Séance du
jeudi 3 juin 2021 à
17h
2e
législature -
4e
année -
1re
session -
6e
séance
RD 1249-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous abordons maintenant le RD 1249-A et la R 863-A. Nous traiterons ces objets liés en catégorie II, soixante minutes. Monsieur Jean Burgermeister, rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Trois ans après le début de la législature, nous commençons à débattre du programme de législature 2018-2023 du Conseil d'Etat. Cela n'a évidemment pas beaucoup de sens d'en discuter maintenant: le débat sur ce que souhaitait faire le gouvernement durant les cinq ans à sa disposition aurait dû avoir lieu au début de la législature. Mais la majorité de la commission des finances a décidé de refuser ce programme de législature et l'exécutif, mauvais perdant et un peu boudeur, a donc renoncé à demander l'urgence. Voilà, Mesdames et Messieurs, le courage de notre gouvernement ! Figurez-vous que son calcul n'était finalement pas très heureux: si, en début de législature, nous avions bien sûr des critiques à faire sur ce document, qui auraient précisément pu susciter un débat, force est de constater après trois ans que le problème, c'est que la plupart des éléments annoncés ici n'ont en plus pas été faits ! Soit parce que le Conseil d'Etat y a purement et simplement renoncé sans même essayer, soit parce qu'il a échoué dans sa tâche.
Parmi les promesses non tenues, je me bornerai à en citer quatre - le temps qui m'est imparti est limité. Premièrement, l'exécutif nous dit qu'il veut oeuvrer pour le respect de la législation, des usages, des conventions collectives de travail et des contrats types de travail; il nous dit que tout cela dépend du partenariat social, «dans lequel l'Etat joue un rôle de garant, mais aussi de moteur et de contrôle». Vous savez, Mesdames et Messieurs, le début de ce paragraphe ressemble un peu aux amendements qu'a systématiquement déposés Ensemble à Gauche dans le cadre des projets de lois d'aide aux entreprises et qui ont systématiquement été combattus par le Conseil d'Etat: il nous a dit que son rôle n'est pas de défendre les conventions collectives. Rappelons encore l'attitude du gouvernement vis-à-vis des vendeuses et des vendeurs des grands magasins: il a décidé de passer en force pour l'ouverture des dimanches alors même que la loi permet déjà aujourd'hui à ces grands magasins d'ouvrir les dimanches à condition - et seulement à condition - qu'une convention collective de travail soit signée. Devant le refus des patrons de faire la moindre concession, l'exécutif a décidé de passer en force au mépris des salariés. On pourrait également mentionner ce qui se passe à Swissport ou à l'aéroport de manière générale pour montrer à quel point le Conseil d'Etat refuse précisément de jouer un rôle de garant, mais aussi de moteur et de contrôle s'agissant des conventions collectives de travail.
Deuxième promesse non tenue: celle de «renforcer l'action de notre canton au plan de la solidarité internationale» - c'est une citation. Eh bien un simple coup d'oeil au budget de l'Etat de Genève depuis 2018 permet de confirmer que rien n'a été fait pour renforcer l'action du canton dans ce domaine. Troisième promesse non tenue: le Conseil d'Etat agira pour la préservation des terres agricoles. Mesdames et Messieurs, il suffit de se rappeler le projet du Pré-du-Stand pour voir que le gouvernement n'a pas agi dans ce sens-là. Quant à la défense de la cohésion sociale - et je m'arrêterai là -, qui est, nous dit-on, extrêmement importante, le Conseil d'Etat a lui-même souhaité, je cite, «mettre l'accent sur ce besoin de cohésion. Il réitère ici sa forte volonté de l'incarner aussi au niveau politique, s'engageant à rechercher en son sein un consensus» ! Mesdames et Messieurs, je ne crois pas avoir besoin de trop entrer dans les détails pour expliquer que ce gouvernement a quelque peu failli, depuis 2018, en matière de cohésion et de consensus.
Maintenant, les échecs ! Les échecs, il faut le dire, c'est un peu moins grave: il s'agit de choses que le Conseil d'Etat a quand même essayé de mettre en oeuvre. Il y a d'abord la réalisation de l'établissement des Dardelles à l'horizon 2022, qui a fini par échouer devant ce parlement, et puis le passage au système de primauté des cotisations de la CPEG, que le gouvernement met en exergue dans ce document - c'est l'un des seuls éléments qu'il cite en ce qui concerne la fonction publique. Eh bien, là encore, le Conseil d'Etat a échoué devant le peuple - même s'il n'a jamais caché, depuis, sa volonté de continuer à grignoter les retraites de la fonction publique, chaque fois que c'est possible, en contournant à petits pas la volonté populaire clairement exprimée.
Mais je ne serai pas trop dur avec ce gouvernement, Mesdames et Messieurs: il y a une réforme qu'il a réussi à mettre en oeuvre. C'est d'ailleurs la plus importante de la législature, il le dit lui-même: la RFFA - à l'époque, rappelez-vous, elle s'appelait PF17. Ce cadeau fiscal massif pour les grandes entreprises n'est même pas un des points du programme: il figure en introduction et en conclusion. Le Conseil d'Etat nous dit en somme que le plus important, durant les cinq années à venir, c'est de baisser massivement l'imposition sur le bénéfice des grosses entreprises du canton ! Il nous dit même qu'il s'agit d'un objet impérativement prioritaire, sans lequel tous les autres objets de la législature seraient compromis ! Mais quand on regarde le nombre d'échecs qui ont précisément suivi l'adoption de la RFFA, Mesdames et Messieurs, on se demande si le Conseil d'Etat ne s'est pas trompé de sens en les conditionnant à cette RFFA. Finalement, l'exécutif et l'Etat de Genève auraient peut-être pu mener une véritable politique ambitieuse, tant sur le plan social qu'environnemental, avec davantage de ressources.
Mais j'aimerais revenir sur un élément important: le Conseil d'Etat justifie la nécessité de cette baisse d'impôts en évoquant les choix fiscaux opérés par d'autres pays comme les Etats-Unis, qui «ne nous permettent plus de tergiverser» ! Ce sont les mots du gouvernement lui-même, Mesdames et Messieurs, mais on voit depuis que le choix du gouvernement en la matière n'était à nouveau pas gagnant. La situation aux Etats-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne ou ailleurs, a complètement changé ! Les Etats-Unis souhaitent aujourd'hui relever l'imposition des entreprises et exigent en particulier...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Jean Burgermeister. ...un taux d'imposition international de 15%, soit supérieur à celui souhaité par le Conseil d'Etat. Pour reprendre les mots qui figurent dans le programme du gouvernement, je dirai que les choix opérés aux Etats-Unis mais également dans d'autres pays ne nous permettent plus de tergiverser: il est urgent d'augmenter le taux d'imposition sur les bénéfices des entreprises.
Et puis - je terminerai bientôt - il faut aussi constater quelques absences un peu gênantes dans ce programme. Savez-vous par exemple ce que dit le Conseil d'Etat des inégalités sociales dans le canton ? Il ne dit rien ! Pas un mot; cela ne figure même pas dans le programme. Pourtant, vous le savez, Genève est le canton le plus inégalitaire de Suisse: près de la moitié des richesses du canton... (Exclamations. Commentaires.) Cela fait rire le PLR, qui représente précisément ceux dont je parle. Près de la moitié des richesses du canton - selon les chiffres de la Confédération, pas de «Bolchevik Magazine» - sont détenues par les ultra-riches d'une fortune de plus de dix millions ! Face à cela, il faut le dire, le Conseil d'Etat a été honnête puisqu'il nous annonce très clairement, dans son programme, sa volonté de ne rien faire pour réduire les inégalités sociales ! Celles-ci ont au contraire continué à se creuser durant ces dernières années, y compris depuis 2018 et particulièrement avec la crise, face à laquelle l'exécutif est resté extraordinairement passif: rappelons, Mesdames et Messieurs, que le gouvernement n'a tout simplement rien fait, depuis le mois de juin 2020, pour celles et ceux qui ont perdu leur revenu.
Face à la crise que nous traversons, cela fait un an que le gouvernement est inactif sur le front social. Il devrait tout de même s'en garder puisque aux dernières élections, je le rappelle, les partis gouvernementaux ont reçu une minorité des suffrages au premier tour. Et si le Conseil d'Etat continue, persiste envers et contre tout à rester sourd à la question sociale, il risque fort de le payer dans les urnes. Je vous remercie.
M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de minorité. Chères et chers collègues, je ne répondrai certainement pas au rapporteur de majorité - vous en conviendrez. Nous pouvons certes comprendre que les partis de gauche et les patriciens de la mouvance libérale ne comprennent toujours pas ce qui fait le ciment de nos institutions et comprendre leur égarement dans ce jeu de postures. Mais refuser aussi sèchement les propositions gouvernementales va à l'encontre de la volonté populaire et du dialogue entre le parlement et le gouvernement que le peuple attend - c'est le respect de la «vox populi».
Dans le cadre actuel, il est effectivement difficile, voire illusoire, de plaire à tout le monde. J'invite cependant les partis gouvernementaux à trouver un socle commun minimal dans le cadre du travail parlementaire. Je commencerai par la prévisibilité: elle est essentielle pour assurer les conditions-cadres du développement économique et social de Genève. La politique en porte la responsabilité. La fiabilité: elle est nécessaire pour retrouver la confiance de nos concitoyens. Le jeu des postures politiciennes est indigne des enjeux du moment, auxquels notre canton est confronté au travers notamment de la pandémie que l'on connaît. La confiance: elle passe par une vision du Conseil d'Etat clairement exprimée et par la capacité du gouvernement à mener des politiques cohérentes avec les objectifs qu'il se fixe. Mesdames et Messieurs, encore faut-il avoir envie de soutenir le Conseil d'Etat ! Monsieur le président, je m'arrête à ce stade du débat.
M. François Baertschi (MCG). Si le programme de législature... (Brouhaha.) Si le programme... (Brouhaha.) Excusez-moi, il y a un peu de bruit.
Le président. Vous avez raison, Monsieur le député. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Vous pouvez reprendre.
M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Si le groupe MCG aurait pu accepter les mesures de gestion qui figurent dans ce programme de législature, avec lesquelles nous sommes très majoritairement d'accord, il y a en revanche des axes politiques fondamentaux qui ne vont pas du tout dans notre sens. Nous déplorons que l'exécutif ait jugé bon de faire figurer parmi ces axes des sujets qui à mon sens ne sont pas véritablement de son ressort, à savoir l'intégration européenne et l'intégration mondiale. Il exprime ainsi une volonté qui dépasse en grande partie ses compétences: ce sont les compétences du Conseil fédéral, de la Confédération - il y a malheureusement là une véritable erreur de casting que je déplore.
Devons-nous accepter ce programme de législature, même si c'est à notre sens un programme qui ne va pas parce qu'il n'unit pas - il divise, il essaie d'imposer par la force ? Nous n'avons pas besoin de ces combats stupides ! C'est au moment des élections qu'on peut se lancer dans ces oppositions, mais au moment de gouverner, alors que l'on construit un gouvernement de coalition, il faut unir. Il faut trouver les points de convergence qui peuvent réunir tous les partis ! Nous devons malheureusement constater que le MCG ne trouve pas son compte dans ce programme de législature, et je le déplore.
Il y a également deux-trois éléments insuffisamment exprimés dans ce programme, en particulier la politique de préférence cantonale qui à notre sens aurait dû être beaucoup plus marquée parce qu'elle est, pour nous, véritablement fondamentale. Nous pensons bien, étant donné la composition de ce gouvernement, qu'elle ne peut pas être l'élément principal du programme, mais ça doit quand même être un élément qui compte: une bonne partie de la population genevoise y adhère, si on en croit ce qui a été exprimé lors des élections de 2018.
Je remarquerai en passant qu'on nous parle d'attachement au droit international; on ne peut pas reprocher au Conseil d'Etat de ne pas aller dans ce sens-là quand on voit la position de tous les partis, sauf du MCG, concernant les problèmes en Chine. Quand on voit les problèmes du Falun Gong, quand on voit les problèmes liés au covid, ceux des Ouïghours, etc., et quand on voit la décision qui a été prise tout à l'heure et la faible qualité des arguments exprimés ! Quand on voit ça ! Quand on voit que ce Grand Conseil passe son temps à donner des leçons à la terre entière, mais que là rien n'est fait alors que ce serait vraiment justifié et qu'il faudrait prendre position, de manière courageuse, il y a quelque chose que je trouve scandaleux. Je ne vais pas faire de reproche au Conseil d'Etat à cet égard; le reproche s'adresse à la majorité - à la presque totalité - des groupes de ce parlement, à l'exception du MCG. Il faut malheureusement le dire et ne pas imputer la faute au gouvernement de manière systématique quand ce sont des députés qui dysfonctionnent ! Et en l'état, des députés dysfonctionnent.
On parle actuellement du plan climat cantonal. Là aussi, on se rend compte qu'il cadre avec une certaine philosophie, à savoir la mondialisation, de manière assez éloignée du local. Pourtant, il faudrait justement aller beaucoup plus en direction du local, d'une économie de proximité, réelle, au lieu de s'en tenir aux marchés à la ferme - ce sont eux qui font actuellement office de politique locale.
Je terminerai avec le problème de la solidarité internationale, bien que ce soit aussi une question mineure en regard de ce qui vient d'être évoqué. Gros sujet genevois ! Une fois de plus, on retrouve là le néocolonialisme de certains bien-pensants: ils veulent imposer les valeurs de notre pays dans des pays du tiers-monde qui n'ont rien à faire avec ces valeurs-là. On voit par exemple - cela m'a été rapporté tout récemment - des associations écologistes faire la chasse aux tribus primitives pour défendre des bêtes sauvages, comme si l'être humain n'avait pas de valeur et qu'il fallait uniquement protéger la faune et la flore sauvages, contre les êtres humains locaux, contre les traditions. Merci, Monsieur le président.
M. Stéphane Florey (UDC). A en lire la teneur, ce programme de législature était d'avance voué à l'échec; le plus regrettable, c'est qu'il ne propose pas grand-chose mis à part quelques augmentations d'impôts ici et là, quelques pseudoréformes. Notre collègue Eric Leyvraz ne s'est pas trompé, en commission, en déclarant que notre groupe le refuserait. C'est bien sûr ce que nous ferons aujourd'hui - le refuser -, car ça fait malheureusement depuis bien avant 2018 qu'une majorité de ce Grand Conseil, y compris l'UDC, demande et attend de l'Etat de vraies réformes structurelles ! Ces réformes n'ont toujours pas été menées en 2021; on n'en voit toujours pas la couleur. Et tant que ces réformes - de vraies réformes structurelles - ne seront pas présentées devant ce Grand Conseil, nous ne pourrons bien évidemment accepter aucun programme de législature, aucun budget même, ni tout ce qui va avec.
Cette situation est de moins en moins réaliste tant pour le Grand Conseil que pour le citoyen lui-même: nous ne pouvons plus continuer comme ça, à aller droit dans le mur à tombeau ouvert. Il faut vraiment arrêter de vouloir absolument tout faire pour finalement ne rien faire; c'est exactement ce qui se passe aujourd'hui. C'est beaucoup de tergiversations, de temps perdu en discussions - pour arriver à quoi ? A peu près à rien ! Il n'y a qu'à voir comment a fini SCORE, comment certains grands projets sont passés à la trappe. Par conséquent, en ce qui nous concerne, nous disons stop: il faut absolument que l'Etat se réveille et vienne avec de vraies propositions. A voir les discussions sur les futurs budgets qui ont pris fin ces derniers temps - pas plus tard que quinze jours en arrière -, alors qu'un certain nombre de propositions devaient arriver, eh bien là non plus on n'en verra pas encore la couleur. Pour le moment, nous disons donc stop et nous refuserons ce programme. Nous attendons bien évidemment beaucoup plus qu'un réveil du Conseil d'Etat: de vraies propositions. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient maintenant à M. le député André Pfeffer pour trois minutes et quatre secondes.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Etablir un programme de législature est un exercice obligatoire, et ce programme a été établi et discuté en commission en 2018. Mais il est étonnant que ce programme de législature 2018-2023 n'analyse pas plus sérieusement la réforme fiscale des entreprises, pourtant votée quelques mois plus tard, la CPEG - le besoin de la renflouer à l'aide de centaines de millions était déjà connu -, ou encore le projet SCORE, qui a capoté quelques mois plus tard. Surtout, il n'y a pas un mot sur la traversée du lac, acceptée par le peuple, qui serait - ou sera - l'une des plus grandes infrastructures de Genève.
Lors de son audition, le Conseil d'Etat a déclaré textuellement que la législature 2018-2023 serait dans la continuité de la précédente et qu'il n'était pas question d'entreprendre une réforme sur le dos des prestations ou du personnel. Quelques mois après, l'Etat de Genève bouclait l'exercice 2020 avec un déficit d'un demi-milliard de francs. Le budget 2021 prévoit quant à lui un déficit de 850 millions et la suite ne sera certainement pas plus radieuse ! L'absence de leadership, l'absence d'objectifs et de vision sont absolument consternantes. Le programme de législature 2018-2023 n'a plus aucune valeur et plus aucun lien avec la réalité. Un débat à son sujet est aujourd'hui une perte de temps et le groupe UDC refusera tant le rapport que la résolution. Merci pour votre attention.
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, Monsieur le président, j'aimerais dire que nous sommes en 2021 ! Ce rapport a été déposé en 2018; cela signifie que nous traitons de ce que l'on appelle le programme du gouvernement trois ans plus tard. C'est quand même anachronique ! Déjà là, on peut douter de l'efficacité de notre Grand Conseil.
Ensuite, c'est vrai que ce qu'on nous propose là, c'est le changement dans la continuité: je crois qu'on ne verrait pas grand-chose de différent si on comparait ce programme au précédent. Il y a un ensemble de voeux pieux, mais je pense qu'un tel programme devrait en principe partir d'un projet de société, d'une discussion de la situation dans le canton, des éléments qu'il est nécessaire de développer. En fonction de ces paramètres, on nous y donnerait toutes les mesures que le Conseil d'Etat aimerait déployer et les actions qu'il souhaiterait entreprendre. Or, franchement, on y trouve un fatras de propositions qui se sont depuis avérées nulles, disons. Si on prend par exemple Les Dardelles, qui figuraient dans le programme, eh bien c'est non ! En matière de logement, on ne peut pas dire qu'on a beaucoup avancé et en matière de fiscalité, n'en parlons pas; les votations ont démontré qu'on est au même point qu'avant, si ce n'est dans une situation pire.
Nous, les socialistes, nous devrions nous abstenir: nous participons au gouvernement. Mais j'aimerais quand même relever, Monsieur le président, que ce programme a été fait avec une majorité de droite. Or il y a aujourd'hui une majorité de gauche et il faudrait donc que cette nouvelle majorité nous présente son programme de législature - à moins qu'elle n'adhère à ce programme-là, mais il faudrait néanmoins une déclaration. J'espère que le Conseil d'Etat nous en fera une pour clarifier ce point: y a-t-il, suite au changement de majorité, des vues différentes sur ce programme ? En ce qui nous concerne, Mesdames et Messieurs, nous nous abstiendrons pour le moment parce que nous n'avons pas trouvé les raisons, disons, qui nous conduiraient à accepter ce programme de législature de cinq ans. Merci.
M. Jacques Béné (PLR). Je vais quand même revenir sur ce qui s'est passé. C'est un petit peu anachronique, M. Velasco l'a dit, de discuter d'un programme de législature alors que plus de la moitié de la législature est déjà passée, mais, si on regarde bien, le Conseil d'Etat a déposé ces deux objets le 14 septembre 2018. L'exécutif, dans son introduction, dit qu'il a accéléré le travail «afin de permettre au Grand Conseil de découvrir les orientations stratégiques proposées, simultanément au dépôt du premier projet de budget de la législature et du plan financier quadriennal». Il lui a paru important de donner rapidement les grandes orientations pour la prochaine législature au parlement, aux autres parties prenantes, aux partenaires de la région - les amis vaudois, français -, et surtout aux milliers de collaboratrices et collaborateurs de l'Etat ou du grand Etat.
Ce gouvernement, avec une politique clairement de gauche, n'a pas jugé utile - ou n'a pas eu le courage - de venir présenter ces deux objets devant le Grand Conseil. On peut le comprendre: son programme de législature est si faible qu'il est en effet difficilement défendable. Ça fait vingt sessions - vingt sessions, Mesdames et Messieurs - que le Conseil d'Etat aurait pu demander l'urgence sur ce programme pour permettre au Grand Conseil de se déterminer. Cela aurait aussi permis au Conseil d'Etat de nous donner ses arguments pour que nous acceptions son programme de législature, et si le parlement n'avait pas été convaincu, l'exécutif aurait alors peut-être pu y apporter quelques modifications. Nous sommes donc très très déçus de l'attitude de ce gouvernement qui n'est plus capable de porter une vision d'avenir à même de rassurer tant le Grand Conseil que la population genevoise. Il n'y a effectivement aucune réforme, aucune priorité; l'exécutif fait en réalité plutôt preuve d'abstentionnisme.
Cela se reflète également dans les discussions qui ont eu lieu avec le groupe de travail pour le budget 2022, constitué de députés représentant les différents groupes. On a essayé - en particulier le PLR - d'insister, longtemps, auprès du Conseil d'Etat pour qu'il vienne avec des approches constructives, des réformes, des priorités, une analyse des différentes prestations fournies par l'Etat pour savoir si elles sont toujours d'actualité, si elles sont toujours nécessaires, notamment au regard des coûts administratifs que ces prestations peuvent représenter. Comme nous n'avons pas réussi à entrevoir des pistes raisonnables qui auraient pu nous laisser penser qu'on arriverait à aboutir à une forme - une forme ! - de concertation ou en tout cas de discussion constructive, l'Entente a décidé de quitter cette table des négociations qui n'en était pas vraiment une - nous avons très rapidement compris que, soit du côté de la gauche soit du côté du gouvernement, il n'y avait pas vraiment d'avancée satisfaisante.
M. Burgermeister a parlé de comparaison intercantonale; vous aurez l'occasion, Mesdames et Messieurs, dans le cadre des comptes 2020, de discuter d'un rapport qui a été demandé par le Conseil d'Etat. Je relève un ou deux points qui font justement que ce rapport nous a aussi incités à renoncer à participer au groupe de travail. La combinaison du potentiel de ressources et d'exploitation du potentiel fiscal donne les recettes fiscales par tête; à Genève, elles sont supérieures de 90% environ à la moyenne des cantons. L'Administration fédérale des finances, qui publie chaque année l'indice de l'exploitation du potentiel fiscal, a placé chaque année en tête de ce classement, et de très loin, le canton de Genève. Et puis surtout, Mesdames et Messieurs, les recettes fiscales ont augmenté de 107% entre 1998 et 2019 alors que la population, sur la même période, n'a augmenté que de 26% - soit environ quatre fois moins. Les charges de l'Etat ont quant à elles connu une hausse de 56%, soit le double de l'augmentation de la population. On a donc de quoi rigoler quand on entend parler de précarité ou de manque de prestations.
Ce rapport mentionne aussi que l'indice des coûts standards du canton de Genève s'élève à 189; Genève affiche par conséquent des dépenses nettes par habitant supérieures de 89% à la moyenne des vingt-cinq autres cantons. L'intérêt de ce rapport n'est pas seulement d'en rester à des comparaisons de coûts standards: celui-ci mentionne également... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...que notre canton a des coûts par cas qui dépassent de 39% ceux de la moyenne des cantons du groupe de comparaison spécifique. Je pense que nous aurons l'occasion de revoir tout ça, Mesdames et Messieurs, puisque ce gouvernement qui était de gauche...
Le président. Merci.
M. Jacques Béné. ...est à notre avis devenu, depuis quelques semaines, un gouvernement d'extrême gauche. (Rires.) Nous aurons l'occasion...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Jacques Béné. Nous aurons l'occasion de voir quelle politique ce Conseil d'Etat entend mener les deux prochaines années et s'il entend...
Le président. Merci, c'est terminé.
M. Jacques Béné. ...corriger le programme de législature en mettant les priorités... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Monsieur le député Boris Calame, c'est à vous.
M. Boris Calame (Ve). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, chères et chers collègues, il faut quelque part saluer la rapidité avec laquelle a été élaboré ce programme de législature, déposé le 14 septembre 2018, et le rapide travail fait en commission. Alors même que ce programme ne nous avait pas convaincus, il y a notamment eu depuis la RFFA, l'urgence climatique, la crise du collège gouvernemental, la crise covid, une élection complémentaire - entre autres - et, hier, le plan climat cantonal. Nous sommes face à une temporalité déconnectée, à un programme dépassé et partiellement désuet. Notre débat de ce jour ne changera rien; seule une mise à jour de ce programme, une actualisation, pourrait avoir du sens - nous doutons toutefois que ce soit l'intention du Conseil d'Etat. Pour ces raisons, les Verts s'abstiendront sur ce programme de législature. Je vous remercie.
M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, merci à certains d'entre vous d'avoir rappelé de quoi nous parlons aujourd'hui; d'avoir rappelé que le Conseil d'Etat a fait, en début de législature, ce que la constitution lui demande, à savoir déposer un programme de législature - et il l'a fait en un temps record. Il avait par ailleurs accompagné celui-ci d'un plan financier quadriennal pour les quatre premières années de la législature ainsi que d'un projet de budget 2019. Je vous prie donc de croire... (Commentaires.) ...que le travail... (Commentaires.) Je vous prie de croire que le travail a été fait et que nous nous sommes mis d'accord, au sein du collège tel qu'il avait été constitué quelques mois auparavant, à l'issue des élections du printemps 2018, sur ce programme de législature, sur la manière dont nous aurions voulu voir se dérouler les cinq années suivantes.
Le travail a été fait. La commission des finances a également examiné cela dans un temps très rapide: c'était à l'automne 2018. J'entends aujourd'hui certains parmi vous reprocher au Conseil d'Etat de ne pas avoir demandé l'urgence pendant x sessions; rien n'empêchait l'une ou l'autre des personnes qui se sont exprimées dans ce sens de demander l'urgence pour en débattre ! C'est un peu tard, aujourd'hui, pour le faire. Comme l'a très justement relevé M. Calame, il y a eu - j'imagine qu'on a pu s'en rendre compte - un certain nombre d'aléas depuis le début de cette législature; le Conseil d'Etat les a maîtrisés ou a en tout cas, dans certaines circonstances, tenté de les maîtriser. Mais il y a eu un certain nombre d'urgences, vous en conviendrez, notamment celle qui empoisonne notre société, notre économie, notre cadre social depuis maintenant près d'un an et demi. Force est donc de constater que cette discussion a effectivement lieu trois ans après le début de la législature, alors que celle-ci est à moitié écoulée.
Il reste deux ans - deux ans qui vont être compliqués à plus d'un titre aussi bien pour votre parlement, notamment pour vous mettre d'accord sur les budgets, que pour le Conseil d'Etat, qui va devoir accompagner le mieux possible notre population dans le processus de retour à la normalité. Il y aura des difficultés durables et toute notre énergie, toute l'énergie du gouvernement, est précisément dirigée vers cet objectif pour la suite et la fin de cette législature. Cet exécutif fait donc un travail engagé - et il travaille, justement: il est conscient des difficultés et des enjeux auxquels il nous faut faire face. J'espère - je le pense, ou du moins je le souhaite - que ce même état d'esprit habite ce parlement et qu'il laissera peut-être un peu de côté ses querelles habituelles pendant cette période. C'est notre souhait; il est évidemment de votre ressort de le faire.
Nous avons essayé, ces dernières semaines, de rapprocher les positions; je dois dire que c'est un peu fort de café d'entendre aujourd'hui critiquer ces tentatives du gouvernement alors que, fondamentalement, ce rôle est le vôtre - c'est celui du législateur. On ne peut en tout cas pas nous reprocher d'avoir tenté une expérience pour essayer de rapprocher les positions.
Le présent débat nous rappelle largement celui que l'on a à la faveur de l'examen des comptes et de la gestion du Conseil d'Etat. On voit plutôt émerger, dans les prises de parole, ce qui déplaît dans une gestion dans son ensemble et qui s'oppose à telle politique publique, qui à telle autre. Cela a pour résultat de focaliser l'essentiel de l'attention sur des éléments particuliers et on oublie la globalité de la chose; c'est regrettable. Si le parlement peut prendre ce genre de posture - il en a d'ailleurs parfaitement la légitimité -, le Conseil d'Etat, lui, ne le peut pas ! Lui a la responsabilité de délivrer les prestations et de trouver les majorités pour ce faire, et vous pouvez constater qu'il s'y emploie puisque les prestations sont globalement délivrées.
Je voudrais quand même remercier le groupe qui se trouve bien seul à soutenir le Conseil d'Etat pour son programme de législature; je suis un petit peu gêné de le faire, mais je le fais néanmoins. (L'orateur rit.) Merci de soutenir le gouvernement; de soutenir, finalement, les représentants au sein du gouvernement émanant d'un parti, ou plutôt de partis - je le dis au pluriel - qui représentent une large majorité de ce Grand Conseil. Si on arrive à se mettre d'accord au sein d'un exécutif, on devrait, à notre sens, pouvoir également se mettre d'accord au sein d'un parlement. Merci de votre attention, Mesdames et Messieurs.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote sur la demande de renvoi du RD 1249 au Conseil d'Etat, comme le préconise la majorité de la commission.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1249 est adopté par 67 oui contre 14 non et 11 abstentions.
Le rapport du Conseil d'Etat RD 1249 est donc refusé.
Le président. Je vous fais maintenant voter sur la proposition de résolution 863.
Mise aux voix, la proposition de résolution 863 est rejetée par 52 non contre 8 oui et 22 abstentions.