Séance du
jeudi 4 mars 2021 à
20h30
2e
législature -
3e
année -
9e
session -
55e
séance
PL 12798-B
Premier débat
Le président. Nous enchaînons avec notre prochaine urgence, le PL... (Remarque.) Je n'ai pas bien entendu, Monsieur Zweifel...? (Rire. Remarque.) Voilà ! Nous enchaînons donc avec le PL 12798-B. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes, et je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Bertrand Buchs. A vous, Monsieur Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Ce projet de loi a été discuté lors de la dernière séance du Grand Conseil et renvoyé à la commission des affaires sociales, à la demande du Conseil d'Etat, qui souhaitait une nouvelle discussion. La commission l'a étudié durant deux séances et a rendu rapidement un rapport afin que nous puissions revenir devant vous pour en parler.
Le Conseil d'Etat, qui avait des critiques à formuler sur ce projet de loi, avait même prévu un amendement général qu'il n'a pas déposé devant la commission et qui n'a pas pu être discuté. Ce préambule montre que le projet de loi n'était pas abouti et nécessitait un remaniement complet. La majorité a décidé de refuser l'entrée en matière pour plusieurs raisons.
Premièrement, la majorité est contre le principe du prêt. Elle ne désire pas encourager le surendettement: prêter de l'argent et demander qu'on le rende, c'est encourager le surendettement. Deuxièmement, la mise en pratique de ce projet de loi semble très complexe et va probablement mobiliser de nombreuses forces et moyens à l'Hospice général. Troisièmement, le suivi du remboursement des prêts n'est pas clair. Si on part du principe qu'une personne qui ne rend pas l'argent après sept ans ne sera pas mise aux poursuites, alors il se pose la question de l'équité par rapport aux personnes qui ont fait l'effort de rembourser leur prêt. Quatrièmement, l'articulation avec le PL 12836, que nous avons voté et qui accorde un crédit de 12 millions pour les plus précaires, n'a pas été explicitée lors des auditions. Enfin, le principe de subsidiarité n'a pas été inscrit dans ce projet de loi, ce qui est pour la majorité de la commission une grande faiblesse. Pour toutes ces raisons, la majorité vous demande de refuser l'entrée en matière. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, aider les locataires en difficulté est un impératif auquel le parlement ne peut se soustraire. Accepté par la commission du logement, puis retoqué, paradoxalement, par la commission des affaires sociales, ce texte mérite mieux que le traitement dont il a fait l'objet. Les locataires eux-mêmes en difficulté méritent mieux que des partis pris idéologiques et une mauvaise compréhension de la portée de ce projet de loi ou, pire encore, une feinte incompréhension pour justifier une non-entrée en matière et une solution de pis-aller totalement inadaptée, un expédient qui ne ferait que travestir la loi 12836, récemment votée par le parlement, et qui lui imposerait un nouveau champ d'intervention au détriment de ceux auxquels elle était initialement destinée.
M. Buchs a évoqué tout à l'heure le fait que ce projet de loi ne serait pas abouti. Dans sa version initiale, il laissait effectivement à désirer sur certains aspects, mais le Conseil d'Etat, en vue des débats en commission, avait préparé une série d'amendements qui auraient permis de répondre tout à fait valablement à ces objections et de rendre ce projet de loi parfaitement adaptable et en mesure d'être mis en application extrêmement vite. Ce n'est toutefois pas cet amendement-là auquel faisait référence M. Buchs, mais un autre amendement, sur lequel des bruits ont couru en coulisses et qui n'a pas même été présenté; un amendement qui consistait finalement à renvoyer cette problématique des mises en demeure et des risques de résiliation de baux pour des locataires en difficulté dans le champ de la loi 12836, c'est-à-dire dans le domaine de la charité et non pas dans celui d'un dispositif de politique sociale.
M. Buchs a également indiqué qu'un des motifs pour lesquels il refusait ce projet de loi, c'est qu'il ne voulait pas empirer la situation des locataires en difficulté en leur consentant un prêt, mais qu'il préférait autre chose, qu'il ne définit pas. Alors finalement, c'est pour leur bien qu'on laisse des personnes confrontées au risque que peut générer une mise en demeure, c'est-à-dire une résiliation de bail et une plus grande difficulté encore à trouver un appartement, quand on est catalogué dans la catégorie des mauvais payeurs.
Ensuite, il a évoqué le fait que l'Hospice général n'aurait pas les moyens d'assumer cette charge supplémentaire. Effectivement, c'est une crainte qu'on peut avoir, mais je lui rappelle quand même que le conseiller d'Etat avait indiqué que s'il fallait des moyens supplémentaires, il serait prêt à les investir, pour que l'Hospice général puisse accomplir cette tâche.
Quant au suivi peu clair, eh bien, Mesdames et Messieurs, c'est dans le règlement d'application que les choses auraient pu se régler, si on avait véritablement voulu qu'elles puissent l'être, mais on n'a même pas donné une chance à ce projet de loi d'être explicité, d'être amélioré par les amendements qui ont été préparés par le Conseil d'Etat et de se trouver finalement à même de répondre aux besoins auxquels il doit satisfaire.
S'agissant de la question de la mise aux poursuites qui ne serait pas juste et où il y aurait une inégalité de traitement entre ceux qui rembourseraient et ceux qui ne rembourseraient pas... Mesdames et Messieurs, dans une situation de covid, un certain nombre de personnes qui sont confrontées à des difficultés majeures font bien partie de la classe moyenne; des personnes qui, jusqu'à la crise du covid, avaient une situation stable, et qui, soudain, se trouvent en difficulté, confrontées à une absence de liquidités ou de moyens suffisants pour payer leur loyer et à une mise en demeure, à un risque avéré de perdre le logement. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est de ça qu'on parle ! Pas de la population qui était visée par la loi 12836, qui, elle, répond aux besoins d'une autre catégorie de personnes et par un autre type de prestations. Ne jouons pas les naïfs ! Ne faisons pas semblant d'être naïfs en prétendant confondre ces deux choses !
Quant à la subsidiarité, effectivement, elle n'apparaissait pas dans le projet initial...
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.
Mme Jocelyne Haller. Oui, volontiers. Merci. ...et c'est bien pour ça que la rapporteuse de minorité que je suis a repris les amendements qui avaient été proposés par le Conseil d'Etat, qui introduisent cette notion dans le projet de loi. Simplement, elle a enlevé une partie qui consistait à introduire une incompatibilité entre les prestations de l'Hospice et celles de ce projet de loi, parce qu'elle n'était pas adéquate. Enfin, elle a ajouté, pour répondre aux attentes de l'UDC, en espérant que cela l'inclinerait à voter cette loi, une clause prévoyant que le prêt accordé devrait permettre de garantir la non-résiliation du bail.
Moyennant ces amendements que je vous propose d'accepter, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite réellement à voter ce projet de loi. Ne faites pas la sourde oreille à la situation des habitants de ce canton, qui ont été mis en difficulté par la situation covid ! C'est de ça qu'il s'agit ! Il s'agit de leur consentir un prêt, que ces personnes seront en mesure de rembourser dès que la situation sera rétablie. C'est pourquoi un délai relativement conséquent a été prévu pour que cela soit possible. Je vous invite donc vraiment à être à l'écoute des besoins de la population et, surtout, à ne pas vous cacher la tête dans le sable, parce que cela, la population ne vous le pardonnera pas, et vous-mêmes aurez de la peine à vous regarder dans la glace. Je vous remercie de votre attention. (Commentaires. Applaudissements.)
Mme Helena Verissimo de Freitas (S), rapporteuse de deuxième minorité. Nous vivons depuis une année une situation inédite, pendant laquelle les réponses ont été inédites: des aides nécessaires - tant fédérales que cantonales - ont été versées aux entreprises. Mais qu'a-t-on fait à l'intention des personnes qui ont vu leurs rentrées financières se réduire, mais pas leurs charges ? Dans un monde idéal, leurs charges auraient été réduites à un niveau équivalent à celui de leurs pertes de revenus, mais, malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde idéal. Par ailleurs, il n'existe aucune disposition légale obligeant les assureurs, les régisseurs ou les propriétaires à faire de tels gestes. Pourtant, la majeure partie d'entre eux auraient les reins assez solides pour prendre à leur charge quelques mois de loyer, des primes d'assurance-maladie, ou tout au moins octroyer des réductions sans contreparties.
Que fait-on alors des personnes qui ont dû fermer leur restaurant ou leur commerce ? Que fait-on de la classe moyenne inférieure ? Que fait-on pour ces personnes qui n'ont pas le droit à l'aide sociale, mais qui doivent faire face à des charges qui n'ont pas baissé contrairement à leurs revenus ? Toutes les études réalisées ces dernières années nous mettent en garde: la perte du logement est le premier pas vers la précarité. Alors que fait-on ? Est-ce qu'on prend de l'avance, en garantissant à ces personnes qu'elles peuvent garder leur logement, en leur laissant la possibilité de contracter un prêt à 0% ? La réponse est oui. Il faut à tout prix éviter le basculement d'un nouveau pan de la population vers la précarité. Mais, comme dit plus tôt, nous serions heureuses et heureux de voir des gestes de la part des régies, et pas seulement un envoi d'un courrier aux locataires les informant des différentes possibilités d'aide sociale. Ces personnes ont besoin d'une autre aide. Ces personnes n'ont pas droit à l'aide sociale. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Mme Alessandra Oriolo (Ve), rapporteuse de troisième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, à toute situation inédite, il faut une réponse inédite. Depuis bientôt une année, nous vivons une situation extrêmement particulière et beaucoup de citoyennes et citoyens se retrouvent aujourd'hui dans une situation financière difficile. Les plus précarisés peuvent accéder à l'aide sociale - même si ces aides tardent à venir -, mais une frange de la population ne rentre pas forcément dans ces barèmes et n'en est pas moins touchée. Il s'agit de la classe moyenne basse ou des petits indépendants. Ces personnes, qui ne bénéficient pas des aides sociales, peuvent tout de même avoir des difficultés à payer leur logement et pourraient donc être menacées de résiliation par leur bailleur. Nous souhaitons donc tout mettre en oeuvre pour éviter des résiliations de bail, car nous savons à quel point la perte du logement peut constituer un point de bascule vers la précarité, surtout dans une ville où il est extrêmement difficile de retrouver un logement et où les prix sont démesurés.
Ce projet de loi propose que l'Etat prête de l'argent à toutes les personnes menacées par une résiliation de bail à cause d'une baisse de revenus due à la pandémie. Ces prêts seraient remboursables sur un délai maximum de sept ans. Il me semble que le rôle de l'Etat est de ne laisser personne au bord du chemin. Ici, il s'agit simplement de prêts, ce qui n'endommagerait pas les finances de l'Etat à long terme, mais nous éviterait les conséquences d'une augmentation de la précarité si des mesures ne sont pas prises maintenant.
On pourrait s'attendre à ce que les députés siégeant à la commission des affaires sociales soient plus sensibles que nos collègues de la commission du logement à toute problématique sociale touchant à la précarité de nos habitantes. Mais figurez-vous, Mesdames les députées, Messieurs les députés, que c'est l'exact contraire qui s'est produit ! La droite de cette commission a jugé que le fait que l'Etat puisse prêter temporairement de l'argent à la classe moyenne n'était pas une solution adéquate. L'argument de la droite consistait à dire que ce projet de loi ne visait pas son problème à la source, à savoir les bailleurs. Il est vrai qu'idéalement, il faudrait que ce soient les bailleurs et les régies qui fassent un effort et proposent des réductions de loyer ou des possibilités d'échelonnement des paiements, voire des prêts. Cependant, nous avons observé qu'à quelques exceptions près, cela n'avait pas été fait. En attendant une solution pérenne, des citoyennes et des citoyens se retrouvent en difficulté financière avec le risque de perdre leur logement. Pouvons-nous donc simplement nous servir de cet argument et ne rien faire ? Non, Mesdames et Messieurs les députés ! Que répondrons-nous à nos concitoyennes et concitoyens qui n'auront pas été aidés et qui seront laissés pour compte dans cette gestion de crise ? Qu'aura fait ce parlement ?
Pour toutes ces raisons, je vous invite à accepter ce projet de loi pour aider nos concitoyennes en ces temps de crise et à appliquer l'article 38 de la constitution genevoise qui garantit le droit au logement. Quant aux amendements redéposés par la rapportrice de première minorité, les Vertes les soutiendront bien entendu. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour la majorité, ce projet de loi ne répond pas à l'objectif annoncé. Ce projet prévoit un prêt pouvant atteindre la somme de neuf mois de loyer et un remboursement dans un délai de sept ans. Les modalités de remboursement ne sont pas réalistes et cette approche ne favorise rien d'autre qu'un surendettement des bénéficiaires. De plus, et surtout, ce projet rate sa cible: en cas de non-paiement d'un loyer, la mise en demeure et la résiliation du bail sont une question d'un mois, éventuellement de deux mois.
Je souhaitais déposer deux amendements pour recadrer l'objectif. Ils permettaient, premièrement, de donner un délai de deux mois aux locataires défaillants pour réagir; deuxièmement, d'éviter le surendettement avec un prêt limité; troisièmement, d'avoir un mode de remboursement réaliste. Toute personne victime du covid et qui a été empêchée, voire à qui on a interdit de travailler a droit à une aide. Mais celle-ci doit correspondre à la réalité d'une situation et à un préjudice.
Avec ce projet de loi, il est question d'arroser; en endettant encore plus des locataires déjà défaillants, ce texte enfoncerait encore plus ces éventuels bénéficiaires. Vu que mes amendements n'ont pas reçu de soutien auprès d'autres groupes, l'UDC refusera cet objet. Merci de votre attention.
M. Alberto Velasco (S). Je trouve que la conclusion du rapport de majorité, Monsieur le président - vous transmettrez -, est d'un cynisme incroyable. Le rapport de majorité nous dit que, premièrement, ils sont contre ce principe et ne désirent pas encourager le surendettement. Mais je tiens à rappeler que nous avions déposé un premier projet de loi qui, lui, proposait un prêt non remboursable. Et ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, a été refusé par la majorité de la commission du logement. C'est à la suite de ce refus qu'on a déposé ce projet de loi, où on a converti ce prêt non remboursable en un prêt à rembourser en sept ans.
Ensuite, vous parlez de surendettement. Mais vous savez, à Berne, le droit du bail, c'est vous qui le faites ! Vous êtes majoritaires, Mesdames et Messieurs ! Si vous ne voulez pas qu'il y ait de surendettement, vous n'avez qu'à changer les lois à Berne, où vous avez une grande représentation, Messieurs de l'UDC, Messieurs du PLR, Messieurs du PDC, hein ? Vous n'avez qu'à demander à vos collègues de Berne de modifier le droit du bail, afin que justement les locataires ne soient pas soumis à un tel stress ! Mais vous ne le faites pas ! Vous parlez comme si vous n'étiez pas représentés à Berne ! Comme si vous n'y étiez pas majoritaires ! Mais vous êtes majoritaires à Berne, et c'est là qu'on fait le droit du bail, Mesdames et Messieurs ! C'est là que vous pouvez changer les choses ! Et vous dites ici: «Oui, mais on ne veut pas que les locataires s'endettent !» Mais que c'est gentil ! Ça nous fait pleurer ! Ça nous fait pleurer ! Et après, qu'est-ce qu'ils nous disent ? Ils disent: «Mais ils n'ont qu'à aller à Caritas, puisqu'on a donné de l'argent à Caritas !» Et c'est vrai que ce Grand Conseil a fait voter des millions et des millions pour la charité ! Mais, Mesdames et Messieurs, la république, c'est le droit, ce n'est pas la charité. Vous êtes en train de transformer la République et canton de Genève en un parlement de charité ! Et vous demandez à la personne, un Genevois, avec ses droits, un citoyen, d'aller s'adresser à une entité privée, caritative, afin qu'elle l'aide à payer son loyer ! Mais c'est l'Etat qui doit dire que dans une situation aussi difficile, parce que vous êtes un petit entrepreneur, que vous avez un actif immobilier et qu'effectivement, l'Hospice ne peut pas vous aider, l'Etat est là pour vous aider à vous en sortir. Et on nous dit: «Oui, mais on ne veut pas que les gens s'endettent !» Alors que, pendant toute l'année, vous ne faites rien pour, par exemple, ceux et celles qui s'achètent un logement et qui s'endettent, pas pour une année, mais qui s'endettent pour trente ans et qui des fois ne peuvent même pas payer leur loyer et se retrouvent en faillite. Là, vous ne faites rien ! Et vous ne faites rien non plus pour les gens qui tombent en faillite, parce que malheureusement leur commerce a périclité. C'est pour ça que, vous voyez, je trouve que la réponse donnée à ce projet de loi est d'un cynisme invraisemblable.
Mais enfin, Monsieur le président, on ne va pas s'arrêter là, quand même ! Parce qu'il y a le peuple ! Il y a le peuple ! Nous avons essayé, avec les milieux locataires, de proposer ce projet de loi, en négociation. Cela n'a pas été entendu. Depuis mars, nous nous sommes adressés au Conseil d'Etat, et il ne nous a pas répondu - depuis mars l'année passée ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je regrette que M. Poggia ait fait tout son possible pour que ce projet de loi ne sorte pas. C'est dommage, parce qu'il est au Conseil d'Etat, lui aussi. Et donc, eu égard au fait que vous ne nous entendez pas, nous avons dû déposer ce projet de loi. C'est cela, la raison, parce que vous ne nous avez pas entendus ! Parce que vous n'avez pas entendu les locataires. C'est vrai qu'on a fait quelque chose pour les locataires commerciaux. Mais on n'a rien fait, Mesdames et Messieurs, pour les locataires tout court. Rien fait depuis une année ! Rien fait...
Le président. Merci, Monsieur le député, il vous faut terminer. Il vous reste cinq secondes.
M. Alberto Velasco. Alors, Monsieur le président - si vous permettez, je finis là -, nous allons, avec l'ASLOCA, lancer une initiative, afin que cela soit inscrit dans la loi...
Le président. Merci.
M. Alberto Velasco. ...par le peuple et non plus seulement par le parlement. (Applaudissements.)
Mme Ana Roch (MCG). Nous sommes tous d'accord sur le fait que ce que nous traversons est difficile et provoque des situations inédites. Mais, sans répéter les différents arguments du rapporteur de majorité, endetter des personnes qui sont déjà en difficulté nous semble être une hérésie. Cela a d'ailleurs été relevé par une commissaire de gauche: lorsqu'une personne est déjà en difficulté, la dernière chose qu'on lui propose, c'est de s'endetter. Nous pensons aussi qu'il y a d'autres options à mettre en place ou à évaluer avant que l'Etat ne se substitue et ne paie directement des loyers ou endette encore plus sa population. Pour toutes ces raisons soulignées par les différents opposants à ce projet, le MCG ne le soutiendra pas. Merci.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Que demande ce PL 12798 ? Qu'une aide soit apportée aux personnes au bénéfice d'un bail à loyer en bonne et due forme, à la condition qu'elles aient du mal à s'acquitter de leur loyer en raison du covid-19, et uniquement pour cette raison.
Les auditions qui ont été menées par la commission du logement et auxquelles la commission des affaires sociales a eu recours dans le cadre de ses travaux ont fait apparaître deux catégories de population de locataires. La première est au bénéfice d'un bail, c'est donc elle qui est concernée par ce projet de loi. Cette population, si elle rencontre des difficultés pour payer son loyer, a des possibilités de conciliation avec la régie ou avec différents organismes... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Madame Kämpfen. Plusieurs députés sont demandés à la buvette, on vient de m'en informer. (Rires.) Madame Sapin, Monsieur Cuendet, Monsieur de Senarclens, Madame Barbier-Mueller, Monsieur Sormanni également, vous pouvez tous aller à la buvette ! Pour que Mme Kämpfen puisse parler dans cette assemblée ! Madame Kämpfen, vous pouvez continuer.
Mme Véronique Kämpfen. Merci, Monsieur le président. Comme je disais, la première population de locataires est au bénéfice d'un bail et c'est donc elle qui est concernée par ce projet de loi. Cette population, si elle rencontre des difficultés pour payer son loyer, a des possibilités de conciliation avec la régie ou avec différents organismes d'aide qui sont présents lors de la procédure devant le Tribunal des baux et loyers. Les procédures, avant d'en arriver à une expulsion, sont longues, pouvant aller jusqu'à trois ans. Au plus fort du covid, au printemps 2020, les délais pour payer son loyer ont été allongés par décision du Conseil fédéral jusqu'à nonante jours, au lieu de trente jours. Le Conseil d'Etat, de son côté, a interdit les expulsions au printemps-été 2020 et a prolongé cette interdiction jusqu'à fin mars 2021. Les mesures proposées par ce projet de loi, qui suppose la mise en place de tout un service étatique, avec un accompagnement social pendant sept ans, sans réel contrôle de la raison qui a mené au non-paiement du loyer, semblent disproportionnées.
La deuxième catégorie de locataires est celle de personnes qui ne bénéficient pas d'un bail de location ou de sous-location officiel et qui se trouvent en effet sans marge de négociation ou de discussion en cas de non-paiement de loyer. Ce sont donc elles qui ont vraiment besoin d'aide en cas de difficulté de paiement, mais elles ne sont pas concernées par ce PL 12798, puisque celui-ci vise expressément les personnes au bénéfice d'un bail. En revanche, ces personnes précarisées peuvent s'adresser, en effet, aux associations caritatives comme la Croix-Rouge genevoise, Caritas ou le Centre social protestant, auxquelles un montant de 12 millions de francs a été octroyé par notre parlement à la fin de l'année passée par le biais du PL 12836, dont le but est justement d'aider au paiement du loyer. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe PLR vous invite à rejeter ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole échoit à M. le député Thierry Cerutti pour trois minutes.
M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est intéressant d'entendre notre camarade socialiste Alberto Velasco reprocher à la droite du Parlement fédéral de ne rien faire concernant le droit du bail. Il a soulevé un point intéressant en demandant: que fait le Conseil d'Etat dans le cadre de la crise covid pour lutter contre la précarité ? Il me semble, Mesdames et Messieurs les députés, que nous avons toutes et tous - en tout cas presque toutes et tous - pris nos responsabilités dans le cadre de cette crise. Je prends l'exemple de Mme Nathalie Fontanet, la ministre des finances, chargée du département de l'économie: elle a pris ses responsabilités, elle a déposé des projets, vous les avez votés, et les entreprises, les commerçants, les établissements hôteliers et les restaurants, les petites PME vous en remercient. Quid au niveau social ? Je m'interroge: il me semble que le conseiller d'Etat chargé des questions sociales est un socialiste ! Il n'est ni PLR, ni PDC, ni UDC, encore moins MCG. Ce qui signifie que, Monsieur Velasco, vous devriez demander à votre magistrat: qu'a-t-il fait pour les locataires en période covid ? Qu'a-t-il fait pour ces locataires qui peinent justement à régler leur loyer, après que les régies ont bien naturellement pris dans les réserves constituées par les loyers qu'elles demandent à toutes et tous les locataires de payer en avance - entre trois et six mois ? Qu'est-ce qu'il a fait ? Ben, il n'a rien fait ! Il a juste déposé un projet pour aider les sans-papiers, les personnes travaillant au noir, les gens en situation irrégulière, et ça, nous le dénonçons, et nous le combattrons toujours. Voilà pourquoi le MCG ne soutiendra pas ce projet. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à Mme la députée Jocelyne Haller pour deux minutes vingt-cinq.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, soyons sérieux ! S'il y a véritablement une volonté de ne pas détériorer la situation des personnes en leur consentant un prêt, qu'est-ce que cela signifie ? Que nous préférons voir leur bail résilié ! C'est bien ça ! Nous préférons les voir perdre leur logement ! Quant à l'absence de suivi individuel dont parlait M. Pfeffer, c'est bien ce qu'apportaient les amendements du Conseil d'Etat: c'est un accompagnement, pour précisément définir les modalités de remboursement en fonction de la capacité de remboursement de ces personnes. Donc dire aujourd'hui qu'il n'y avait rien à ce sujet, c'est n'avoir pas entendu ce qui nous a été dit en commission.
Et puis, si le refus de ce projet de loi que d'aucuns s'apprêtent à voter veut dire qu'ils ont l'intention de charger les associations caritatives de ce travail - parce que c'est en substance ce que d'aucuns ont exprimé pendant les travaux de la commission -, permettez-moi quand même de vous rappeler une chose: le caritatif ne peut pas être le fourre-tout des politiques publiques ! Il ne peut pas être le paravent de politiques publiques lacunaires ! Et je vous rappelle en outre que les associations caritatives, qui étaient déjà submergées avant la crise covid, qui travaillaient à flux tendu, ont clairement indiqué qu'elles étaient prêtes à assumer la mise en oeuvre de la loi 12723 - qui est soumise à référendum, et nous aurons la décision du souverain ce dimanche -, qu'elles étaient prêtes à mettre en oeuvre la loi 12836, mais qu'elles ne pouvaient pas aller au-delà de ça ! Vous ne pouvez pas les étrangler ! Vous ne pouvez pas les mettre dans l'impossibilité de remplir leur mission en les chargeant de nouvelles tâches ! Rappelez-vous-en quand vous voterez tout à l'heure ! Soyez cohérents ! N'assommez pas ces institutions ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, on essaie, à travers ce texte, de nous repousser vers le projet de loi voté par notre parlement au mois de décembre, le PL 12836, qui ne s'applique en fait pas à cette catégorie de population. Il est clair que le projet de loi initial proposé par le parti socialiste comportait un certain nombre de faiblesses, ce que nous ne contestons pas. Nous sommes totalement prêts à améliorer ce projet de loi et nous étions prêts à l'améliorer aussi à la commission des affaires sociales. Le président avait d'ailleurs prévu une séance «open-ended», au cours de laquelle nous étions prêts à discuter de l'ensemble des amendements, mais il se trouve que ceux-ci n'ont pas pu être pris en considération, parce que l'entrée en matière n'a pas été votée.
Le pari que j'aimerais vous proposer ce soir, c'est de voter l'entrée en matière de ce projet de loi, de rediscuter des amendements proposés par le Conseil d'Etat et repris par la rapporteure de première minorité, Mme Haller, et ensuite, quand nous les aurons votés - ou non -, vous verrez bien si vous souhaitez voter ce projet de loi ou non. Je vous recommande donc très vivement d'accepter au moins l'entrée en matière, de façon à ce que nous puissions discuter des divers amendements proposés. Je vous remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. J'ai été parfois étonné par les propos qui ont été tenus contre la majorité. On est d'accord qu'il y a une majorité et une minorité, chacun se respecte. Ce n'est pas parce que nous avons émis notre avis que nous sommes des gens qui ne font travailler que la charité et que nous nous moquons des gens qui ont besoin de l'aide de l'Etat. Je m'oppose absolument à cette idée. Je pense que si la majorité a décidé que ce projet de loi n'était pas bon et qu'elle l'a refusé, c'est pour des raisons de fonctionnement du projet de loi. Ce qui est important, c'est que ce qu'on vote soit utile immédiatement aux gens qui en ont besoin, et ce projet de loi n'a aucune utilité immédiate: il est compliqué à faire fonctionner, notamment avec l'Hospice général, on ne sait pas comment il va être réalisé sur le long terme, et même le Conseil d'Etat était d'accord là-dessus, puisqu'il avait préparé un amendement général que le parti socialiste n'a pas voulu déposer et soutenir. Cela montre qu'il y avait déjà un problème au niveau de la gauche avec ce texte.
Donc, partant du principe qu'il n'est pas bon et qu'il faut autre chose, arrêtez de nous parler de cette histoire de charité, parce que cela devient injurieux de dire que quand on pense aux gens, qu'on agit rapidement, qu'on donne des moyens tout de suite, que ces moyens sont utilisés dans le mois qui suit et qu'on discute avec les associations sur le terrain pour le faire... Et toutes les associations sur le terrain sont venues nous remercier de l'avoir fait; elles sont venues nous dire qu'elles étaient très, très contentes d'avoir cette possibilité. Et là, nous pouvons agir pour les gens qui ont besoin de l'argent immédiatement et nous l'avons fait. Ce parlement l'a fait, avec une majorité s'agissant de la clause d'urgence, parce que le PDC a aussi eu l'intelligence d'aller discuter avec d'autres partis de droite pour obtenir une majorité. C'est comme ça qu'on avance, pas en creusant des tranchées pour opposer la droite et la gauche. Sur ce sujet-là, la droite n'a rien à se reprocher. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce que nous pouvons retenir de la gestion de la crise, c'est la nécessité absolue de multiplier les possibilités de soutien aux personnes comme aux entreprises. Votre Conseil a régulièrement adopté les propositions qui émanaient de vos bancs ainsi que celles du Conseil d'Etat, et nous vous en remercions. La question des locataires a été effectivement peu traitée. Les locataires d'habitations font face à des risques particuliers dans le cadre de cette crise, notamment en raison du fait que, trente jours après un non-paiement de loyer, les conséquences sont dramatiques pour les personnes concernées.
Si le Conseil d'Etat a soutenu le renvoi en commission, c'est qu'il avait confiance dans la cohérence des commissions qui traitent des différents projets de lois. A cette époque, en effet, la commission du logement avait majoritairement soutenu ce projet de loi et le Conseil d'Etat était soucieux de sa mise en oeuvre - une mise en oeuvre rapide et efficace étant à ses yeux un élément essentiel du soutien aux locataires d'habitations. Or effectivement, la fidélité de l'Alternative a été au rendez-vous, la fidélité du PDC et du PLR a été au rendez-vous contre le projet de loi. Mais il y a un parti qui, entre la commission du logement et la commission des affaires sociales, a décidé de refaire le fond, c'est-à-dire de l'accepter à la commission du logement, puis de le refuser à la commission des affaires sociales. Voilà une incohérence qui péjore aujourd'hui la situation de celles et ceux qui proposent des solutions à cette population qui - cela a été dit, et j'aimerais le souligner - n'a pas l'habitude de fréquenter l'aide sociale, car elle a suffisamment de possibilités à disposition s'agissant de la recherche de moyens, ce qui n'est pas le cas d'une autre partie de la population.
Le département de la cohésion sociale, le département du territoire, l'ASLOCA, l'USPI et la CGI ont décidé aujourd'hui de communiquer sur une première mesure d'urgence, consistant à informer les locataires en défaut de paiement des possibilités de réaction d'abord, puis de soutien. Je me réjouis de ce partenariat qu'il était important de lancer. D'autres éléments sont en préparation sur le même sujet, mais votre Conseil a l'habitude de multiplier les sources de solutions, ce que ce projet de loi vous invite à faire ce soir.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
Mme Jocelyne Haller. Je demande le vote nominal, Monsieur le président !
Le président. Mme Haller demande le vote nominal. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes: ce vote se fera donc à l'appel nominal. (Remarque. Rires.)
Mis aux voix, le projet de loi 12798 est rejeté en premier débat par 55 non contre 37 oui et 1 abstention (vote nominal).