Séance du jeudi 3 juin 2021 à 17h
2e législature - 4e année - 1re session - 6e séance

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.

Assistent à la séance: M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, et Mmes Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillères d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mauro Poggia, Anne Emery-Torracinta, Antonio Hodgers et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Diane Barbier-Mueller, Didier Bonny, Beatriz de Candolle, Edouard Cuendet, Marc Falquet, Amanda Gavilanes, Eric Leyvraz, Romain de Sainte Marie, Léna Strasser, Vincent Subilia, Pierre Vanek, Salika Wenger et Christian Zaugg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Pierre Bayenet, Nicolas Clémence, Virna Conti, Joëlle Fiss, Marta Julia Macchiavelli, Patrick Malek-Asghar, Eliane Michaud Ansermet, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier et Helena Rigotti.

Correspondance

Le président. L'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil vous a été envoyé par messagerie. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Courrier de MM. Thomas Bläsi et Sylvain Thévoz annonçant le retrait des résolutions R 936 (Les Arméniens du Haut-Karabagh ont le droit à la vie et à l'autodétermination) et R 942 (Respect du cessez-le-feu au Haut-Karabakh) (transmis à la Commission des affaires communales, régionales et internationales) (C-3992)

Courrier de l'Association Événements Congrès Genève concernant la relance du secteur de l'événementiel et des congrès (C-3993)

Le président. Je prie les députés qui souhaitent s'exprimer d'insérer leur carte dans la console. (Un instant s'écoule.) La parole va à M. Sylvain Thévoz.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Je vous demanderai, s'il vous plaît, lecture du courrier concernant le retrait des résolutions touchant aux Arméniens.

Le président. Merci, Monsieur le député. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Je prie donc le premier vice-président de bien vouloir lire ce courrier.

Courrier 3992

M. Jacques Béné (PLR). Je demande quant à moi la lecture du courrier de l'Association Evénements Congrès Genève concernant la relance du secteur de l'événementiel et des congrès - il s'agit du C 3993.

Le président. Merci, Monsieur le député. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Monsieur le premier vice-président, à vous la parole.

Courrier 3993

Annonces et dépôts

Le président. La R 936 «Les Arméniens du Haut-Karabagh ont le droit à la vie et à l'autodétermination» est retirée par ses auteurs, tout comme la R 942 «Respect du cessez-le-feu au Haut-Karabakh». Il en est pris acte.

R 929-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier la proposition de résolution de MM. Patrick Dimier, Christian Flury, Sandro Pistis, Daniel Sormanni, François Baertschi pour que la Suisse demande des comptes à la Chine à propos de la propagation de la COVID-19 (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 29 et 30 octobre 2020.
Rapport de M. Emmanuel Deonna (S)

Débat

Le président. Nous poursuivons le traitement de notre ordre du jour avec la R 929-A, classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Emmanuel Deonna, à qui je cède la parole.

M. Emmanuel Deonna (S), rapporteur. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution a été discutée l'automne dernier par la commission des affaires communales, régionales et internationales. Il a beaucoup été question du coût économique, social et humain de la pandémie; de l'ampleur de la crise de la covid-19. Nous avons évoqué l'état de préparation - ou plutôt de relative impréparation - de notre administration et des hôpitaux, des dispositifs sociosanitaires et économiques, pour faire face à cette crise absolument majeure à laquelle nous sommes encore confrontés, bien que désormais peut-être à un moindre degré. Nous avons évoqué le manque de coordination des Etats et la faiblesse de l'Organisation mondiale de la santé dont le siège, vous le savez, est à Genève. Il faut dire que les Etats-Unis avaient à l'époque quitté l'OMS; le nouveau président, Joe Biden, a heureusement été élu entre-temps et les Etats-Unis sont revenus dans le giron de cette organisation.

Ce texte demande des comptes à la Chine pour son manque de transparence et pour ne pas avoir eu une attitude proactive au moment d'informer les autres Etats de la situation pandémique - pour le manque de responsabilité dont la Chine a fait preuve. Sommes-nous habilités, en tant que représentants de la République et canton de Genève, à émettre une telle critique et à l'émettre pour orienter les choix de politique étrangère du gouvernement suisse ? Est-ce que cela ne devrait pas plutôt être la prérogative du Conseil national, du Conseil des Etats ?

Si le groupe socialiste ne pense pas que la réaction de la Chine ait été exemplaire dans cette affaire - loin de là -, il pense par contre qu'on n'a pas suffisamment de recul, à l'heure actuelle, pour endosser toutes les revendications de cet objet qui demande de faire toute la lumière, dans un délai extrêmement bref, sur l'état d'impréparation et sur la non-coopération de la Chine avec les autres Etats. Nous n'allons donc pas soutenir cette résolution même si elle pose des questions importantes et qu'il est important, à Genève, capitale internationale des droits humains et siège de très nombreuses organisations internationales, d'évoquer la bonne coordination entre les Etats, mais aussi de renforcer le dispositif des organisations gouvernementales et non gouvernementales qui font face à la pandémie. Je vous remercie.

M. Patrick Dimier (MCG). J'adore ce genre de posture, où on est à cheval entre l'âne et la mule. (Rire.) Parce qu'on est réellement là dans... Bon, c'est vrai que les Verts et les socialistes adorent le bois, donc on est dans une langue qu'ils connaissent bien: la langue de bois. On ne peut pas garder des postures pareilles dans une situation pareille ! Avec cette résolution, mes camarades et moi avions presque une année d'avance puisque, vous le savez tous, la communauté internationale tout entière estime aujourd'hui que la Chine doit rendre des comptes.

Est-ce que c'est ou non le rôle de Genève ? Genève est un centre extrêmement important, vous le savez bien - et on le saura encore mieux le 16 juin -, dont la voix doit être entendue lorsqu'il s'agit de sujets aussi cruciaux - pas seulement pour nous mais pour l'ensemble de la communauté humaine. Par conséquent, je vous invite bien entendu à soutenir ce texte même s'il vient du MCG et qu'il n'est donc pas bon par nature - bien que notre posture soit certainement partagée par plein d'autres. Si après la pantalonnade que nous avons vue à la fin de l'année dernière - des gens se sont rendus sur place pour voir et examiner les lieux incriminés, mais n'ont pas pu y accéder parce que la police politique chinoise les a suivis à la trace ou leur en a interdit l'accès - nous ne le faisons pas, nous, qui accueillons l'OMS, alors je me demande à quoi sert la voix de Genève. Souvenons-nous que les deux premiers prix Nobel de la paix sont genevois - ce n'est pas vrai: l'un est bernois, mais quand même. Si on veut que cette voix continue à être entendue et respectée, faisons savoir ce que nous pensons de pantalonnades pareilles. Ce n'est pas chinoiser, c'est simplement être juste.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). J'aimerais remercier les signataires de cette proposition de résolution, parce qu'on traite ainsi de politique étrangère, dans ce parlement, et ça me donne l'illusion que j'ai été élu au Conseil national et que je siège à la commission des affaires étrangères, ce qui me fait immensément plaisir. Encore une fois, notre Grand Conseil se prend au sérieux. En général, c'est pour traiter de choses très graves - des droits de l'homme, de sujets durs: on a parlé du Haut-Karabakh, d'Ukraine, de Poutine.

Cette résolution a été précieuse, ne serait-ce que parce qu'elle nous a permis d'entendre à l'instant que le député Deonna s'est posé la question - c'est à mon sens vraiment important - de savoir: sommes-nous habilités ? Venant du parti socialiste, qui dépose à intervalles réguliers des textes de ce type-là, je pense que c'est une avancée qu'il faut absolument souligner. (Rires.) Je le remercie de cette prise de conscience.

Mais cette résolution est également assez... j'allais dire touchante, mais par affection pour son premier signataire, parce que je note une sorte de détermination: la détermination de dire à l'Assemblée fédérale que nous devons intervenir auprès de la République de Chine afin qu'elle soit totalement transparente envers la Suisse. J'imagine que l'ambassadeur de Chine auprès des Nations Unies, à Genève, suit nos débats et tremble à la pensée de la décision que nous pourrions prendre, et qu'il est en direct avec Xi Jinping, qui nous écoute aussi et est évidemment suspendu à mes lèvres. Alors je ne vais pas trop faire durer le suspense - je sens que les gens stressent à Pékin: le PLR refusera pour sa part cette proposition de résolution, malgré tous ses aspects intéressants. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Jean Batou (EAG). J'ai entendu notre collègue Dimier faire appel à ses camarades; j'ai cru, avec son vocabulaire de guerre froide, qu'il me parlait à moi. En réalité, il s'adressait bien à ses collègues du MCG. J'aimerais donc réagir en n'étant ni la mule ni l'âne - ni le cavalier fringant qui chevauche au milieu de ces deux animaux de trait - et juste indiquer que, s'il s'agissait aujourd'hui de condamner l'attitude d'un gouvernement, il faudrait bien sûr commencer par celle du gouvernement chinois. Et poursuivre avec l'attitude du gouvernement italien, puis du gouvernement belge et pourquoi pas avec celle du gouvernement américain qui n'a rien fait quand l'épidémie était sur la côte ouest - et il faudrait sans doute condamner aussi l'attitude du Conseil fédéral qui a pris les choses trop à la légère, etc., etc., etc.

Je crois que faire un cas particulier de l'attitude de la Chine dans le traitement de cette pandémie, c'est se tromper. De manière générale, à l'échelle internationale, cette pandémie n'a pas été prise au sérieux et n'a pas été traitée dès le départ comme il aurait fallu. Les Chinois s'y sont pris trop tard, avec des moyens autoritaires, mais ils ont jugulé le développement de la pandémie - c'est reconnu. En revanche, tant les Etats-Unis ou l'Europe que la Suisse ont déploré une extension énorme de cette pandémie, avec aujourd'hui 3,5 millions de morts enregistrées - probablement plutôt 5 ou 6 - à l'échelle internationale. Il faudrait donc rester modestes, faire un bilan international critique de l'attitude de l'ensemble des Etats - de la quasi-totalité des Etats - sur ce dossier au lieu de régler ses petits comptes avec la Chine. Ceux-là méritent sans doute d'être réglés, mais au regard de sa politique à l'égard des Ouïghours plutôt qu'à l'égard du SARS-CoV-2. Par conséquent, notre groupe ne votera pas cette résolution. Merci.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi, dans cette situation grave, de commencer par une boutade de notre très regretté Coluche au sujet de la presse: dans les milieux autorisés, on s'autorise à penser. Dans le Grand Conseil genevois, il semblerait que non seulement on ne s'autorise plus à penser, mais qu'on n'a même plus le droit de dire quelque chose étant donné que nous ne sommes pas dans la bonne séance ni dans le bon cénacle.

Il n'en demeure pas moins que ce sujet est grave. Il n'en demeure pas moins qu'à ce jour, malgré toutes les études et les rapports - notamment suite à l'enquête spéciale qui avait été diligentée en Chine -, personne ne sait ce qui s'est réellement passé. Notre groupe a bien sûr considéré cela, pensant qu'il y a certainement, sur le fond, plein de raisons d'avoir déposé cette résolution. Notre caucus a toutefois décidé de s'y opposer, surtout parce que la première demande requiert de l'Assemblée fédérale que la Suisse soit... que le Conseil fédéral, la Confédération, intervienne auprès de la République populaire de Chine afin qu'elle soit totalement transparente envers la Suisse. Pour nous, cette transparence à l'égard de la Suisse n'est peut-être pas suffisante: il s'agit vraiment d'un problème mondial et la transparence devrait s'étendre à tous les habitants de notre planète. Pour toutes ces raisons, l'Union démocratique du centre, sans être fermement convaincue mais en faisant preuve de rationalité et d'objectivité, n'acceptera pas cette résolution. Merci.

M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, je me disais que le député Batou a oublié d'indiquer qu'on aurait pu également condamner l'OMS, qui est peut-être aussi responsable d'une certaine légèreté dans le traitement de la pandémie. Le texte nous a permis de débattre un peu et puis nous nous sommes quand même vite rendu compte - je ne sais pas si M. de Senarclens dira dans ce cas-là qu'on a fait une avancée - que ce n'est effectivement peut-être pas notre rôle d'essayer de condamner la Chine, même si elle montre de fait une totale opacité dans ce dossier. Ce texte ne sera d'aucun poids pour appuyer une demande fédérale dans ce sens, la majorité des commissaires l'ont bien dit, et nous avons estimé qu'il serait préférable que nous mettions notre énergie dans la gestion locale de cette pandémie. Le groupe des Verts vous recommandera donc aussi de refuser cette résolution. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC). Chères et chers collègues, un mot pour vous faire part de mon avis sur cette proposition de résolution. Premièrement, en effet, il y a certainement eu des dysfonctionnements, et pas seulement en Chine - nous en sommes tous témoins. La critique est toujours un élément important: elle nous permet de mieux comprendre ce qui se passe. Et du moment qu'une critique est faite, elle mérite probablement un rapport - c'est peut-être à ce propos qu'il faudrait modifier l'invite: à mon sens, il serait effectivement plus important d'inviter l'OMS à faire un rapport circonstancié sur ce qui s'est passé pendant cette crise du covid-19. Voilà simplement ce que je voulais vous dire, Mesdames et Messieurs: à ce stade, on se trompe peut-être de cible et il faudra en effet se livrer à une introspection. Elle devra se faire à tous les niveaux, que ce soit européen, national, de nos cantons ou de nos communes. Je vous remercie de refuser cette proposition de résolution.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient maintenant à M. le député Patrick Dimier pour trente-deux secondes.

M. Patrick Dimier (MCG). Ça me suffira, Monsieur le président. Je suis très heureux de savoir - ça a fait ma journée - que j'ai offert au député de Senarclens le destin national que les urnes lui ont refusé. Merci. (Exclamations. Commentaires. Rires.) Eh bien il ne faut pas me chercher !

Le président. Contenu différent, mais réaction similaire ! Monsieur Emmanuel Deonna, je vous rends la parole pour conclure.

M. Emmanuel Deonna (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Je souhaite répondre à M. de Senarclens, qui m'a interpellé. Avons-nous le droit de donner notre avis sur des questions de politique étrangère, sommes-nous habilités à le faire ? La réponse est évidemment oui ! Nous devons par contre évaluer au cas par cas la pertinence des recommandations que nous souhaitons faire à nos collègues à Berne et aux autorités fédérales. Comme l'ont dit mes collègues Batou et Dimier, la Chine et l'OMS n'ont pas su tirer la sonnette d'alarme suffisamment tôt...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Emmanuel Deonna. ...et le partage d'informations entre les Etats et les différentes instances de l'OMS n'a pas été digne de la situation. On parle aujourd'hui d'un traité international sur les pandémies; la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Afrique du Sud y sont favorables - la Suisse n'y est pas défavorable. Il pourrait «régler», entre guillemets, le problème du protectionnisme excessif des Etats dans ce genre de situation, pour mieux échanger les informations pertinentes sur la réponse à adopter, la technologie à partager et la production du traitement et des vaccins. Le parti socialiste est bien sûr favorable à la conclusion d'un tel traité multilatéral. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.

Mise aux voix, la proposition de résolution 929 est rejetée par 74 non contre 12 oui et 1 abstention.

RD 1249-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil : Programme de législature 2018-2023 du Conseil d'Etat
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 22 et 23 novembre 2018.
Rapport de majorité de M. Jean Burgermeister (EAG)
Rapport de minorité de M. Olivier Cerutti (PDC)
R 863-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la proposition de résolution du Conseil d'Etat approuvant le programme de législature 2018-2023 du Conseil d'Etat
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 22 et 23 novembre 2018.
Rapport de majorité de M. Jean Burgermeister (EAG)
Rapport de minorité de M. Olivier Cerutti (PDC)

Débat

Le président. Nous abordons maintenant le RD 1249-A et la R 863-A. Nous traiterons ces objets liés en catégorie II, soixante minutes. Monsieur Jean Burgermeister, rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Trois ans après le début de la législature, nous commençons à débattre du programme de législature 2018-2023 du Conseil d'Etat. Cela n'a évidemment pas beaucoup de sens d'en discuter maintenant: le débat sur ce que souhaitait faire le gouvernement durant les cinq ans à sa disposition aurait dû avoir lieu au début de la législature. Mais la majorité de la commission des finances a décidé de refuser ce programme de législature et l'exécutif, mauvais perdant et un peu boudeur, a donc renoncé à demander l'urgence. Voilà, Mesdames et Messieurs, le courage de notre gouvernement ! Figurez-vous que son calcul n'était finalement pas très heureux: si, en début de législature, nous avions bien sûr des critiques à faire sur ce document, qui auraient précisément pu susciter un débat, force est de constater après trois ans que le problème, c'est que la plupart des éléments annoncés ici n'ont en plus pas été faits ! Soit parce que le Conseil d'Etat y a purement et simplement renoncé sans même essayer, soit parce qu'il a échoué dans sa tâche.

Parmi les promesses non tenues, je me bornerai à en citer quatre - le temps qui m'est imparti est limité. Premièrement, l'exécutif nous dit qu'il veut oeuvrer pour le respect de la législation, des usages, des conventions collectives de travail et des contrats types de travail; il nous dit que tout cela dépend du partenariat social, «dans lequel l'Etat joue un rôle de garant, mais aussi de moteur et de contrôle». Vous savez, Mesdames et Messieurs, le début de ce paragraphe ressemble un peu aux amendements qu'a systématiquement déposés Ensemble à Gauche dans le cadre des projets de lois d'aide aux entreprises et qui ont systématiquement été combattus par le Conseil d'Etat: il nous a dit que son rôle n'est pas de défendre les conventions collectives. Rappelons encore l'attitude du gouvernement vis-à-vis des vendeuses et des vendeurs des grands magasins: il a décidé de passer en force pour l'ouverture des dimanches alors même que la loi permet déjà aujourd'hui à ces grands magasins d'ouvrir les dimanches à condition - et seulement à condition - qu'une convention collective de travail soit signée. Devant le refus des patrons de faire la moindre concession, l'exécutif a décidé de passer en force au mépris des salariés. On pourrait également mentionner ce qui se passe à Swissport ou à l'aéroport de manière générale pour montrer à quel point le Conseil d'Etat refuse précisément de jouer un rôle de garant, mais aussi de moteur et de contrôle s'agissant des conventions collectives de travail.

Deuxième promesse non tenue: celle de «renforcer l'action de notre canton au plan de la solidarité internationale» - c'est une citation. Eh bien un simple coup d'oeil au budget de l'Etat de Genève depuis 2018 permet de confirmer que rien n'a été fait pour renforcer l'action du canton dans ce domaine. Troisième promesse non tenue: le Conseil d'Etat agira pour la préservation des terres agricoles. Mesdames et Messieurs, il suffit de se rappeler le projet du Pré-du-Stand pour voir que le gouvernement n'a pas agi dans ce sens-là. Quant à la défense de la cohésion sociale - et je m'arrêterai là -, qui est, nous dit-on, extrêmement importante, le Conseil d'Etat a lui-même souhaité, je cite, «mettre l'accent sur ce besoin de cohésion. Il réitère ici sa forte volonté de l'incarner aussi au niveau politique, s'engageant à rechercher en son sein un consensus» ! Mesdames et Messieurs, je ne crois pas avoir besoin de trop entrer dans les détails pour expliquer que ce gouvernement a quelque peu failli, depuis 2018, en matière de cohésion et de consensus.

Maintenant, les échecs ! Les échecs, il faut le dire, c'est un peu moins grave: il s'agit de choses que le Conseil d'Etat a quand même essayé de mettre en oeuvre. Il y a d'abord la réalisation de l'établissement des Dardelles à l'horizon 2022, qui a fini par échouer devant ce parlement, et puis le passage au système de primauté des cotisations de la CPEG, que le gouvernement met en exergue dans ce document - c'est l'un des seuls éléments qu'il cite en ce qui concerne la fonction publique. Eh bien, là encore, le Conseil d'Etat a échoué devant le peuple - même s'il n'a jamais caché, depuis, sa volonté de continuer à grignoter les retraites de la fonction publique, chaque fois que c'est possible, en contournant à petits pas la volonté populaire clairement exprimée.

Mais je ne serai pas trop dur avec ce gouvernement, Mesdames et Messieurs: il y a une réforme qu'il a réussi à mettre en oeuvre. C'est d'ailleurs la plus importante de la législature, il le dit lui-même: la RFFA - à l'époque, rappelez-vous, elle s'appelait PF17. Ce cadeau fiscal massif pour les grandes entreprises n'est même pas un des points du programme: il figure en introduction et en conclusion. Le Conseil d'Etat nous dit en somme que le plus important, durant les cinq années à venir, c'est de baisser massivement l'imposition sur le bénéfice des grosses entreprises du canton ! Il nous dit même qu'il s'agit d'un objet impérativement prioritaire, sans lequel tous les autres objets de la législature seraient compromis ! Mais quand on regarde le nombre d'échecs qui ont précisément suivi l'adoption de la RFFA, Mesdames et Messieurs, on se demande si le Conseil d'Etat ne s'est pas trompé de sens en les conditionnant à cette RFFA. Finalement, l'exécutif et l'Etat de Genève auraient peut-être pu mener une véritable politique ambitieuse, tant sur le plan social qu'environnemental, avec davantage de ressources.

Mais j'aimerais revenir sur un élément important: le Conseil d'Etat justifie la nécessité de cette baisse d'impôts en évoquant les choix fiscaux opérés par d'autres pays comme les Etats-Unis, qui «ne nous permettent plus de tergiverser» ! Ce sont les mots du gouvernement lui-même, Mesdames et Messieurs, mais on voit depuis que le choix du gouvernement en la matière n'était à nouveau pas gagnant. La situation aux Etats-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne ou ailleurs, a complètement changé ! Les Etats-Unis souhaitent aujourd'hui relever l'imposition des entreprises et exigent en particulier...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Jean Burgermeister. ...un taux d'imposition international de 15%, soit supérieur à celui souhaité par le Conseil d'Etat. Pour reprendre les mots qui figurent dans le programme du gouvernement, je dirai que les choix opérés aux Etats-Unis mais également dans d'autres pays ne nous permettent plus de tergiverser: il est urgent d'augmenter le taux d'imposition sur les bénéfices des entreprises.

Et puis - je terminerai bientôt - il faut aussi constater quelques absences un peu gênantes dans ce programme. Savez-vous par exemple ce que dit le Conseil d'Etat des inégalités sociales dans le canton ? Il ne dit rien ! Pas un mot; cela ne figure même pas dans le programme. Pourtant, vous le savez, Genève est le canton le plus inégalitaire de Suisse: près de la moitié des richesses du canton... (Exclamations. Commentaires.) Cela fait rire le PLR, qui représente précisément ceux dont je parle. Près de la moitié des richesses du canton - selon les chiffres de la Confédération, pas de «Bolchevik Magazine» - sont détenues par les ultra-riches d'une fortune de plus de dix millions ! Face à cela, il faut le dire, le Conseil d'Etat a été honnête puisqu'il nous annonce très clairement, dans son programme, sa volonté de ne rien faire pour réduire les inégalités sociales ! Celles-ci ont au contraire continué à se creuser durant ces dernières années, y compris depuis 2018 et particulièrement avec la crise, face à laquelle l'exécutif est resté extraordinairement passif: rappelons, Mesdames et Messieurs, que le gouvernement n'a tout simplement rien fait, depuis le mois de juin 2020, pour celles et ceux qui ont perdu leur revenu.

Face à la crise que nous traversons, cela fait un an que le gouvernement est inactif sur le front social. Il devrait tout de même s'en garder puisque aux dernières élections, je le rappelle, les partis gouvernementaux ont reçu une minorité des suffrages au premier tour. Et si le Conseil d'Etat continue, persiste envers et contre tout à rester sourd à la question sociale, il risque fort de le payer dans les urnes. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de minorité. Chères et chers collègues, je ne répondrai certainement pas au rapporteur de majorité - vous en conviendrez. Nous pouvons certes comprendre que les partis de gauche et les patriciens de la mouvance libérale ne comprennent toujours pas ce qui fait le ciment de nos institutions et comprendre leur égarement dans ce jeu de postures. Mais refuser aussi sèchement les propositions gouvernementales va à l'encontre de la volonté populaire et du dialogue entre le parlement et le gouvernement que le peuple attend - c'est le respect de la «vox populi».

Dans le cadre actuel, il est effectivement difficile, voire illusoire, de plaire à tout le monde. J'invite cependant les partis gouvernementaux à trouver un socle commun minimal dans le cadre du travail parlementaire. Je commencerai par la prévisibilité: elle est essentielle pour assurer les conditions-cadres du développement économique et social de Genève. La politique en porte la responsabilité. La fiabilité: elle est nécessaire pour retrouver la confiance de nos concitoyens. Le jeu des postures politiciennes est indigne des enjeux du moment, auxquels notre canton est confronté au travers notamment de la pandémie que l'on connaît. La confiance: elle passe par une vision du Conseil d'Etat clairement exprimée et par la capacité du gouvernement à mener des politiques cohérentes avec les objectifs qu'il se fixe. Mesdames et Messieurs, encore faut-il avoir envie de soutenir le Conseil d'Etat ! Monsieur le président, je m'arrête à ce stade du débat.

M. François Baertschi (MCG). Si le programme de législature... (Brouhaha.) Si le programme... (Brouhaha.) Excusez-moi, il y a un peu de bruit.

Le président. Vous avez raison, Monsieur le député. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Vous pouvez reprendre.

M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Si le groupe MCG aurait pu accepter les mesures de gestion qui figurent dans ce programme de législature, avec lesquelles nous sommes très majoritairement d'accord, il y a en revanche des axes politiques fondamentaux qui ne vont pas du tout dans notre sens. Nous déplorons que l'exécutif ait jugé bon de faire figurer parmi ces axes des sujets qui à mon sens ne sont pas véritablement de son ressort, à savoir l'intégration européenne et l'intégration mondiale. Il exprime ainsi une volonté qui dépasse en grande partie ses compétences: ce sont les compétences du Conseil fédéral, de la Confédération - il y a malheureusement là une véritable erreur de casting que je déplore.

Devons-nous accepter ce programme de législature, même si c'est à notre sens un programme qui ne va pas parce qu'il n'unit pas - il divise, il essaie d'imposer par la force ? Nous n'avons pas besoin de ces combats stupides ! C'est au moment des élections qu'on peut se lancer dans ces oppositions, mais au moment de gouverner, alors que l'on construit un gouvernement de coalition, il faut unir. Il faut trouver les points de convergence qui peuvent réunir tous les partis ! Nous devons malheureusement constater que le MCG ne trouve pas son compte dans ce programme de législature, et je le déplore.

Il y a également deux-trois éléments insuffisamment exprimés dans ce programme, en particulier la politique de préférence cantonale qui à notre sens aurait dû être beaucoup plus marquée parce qu'elle est, pour nous, véritablement fondamentale. Nous pensons bien, étant donné la composition de ce gouvernement, qu'elle ne peut pas être l'élément principal du programme, mais ça doit quand même être un élément qui compte: une bonne partie de la population genevoise y adhère, si on en croit ce qui a été exprimé lors des élections de 2018.

Je remarquerai en passant qu'on nous parle d'attachement au droit international; on ne peut pas reprocher au Conseil d'Etat de ne pas aller dans ce sens-là quand on voit la position de tous les partis, sauf du MCG, concernant les problèmes en Chine. Quand on voit les problèmes du Falun Gong, quand on voit les problèmes liés au covid, ceux des Ouïghours, etc., et quand on voit la décision qui a été prise tout à l'heure et la faible qualité des arguments exprimés ! Quand on voit ça ! Quand on voit que ce Grand Conseil passe son temps à donner des leçons à la terre entière, mais que là rien n'est fait alors que ce serait vraiment justifié et qu'il faudrait prendre position, de manière courageuse, il y a quelque chose que je trouve scandaleux. Je ne vais pas faire de reproche au Conseil d'Etat à cet égard; le reproche s'adresse à la majorité - à la presque totalité - des groupes de ce parlement, à l'exception du MCG. Il faut malheureusement le dire et ne pas imputer la faute au gouvernement de manière systématique quand ce sont des députés qui dysfonctionnent ! Et en l'état, des députés dysfonctionnent.

On parle actuellement du plan climat cantonal. Là aussi, on se rend compte qu'il cadre avec une certaine philosophie, à savoir la mondialisation, de manière assez éloignée du local. Pourtant, il faudrait justement aller beaucoup plus en direction du local, d'une économie de proximité, réelle, au lieu de s'en tenir aux marchés à la ferme - ce sont eux qui font actuellement office de politique locale.

Je terminerai avec le problème de la solidarité internationale, bien que ce soit aussi une question mineure en regard de ce qui vient d'être évoqué. Gros sujet genevois ! Une fois de plus, on retrouve là le néocolonialisme de certains bien-pensants: ils veulent imposer les valeurs de notre pays dans des pays du tiers-monde qui n'ont rien à faire avec ces valeurs-là. On voit par exemple - cela m'a été rapporté tout récemment - des associations écologistes faire la chasse aux tribus primitives pour défendre des bêtes sauvages, comme si l'être humain n'avait pas de valeur et qu'il fallait uniquement protéger la faune et la flore sauvages, contre les êtres humains locaux, contre les traditions. Merci, Monsieur le président.

M. Stéphane Florey (UDC). A en lire la teneur, ce programme de législature était d'avance voué à l'échec; le plus regrettable, c'est qu'il ne propose pas grand-chose mis à part quelques augmentations d'impôts ici et là, quelques pseudoréformes. Notre collègue Eric Leyvraz ne s'est pas trompé, en commission, en déclarant que notre groupe le refuserait. C'est bien sûr ce que nous ferons aujourd'hui - le refuser -, car ça fait malheureusement depuis bien avant 2018 qu'une majorité de ce Grand Conseil, y compris l'UDC, demande et attend de l'Etat de vraies réformes structurelles ! Ces réformes n'ont toujours pas été menées en 2021; on n'en voit toujours pas la couleur. Et tant que ces réformes - de vraies réformes structurelles - ne seront pas présentées devant ce Grand Conseil, nous ne pourrons bien évidemment accepter aucun programme de législature, aucun budget même, ni tout ce qui va avec.

Cette situation est de moins en moins réaliste tant pour le Grand Conseil que pour le citoyen lui-même: nous ne pouvons plus continuer comme ça, à aller droit dans le mur à tombeau ouvert. Il faut vraiment arrêter de vouloir absolument tout faire pour finalement ne rien faire; c'est exactement ce qui se passe aujourd'hui. C'est beaucoup de tergiversations, de temps perdu en discussions - pour arriver à quoi ? A peu près à rien ! Il n'y a qu'à voir comment a fini SCORE, comment certains grands projets sont passés à la trappe. Par conséquent, en ce qui nous concerne, nous disons stop: il faut absolument que l'Etat se réveille et vienne avec de vraies propositions. A voir les discussions sur les futurs budgets qui ont pris fin ces derniers temps - pas plus tard que quinze jours en arrière -, alors qu'un certain nombre de propositions devaient arriver, eh bien là non plus on n'en verra pas encore la couleur. Pour le moment, nous disons donc stop et nous refuserons ce programme. Nous attendons bien évidemment beaucoup plus qu'un réveil du Conseil d'Etat: de vraies propositions. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient maintenant à M. le député André Pfeffer pour trois minutes et quatre secondes.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Etablir un programme de législature est un exercice obligatoire, et ce programme a été établi et discuté en commission en 2018. Mais il est étonnant que ce programme de législature 2018-2023 n'analyse pas plus sérieusement la réforme fiscale des entreprises, pourtant votée quelques mois plus tard, la CPEG - le besoin de la renflouer à l'aide de centaines de millions était déjà connu -, ou encore le projet SCORE, qui a capoté quelques mois plus tard. Surtout, il n'y a pas un mot sur la traversée du lac, acceptée par le peuple, qui serait - ou sera - l'une des plus grandes infrastructures de Genève.

Lors de son audition, le Conseil d'Etat a déclaré textuellement que la législature 2018-2023 serait dans la continuité de la précédente et qu'il n'était pas question d'entreprendre une réforme sur le dos des prestations ou du personnel. Quelques mois après, l'Etat de Genève bouclait l'exercice 2020 avec un déficit d'un demi-milliard de francs. Le budget 2021 prévoit quant à lui un déficit de 850 millions et la suite ne sera certainement pas plus radieuse ! L'absence de leadership, l'absence d'objectifs et de vision sont absolument consternantes. Le programme de législature 2018-2023 n'a plus aucune valeur et plus aucun lien avec la réalité. Un débat à son sujet est aujourd'hui une perte de temps et le groupe UDC refusera tant le rapport que la résolution. Merci pour votre attention.

M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, Monsieur le président, j'aimerais dire que nous sommes en 2021 ! Ce rapport a été déposé en 2018; cela signifie que nous traitons de ce que l'on appelle le programme du gouvernement trois ans plus tard. C'est quand même anachronique ! Déjà là, on peut douter de l'efficacité de notre Grand Conseil.

Ensuite, c'est vrai que ce qu'on nous propose là, c'est le changement dans la continuité: je crois qu'on ne verrait pas grand-chose de différent si on comparait ce programme au précédent. Il y a un ensemble de voeux pieux, mais je pense qu'un tel programme devrait en principe partir d'un projet de société, d'une discussion de la situation dans le canton, des éléments qu'il est nécessaire de développer. En fonction de ces paramètres, on nous y donnerait toutes les mesures que le Conseil d'Etat aimerait déployer et les actions qu'il souhaiterait entreprendre. Or, franchement, on y trouve un fatras de propositions qui se sont depuis avérées nulles, disons. Si on prend par exemple Les Dardelles, qui figuraient dans le programme, eh bien c'est non ! En matière de logement, on ne peut pas dire qu'on a beaucoup avancé et en matière de fiscalité, n'en parlons pas; les votations ont démontré qu'on est au même point qu'avant, si ce n'est dans une situation pire.

Nous, les socialistes, nous devrions nous abstenir: nous participons au gouvernement. Mais j'aimerais quand même relever, Monsieur le président, que ce programme a été fait avec une majorité de droite. Or il y a aujourd'hui une majorité de gauche et il faudrait donc que cette nouvelle majorité nous présente son programme de législature - à moins qu'elle n'adhère à ce programme-là, mais il faudrait néanmoins une déclaration. J'espère que le Conseil d'Etat nous en fera une pour clarifier ce point: y a-t-il, suite au changement de majorité, des vues différentes sur ce programme ? En ce qui nous concerne, Mesdames et Messieurs, nous nous abstiendrons pour le moment parce que nous n'avons pas trouvé les raisons, disons, qui nous conduiraient à accepter ce programme de législature de cinq ans. Merci.

M. Jacques Béné (PLR). Je vais quand même revenir sur ce qui s'est passé. C'est un petit peu anachronique, M. Velasco l'a dit, de discuter d'un programme de législature alors que plus de la moitié de la législature est déjà passée, mais, si on regarde bien, le Conseil d'Etat a déposé ces deux objets le 14 septembre 2018. L'exécutif, dans son introduction, dit qu'il a accéléré le travail «afin de permettre au Grand Conseil de découvrir les orientations stratégiques proposées, simultanément au dépôt du premier projet de budget de la législature et du plan financier quadriennal». Il lui a paru important de donner rapidement les grandes orientations pour la prochaine législature au parlement, aux autres parties prenantes, aux partenaires de la région - les amis vaudois, français -, et surtout aux milliers de collaboratrices et collaborateurs de l'Etat ou du grand Etat.

Ce gouvernement, avec une politique clairement de gauche, n'a pas jugé utile - ou n'a pas eu le courage - de venir présenter ces deux objets devant le Grand Conseil. On peut le comprendre: son programme de législature est si faible qu'il est en effet difficilement défendable. Ça fait vingt sessions - vingt sessions, Mesdames et Messieurs - que le Conseil d'Etat aurait pu demander l'urgence sur ce programme pour permettre au Grand Conseil de se déterminer. Cela aurait aussi permis au Conseil d'Etat de nous donner ses arguments pour que nous acceptions son programme de législature, et si le parlement n'avait pas été convaincu, l'exécutif aurait alors peut-être pu y apporter quelques modifications. Nous sommes donc très très déçus de l'attitude de ce gouvernement qui n'est plus capable de porter une vision d'avenir à même de rassurer tant le Grand Conseil que la population genevoise. Il n'y a effectivement aucune réforme, aucune priorité; l'exécutif fait en réalité plutôt preuve d'abstentionnisme.

Cela se reflète également dans les discussions qui ont eu lieu avec le groupe de travail pour le budget 2022, constitué de députés représentant les différents groupes. On a essayé - en particulier le PLR - d'insister, longtemps, auprès du Conseil d'Etat pour qu'il vienne avec des approches constructives, des réformes, des priorités, une analyse des différentes prestations fournies par l'Etat pour savoir si elles sont toujours d'actualité, si elles sont toujours nécessaires, notamment au regard des coûts administratifs que ces prestations peuvent représenter. Comme nous n'avons pas réussi à entrevoir des pistes raisonnables qui auraient pu nous laisser penser qu'on arriverait à aboutir à une forme - une forme ! - de concertation ou en tout cas de discussion constructive, l'Entente a décidé de quitter cette table des négociations qui n'en était pas vraiment une - nous avons très rapidement compris que, soit du côté de la gauche soit du côté du gouvernement, il n'y avait pas vraiment d'avancée satisfaisante.

M. Burgermeister a parlé de comparaison intercantonale; vous aurez l'occasion, Mesdames et Messieurs, dans le cadre des comptes 2020, de discuter d'un rapport qui a été demandé par le Conseil d'Etat. Je relève un ou deux points qui font justement que ce rapport nous a aussi incités à renoncer à participer au groupe de travail. La combinaison du potentiel de ressources et d'exploitation du potentiel fiscal donne les recettes fiscales par tête; à Genève, elles sont supérieures de 90% environ à la moyenne des cantons. L'Administration fédérale des finances, qui publie chaque année l'indice de l'exploitation du potentiel fiscal, a placé chaque année en tête de ce classement, et de très loin, le canton de Genève. Et puis surtout, Mesdames et Messieurs, les recettes fiscales ont augmenté de 107% entre 1998 et 2019 alors que la population, sur la même période, n'a augmenté que de 26% - soit environ quatre fois moins. Les charges de l'Etat ont quant à elles connu une hausse de 56%, soit le double de l'augmentation de la population. On a donc de quoi rigoler quand on entend parler de précarité ou de manque de prestations.

Ce rapport mentionne aussi que l'indice des coûts standards du canton de Genève s'élève à 189; Genève affiche par conséquent des dépenses nettes par habitant supérieures de 89% à la moyenne des vingt-cinq autres cantons. L'intérêt de ce rapport n'est pas seulement d'en rester à des comparaisons de coûts standards: celui-ci mentionne également... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...que notre canton a des coûts par cas qui dépassent de 39% ceux de la moyenne des cantons du groupe de comparaison spécifique. Je pense que nous aurons l'occasion de revoir tout ça, Mesdames et Messieurs, puisque ce gouvernement qui était de gauche...

Le président. Merci.

M. Jacques Béné. ...est à notre avis devenu, depuis quelques semaines, un gouvernement d'extrême gauche. (Rires.) Nous aurons l'occasion...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Jacques Béné. Nous aurons l'occasion de voir quelle politique ce Conseil d'Etat entend mener les deux prochaines années et s'il entend...

Le président. Merci, c'est terminé.

M. Jacques Béné. ...corriger le programme de législature en mettant les priorités... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Monsieur le député Boris Calame, c'est à vous.

M. Boris Calame (Ve). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, chères et chers collègues, il faut quelque part saluer la rapidité avec laquelle a été élaboré ce programme de législature, déposé le 14 septembre 2018, et le rapide travail fait en commission. Alors même que ce programme ne nous avait pas convaincus, il y a notamment eu depuis la RFFA, l'urgence climatique, la crise du collège gouvernemental, la crise covid, une élection complémentaire - entre autres - et, hier, le plan climat cantonal. Nous sommes face à une temporalité déconnectée, à un programme dépassé et partiellement désuet. Notre débat de ce jour ne changera rien; seule une mise à jour de ce programme, une actualisation, pourrait avoir du sens - nous doutons toutefois que ce soit l'intention du Conseil d'Etat. Pour ces raisons, les Verts s'abstiendront sur ce programme de législature. Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, merci à certains d'entre vous d'avoir rappelé de quoi nous parlons aujourd'hui; d'avoir rappelé que le Conseil d'Etat a fait, en début de législature, ce que la constitution lui demande, à savoir déposer un programme de législature - et il l'a fait en un temps record. Il avait par ailleurs accompagné celui-ci d'un plan financier quadriennal pour les quatre premières années de la législature ainsi que d'un projet de budget 2019. Je vous prie donc de croire... (Commentaires.) ...que le travail... (Commentaires.) Je vous prie de croire que le travail a été fait et que nous nous sommes mis d'accord, au sein du collège tel qu'il avait été constitué quelques mois auparavant, à l'issue des élections du printemps 2018, sur ce programme de législature, sur la manière dont nous aurions voulu voir se dérouler les cinq années suivantes.

Le travail a été fait. La commission des finances a également examiné cela dans un temps très rapide: c'était à l'automne 2018. J'entends aujourd'hui certains parmi vous reprocher au Conseil d'Etat de ne pas avoir demandé l'urgence pendant x sessions; rien n'empêchait l'une ou l'autre des personnes qui se sont exprimées dans ce sens de demander l'urgence pour en débattre ! C'est un peu tard, aujourd'hui, pour le faire. Comme l'a très justement relevé M. Calame, il y a eu - j'imagine qu'on a pu s'en rendre compte - un certain nombre d'aléas depuis le début de cette législature; le Conseil d'Etat les a maîtrisés ou a en tout cas, dans certaines circonstances, tenté de les maîtriser. Mais il y a eu un certain nombre d'urgences, vous en conviendrez, notamment celle qui empoisonne notre société, notre économie, notre cadre social depuis maintenant près d'un an et demi. Force est donc de constater que cette discussion a effectivement lieu trois ans après le début de la législature, alors que celle-ci est à moitié écoulée.

Il reste deux ans - deux ans qui vont être compliqués à plus d'un titre aussi bien pour votre parlement, notamment pour vous mettre d'accord sur les budgets, que pour le Conseil d'Etat, qui va devoir accompagner le mieux possible notre population dans le processus de retour à la normalité. Il y aura des difficultés durables et toute notre énergie, toute l'énergie du gouvernement, est précisément dirigée vers cet objectif pour la suite et la fin de cette législature. Cet exécutif fait donc un travail engagé - et il travaille, justement: il est conscient des difficultés et des enjeux auxquels il nous faut faire face. J'espère - je le pense, ou du moins je le souhaite - que ce même état d'esprit habite ce parlement et qu'il laissera peut-être un peu de côté ses querelles habituelles pendant cette période. C'est notre souhait; il est évidemment de votre ressort de le faire.

Nous avons essayé, ces dernières semaines, de rapprocher les positions; je dois dire que c'est un peu fort de café d'entendre aujourd'hui critiquer ces tentatives du gouvernement alors que, fondamentalement, ce rôle est le vôtre - c'est celui du législateur. On ne peut en tout cas pas nous reprocher d'avoir tenté une expérience pour essayer de rapprocher les positions.

Le présent débat nous rappelle largement celui que l'on a à la faveur de l'examen des comptes et de la gestion du Conseil d'Etat. On voit plutôt émerger, dans les prises de parole, ce qui déplaît dans une gestion dans son ensemble et qui s'oppose à telle politique publique, qui à telle autre. Cela a pour résultat de focaliser l'essentiel de l'attention sur des éléments particuliers et on oublie la globalité de la chose; c'est regrettable. Si le parlement peut prendre ce genre de posture - il en a d'ailleurs parfaitement la légitimité -, le Conseil d'Etat, lui, ne le peut pas ! Lui a la responsabilité de délivrer les prestations et de trouver les majorités pour ce faire, et vous pouvez constater qu'il s'y emploie puisque les prestations sont globalement délivrées.

Je voudrais quand même remercier le groupe qui se trouve bien seul à soutenir le Conseil d'Etat pour son programme de législature; je suis un petit peu gêné de le faire, mais je le fais néanmoins. (L'orateur rit.) Merci de soutenir le gouvernement; de soutenir, finalement, les représentants au sein du gouvernement émanant d'un parti, ou plutôt de partis - je le dis au pluriel - qui représentent une large majorité de ce Grand Conseil. Si on arrive à se mettre d'accord au sein d'un exécutif, on devrait, à notre sens, pouvoir également se mettre d'accord au sein d'un parlement. Merci de votre attention, Mesdames et Messieurs.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote sur la demande de renvoi du RD 1249 au Conseil d'Etat, comme le préconise la majorité de la commission.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1249 est adopté par 67 oui contre 14 non et 11 abstentions.

Le rapport du Conseil d'Etat RD 1249 est donc refusé.

Le président. Je vous fais maintenant voter sur la proposition de résolution 863.

Mise aux voix, la proposition de résolution 863 est rejetée par 52 non contre 8 oui et 22 abstentions.

PL 12567-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jocelyne Haller, Frédérique Perler, Léna Strasser, Thomas Wenger, Jean-Charles Rielle, Christian Zaugg, Alberto Velasco, Pablo Cruchon, Pierre Vanek, Jean Batou, Isabelle Pasquier, Alessandra Oriolo, Salika Wenger, Stéphanie Valentino, Grégoire Carasso, Pierre Bayenet, Jean Burgermeister, Claude Bocquet, Salima Moyard, Pierre Eckert, Yves de Matteis, Nicole Valiquer Grecuccio, Olivier Baud, Emmanuel Deonna, Delphine Klopfenstein Broggini, Xhevrie Osmani, Marjorie de Chastonay modifiant la loi sur les prestations complémentaires cantonales (LPCC) (J 4 25) (Pour l'introduction d'une rente-pont en faveur des personnes proches de l'âge de la retraite)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.
Rapport de majorité de Mme Ana Roch (MCG)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 12567-A, classé en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole à la rapporteure de majorité, Mme Ana Roch.

Mme Ana Roch (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des affaires sociales s'est réunie à huit reprises, entre avril et septembre 2020, pour traiter du projet de loi 12567.

Le président. Madame la rapporteure, je vous prie de baisser un peu le micro. Merci !

Mme Ana Roch. Oui, pardon ! Je n'ai pas la voix qui porte, excusez-moi ! Le projet de loi vise à octroyer des rentes-pont aux personnes proches de la retraite, et ce dès 57 ans révolus. Le MCG rappelle que le Conseil d'Etat, par le biais de Mauro Poggia, avait proposé un projet couvrant dix-huit mois, avec une indemnité de 4000 francs, ou une période plus longue, avec une indemnité lissée sur celle-ci, et que cette prestation était sans condition de ressources, par exemple lorsque le conjoint est au bénéfice d'un revenu.

Ce projet de loi nous paraît bien trop généreux, si je puis dire, et pourrait avoir des conséquences pernicieuses telles que le fait de déresponsabiliser les employeurs. Or le but n'est évidemment pas d'inciter des employeurs à se séparer des seniors la conscience tranquille. Si ce projet part d'un bon sentiment et d'un constat juste, il est primordial de regarder le message qu'il envoie aux employeurs et aux personnes concernées. Nous pensons que ce n'est pas un bon message, surtout alors qu'on parle actuellement d'augmenter l'âge de la retraite. Nous regrettons que le PL 12262 «Allocation cantonale complémentaire - allocation-pont» ait été rejeté, car il se voulait un instrument pilote permettant de voir ce qui pouvait être fait et comment. Nous rappelons qu'il a été rejeté par la gauche et par la droite, car, selon cette dernière, le projet de loi ne répondait pas à un besoin.

En résumé, nous sommes convaincus que la voie d'une prolongation du chômage est plus juste et respectueuse que l'aide sociale, qui est sous condition de ressources. Le projet du Conseil d'Etat était moins généreux que ce texte, mais plus réaliste et plus respectueux des personnes de plus de 60 ans, qui rencontrent clairement de grandes difficultés à retrouver un emploi. Nous rappelons également que le projet du Conseil fédéral devrait être mis en application en juillet 2021 et que le référendum prévu n'a pas abouti. L'argument décisif pour la majorité des commissaires est le fait que la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés a déjà été votée et acceptée par le Parlement fédéral. Elle sera donc prioritaire sur ce projet de loi.

Pour ces raisons, nous vous prions de vous joindre à la majorité en refusant cet objet. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je rappelle que le projet de loi de M. Poggia, qui avait été très largement rejeté, ne proposait qu'une couverture maximum de 4000 francs, et ce uniquement sur dix-huit mois sur l'intervalle des trente-six mois qui séparent les personnes concernées de l'âge de la retraite.

Cela étant dit, le projet de loi 12567 se veut une alternative à l'exclusion professionnelle et à l'appauvrissement des demandeurs et des demandeuses d'emploi âgés. Il est inspiré des travaux qui avaient été à l'origine du projet de loi 11501 en faveur d'un changement de paradigme en matière de gestion du chômage et de création d'emplois. Il s'inscrit aussi dans le contexte des travaux du Conseil national relatifs à la mise en place d'une allocation transitoire pour les travailleurs âgés, la LPtra, ce à un moment où les Chambres s'affrontaient à ce propos et où le projet d'origine se trouvait gravement réduit.

En définitive, le pire a sans doute été évité, mais la loi de compromis finalement votée au niveau fédéral comporte des restrictions majeures qui confortent les signataires du PL 12567 dans la conviction qu'une rente-pont cantonale est indispensable. Il s'agit essentiellement des limitations suivantes: l'âge de 60 ans, qui ne tient pas compte de la prépondérance de la problématique des travailleurs ou des travailleuses seniors dès 55 ans; la condition de vingt ans d'activités préalables soumises à cotisation, dont au moins cinq après l'âge de 50 ans; le fait que la loi fédérale ne s'adresse qu'aux chômeurs et chômeuses en fin de droit et non à tous les demandeurs et demandeuses d'emploi; enfin, le fait qu'elle octroie des prestations à hauteur des prestations complémentaires fédérales - les PCF - et que Genève, en raison de son coût élevé de la vie, a dû introduire, à l'instar des cantons de Zurich et Bâle, un système d'aide complémentaire cantonale, les PCC, ce que ne prend pas en considération la LPtra. Cette loi, adoptée le 19 juin 2020, a été attaquée par un référendum. La récolte de signatures menée sous le titre fallacieux de référendum contre «la rente de licenciement» - il faut oser le dire ! - n'a heureusement pas abouti et la LPtra devrait entrer en vigueur en juillet 2021.

De fait, on se trouve confronté au risque avéré d'une fin de carrière marquée par l'éviction. Diverses sources statistiques concordent sur le constat que, si les travailleurs et travailleuses âgés sont moins souvent touchés par le chômage, lorsque le cas survient, leur réinsertion professionnelle est considérablement plus difficile, voire trop souvent vouée à l'échec. Ainsi, pour ces personnes, cela signifie que la dizaine d'années qui les séparent de la retraite seront imprégnées de la perception d'être exclues du monde du travail. Une situation qui favorise des sentiments de dévalorisation et les place dans une situation de dépendance financière à l'égard de leur entourage ou les contraint à faire appel à l'aide sociale. Des cas de figure qui ne manquent pas d'altérer leur santé et viennent alourdir les coûts de la santé, en plus de ceux des aides sociales.

L'entrée en vigueur de la loi fédérale réduira considérablement le coût de l'introduction du dispositif tel que nous le proposons dans le projet de loi 12567. Il ne resterait de fait à la charge du canton de Genève que la différence découlant des conditions d'accès divergentes entre la loi fédérale et la loi cantonale - si elle était acceptée - ainsi que la compensation indispensable entre prestations complémentaires fédérales et cantonales.

Il faut le dire, la rente-pont que nous proposons n'est pas un renoncement au retour à l'emploi des seniors. Elle permet simplement de faire face au fait que, pour bon nombre de travailleurs ou de travailleuses âgés, ce retour à l'emploi est problématique, voire pour divers motifs trop souvent voué à l'échec. Quant au risque qu'ont évoqué des commissaires de l'incitation pour certains employeurs à licencier des employés âgés, les auteurs du projet, comme certains des auditionnés, constatent que la rente-pont vaudoise, novatrice en la matière depuis 2011, n'a pas provoqué ce type d'appel d'air.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Jocelyne Haller. Oui, volontiers, merci. C'est pourquoi, parce qu'il est indispensable de changer le regard de la société sur la situation des travailleurs et des travailleuses âgés, parce qu'il est intolérable et injuste de reléguer ces derniers et ces dernières dans la pauvreté et la dépendance à l'égard de leurs proches ou de l'aide sociale, et enfin parce que la rente-pont fédérale est plus restrictive, la minorité de la commission des affaires sociales vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter le projet de loi 12567 instituant une rente-pont en faveur des personnes proches de l'âge de la retraite.

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a déjà été dit, les Chambres fédérales ont voté une rente-pont qui entrera en vigueur cette année. Cette rente-pont fédérale concerne des chômeurs en fin de droit âgés de 60 ans. Dans la pratique, toutes les personnes âgées de 58 ans perdant leur travail et qui ne retrouvent pas un nouvel emploi seront admissibles à cette prestation fédérale. Les indemnités prévues pour ces rentes-pont fédérales sont 2,25 fois supérieures à la couverture des besoins vitaux. Cette rente-pont fédérale correspond à un réel besoin et réduira le risque social pour les chômeurs âgés. Le texte dont nous débattons actuellement propose de compléter le dispositif fédéral et d'étendre la prestation à des chômeurs en fin de droit âgés de 57 ans. De plus, le projet genevois souhaite inclure les personnes âgées de 57 ans qui n'auraient pas droit aux indemnités de chômage. La prestation fédérale répond à la problématique; le texte genevois arrose trop largement et son coût est difficilement chiffrable. Pour ces raisons, le groupe UDC vous recommande de refuser l'entrée en matière sur ce texte. Merci de votre attention.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, Françoise a aujourd'hui 58 ans, elle est secrétaire et travaillait dans une société de biotech, qui a décidé de délocaliser ses activités en Allemagne en 2018, laissant une partie de son personnel sur le carreau. Après deux ans de chômage, Françoise se retrouve à court de ressources; elle se trouve actuellement dans les bras de l'Hospice général.

Ce genre de situation est assez fréquent, non pas que cette classe d'âge soit plus fréquemment soumise à des licenciements, mais parce que les personnes de plus de 55 ans qui perdent leur emploi n'en retrouvent un que très rarement, et ce pour diverses raisons, qui sont ébauchées dans le rapport. On constate également une claire rupture des possibilités de réinsertion à cet âge critique de 55 ans. Les diverses auditions que nous avons menées à la commission des affaires sociales nous l'ont montré. Quelques possibilités sont encore ouvertes avant cet âge. Après, cela devient très nettement plus difficile.

La situation était déjà mauvaise en 2019, mais elle va encore empirer ces prochaines années, du fait des conséquences de la crise sanitaire d'une part, et de façon plus durable à cause d'une technicité accrue des métiers et de la numérisation d'autre part, phénomènes qui accentuent les risques de décrochage. C'est pourquoi il est important de prendre des mesures pérennes, et pas seulement des mesures d'urgence, comme celles qui sont incluses dans la loi covid sur laquelle nous voterons le 13 juin. Le projet de loi dont nous parlons ici donne une réponse durable à un problème durable. En fait, nous partageons largement les considérations tenues dans l'excellent rapport de minorité de Mme Haller. Je relèverai encore un ou deux éléments supplémentaires.

Tout d'abord, le problème va largement au-delà de la question du simple passage de pont: une fin de vie professionnelle compliquée, qui passe par le chômage, par l'aide sociale, puis par rien du tout, et enfin par une AVS avancée ou un deuxième pilier avancé - ou les deux - conduit à une situation précaire, d'un point de vue tant matériel que psychologique, et annonce une vieillesse très difficile.

Dans le cadre du projet fédéral, qui devrait entrer en vigueur cet été, on peut relever que même le rapport explicatif du SECO pointe déjà la problématique des travailleurs de 55 ans et plus. Peu ambitieuses, les Chambres fédérales se sont arrêtées à l'âge de 60 ans. Au vu de la cherté du coût de la vie sur son territoire, le canton de Genève se doit de pouvoir apporter davantage.

La crainte souvent exprimée est qu'une rente-pont conduirait à représenter un oreiller de paresse pour les employeurs - c'est un neutre générique -, qui licencieraient sans arrière-pensée le personnel de plus de 55 ans sous prétexte que les conséquences financières pour l'employé seraient négligeables. Divers précédents, dont le système vaudois, montrent que cela ne se vérifie pas et qu'un personnel expérimenté continue à être apprécié à sa juste valeur. De plus, la rente-pont resterait de toute manière subsidiaire à un emploi, si celui-ci était accessible.

Nous sommes conscients que le présent projet de loi mériterait peut-être quelques amendements qui permettraient d'assurer une meilleure compatibilité avec la loi fédérale. La compatibilité avec le cadre fédéral ne devrait donc en aucun cas être évoquée pour refuser le texte qui nous occupe.

Finalement, constatons ensemble que la rente-pont genevoise coûtera peut-être un peu d'argent, mais n'oublions pas que celles et ceux qui auront la possibilité de toucher cette prestation n'émargeront plus aux services de l'Hospice général - dont nous parlerons tout à l'heure -, ce qui représente indéniablement un gain non seulement financier, mais aussi social. Genève peut bien offrir un espace de dignité aux employés qui ont eu la malchance de perdre leur emploi à 55 ans après trente ou trente-cinq ans de vie professionnelle. C'est donc avec conviction que les Vertes et les Verts soutiendront ce projet de loi.

Mme Helena Verissimo de Freitas (S). La rapporteure de minorité a été très complète, tout comme l'ont été les Verts; je ne m'attarderai donc pas. Je dirai simplement que le parti socialiste vous demande de ne pas accepter ce projet de loi. Merci beaucoup. (Commentaires. Un instant s'écoule.)

Le président. Merci, Madame la députée...

Mme Helena Verissimo de Freitas. Pardon, de l'accepter ! Pardon, pardon ! Pardon, de l'accepter ! Evidemment ! (Rires.)

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Vieux motard que jamais ! Madame la députée Véronique Kämpfen, c'est à vous.

Mme Véronique Kämpfen (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi propose la mise en place d'une rente-pont pour des personnes qui sont arrivées en fin de droit de l'assurance-chômage ou qui n'y ont pas droit, qui ont 57 ans révolus, qui sont domiciliées à Genève depuis au moins cinq ans et qui ont cotisé au moins dix ans à l'AVS. Il faut noter que, sous la poussée du vieillissement démographique, la population active des plus de 55 ans gagne en importance, notamment depuis le début des années 2010. Parmi les Etats membres de l'OCDE, la Suisse fait partie de ceux dont le taux d'emploi chez les 55-64 ans est élevé. Il était de 81% en 2018, soit le deuxième taux le plus élevé après l'Islande.

Le rapport du SECO sur le chômage des 50 ans et plus indique qu'«en Suisse, les séniors sont fondamentalement bien intégrés au marché de l'emploi et bénéficient de rapports de travail stables plus souvent que les personnes moins âgées». Etant plus rarement au bénéfice de contrats à durée déterminée, ils sont moins exposés aux fluctuations conjoncturelles. En conséquence, le taux de chômage des seniors s'établit toujours à un niveau inférieur à la moyenne. Un dossier de «La Vie économique» daté de février 2020 relève de son côté que les travailleurs seniors sont plus rarement concernés par le chômage que les plus jeunes et que la probabilité de se retrouver au chômage diminue avec l'âge.

En revanche, et c'est là tout le problème, lorsque les seniors sont touchés par le chômage, ils y restent plus longtemps. C'est notamment pour faire face à cette réalité que la loi sur l'assurance-chômage prévoit qu'ils ont droit à des indemnités journalières sur une plus longue période que les autres catégories de chômeurs. Si l'âge est un des facteurs déterminants expliquant le chômage de longue durée, il n'est pas le seul. Lorsque l'âge est le seul obstacle à la réinsertion, il n'est pas déterminant. Il le devient néanmoins lorsque plusieurs facteurs se cumulent. On constate donc qu'un travail sur les autres facteurs d'exclusion est indispensable, notamment sur celui du niveau de formation initiale et continue.

Il faut noter en outre que les personnes de plus de 60 ans représentent une part relativement faible de l'ensemble des chômeurs en fin de droit: depuis 2012, en Suisse, il s'agit d'un peu plus de 5% chez les femmes et d'un peu plus de 8% chez les hommes, un chiffre qui reste stable. A Genève, en chiffres absolus, cela représentait 121 personnes en 2017. Ces chiffres nous avaient été livrés lors de l'étude du projet de loi auquel faisait référence la rapporteure de majorité, le PL 12262 intitulé «Allocation cantonale complémentaire - allocation-pont», présenté à l'époque par le Conseil d'Etat. De plus, le groupe d'âge des personnes de 60 à 64 ans n'est pas le plus représenté dans l'aide sociale. Son taux d'aide sociale, de 2,5% en 2017 en Suisse, est inférieur à celui des groupes plus jeunes et à celui de l'ensemble de la population, qui est de 3,3%.

Depuis le dépôt de ce projet de loi 12567, la situation a évolué au niveau fédéral, puisque le Parlement a adopté la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2021. Elle alloue aux personnes qui sont arrivées en fin de droit dans l'assurance-chômage, après avoir atteint l'âge de 60 ans, des prestations transitoires jusqu'à ce qu'elles perçoivent une rente de vieillesse, à condition qu'elles aient exercé une activité lucrative suffisamment longtemps et qu'elles ne disposent que d'une fortune modeste. En clair, cela signifie qu'à partir de 58 ans, en tenant compte des deux ans de droit au chômage, cette nouvelle prestation permet aux chômeurs âgés d'éviter de tomber à l'aide sociale, à quelques mois ou années de la retraite. Certes, les conditions pour accéder à cette aide sont différentes de celles proposées dans le projet de loi qui nous occupe actuellement, mais cette aide apporte une réponse concrète aux personnes concernées et leur permet en outre, et c'est très important de le souligner, de ne pas diminuer leurs prestations vieillesse à venir.

Le groupe PLR est d'avis de laisser la loi fédérale déployer ses effets avant de s'engager sur une voie cantonale, raison pour laquelle nous vous proposons de refuser ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le projet de loi 12567 a été déposé en août 2019, avant que la nouvelle loi fédérale sur la rente-pont n'ait été validée, ce qui aujourd'hui est fait. La loi fédérale soutient les personnes perdant leur emploi par une rente-pont dès l'âge de 58 ans. Elles doivent avoir travaillé pendant vingt ans, sachant que les années dévolues à de l'assistance ou des tâches éducatives sont prises en compte. Le cadre que pose la loi fédérale satisfait le PDC.

Il était nécessaire de mener une réflexion sur la problématique; la réponse est actuellement apportée par la loi fédérale. Par ailleurs, une évaluation de ce que va permettre la mise en oeuvre du dispositif prévu par la loi fédérale est indispensable avant d'élaborer un projet de loi cantonal. Ajouter un nouveau paradigme à la réforme fédérale sans avoir pu analyser les conséquences de cette prise en charge est prématuré. Pour le PDC, il ne s'agit pas de suspecter les éventuels bénéficiaires d'abus, mais bel et bien de laisser la solution fédérale se dérouler avant d'y ajouter une strate supplémentaire alors que rien n'a été évalué. C'est la raison pour laquelle, vous l'aurez compris, le PDC vous invite à refuser ce texte.

Le président. Merci, Madame la députée. Je cède pour trois minutes trente-quatre la parole à la rapporteure de minorité, Mme Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. J'ai entendu un certain nombre d'intervenants dire: «Finalement, la nouvelle loi fédérale a été votée, pourquoi n'attend-on pas qu'elle entre en vigueur pour mesurer quels pourraient être les compléments nécessaires ?» Je répondrai simplement: parce que nous savons déjà que cette loi exclut un certain nombre de travailleurs et de travailleuses âgés et que, du reste, le montant des prestations qu'elle définit ne correspond pas aux standards du coût de la vie à Genève. Ces simples éléments devraient déjà nous amener à considérer la nécessité d'apporter un complément cantonal à cette loi fédérale.

Par ailleurs, elle repose effectivement sur un certain nombre de fondamentaux qui sont très différents: la loi fédérale s'adresse uniquement aux chômeurs et aux chômeuses en fin de droit, alors que ce que nous proposons au niveau cantonal prend en considération la réalité des demandeurs et des demandeuses d'emploi dans notre canton. Cela nous amène très loin des statistiques qu'évoquait Mme Kämpfen, parce que ces éléments-là ne sont pas répertoriés, alors que nous savons qu'ils sont explosifs sur le plan de la cohésion sociale: précisément, non seulement ces gens se retrouvent particulièrement appauvris par le fait qu'ils sont exclus du marché du travail et qu'ils n'ont pas droit à des prestations d'assurance-chômage, mais, qui plus est, ils appauvrissent par voie de conséquence le groupe familial, puisque c'est la perte d'une ressource et qu'ils se retrouvent en totale dépendance à l'égard de leurs proches, ce qui, du point de vue de la santé mentale, peut être particulièrement difficile à vivre.

Je ne pense donc pas qu'on puisse dire que la loi fédérale suffit. Nous savons qu'aujourd'hui, pour le canton de Genève, elle ne suffit pas, et nous devrions au moins prendre cet argument en considération, ne serait-ce que par cohérence intellectuelle avec le fait que nous avons, il y a déjà un certain nombre d'années, mis en place des prestations complémentaires cantonales, parce qu'elles étaient estimées indispensables pour que les personnes au bénéfice de prestations de l'AVS ou de l'AI puissent faire face au coût de la vie genevoise. Je vous remercie de votre attention.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est moi qui prendrai la parole pour le Conseil d'Etat ce soir, M. Apothéloz étant malheureusement empêché.

Le projet de loi qui nous est présenté vise à apporter une réponse à un problème réel qui est constaté s'agissant de l'intégration professionnelle des plus de 55 ans, mais ce qui est proposé est finalement une réponse partielle, qui vise à la mise en oeuvre d'une nouvelle politique sociale plutôt que d'une nouvelle politique de l'emploi.

Cela a été abondamment répété, la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés a été adoptée et elle entrera en vigueur au 1er juillet 2021. Les auteurs de ce projet de loi citent une étude intéressante qui conclut que la Suisse, caractérisée par un marché du travail de type libéral, se singularise par une quasi-absence de politique et de pratique favorables à la réintégration des travailleurs de plus de 50 ans, rendant ainsi les chômeurs âgés très vulnérables. Mais, pour le Conseil d'Etat, cet élément milite plutôt pour une approche privilégiant le maintien et le retour en emploi par des mesures de remédiation à cette absence de politique portant sur la réintégration des 50 ans et plus, plutôt que pour une validation de cette approche par le biais de la généralisation d'une forme de préretraite dès 57 ans. En effet, compte tenu des besoins attendus du marché du travail, face à un risque de pénurie de main-d'oeuvre dans les années à venir, à des enjeux de financement des retraites et au vieillissement de la population, il apparaît au Conseil d'Etat risqué de miser sur une facilitation du départ à la retraite. Le projet devrait être à notre sens plutôt remplacé par une politique active de maintien sur le marché de l'emploi.

Alors, me direz-vous, qu'est-ce qui pourrait donc être fait en la matière ? Eh bien, tout d'abord, des actions en direction des employeurs visant à augmenter le recours aux travailleurs de 50 ans et plus. Il s'agit de changer l'image de ces travailleurs dits âgés en entreprise, ainsi que d'essayer de réduire les écarts entre les coûts salariaux liés aux différences de charges LPP relatives à l'âge. Il y a également des actions en direction des employés pour maintenir l'employabilité à travers un recours aux formations continues, pertinentes, en lien avec l'évolution des besoins du marché. La vision traditionnelle qui veut que le salaire augmente durant toute la carrière pourrait également être remise en question; on sait que lorsqu'on approche de l'âge de la retraite, on a moins souvent des enfants à charge, et peut-être que les coûts sont un peu réduits. Il y a également des actions en direction des autorités, notamment fédérales, avec une adaptation du cadre légal, y compris s'agissant de la LPP, pour permettre une sortie progressive du marché du travail, avec une baisse du taux d'activité par exemple, sans de trop fortes conséquences sur les retraites.

Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, le Conseil d'Etat vous encourage également à refuser ce projet de loi et à attendre les résultats de l'entrée en vigueur des prestations fédérales pour chômeurs âgés et, dans le même temps, à engager une politique en faveur du maintien en emploi de ces travailleurs de 55 ans et plus. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'est plus demandée; je mets donc aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12567 est rejeté en premier débat par 52 non contre 37 oui.

PL 12630-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Sandro Pistis, Ana Roch, Florian Gander, Danièle Magnin, Thierry Cerutti, André Python, Daniel Sormanni, Jean-Marie Voumard, Françoise Sapin, Christian Flury, François Baertschi, Patrick Dimier, Francisco Valentin modifiant la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle (LIASI) (J 4 04) (Du respect et de la compassion pour nos aînés locataires)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 29 et 30 octobre 2020.
Rapport de majorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)
Rapport de minorité de M. Sandro Pistis (MCG)

Premier débat

Le président. Voici l'objet suivant: le PL 12630-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je laisse la parole à la rapporteure de majorité, Mme Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Du respect et de la compassion, c'est la moindre des choses que nous devons, pas seulement à nos aînés locataires, mais à l'ensemble de la population. Mesdames et Messieurs, le projet de loi 12630 répond à une préoccupation mise en exergue dans une émission de la RTS, qui évoquait la situation dramatique de personnes âgées perdant leur logement suite au non-paiement de leur loyer. Néanmoins, s'il relève d'une intention louable, d'une part en voulant modifier la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle - la LIASI -, d'autre part en s'appuyant sur une mauvaise compréhension de celle-ci, il se trompe de véhicule pour prévenir ces cas de figure.

Le texte vise à faire intervenir les services sociaux dès la constatation d'un défaut de paiement afin d'éviter la résiliation du bail: l'article 34A nouveau de la LIASI prévoit que le bailleur, lorsqu'il note un défaut de paiement du loyer, en informe le service social de la commune où se trouve le bien immobilier; il doit en outre informer le ou la locataire de cette démarche. La nouvelle disposition stipule qu'il incombe aux communes d'organiser au sein de leur administration, soit individuellement, soit par regroupement intercommunal, une antenne sociale habilitée à recevoir les communications précitées. Un délai d'un an dès l'entrée en vigueur de la loi leur est imposé pour instaurer ledit service qui enregistrera les avis des bailleurs afin de réaliser les intentions portées par les auteurs.

Cet objet est problématique à divers titres. Tout d'abord, il n'est pas conforme au droit supérieur dans le sens où il prescrit une nouvelle tâche aux bailleurs. Ensuite, il inscrit dans la LIASI des obligations communales qui sortent du domaine de compétence des communes. Non seulement il définit ces attributions de manière comminatoire, mais il soulève par ailleurs la délicate question du signalement social, c'est-à-dire d'une intervention non sollicitée par un usager ou une usagère, ce qui revient à légaliser une forme d'intrusion dans la sphère privée contraire au principe du libre arbitre ainsi qu'aux normes déontologiques du travail social.

Le projet de loi 12630 empiète volontairement sur le champ sensible de la répartition des tâches entre les communes et le canton; il impose, tranche sans concertation, attentant de fait à l'autonomie communale. La définition de la mission des services sociaux communaux telle qu'elle figure à l'article 34A, alinéa 3, est particulièrement restreinte et justifie difficilement la création d'entités ad hoc. De surcroît, le texte demeure flou quant à la suite que devraient donner ces organes au signalement d'un bailleur. La question des personnes âgées en difficulté, comme celle d'autres catégories de gens, ne se résoudra pas par des dispositions péremptoires et approximatives telles que les propose ce projet de loi.

Mesdames et Messieurs, le dispositif social actuel... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Avant de vous rendre la parole, Madame la rapporteure de majorité, je vous informe que vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Jocelyne Haller. Merci. Le dispositif social existant est d'ores et déjà chargé d'intervenir dans ces situations, mais il n'est pas toujours en mesure de le faire en raison de la saturation des divers services, lesquels ne disposent pas des moyens suffisants pour répondre à l'entier de leurs missions au vu des nombreuses demandes auxquelles ils font face. Si nous devons nous préoccuper d'une population qui apparaît laissée pour compte, c'est par ce biais-là qu'il faut agir; le parlement doit se décider à octroyer aux établissements sociaux et aux services de l'Etat les ressources nécessaires afin qu'ils puissent assumer les charges qui leur reviennent. Pour ces motifs, une importante majorité de la commission des affaires sociales a refusé d'entrer en matière sur ce projet de loi et vous propose d'aller dans le même sens. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est révélateur: la gauche et la droite de ce parlement se sont réunies non pour construire, mais pour détruire. Si la droite a l'excuse qu'elle défend en général les bailleurs et non les locataires, la gauche n'en a en revanche aucune, parce qu'élection après élection, elle prétend soutenir les locataires. En l'occurrence, la gauche - à l'exception d'une abstention Verte - a estimé qu'il ne fallait pas venir en aide aux locataires âgés menacés d'expulsion.

Pourtant, le projet de loi proposé ici se singularise par sa modération. Rappelons qu'il a été déposé suite à la diffusion, en tout début d'année, d'une émission de la RTS - «Mise au point» - révélant des cas catastrophiques de personnes en âge AVS qui, faute d'avoir payé leur loyer, se retrouvent à la rue. Le texte vise à éviter ces drames à travers une meilleure information à destination des communes, il s'agit de prévenir les situations avant qu'il ne soit trop tard. En cas de défaut de paiement du loyer, le propriétaire sera tenu d'informer les services sociaux communaux. Avec l'accord du locataire, l'antenne sociale pourra prendre les devants et remédier à la situation pour empêcher une résiliation du bail, ce qui permettra un dénouement favorable sans catastrophes ni drames humains.

Actuellement, hélas, les services sociaux ne sont pas systématiquement avertis, car il n'existe aucune obligation, ce qui engendre les situations scandaleuses que nous connaissons. Il faut être conscient que beaucoup de locataires n'osent pas entreprendre cette démarche. Le but est simple et évident: informer les services sociaux pour que ceux-ci puissent proposer une aide. C'est aux communes de prendre en charge cette tâche et, pour ce faire, les plus petites d'entre elles ont la possibilité de se regrouper. En effet, le projet de loi stipule: «Il incombe aux communes d'organiser au sein de leur administration, soit individuellement, soit par regroupement intercommunal, un service social [...]» Le partage des moyens afin d'assumer une compétence existe déjà pour d'autres fonctions.

Quant à la prétendue non-conformité au droit fédéral qui a été invoquée en commission, il s'agit d'un argument qui manque singulièrement de pertinence et sert plutôt d'oreiller de paresse; il serait plus juste de parler d'absence d'argument ! Le champ du projet de loi a été intégré de manière tout à fait cohérente dans la LIASI, dont le but est de soutenir les personnes en difficulté sociale, et il remplit ses conditions. Il suffit de relire le texte pour constater qu'il est fluide et clair. Certes, un règlement d'application devra être mis en place par le Conseil d'Etat, mais le cadre de l'action publique est indiqué.

Mesdames et Messieurs, cet objet n'a pas été étudié sérieusement en commission, les gens doivent savoir qu'il n'a été procédé à aucune audition. Les travaux ont été bâclés, et je le regrette. Pour ces raisons, je propose que nous le réexaminions en commission, donc je fais une demande formelle de renvoi. Il convient, à la suite des débats, de prendre les mesures nécessaires, mais avant tout de réaliser un travail de qualité afin de venir en aide à toutes celles et ceux qui se trouvent dans ce genre de situation. Je vous remercie.

Le président. Merci. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi à la commission des affaires sociales. Madame la rapporteure de majorité, souhaitez-vous vous exprimer à ce sujet ?

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Oui, Monsieur le président, je vous remercie. Mesdames et Messieurs, notre groupe refusera la demande de renvoi en commission et vous appelle à en faire autant. Il ne s'agit pas de mauvaise foi à l'égard de ce projet de loi, mais celui-ci est tout simplement incompatible avec le droit fédéral. Ce Grand Conseil n'a pas la compétence d'imposer des tâches aux bailleurs, pas plus qu'il ne peut obliger les communes à créer des services sociaux, sinon la question de la répartition des tâches entre les communes et le canton serait réglée depuis fort longtemps. Aussi, il n'y a aucun sens à examiner à nouveau le texte en commission. Si le MCG et les signataires sont inquiets quant à la situation des locataires âgés, ce que l'on peut tout à fait concevoir, alors qu'ils reviennent avec un objet qui permette véritablement de traiter cette question dans le cadre des attributions du Grand Conseil, ce qui n'est pas le cas ici.

Le président. Je vous remercie. Madame la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, un mot sur la proposition de renvoi en commission ? (Remarque.) Non, alors je lance la procédure de vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12630 à la commission des affaires sociales est rejeté par 67 non contre 15 oui.

Le président. Nous poursuivons la discussion. Monsieur Bertrand Buchs, c'est à vous.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien refusera ce projet de loi pour les raisons qui ont été explicitées par la rapporteuse de majorité. On ne peut pas voter un texte qui est contraire au droit fédéral, point ! Le Conseil d'Etat ne pourrait même pas demander le troisième débat, ainsi que cela a été expliqué aux auteurs. La commission n'a pas discuté sur le fond, elle a délibéré quant au principe, et il se trouve que cet objet n'est pas exécutable. Voilà pourquoi il n'y a pas eu d'auditions.

Nous avons demandé que le projet de loi soit transformé en proposition de motion, et le MCG était initialement d'accord de déposer une proposition de motion pour le remplacer; malheureusement, à la fin des débats, ce parti a finalement décidé de maintenir son projet de loi, et ce bien qu'on ne puisse pas entrer en matière dessus pour les deux raisons principales mentionnées: il est non conforme au droit fédéral et on ne peut pas obliger les communes à créer des services sociaux - je rappelle que 28 communes sur 45 ne disposent pas d'antenne sociale actuellement. Aussi, ce texte doit être refusé. Je vous remercie.

Mme Sylvie Jay (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'aurez compris, le présent projet de loi consiste en une modification de la LIASI par l'ajout d'un article 34A qui demande, dans un premier temps, lors de la constatation d'un défaut de paiement d'un locataire en âge AVS pouvant mener à une résiliation de bail, que le bailleur informe le service social de la commune concernée, puis, par voie de conséquence, que chaque commune instaure une antenne sociale ayant pour mission de répondre à cette nouvelle obligation.

Personne dans ce parlement ne contestera l'intention honorable, cela a été souligné précédemment, des signataires de ce texte qui vise à protéger les aînés, population identifiée comme vulnérable. Toutefois, la démarche interroge sur différents points, en premier lieu quant au choix de la LIASI dont la finalité est de prévenir l'exclusion sociale en aidant les gens à recouvrer leur autonomie, en favorisant la réinsertion sociale et professionnelle. Il n'y a pas lieu de s'immiscer dans les affaires privées que sont les relations contractuelles entre bailleurs et locataires qui, elles, relèvent du droit fédéral.

Ensuite, le public cible: nous osons croire que l'âge de l'AVS ne constitue pas en soi un critère de vulnérabilité ou de faiblesse ! Mon propos ne se veut pas ironique, mais soulève la question de l'égalité de traitement. En effet, un état de vulnérabilité ou de détresse peut toucher toute personne, indépendamment de son âge, et chacun doit bénéficier d'une aide ou d'un accompagnement propre à ses besoins, émanant soit de sa commune de résidence, soit du canton.

Les auteurs souhaitent impliquer les communes dans la lutte contre la résiliation de baux au motif de non-paiement du loyer et, pour cela, ils se réfèrent à la loi sur la répartition des tâches entre les communes et le canton. A cet égard, il convient de rappeler que la politique publique en faveur des personnes âgées est une tâche conjointe du canton et des communes. Comme l'a relevé avec pertinence Mme Haller dans son rapport de majorité, les communes sont compétentes exclusivement pour les tâches de proximité qu'elles assument pleinement.

Concernant les aînés, des prestations leur sont offertes pour éviter qu'ils ne se retrouvent isolés, des aides et un accompagnement dans la vie quotidienne leur sont proposés, cela outre la présence d'un service social spécifique, comme le requiert ce projet de loi.

Enfin, l'article 34A nouveau, s'il devait être accepté, contreviendrait à l'autonomie communale au sens de l'article 2 de la LAC, autonomie qui est garantie par la constitution et par la loi. Pour toutes ces raisons, le PLR ne votera pas ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Vertes et les Verts prennent à coeur ces situations qui touchent une partie vulnérable de la population, il y a effectivement un problème. Malheureusement, comme cela a été souligné par mes préopinants, ce projet de loi ne constitue pas le bon outil pour le résoudre, puisqu'il n'est tout simplement pas conforme au droit supérieur: le domaine du bail relève du droit fédéral. Voilà la première raison.

Ensuite, on relève un non-respect de la sphère privée qui, quant à lui, n'est pas compatible avec la loi fédérale sur la protection des données. Enfin, le texte pose problème au niveau de la LRT et du rôle des communes, l'Etat ne pouvant pas contraindre celles-ci à créer des services sociaux. Actuellement, dans le canton de Genève, 28 communes sur 45 ne disposent pas d'antenne sociale, la mise en oeuvre serait donc vraiment compliquée.

Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts vous invitent à refuser ce projet de loi, ce qui ne signifie pas que nous ne soyons pas sensibles à la problématique, mais nous essaierons par d'autres voies - nous essayons, je vous le garantis - de trouver des solutions pour les locataires en difficulté. Je vous remercie.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été rédigé par le MCG suite au visionnage d'un reportage de la RTS sur des aînés ayant perdu leur logement au motif qu'ils ne se sont pas acquittés de leur loyer. Si la problématique est bien réelle, cela a été souligné, elle mérite toutefois une réponse sérieuse et de qualité, et force est de constater que le MCG a bâclé le travail avec ce projet de loi.

Une voix. C'est toi qui l'as bâclé ! (Rires.)

M. Sylvain Thévoz. Ce projet de loi veut obliger les bailleurs, Mesdames et Messieurs - oui, les obliger ! - à communiquer - on hésite presque à dire «dénoncer» - au service social d'une commune le nom d'un locataire qui ne peut plus payer son loyer. A défaut d'apporter une solution, le texte pose surtout des problèmes, et je vais les lister rapidement.

Tout d'abord, il y a la question de l'ancrage dans la loi cantonale sur l'insertion et l'aide sociale individuelle. Les communes, vous le savez, ne sont pas des organes d'exécution de la LIASI; celles qui sont dotées d'un service social assument cette mission de leur plein gré, mais la majorité d'entre elles, c'est-à-dire 28 sur 45, n'en ont pas. Il faut en outre rappeler qu'une révision de la LIASI est imminente, et celle-ci comportera des mesures relatives au logement.

Ensuite, le texte pose problème en ce qui concerne le respect du droit supérieur. Le domaine du bail relève du droit fédéral, Mesdames et Messieurs, et on ne peut pas, dans le cadre d'une législation cantonale, imposer de nouvelles obligations aux bailleurs. Par ailleurs, les conséquences et sanctions ne sont pas prévues par le droit fédéral. Relevons également une atteinte à la sphère privée: le projet de loi n'est clairement pas compatible avec la loi fédérale sur la protection des données.

Il y a encore le rôle des communes. Cet objet attente à l'autonomie communale et reste flou quant à la suite que devraient donner les services sociaux au signalement d'un propriétaire. Bref, si les questions que vise à résoudre le projet de loi 12630 existent, l'outil proposé n'est vraiment pas adéquat, et le parti socialiste vous invite dès lors à le rejeter.

Pour nous, des solutions immédiates existent. Il faudrait notamment parvenir à accélérer l'intervention de l'Hospice général et renforcer le travail avec les milieux immobiliers pour informer davantage les locataires des ressources qui s'offrent à eux en cas de difficultés de paiement. La lutte contre le non-recours à l'aide sociale constitue un chantier pour lequel des moyens supplémentaires doivent être débloqués, de même que pour la prise en charge des loyers par l'Etat lorsque les locataires ne peuvent ponctuellement plus les assumer; il s'agit de les aider à passer le cap, sur le modèle du projet de loi 12889 qu'ont déposé ensemble le groupe socialiste, les Verts et Ensemble à Gauche.

Enfin, et je terminerai par là, Mesdames et Messieurs, nous devons avancer vers une automaticité des prestations complémentaires. Certains de nos aînés ignorent complètement qu'ils peuvent avoir recours à des prestations complémentaires, personne ou presque ne les renseigne à ce sujet. A cela s'ajoute souvent la honte ou la gêne d'avoir à solliciter une aide, et cela dépend directement de l'Hospice général. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à refuser ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Comme cela a déjà été signalé plusieurs fois, le respect et la compassion envers nos aînés locataires constituent un devoir. Qu'un propriétaire ou une régie balance une résiliation de bail à une personne âgée qui payait ponctuellement son loyer depuis des années et des années, et ce sans la renseigner quant au motif, c'est évidemment scandaleux, c'est un manque total de savoir-vivre.

Le projet de loi est honorable, mais difficilement réalisable. Il n'est pas certain que le mécanisme prévu, soit une obligation pour les bailleurs d'annoncer les retards de paiement, sera suffisamment rapide et efficace. Si la volonté des auteurs est louable, le texte est malheureusement inapplicable et surtout non conforme à la législation fédérale: l'article 34A, alinéa 1, ne respecte pas le droit du bail tandis que l'alinéa 2 constitue une atteinte à l'autonomie communale, sans parler des difficultés à le mettre en pratique.

En commission, le groupe UDC s'était abstenu lors du vote d'entrée en matière, et tout à l'heure, nous avons soutenu le renvoi en commission. Si, au cours de ce débat et grâce à des amendements, le projet final devait tenir la route sans engendrer de mesures disproportionnées, l'UDC changerait sa position, mais le texte tel que présenté ici n'est pas acceptable, et nous le refuserons. Merci de votre attention.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est demandée par M. François Baertschi, à qui elle revient pour deux minutes seize.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. La perte du logement, c'est la mort sociale. Les personnes dont on parle ici, ce sont des gens qui, en raison de leur âge, de leur situation personnelle, du cours de la vie, se retrouvent en situation de faiblesse, et cette faiblesse est alors exploitée par certains bailleurs. C'est ce que montrait l'émission de la RTS.

On nous dit: «Il y a le droit supérieur.» Mais c'est quoi, le droit supérieur ? C'est mettre les gens à la porte ? Les laisser dans la misère ? C'est ça que l'on veut ? C'est ce que veut la gauche, c'est ce que veut la droite ? Bravo ! Ce soir, j'ai honte; j'ai honte de voir qu'on traite nos aînés de cette manière, j'ai honte de constater le manque de générosité... Même pas de générosité, mais de reconnaissance: ce sont ces générations, Mesdames et Messieurs, qui vous permettent d'être ici, d'avoir une situation confortable ! Ce sont ces générations qui se retrouvent aujourd'hui en difficulté en raison d'événements de la vie, comme nous allons nous-mêmes y être confrontés dans quelques années, et il n'y aura peut-être personne pour s'occuper de nous à ce moment-là !

L'égoïsme qui se manifeste dans ce Grand Conseil, nous ne pouvons pas le tolérer, c'est une façon d'abandonner les aînés. Il y a peut-être de bons principes, mais nous les abandonnons. Je vous demande formellement de soutenir ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je repasse la parole à M. Bertrand Buchs qui dispose d'une minute et cinquante-neuf secondes.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président, je serai très bref. Je demande au MCG d'arrêter de bâcler ses projets de lois. Si le sujet est important, il faut déposer un texte qui tienne la route, point barre. Et puis arrêtez de nous faire la leçon ! Vous présentez un projet de loi qui ne peut pas être voté et vous nous faites la leçon; ce n'est pas normal, ce n'est pas juste. Proposez de bons projets de lois, et on en discutera. Je vous remercie.

Le président. Merci. Je rappelle au groupe MCG qu'il lui reste quarante-six secondes; je céderai ainsi la parole à M. François Baertschi, mais probablement pas au député suivant.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je m'inscris en faux contre ce que vient de dire le Dr Buchs: le texte a été élaboré attentivement avec l'aide de juristes, avec des gens de qualité, compétents, vous seriez étonné des personnes qui y ont travaillé. C'est prétentieux de dire que le texte est bâclé, c'est prétentieux et méprisant !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. Christian Flury pour vingt-six secondes.

M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, j'aimerais remettre les choses en perspective: éjecter un retraité de son appartement, c'est l'occasion pour une régie de reprendre la main sur un logement occupé depuis vingt-cinq ans et qui n'a subi aucune majoration de loyer, de le rénover et de le remettre sur le marché au cours du jour.

Le président. Merci...

M. Christian Flury. Cela étant, la régie ne prend aucun risque, puisque chaque locataire a un dépôt de garantie de trois mois.

Le président. Il faut conclure.

M. Christian Flury. On peut ainsi repousser de trois mois l'expulsion de quelqu'un. Soutenez ce projet de loi !

Le président. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de minorité, il ne vous reste plus de temps. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole pour une minute.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. J'avoue que je suis assez surprise qu'en raison d'un problème formel, c'est-à-dire l'impossibilité de donner suite à ce projet de loi, on vienne accuser la majorité de ce Grand Conseil d'égoïsme, de manque de générosité et d'indifférence à l'égard des locataires âgés. C'est faux, et il ne faut pas se tromper d'objectif.

La question des locataires en âge AVS est digne d'intérêt, elle nous préoccupe d'ailleurs à divers titres, mais ici, on nous propose de réinventer la roue ! Une roue carrée, qui plus est, et vous savez la difficulté que cela représente pour avancer. Il se trouve que le dispositif social prévoit d'ores et déjà des aides en faveur de ces personnes, théoriquement du moins; ce qui pose problème, c'est que les services sont surchargés.

Le président. Merci.

Mme Jocelyne Haller. Alors quand on parle de manque de générosité, moi j'ajouterais: manque de cohérence !

Le président. C'est terminé.

Mme Jocelyne Haller. Parce que si on tolère aujourd'hui que les services ne puissent pas remplir leur mission, alors c'est que nous avons...

Le président. Merci, Madame.

Mme Jocelyne Haller. ...un réel problème de cohérence politique et institutionnelle. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi qui nous est présenté ici met le doigt sur une problématique réelle, à savoir que des locataires âgés peuvent être mis à la rue. En revanche, la solution proposée, nous l'avons entendu, ne convient malheureusement pas... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Madame la conseillère d'Etat... Mesdames et Messieurs, merci de respecter la prise de parole de la magistrate !

Mme Nathalie Fontanet. La solution proposée, nous l'avons vu aujourd'hui, ne répond malheureusement pas aux exigences légales. C'est regrettable, j'imagine que ce Grand Conseil aurait souhaité procéder différemment, mais ce n'est pas possible. Par ailleurs, le projet de loi ne dit rien sur l'omission de la communication par le bailleur au service social de la commune, c'est-à-dire qu'il n'y aurait aucune conséquence.

Cela étant, Mesdames et Messieurs, nous pouvons trouver ensemble d'autres pistes sans passer par le biais d'un projet de loi. D'abord, Mme Haller l'a indiqué, le dispositif social existant offre un soutien s'il est informé de la situation. S'il en est informé ! Il se trouve que certaines personnes n'ont pas recours à l'aide sociale, d'autres sont en rupture avec leurs obligations administratives, elles pourraient s'acquitter de leur loyer, mais sont tellement débordées par l'ensemble des documents qu'elles reçoivent qu'elles ne le font pas.

Nous pourrions par exemple mettre en place un partenariat entre l'Etat et les régies: celles-ci enverraient un rappel de paiement de loyer, voire un flyer qui préciserait aux citoyens qu'ils peuvent s'adresser aux services sociaux, lesquels sont là pour eux, ou à des entités telles que Caritas, ou encore se rendre à l'antenne sociale de leur commune. Il s'agirait de diffuser les informations plus loin, de prendre les devants par rapport aux personnes qui se trouvent soit dans le dénuement et donc dans l'impossibilité de payer leur loyer, soit dans des contextes de rupture.

Nous pouvons oeuvrer ensemble à d'autres approches, nous entretenons des contacts réguliers avec les représentants des milieux immobiliers, et si nous leur soumettons un flyer à envoyer aux locataires, je ne pense pas qu'ils émettraient une quelconque opposition. Cela nous permettrait d'assurer le suivi de ces personnes qui traversent des périodes extrêmement difficiles. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que le Conseil d'Etat tenait à vous dire sur ce projet de loi.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, je mets aux voix l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12630 est rejeté en premier débat par 76 non contre 10 oui et 2 abstentions.

R 936
Proposition de résolution de Mmes et MM. Sylvain Thévoz, Jocelyne Haller, Amanda Gavilanes, Nicole Valiquer Grecuccio, Guy Mettan, Jean-Charles Lathion, Badia Luthi, Emmanuel Deonna, Jean Batou : Les Arméniens du Haut-Karabagh ont le droit à la vie et à l'autodétermination (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 25, 26, 27 novembre, 3 et 4 décembre 2020.

La proposition de résolution 936 est retirée par ses auteurs.

R 942
Proposition de résolution de Mme et MM. Thomas Bläsi, Virna Conti, Christo Ivanov, Stéphane Florey, Marc Falquet, André Pfeffer : Respect du cessez-le-feu au Haut-Karabakh (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 28 et 29 janvier 2021.

La proposition de résolution 942 est retirée par ses auteurs.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance. Nous nous retrouvons à 20h30. Bon appétit !

La séance est levée à 19h.