Séance du
vendredi 26 mars 2021 à
8h
2e
législature -
3e
année -
10e
session -
61e
séance
P 2092-A
Débat
Le président. Nous passons aux pétitions, avec tout d'abord la P 2092-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des pétitions a traité ce texte qui demande de retarder l'heure d'ouverture des douanes de Soral I et II, mais aussi de planifier une route de contournement. Les pétitionnaires nous expliquent que suite à la fermeture des douanes au printemps 2020, à cause du covid, la commune de Soral a pu retrouver une vie tout à fait normale puisque le trafic des véhicules frontaliers a été interrompu. Avec la réouverture de cette douane, malheureusement, la vie des habitants s'est à nouveau complètement transformée et ils ont dû subir le passage quotidien - le matin et le soir - d'environ 10 000 véhicules.
Que veut cette pétition ? Elle demande deux choses. En priorité, de décaler l'heure d'ouverture des douanes de Soral I et Soral II: cela permettrait de rediriger le flux de véhicules pendulaires frontaliers sur un autre axe, vers de plus grosses douanes, et de retrouver une vie normale, un peu plus sûre entre autres sur le chemin de l'école.
Cette pétition demande aussi que le Conseil d'Etat se bouge, de manière très concrète, pour trouver une solution et mettre en place une route de contournement. Pourquoi est-ce qu'on demande que le Conseil d'Etat se bouge ? Tout simplement parce que cette problématique des véhicules frontaliers date de 1995 - je dis bien 1995 ! A l'époque, M. Cramer avait indiqué qu'il ferait le nécessaire: nous sommes en 2021 et rien n'a été fait ! Mesdames et Messieurs les députés, au nom de la majorité de la commission, je vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat afin que ce dernier fasse le nécessaire et réalise les engagements pris en 1995 de trouver une solution. La plus rapide serait de décaler l'ouverture des petites douanes de Soral I et II, ce qui permettrait aux enfants des habitants d'utiliser le chemin de l'école en toute sécurité.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition met le doigt sur un véritable problème: l'envahissement de la commune de Soral par le trafic automobile. Toutefois, les deux mesures préconisées dans cette pétition manquent leur cible. La première mesure est une route de contournement: cela ne réglerait aucunement le problème du trafic et de la charge automobile, une telle route le déplacerait seulement et les villages situés avant et après Soral se retrouveraient tout autant pénalisés. On peut même voir la construction d'une nouvelle route comme une incitation à prendre toujours plus la voiture et donc à aggraver le mal.
La pétition demande aussi la fermeture des douanes de Soral I et II, mais ce n'est pas une compétence cantonale, vous le savez: c'est l'administration fédérale des douanes qui est responsable des horaires, la pétition demande donc quelque chose qui n'est pas réaliste.
Cette pétition manque donc sa cible. Il existe pourtant selon nous d'autres solutions qui devraient être mises en oeuvre, et d'une manière urgente: le covoiturage, les transports publics renforcés, des parkings en périphérie; divers modèles qui, malheureusement, du fait de certaines difficultés ou des lenteurs du Conseil d'Etat, cela a été dit, n'ont pas encore été pleinement réalisés. La minorité vous invite donc à refuser le renvoi au Conseil d'Etat de cette pétition et à la déposer sur le bureau du Grand Conseil afin que nous ne renforcions pas l'emprise de la voiture autour du village de Soral et, indirectement, en ville de Genève aussi.
Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. Ensemble à Gauche demande le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Nous pensons aussi qu'il s'agit fondamentalement d'un problème de transports publics. L'axe de Soral est une pénétrante pour les frontaliers qui viennent à Genève et c'est effectivement problématique pour les habitants de Soral qui en souffrent; ils en souffrent depuis longtemps et de plus en plus ! Il faut tenir compte de cette souffrance et il faut trouver des solutions, mais certainement pas en repoussant le problème sur de petites routes annexes ou en favorisant encore la voiture ! Il faut prendre des décisions radicales par rapport à la voiture et il faut renforcer les transports publics. La question des douanes et de leurs horaires ne relève pas du canton, c'est une compétence fédérale. Nous demandons donc le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, cela fait des années que les habitants de Soral se battent pour obtenir une réduction du trafic dans leur village: la première pétition pour limiter le trafic dans le village et pour demander la fermeture des douanes jusqu'à 8h30 date de la fin des années 1990. La pétition qui nous est soumise aujourd'hui demande à nouveau d'agir sur les heures d'ouverture de la douane, le feu dissuasif proposé par le canton n'étant pas idéal pour le bus. A propos du bus 76 qui relie la commune à une gare - celle de La Plaine -, selon les autorités de Soral, ce bus est vide puisque rares sont les personnes qui se rendent à La Plaine depuis Soral.
Quant à la route de contournement demandée par la commune, celle-ci représente une solution qui permet de supprimer le problème en évitant de le reporter sur cinq autres villages; sa variante s'appuie sur des routes existantes et sans riverains et elle ne serait utilisée qu'aux heures de pointe. Le Conseil municipal est unanimement en faveur de cette proposition.
L'option de la route d'évitement de Soral sur des voies sans riverains et existantes semble faire sens et la proposition pour les horaires d'ouverture de la douane aussi. Le PDC appuie les habitants et autorités de la commune de Soral et le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, en soulignant l'importance de trouver des solutions pour que cette commune retrouve sa qualité de vie rapidement, à moindre coût et en attendant qu'un projet définitif de route puisse se faire - projet qui risque évidemment de prendre du temps, parce que transfrontalier.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC soutiendra bien évidemment le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je rappelle juste que cela fait bientôt une trentaine d'années que ce sujet est devant notre Grand Conseil et qu'il n'a pas beaucoup avancé. Le gouvernement avait marqué une volonté d'aller de l'avant dans ce dossier. Ça date d'à peu près 2007 ou 2008, un rapport divers du Conseil d'Etat avait été publié sur le sujet et celui-ci priorisait tous les projets de route de contournement, dont deux qui ont finalement vu le jour: les évitements de Vésenaz et de Meyrin-Village. Ces deux derniers projets ont abouti. Ne restent que Chancy, Soral et Meinier, qui sont un peu les parents pauvres de ce serpent de mer. Il convient d'aller jusqu'au bout du processus en continuant à soutenir ces petits villages qui souffrent de la circulation aux heures de pointe. Il est important d'apporter de vraies solutions à ces communes en acceptant d'une part cette pétition et en continuant à les soutenir d'autre part. Bien évidemment, le jour où, enfin, nous serons saisis des crédits d'étude et d'investissement, il conviendra de les soutenir encore !
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, le MCG votera le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Le MCG défend les habitants de Soral. En effet, le trafic frontalier est infernal et ça ne doit plus exister ! Il y a la possibilité d'avoir une route de contournement et il faut faire cette route, c'est important ! On découvre une chose assez étonnante ici, c'est que les ennemis des automobilistes genevois soutiennent les automobilistes frontaliers ! Parce qu'ils demandent le dépôt de la pétition pour que la situation reste infernale pour Soral et pour de nombreux villages. On voit ces anti-automobilistes genevois qui sont pour les automobilistes frontaliers ! C'est un vrai scandale ! Pour cette raison, je vous demande de renvoyer la pétition au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Ce n'est pas la peine de s'emporter comme ça. Monsieur Sormanni, la parole est à vous.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons évidemment soutenir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Ce qu'il y a d'assez étonnant, c'est qu'on se bat pour des restrictions dans le canton et particulièrement en ville de Genève vis-à-vis des automobilistes, mais on ne prend aucune mesure concernant ce trafic frontalier. Or, ce n'est pas le CEVA - ou Léman Express - qui a réglé le problème ! C'est aux Français de faire le nécessaire et de construire des parkings pour que les Français laissent leurs voitures de l'autre côté de la frontière et utilisent les transports publics. Ils ne le font pas, mais c'est de leur responsabilité !
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe des Verts est en faveur d'un dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Malheureusement, les habitants souffrent énormément de ce trafic motorisé et il est nécessaire de trouver des solutions: en ce sens, nous rejoignons en tous points nos préopinants socialistes et d'Ensemble à Gauche. Les routes de contournement ne sont pas la solution: il faut trouver un vrai remède au problème, non pas s'attaquer aux symptômes et transférer les externalités du trafic sur d'autres villages ! Il faut proposer des moyens de transports publics qui desservent toute la Champagne.
Les solutions proposées par la pétition ne nous conviennent pas, même s'il est vrai que les habitants en ont marre et que le Conseil d'Etat doit entendre ce cri de désespoir en le prenant comme un électrochoc pour trouver des solutions efficaces et qui ne favorisent pas le trafic motorisé individuel. Pour ce qui est des heures d'ouverture des douanes, cela n'est pas de notre ressort ! Pour ces raisons, nous voterons en faveur du dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Pierre Conne (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral-radical votera le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Celles et ceux d'entre nous qui habitent en ville ne toléreraient pas en bas de chez eux ce que nous imposons avec arrogance et mépris à ceux qui vivent dans les communes rurales. Cela fait plus de trente ans que ce problème est un serpent de mer dont personne ne veut s'occuper. Je vais vous lire les deux lignes du texte qui contiennent ce que nous proposait le Conseil d'Etat lors de son audition sur cette pétition: «La solution passe par une résolution du problème à la source en diminuant le nombre de véhicules individuels.» Circulez ! Trop ?
Une voix. Y a rien à voir !
M. Pierre Conne. Et tout est dit ? Non ! Mesdames et Messieurs les députés, ça suffit ! Il faut continuer à mettre la pression sur le Conseil d'Etat ! Certes, l'avenir n'est peut-être pas au véhicule individuel, mais il faut agir sur les deux plans. La possibilité de mettre en place des routes de contournement dans ces villages, structurellement parlant, est sans commune mesure avec les contournements de Vésenaz et de Meyrin qui ont nécessité de gros travaux, pratiquement dans des sites urbains, avec des tranchées enterrées. Là, les tracés en surface reprennent des chemins vicinaux qui ne nécessitent que des aménagements relativement simples - passez-moi l'expression ! - et tout à fait possibles. Non, il est maintenant urgent de penser à la qualité de vie de celles et ceux qui vivent dans ces communes et de faire le nécessaire pour dégager ces bouchons absolument intolérables ! En même temps, évidemment, il faut penser sur le long terme et personne ne va s'opposer à l'amélioration des transports publics et à l'augmentation du nombre de parkings d'échange.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Patrick Dimier, vous avez la parole pour une minute trente.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est le lieu de rappeler que ce trafic est causé par du transport individuel extérieur, que cette population se déplace à 92% en voiture et que plus de 90% de ces personnes sont seules à bord de ces autos. Alors on peut bien entendre la langue de bois de nos amis Verts et consorts, mais il faut reconnaître que c'est un des effets induits de l'emploi de personnes vivant hors de notre territoire, alors que nous avons à Genève largement de quoi remplir toutes les fonctions ! Vouloir contourner le problème en créant des routes, c'est contourner la solution ! La solution n'est pas de créer des routes, mais de diminuer ce trafic !
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Monsieur le président, je rappelle que 30 000 Genevois vivent en France voisine parce qu'ils ne trouvent pas à se loger à Genève. Je rappelle aussi que les hôpitaux et une partie de l'hôtellerie fonctionnent principalement avec ces Genevois qui ont dû s'expatrier en France voisine. Donc, dire comme le MCG que la gauche souhaite continuer à attirer les frontaliers est aussi méprisant pour nos concitoyens, pour les Suisses, pour les Genevois qui ont le malheur - ou le bonheur - d'avoir dû aller vivre à 30 kilomètres d'ici ou un peu moins. Ce que dit le parti socialiste, c'est que ces personnes doivent évidemment pouvoir continuer de venir rapidement et en utilisant le moyen le moins dommageable pour l'écosystème et pour les villages traversés. Pour qu'ils puissent continuer à venir, Mesdames et Messieurs, il faut simplement qu'ils bénéficient d'infrastructures de qualité: transports publics, voies cyclables pour les vélos électriques et covoiturage, par exemple. Faire une route de plus, comme le propose le MCG, est complètement contradictoire: on va ainsi attirer plus de frontaliers sans régler le problème des petits villages périurbains.
Mesdames et Messieurs, il y a une seule solution à ce problème: le report modal ! Comme l'a dit M. Dal Busco, il faut réduire le nombre de véhicules privés motorisés; il faut trouver des solutions innovantes et non pas continuer à faire toujours la même chose, des routes et des routes ! Ce serait simplement donner un mauvais signal. Pour toutes ces raisons, nous appelons à refuser ce renvoi au Conseil d'Etat et réitérons notre demande de dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Madame Magnin, c'est à vous pour vingt-trois secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. L'essentiel, c'est le temps que ça prend ! Aussi longtemps que les transports publics ne seront pas plus rapides, ça ne marchera pas ! Pour les gens, le temps, c'est la vie !
Le président. Merci, Madame la députée. Madame Katia Leonelli, vous avez la parole pour deux minutes.
Mme Katia Leonelli. Pardon, c'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. Très bien. La parole n'étant plus demandée, je vous fais voter les conclusions de la majorité de la commission, à savoir le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2092 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 41 oui contre 32 non et 1 abstention.