Séance du vendredi 26 mars 2021 à 10h30
2e législature - 3e année - 10e session - 62e séance

P 2089-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Exigeons le retour de l'âge pivot à 64 ans !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 28 et 29 janvier 2021.
Rapport de Mme Françoise Nyffeler (EAG)

Débat

Le président. Nous abordons maintenant la P 2089-A, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. A vous la parole, Madame Nyffeler.

Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante et rapporteuse. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) Cette pétition concerne l'âge pivot, modifié à la CPEG, et demande le retour à un âge pivot de 64 ans et non plus 65 comme c'est le cas aujourd'hui. (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Madame Nyffeler. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés ! Si le sujet ne vous intéresse pas, il y a de la place à l'extérieur ! Poursuivez, Madame Nyffeler.

Mme Françoise Nyffeler. Merci, Monsieur le président. Cette pétition a été proposée par le Cartel intersyndical, et une assemblée de la fonction publique a approuvé ce retour à l'âge pivot à 64 ans. Pourquoi ? Parce que cette mesure a beaucoup touché les femmes qui travaillent à l'Etat, qui sont fonctionnaires: le deuxième pilier a été modifié et les modalités actuelles ne correspondent plus à l'âge légal de la retraite pour les femmes, qui est à 64 ans. (Brouhaha.) Cela signifie que le deuxième... (Un instant s'écoule.) Je m'excuse, Monsieur le président, mais il y a beaucoup de bruit. (Le président agite la cloche. Un instant s'écoule.) Je disais donc que le recul de l'âge pivot à 65 ans a touché en particulier les femmes, qui perdent 5% de leur rente si elles prennent leur retraite à l'âge légal - l'âge de l'AVS -, à 64 ans. Ou alors elles sont obligées et contraintes de travailler une année de plus afin de toucher leur rente pleine. Cette mesure d'économie, faite sur le dos des femmes, fait partie des mesures structurelles.

Quatre séances de la commission des pétitions ont été consacrées à ce sujet, et nous avons reçu Mme Fontanet qui nous a notamment expliqué que le Conseil d'Etat n'est pas vraiment en mesure d'intervenir dans ces décisions de la CPEG. Nous avons eu de longs débats sur la question du destinataire, pour savoir s'il fallait renvoyer la pétition au Conseil d'Etat ou au comité de la CPEG, ce qui a été vérifié. Finalement, la majorité a décidé de la renvoyer à la CPEG et non au Conseil d'Etat alors que la minorité était pour la renvoyer tant au Conseil d'Etat qu'au comité de la CPEG.

N'oublions pas que cette question de l'âge pivot est très actuelle, puisqu'on essaie désespérément, depuis un moment, de déplacer l'âge de la retraite des femmes - l'âge de l'AVS - à 65 ans. La résistance est très forte: la réforme de l'AVS Prévoyance vieillesse 2020 qui le proposait...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Françoise Nyffeler. ...a été refusée à Genève par plus de 60% des votants et au niveau fédéral par 52% des votants. Le nouveau plan AVS prévoit d'ailleurs à nouveau de repousser l'âge de la retraite des femmes et il est toujours combattu par une grande partie de la population, notamment la population féminine. Cette mesure relative à l'âge pivot a été prise dans un contexte où on pensait que l'AVS des femmes allait être repoussée; il se trouve que ça n'a pas été le cas et il faut donc revenir à 64 ans pour que celles-ci puissent toucher leur rente pleine.

Je sais qu'on va me rétorquer que c'est une question d'égalité. La question de l'égalité entre hommes et femmes a justement été débattue en commission; tout d'un coup, l'égalité devient une préoccupation, notamment à droite. J'aimerais dire qu'en matière d'égalité, il faudrait savoir de quoi on parle. Si on parle des différences de salaire, des différences de parcours des femmes, alors nous savons qu'il n'y a pas d'égalité. Nous savons au contraire que l'inégalité entre les hommes et les femmes s'est creusée, tant au niveau des revenus que des parcours professionnels - et continue de se creuser même si cela fait quarante ans que le principe d'égalité a été adopté et que nous attendons son application depuis vingt-cinq ans.

Je rappelle également que la différence des rentes entre femmes et hommes se situe en grande partie au niveau du deuxième pilier: elle est de 63% alors qu'elle n'est que de 2,7% pour l'AVS grâce à un bonus éducatif.

La commission des pétitions a donc voté le renvoi de cette pétition au comité de la CPEG, mais la minorité voulait la renvoyer tant au Conseil d'Etat qu'au comité de la CPEG, ce que je soutiens avec Ensemble à Gauche. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Jean Burgermeister pour seize secondes.

M. Jean Burgermeister (EAG). Monsieur le président, je voulais répondre sur le sujet précédent à M. Ivanov, qui s'est lourdement trompé sur les chiffres.

Le président. Sur vos compétences en mathématiques ?

M. Jean Burgermeister. Sur les chiffres de manière générale et par conséquent sur mes compétences, évidemment. (Remarque.)

Le président. Très bien, cela lui sera transmis. La parole va maintenant à Mme la députée Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, cette pétition émanant du Cartel intersyndical exige de préserver le droit à la retraite à 64 ans pour toutes les employées affiliées à la CPEG - un droit prévu par le comité de la CPEG en mars 2020. Nous ne débattrons pas ici de la pertinence ou non de préserver le droit à la retraite à 64 ans pour tous: nous ne pouvons pas influer sur la décision prise par le comité de la CPEG, et le Conseil d'Etat non plus ! C'est la raison pour laquelle le PDC, avec la commission des pétitions, a pris la décision de renvoyer la P 2089 au comité de la CPEG, seul compétent en la matière. Charge à la CPEG d'y répondre, ce que nous espérons qu'elle fera en tenant compte tant des droits de ses affiliés que de l'équilibre financier de la caisse. Merci.

Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les pétitionnaires sont venues vers nous avec une requête relativement simple: retourner au statu quo avant les mesures structurelles prises par la CPEG - autrement dit, réinstaurer un âge pivot à 64 ans plutôt qu'à 65. Cette demande se justifie pleinement pour deux raisons. La première est que cette mesure structurelle avait été prise dans le but d'assainir la caisse; or cette dernière a depuis été assainie. La deuxième raison est quant à elle beaucoup plus choquante. Avec la fixation d'un âge pivot à 65 ans, les femmes se voient amputer 5% de leur retraite puisqu'il est considéré qu'elles prennent une retraite anticipée lorsqu'elles arrêtent de travailler à 64 ans. Pourtant, Mesdames et Messieurs les députés, prendre sa retraite à 64 ans, ce n'est pas une anticipation mais bien un droit, qui leur est dû de par la loi, puisque les femmes ont accès à leur AVS à 64 ans. Les «inciter» à travailler jusqu'à 65 ans est totalement honteux et scandaleux. Il s'agit donc, encore une fois, d'une discrimination envers les femmes.

Pour ceux qui crieront à l'égalité des genres dans l'âge de la retraite, excusez-moi, mais quand est-ce que vous arrêterez de vous ficher de nous ? Quand les femmes seront payées réellement par un salaire égal pour des compétences égales et un poste égal, quand toutes les années non salariées pour cause de parentalité seront prises en compte, quand la double charge de travail rémunéré et domestique sera distribuée à parts égales entre les partenaires du couple, quand la fiscalité des femmes en Suisse sera plus juste, alors là, oui, on pourra discuter d'une égalité dans l'âge de la retraite. Jusque-là, arrêtez d'essayer de nous exploiter et de littéralement voler notre argent. Le groupe des Verts soutiendra par conséquent le renvoi au comité de la CPEG, organe compétent pour répondre à cette pétition, et vous invite à faire de même. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président, comme je suis un député un peu inexpérimenté et que j'ai bien écouté ce qui s'est dit hier, je m'interroge sur deux points. La première chose, c'est qu'on nous a expliqué qu'il y a eu des votes sur la CPEG et qu'il faut respecter le verdict populaire; et là, on nous propose de revenir sur ce qui a été fait. Est-ce que vous pouvez nous expliquer, à gauche - ou demander qu'on nous explique - quels sont les critères à prendre en considération pour déterminer quand il faut respecter le vote populaire sur la CPEG et quand il ne faut pas le respecter ? C'est ma première question.

Ma deuxième question est différente. J'ai cru comprendre qu'il faut désormais affilier les conseillers d'Etat à la CPEG, j'ai cru aussi comprendre qu'il faut donc maintenant mettre l'âge pivot à 64 ans. J'aimerais savoir si la candidate au Conseil d'Etat, qui dorénavant pourrait être à la CPEG, envisage d'arrêter à 64 ans ou si ces âges pivot, c'est simplement pour les autres et pas pour ceux qui les demandent. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Cette pétition pose de vrais problèmes. C'est vrai que le deuxième pilier est en soi problématique, quand on voit ce que touchent certains retraités divorcés, avec des rentes faméliques, parce qu'il ne reste plus rien. On le voit également dans les chiffres de la CPEG - publiés dans «CPEG Info» de l'année 2016: la pension moyenne pour une femme est de 2194 francs dans le plan standard et de 1565 francs dans le plan pénibilité. Pour les hommes, c'est 1000 francs de plus; il y a donc un problème, un problème structurel.

Vous savez que je ne rentre pas dans ces discours de féminisme bêlant... (Rires.) ...parce que je trouve que c'est complètement inutile. En revanche, quand il y a de véritables problématiques qui engendrent des discriminations envers les femmes, envers les hommes également, je crois qu'il faut avoir le courage de se poser des questions - de se poser les bonnes questions. Et les bonnes questions, nous pouvons les poser au comité de la CPEG, parce que c'est malheureusement un mauvais système, en tout cas pour les pensionnés, pour beaucoup de pensionnés. Quelques-uns s'en tirent bien, mais c'est une minorité puisque la grande majorité voit quand même très souvent sa situation péjorée. C'est pour ça qu'il faut faire un travail de fond dont on ne peut pas discuter en une soirée ni en fin de matinée comme aujourd'hui; nous devons véritablement donner bonne suite à ce genre de question. C'est pour ça que cette pétition est importante, même si certaines de ses considérations ne sont peut-être pas les plus pertinentes. Il faut aller dans cette direction et examiner ces questions de manière pragmatique pour le bien des résidents genevois. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Pierre Conne pour deux minutes.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, il est peut-être bon de rappeler, suite à l'intervention de notre collègue, Mme la députée Katia Leonelli, qu'il est ici question de la fonction publique et que les statuts de la fonction publique déterminent un âge de la retraite à 65 ans. Pourquoi ? Parce que ce statut est égalitaire: égalitaire concernant les droits, les devoirs et le salaire. Nous parlons bien de la caisse de retraite des employés de la fonction publique ! L'âge pivot fixé par la CPEG est de 65 ans; dès lors qu'il passerait de 65 ans à 64 ans, cela correspondrait de facto à une augmentation des prestations de la caisse. Mais, outre la question de l'augmentation des prestations de la caisse, on ne doit pas s'insurger de la situation actuelle puisque le statut du personnel correspondant prévoit aujourd'hui un âge de la retraite à 65 ans.

Admettons que la décision d'abaisser l'âge pivot des femmes à 64 ans soit prise demain. De deux choses l'une: soit les rentes baisseront, soit nous devrons augmenter encore la capitalisation de cette caisse. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le PLR vous invite, en faisant oeuvre de responsabilité, à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Une voix. Excellent, bravo.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. le député Olivier Baud pour quinze secondes.

M. Olivier Baud (EAG). Merci, Monsieur le président. A l'évidence, Mesdames et Messieurs les députés, la commission des pétitions a été induite en erreur et cette pétition, pour que ça ait un sens, doit être renvoyée au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Alessandra Oriolo pour une minute.

Mme Alessandra Oriolo (Ve). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. le député Cyril Aellen que les commentaires paternalistes n'ont pas leur place dans cet hémicycle... (Exclamation.) ...et que les tournures de phrase telles que «la députée inexpérimentée» ne sont pas des arguments valables. Je vous remercie. (Vifs applaudissements et approbations. Remarque.)

Des voix. Bravo !

M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez de manière paternaliste à vos députées... (Rires.) ...que si elles avaient lu correctement le rapport, elles s'apercevraient que renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat ou même à la CPEG ne servira strictement à rien et qu'il nous a été expliqué qu'on n'avait de toute façon pas, ou plus, la base légale pour revenir en arrière: le fait est qu'on a dû aligner tant les hommes que les femmes sur un seul âge pivot qui est de 65 ans. En outre, d'un point de vue strictement légal, la CPEG est quoi qu'il arrive totalement indépendante sur cette question: ni le Conseil d'Etat ni le Grand Conseil ne peuvent intervenir sur ce type de décision. Le... je ne sais plus comment on appelle ça... (L'orateur parcourt ses documents.) ...la direction de la CPEG - oui, c'est bien ça - nous a clairement dit qu'elle n'avait de toute façon nullement l'intention ni même la possibilité de revenir en arrière concernant cet âge pivot.

Raisonnablement, et M. Pierre Conne l'a expliqué encore mieux que moi, nous ne pouvons arriver qu'à une seule conclusion. Pour être crédibles, il convient donc de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et de ne surtout pas la renvoyer à une quelconque institution. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, la parole n'étant plus demandée, je vais d'abord vous faire voter sur la première proposition, celle de la commission, à savoir le renvoi au comité de la CPEG. Si cette requête est refusée, je ferai ensuite voter la demande de M. Olivier Baud, c'est-à-dire le renvoi au Conseil d'Etat. Si ce renvoi est refusé, nous voterons sur la demande alternative, soit le dépôt. Nous commençons donc par le vote sur le renvoi à la CPEG.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2089 au comité de la CPEG) sont adoptées par 54 oui contre 30 non. (Commentaires pendant la procédure de vote.)