repousser de trois mois l'expulsion de quelqu'un. Soutenez ce projet de loi !
Le président. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de minorité, il ne vous reste plus de temps. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole pour une minute.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. J'avoue que je suis assez surprise qu'en raison d'un problème formel, c'est-à-dire l'impossibilité de donner suite à ce projet de loi, on vienne accuser la majorité de ce Grand Conseil d'égoïsme, de manque de générosité et d'indifférence à l'égard des locataires âgés. C'est faux, et il ne faut pas se tromper d'objectif.
La question des locataires en âge AVS est digne d'intérêt, elle nous préoccupe d'ailleurs à divers titres, mais ici, on nous propose de réinventer la roue ! Une roue carrée, qui plus est, et vous savez la difficulté que cela représente pour avancer. Il se trouve que le dispositif social prévoit d'ores et déjà des aides en faveur de ces personnes, théoriquement du moins; ce qui pose problème, c'est que les services sont surchargés.
Le président. Merci.
Mme Jocelyne Haller. Alors quand on parle de manque de générosité, moi j'ajouterais: manque de cohérence !
Le président. C'est terminé.
Mme Jocelyne Haller. Parce que si on tolère aujourd'hui que les services ne puissent pas remplir leur mission, alors c'est que nous avons...
Le président. Merci, Madame.
Mme Jocelyne Haller. ...un réel problème de cohérence politique et institutionnelle. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi qui nous est présenté ici met le doigt sur une problématique réelle, à savoir que des locataires âgés peuvent être mis à la rue. En revanche, la solution proposée, nous l'avons entendu, ne convient malheureusement pas... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Madame la conseillère d'Etat... Mesdames et Messieurs, merci de respecter la prise de parole de la magistrate !
Mme Nathalie Fontanet. La solution proposée, nous l'avons vu aujourd'hui, ne répond malheureusement pas aux exigences légales. C'est regrettable, j'imagine que ce Grand Conseil aurait souhaité procéder différemment, mais ce n'est pas possible. Par ailleurs, le projet de loi ne dit rien sur l'omission de la communication par le bailleur au service social de la commune, c'est-à-dire qu'il n'y aurait aucune conséquence.
Cela étant, Mesdames et Messieurs, nous pouvons trouver ensemble d'autres pistes sans passer par le biais d'un projet de loi. D'abord, Mme Haller l'a indiqué, le dispositif social existant offre un soutien s'il est informé de la situation. S'il en est informé ! Il se trouve que certaines personnes n'ont pas recours à l'aide sociale, d'autres sont en rupture avec leurs obligations administratives, elles pourraient s'acquitter de leur loyer, mais sont tellement débordées par l'ensemble des documents qu'elles reçoivent qu'elles ne le font pas.
Nous pourrions par exemple mettre en place un partenariat entre l'Etat et les régies: celles-ci enverraient un rappel de paiement de loyer, voire un flyer qui préciserait aux citoyens qu'ils peuvent s'adresser aux services sociaux, lesquels sont là pour eux, ou à des entités telles que Caritas, ou encore se rendre à l'antenne sociale de leur commune. Il s'agirait de diffuser les informations plus loin, de prendre les devants par rapport aux personnes qui se trouvent soit dans le dénuement et donc dans l'impossibilité de payer leur loyer, soit dans des contextes de rupture.
Nous pouvons oeuvrer ensemble à d'autres approches, nous entretenons des contacts réguliers avec les représentants des milieux immobiliers, et si nous leur soumettons un flyer à envoyer aux locataires, je ne pense pas qu'ils émettraient une quelconque opposition. Cela nous permettrait d'assurer le suivi de ces personnes qui traversent des périodes extrêmement difficiles. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que le Conseil d'Etat tenait à vous dire sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, je mets aux voix l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12630 est rejeté en premier débat par 76 non contre 10 oui et 2 abstentions.