Séance du vendredi 5 mars 2021 à 14h
2e législature - 3e année - 9e session - 56e séance

P 2095-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour que le chemin des Crêts-de-Champel, entre la rue Albert-Gos et l'avenue Louis-Aubert, soit transformé en zone de rencontre
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.
Rapport de majorité de M. Stéphane Florey (UDC)
Rapport de minorité de M. Sylvain Thévoz (S)

Débat

Le président. Nous passons aux pétitions et commençons par la P 2095-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur de majorité Stéphane Florey, je vous donne la parole.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Suite à l'étude de cette pétition, il s'est avéré que la situation qu'elle décrivait ne correspondait pas tout à fait à la réalité des lieux, puisque les auditions successives, notamment de la police, ont démontré que ce chemin des Crêts-de-Champel était parfaitement sécurisé, qu'il disposait déjà de gendarmes couchés et que les places de stationnement étaient déjà aménagées de manière à freiner fortement la circulation dans ce quartier. Partant de ce constat, la commission a conclu qu'entrer en matière sur cette pétition n'améliorerait en rien la situation actuelle et a donc voté à une forte majorité le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Elle vous recommande bien évidemment d'en faire de même. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons été saisis d'une pétition d'habitants des Crêts-de-Champel, un quartier qui, comme vous le savez, est situé non loin de l'hôpital, avec de nombreuses écoles aux alentours et le parc Bertrand tout proche, un quartier qui en somme invite les familles à de nombreuses déambulations, à y marcher, et un quartier qui, selon les habitants qui ont déposé cette pétition, est dangereux pour leurs enfants, du fait d'une route où on roule à 40 km/h, avec des voitures parquées en épi et un trop fort trafic de transit.

Bien entendu, la minorité vous invite à soutenir ces habitants et cette pétition. Pourquoi ? Parce que l'entrée en service notamment du Léman Express a changé la donne. Si cette route pouvait être un point d'accès pour le centre-ville et l'hôpital il y a quelques années, l'entrée en service du Léman Express change désormais la donne: il est possible d'arriver à l'hôpital et au centre-ville avec d'autres moyens que la voiture. Par ailleurs, le chemin dont il est question ici est modeste et très utilisé, je l'ai dit, par des enfants et il est malheureusement dangereux. Les voitures parquées en épi sont censées ralentir le trafic, or les habitants font le constat que cela ne fonctionne pas, au contraire, cela augmente la dangerosité: les enfants se glissent entre les voitures et risquent l'accident à tout moment.

Alors, certes, la police municipale a confirmé qu'il n'y avait pas eu d'accident majeur, mais bien entendu, c'est simplement parce que les enfants ne vont pas seuls à l'école, sont sous la surveillance constante de leurs parents et donc évitent les accidents. Ça nous semble être un non-sens que de priver les enfants d'une partie de leur liberté, de leur imposer le fait de devoir être accompagnés pour aller à l'école, et ça nous semble aussi être un non-sens économique: finalement, les parents qui ne peuvent pas laisser leurs enfants aller à l'école librement doivent prendre ce temps sur leurs heures de travail ou autre et cela nuit donc également à l'économie.

Cette pétition est modérée; elle pose l'enjeu d'une valorisation de la place des piétons dans l'espace public et pose la question de l'établissement rapide de zones pacifiées et sécurisées. Vous savez que Genève est en retard sur les zones de rencontre par rapport à la Suisse allemande. Pour toutes ces raisons, et en soutien à la politique menée par M. Dal Busco consistant en l'application de la LMCE, nous proposons le renvoi au Conseil d'Etat de cette pétition et donc le refus du dépôt. Merci.

M. Christian Zaugg (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai eu le plaisir d'enseigner dans l'école qui jouxte le périmètre et d'en avoir été, pendant quelques années, le maître principal. Je connais donc bien ce secteur. Les pétitionnaires sont de mes amis et j'estime que leur demande est tout à fait justifiée. Une multitude d'enfants utilisent cet espace pour parfois jouer au ballon - il n'est pas rare de voir les ballons traverser la rue - et, malgré le stationnement en épi des voitures, je vous assure que les vitesses sont parfois totalement excessives. Lorsque j'étais maître principal de cette école, on avait demandé à la police d'établir des relevés de vitesse, et on avait mesuré des pointes de 90 km/h ! (Commentaires.) Alors si vous doutez de l'aspect de la sécurité, j'en suis un témoin vivant, puisque j'ai été, précisément, shooté par une voiture qui roulait à une vitesse excessive, et je me suis retrouvé aux HUG ! (Commentaires.) En conclusion, pour la sécurité des enfants et des personnes, je vous invite à accepter cette pétition et à la renvoyer au Conseil d'Etat, et donc à voter le rapport de minorité. Merci.

Mme Christina Meissner (PDC). Depuis le temps où mon collègue a enseigné dans cette école, je pense que quelques aménagements supplémentaires ont été faits, car avec les dos d'âne, les parkings en épi, les bacs de plantation... (Commentaires.) ...c'est quasiment une zone de rencontre - ce que demande la pétition - et je ne peux même pas imaginer qu'on puisse faire du 90 km/h avec les dos d'âne qui s'y trouvent ! Cela étant, la police a effectivement réalisé des comptages, sans constater de vitesse ni de dangerosité excessives. Par ailleurs, certes, cette pétition émane des habitants qui fréquentent ce chemin des Crêts-de-Champel, entre la rue Albert-Gos et l'avenue Louis-Aubert, mais si on fermait ce chemin à la circulation, il faut savoir que finalement ça ne ferait que reporter sur le chemin parallèle, sur les rues toutes proches, le même problème et on se retrouverait sans doute avec une autre pétition. Dès lors, le PDC considère que les autorités cantonales et communales ont fait le nécessaire, ont pacifié le lieu autant que possible et dans la mesure des circonstances de cette école, et que le dépôt de cette pétition se justifie. Merci.

Une voix. C'est juste !

M. Sandro Pistis (MCG). Concernant cette pétition, je pense que tout a été dit par le rapporteur de majorité, mais il y a quand même un élément qu'il faut retenir. Cette pétition, en réalité, invite à modifier le régime de ce passage, c'est-à-dire à supprimer la zone 30 pour instaurer un système de zone de rencontre, soit un système qui autorise les véhicules à passer à 20 km/h. En agissant de la sorte, Mesdames et Messieurs, on va tout simplement supprimer des places de parking ! Et ces places de parking sont destinées aux locataires, aux personnes qui habitent dans le quartier. C'est pour ça que cette pétition n'a pas lieu d'être.

Par ailleurs, et cela a été dit, dans ce chemin, techniquement, il est impossible de croiser à deux. Donc dire qu'il y a de la vitesse et que le passage est dangereux, ce n'est pas vrai, d'autant plus que le passage piéton est sécurisé par une patrouilleuse scolaire lorsque les enfants sortent de l'école, et, comme cela a été relevé, les auditions n'ont pas indiqué qu'il y avait plus d'accidents sur ce passage-là. Pour toutes ces raisons, le groupe MCG vous invite à ne pas soutenir cette pétition.

Présidence de M. Diego Esteban, premier vice-président

Mme Adrienne Sordet (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette pétition aborde la problématique de la vitesse des véhicules en ville et du danger que cela représente pour les piétons, qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes. Au fil des auditions, il est ressorti que cette zone ne représenterait pas de danger certain, car aucun accident en lien avec un piéton n'y a été recensé. Sous couvert de ce prétexte, la majorité de la commission a décidé de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Ma question est la suivante: faut-il attendre qu'une personne soit blessée pour prendre des mesures ? A partir de combien de morts commence-t-on à prendre des mesures ?

Des voix. Oooh ! (Commentaires.)

Mme Adrienne Sordet. La perception de la vitesse, les frayeurs qu'elle engendre et la soumission de cette pétition démontrent bien qu'il y a un problème. Le problème est qu'aujourd'hui, en 2021, le piéton est toujours le parent pauvre de la mobilité et que la voiture reste reine dans la rue, au détriment de la qualité de vie des habitants. Vous l'aurez donc compris, la majorité de la commission a de la peine à tourner la page et reste coincée dans une vision passéiste de la mobilité. Or la demande des pétitionnaires est en plus relativement conforme à la LMCE, puisque la pétition ne demande pas de supprimer le trafic, mais simplement de le ralentir. Qu'y a-t-il finalement de si terrible à ralentir, à aller plus lentement, à prendre son temps ? Il s'agit d'une question de société qu'il va falloir aborder. D'ailleurs, certaines villes en Suisse allemande ont déjà décidé de répondre à ces questions en multipliant les zones de rencontre dans les rues et, à la grande surprise de tous, ça fonctionne ! Alors, chères et chers collègues, qu'attendons-nous pour faire mieux ? Nous soutiendrons donc cette pétition et refuserons son dépôt sur le bureau du Grand Conseil. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Pour ma part, j'aimerais inviter notamment la minorité à relire la page 4 du rapport et l'audition, non pas de la police municipale, comme ça a été dit, mais du major Patrick Pulh, chef de la police routière. Il a été clair: ces six dernières années, il n'y a eu que de petits accidents, mais il s'agissait d'accidents entre automobilistes: plus des «touchettes» que de réels accidents; mais aucun n'impliquant des piétons ! Ça prouve donc bien que là-bas, il n'y a absolument pas plus de problèmes que dans un autre quartier. Par ailleurs, en bas de la page 4, vous pouvez lire qu'en plus des gendarmes couchés, en plus de tous les aménagements qui font que vous ne pouvez pas rouler vite sur ce tronçon - ça, il le confirme également -, il y a des patrouilleuses scolaires, comme dans de nombreux quartiers aux abords des écoles. Donc, les enfants en particulier peuvent se rendre à l'école en toute sécurité. Ce qui est dit là, aujourd'hui, sur cette soi-disant insécurité est totalement faux. Le but, on l'a bien compris, c'est de nouveau une mesure anti-voitures... (Remarque.) ...et finalement c'est tout ce que vous voulez: c'est définitivement supprimer la voiture, ça, on l'a bien compris, mais au moins, alors, dites-le franchement, plutôt que de tourner autour du pot ! Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Très bien !

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur François Baertschi, c'est à vous pour une minute quarante-sept.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Le CEVA - Léman Express - aurait dû, théoriquement, résoudre les problèmes de circulation du quartier. Or force est de constater que ça n'a pas été le cas. Les habitants du quartier se plaignent de la circulation automobile, malgré le CEVA ! J'ai eu l'occasion de poser des questions à ces habitants du quartier, en leur demandant: «Mais en fait, c'est quand même les frontaliers qui viennent ?» Et ils ont dû reconnaître que c'est le trafic frontalier qui vient, malgré le CEVA ! Malgré le CEVA ! Et au final, je leur ai demandé: «Mais est-ce que vous voulez supprimer le trafic automobile ?» Non, ils étaient trop contents de pouvoir circuler en voiture ! Et leur but à eux, c'est de détourner la circulation sur d'autres routes ! C'est-à-dire d'avoir des routes engorgées, d'écraser les enfants sur d'autres routes... (Commentaires.) ...de renverser des piétons sur d'autres routes ! De renverser des cyclistes sur d'autres routes ! Donc on en est là ! Je crois qu'il faut citer Bossuet, quand il dit que «Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes». (Commentaires.) On est tout à fait, ici, dans le cas de personnes qui croient régler des problèmes et qui ne font qu'empirer une situation. Alors je comprends les difficultés des gens de ce quartier, il faut leur trouver les meilleures solutions, mais de grâce, ne choisissons pas la solution du pire ! C'est pour ça que, malheureusement, il faut déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Les autorités sont conscientes du problème et nous ferons ce que nous pourrons avec ça, mais c'est vrai que la situation est impossible, aussi en raison de ces incohérences. Merci, Monsieur le président de séance.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. J'aimerais juste relever quelques contre-vérités. M. Pistis a affirmé qu'il s'agissait d'une zone 30. C'est faux: aujourd'hui, c'est une zone limitée à 40 km/h. M. Dal Busco a indiqué qu'il envisageait de réduire la limitation à 30 km/h. Toutefois, les voitures y roulent régulièrement, selon les habitants, plus vite.

Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.

M. Sylvain Thévoz. Ce n'est pas parce qu'un certain nombre de contrôles sont effectués par la police municipale ou cantonale d'une manière ponctuelle que les vitesses sont respectées, nous le savons toutes et tous.

Il est aussi faux de dire que le trafic va se reporter sur des rues adjacentes. Ce trafic se reportera sur l'avenue Louis-Aubert; c'est d'ailleurs la volonté de M. Dal Busco, exprimée à travers sa feuille de route 2021-2023 qu'il a présentée le 4 février pour mettre efficacement en oeuvre la LMCE. On ne peut que s'étonner que le PDC ne soutienne pas son magistrat sur ce plan-là, dans sa volonté d'avoir des axes forts, des axes pénétrants, et d'éviter que le trafic se déverse dans des zones d'habitations, des zones avec des écoliers et, on l'a dit, des aînés également. Bien sûr, il y a des patrouilleuses scolaires; bien sûr, il y a des dos d'âne, mais, vous le savez très bien, les patrouilleuses scolaires ne sont pas là 24 heures sur 24: il y a des fins de journée, il y a des week-ends où la dangerosité du quartier reste la même.

Il nous semble donc important d'insister quelque peu et de rappeler également que la Ville de Genève a pris une position très claire pour demander que la limitation à 30 km/h soit appliquée partout en ville, pour une raison simple: réduire le bruit routier et la pollution ainsi que renforcer la sécurité routière et améliorer le cadre de vie des habitants. Je pense qu'il faut l'entendre. Il faut entendre que la commune - que malheureusement la majorité n'a pas souhaité écouter et auditionner durant l'examen de cette pétition - a une position très claire consistant à dire: nous ne sommes pas contre la voiture, simplement... (Commentaires.) Nous ne sommes pas contre la voiture, mais il faut abaisser les vitesses, multiplier les zones de rencontre, comme c'est le cas en Suisse allemande, pour atteindre véritablement ce projet de société et de mobilité pacifiée, où chacun trouvera sa place, piétons comme cyclistes, comme automobilistes. Pour le parti socialiste, il est important d'avoir une ville où chacun peut se déplacer sereinement, sans risquer ni sa vie ni d'être heurté par un véhicule beaucoup plus lourd et beaucoup plus dangereux. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons évidemment à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole va maintenant au rapporteur de majorité, M. Stéphane Florey, sur le temps de son groupe.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. D'abord, j'aimerais dire que, tout comme les patrouilleuses scolaires, les enfants ne sont pas là non plus 24 heures sur 24. Dieu merci, l'école a des horaires beaucoup plus courts ! Et j'aimerais confirmer encore ce que disait le département à propos de la pétition: la zone 20 km/h apporterait finalement davantage de problèmes qu'elle n'en résoudrait, puisqu'il faudrait bien évidemment - et ça, c'est confirmé - réaménager, supprimer des trottoirs, supprimer des places de parc, et ce genre de choses. Cela créerait donc vraiment plus de dommages dans ce quartier. Et puis, le département le confirme également: il n'y a eu aucun accident impliquant des piétons sur ce tronçon. Donc, partant de ces constats, encore une fois, la majorité vous recommande le dépôt de cette pétition, puisque les éléments décrits dans ce texte ne correspondent en rien à la réalité du quartier. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs, je vous fais voter sur la recommandation de la majorité de la commission, à savoir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2095 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 48 oui contre 30 non.