Séance du
vendredi 29 janvier 2021 à
18h
2e
législature -
3e
année -
8e
session -
53e
séance
La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de M. François Lefort, président.
Assiste à la séance: Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Mauro Poggia, Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Delphine Bachmann, Jacques Béné, Eric Leyvraz, Cyril Mizrahi, Pierre Nicollier, Jean-Charles Rielle, Ana Roch, Alexandre de Senarclens, Adrienne Sordet, Salika Wenger et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Joëlle Fiss, Jean-Charles Lathion, Badia Luthi, Eliane Michaud Ansermet, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti, Esther Schaufelberger et Francisco Valentin.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux sur les objets liés PL 12261-A, PL 12076-A et R 838-A. Je rappelle que tous les rapporteurs se sont exprimés hier soir. Voici leur temps de parole restant: M. Jean Rossiaud parlera sur le temps du groupe, M. Pierre Vanek également, M. André Pfeffer dispose encore de quarante-six secondes, Mme Danièle Magnin de trois minutes vingt et Mme Céline Zuber-Roy de deux minutes cinquante-neuf. Etaient inscrits hier soir, dans l'ordre...
Une voix. On n'entend rien !
Une autre voix. Chut !
Le président. Etaient inscrits hier soir... Vous entendez, là ? Etaient inscrits hier soir, dans l'ordre: M. Guinchard, M. Mettan et M. Baertschi. Je donne la parole à M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, hier, les rapporteurs sur les deux textes de lois ont largement décrit le contexte et expliqué que le premier projet présenté par le Conseil d'Etat tout comme le second déposé par un député constituent des lois d'application de notre constitution, laquelle a institué le principe de protection des donneurs d'alerte. Dès lors, je ne reviendrai pas sur l'ensemble des arguments exposés et je me contenterai de concentrer le débat sur deux éléments qui ont particulièrement occupé la commission législative, à savoir la protection nécessaire à accorder aux lanceurs d'alerte d'une part, l'anonymat qui leur est garanti ou non d'autre part.
Les commissaires, cela a été rappelé, ont consacré un temps considérable à l'examen de ces deux objets comme de la résolution. Ainsi que vous l'avez compris, c'est finalement le PL 12261 du Conseil d'Etat qui a remporté l'adhésion de la majorité. Cette adhésion est due en particulier à la suppression de l'anonymat assuré aux lanceurs d'alerte, c'est ce qui a finalement fait pencher la balance. Un lanceur d'alerte, c'est évident, doit être strictement protégé afin que son activité sur sa place de travail ne soit pas péjorée et qu'il ne subisse ni harcèlement ni discrimination de la part de ses collègues ou de sa hiérarchie. Il en va de son épanouissement personnel et professionnel, mais aussi de son équilibre psychologique.
Cela étant, à mon avis, ces facteurs doivent également être pris en compte s'agissant de la personne dénoncée. Nous avons peu ou prou tous connaissance de situations dans lesquelles un responsable hiérarchique, un cadre, un collaborateur a fait l'objet d'une dénonciation anonyme; s'ensuit alors toute une procédure qui peut durer de longs mois pendant lesquels cette personne, qui n'a peut-être commis aucun acte illicite dans l'exercice de sa fonction, se retrouve clouée au pilori avec les conséquences majeures que cela implique sur son bien-être et sa santé physique et psychique. Ces circonstances existent et sont susceptibles d'aboutir à la destruction de la personnalité du collaborateur ou du cadre mis en cause, et ce de façon anonyme et injuste. Un tel cas n'est pas plus acceptable que celui du lanceur d'alerte qui se trouverait soumis à des pressions insupportables de la part de sa hiérarchie en raison de son signalement.
De surcroît, la suppression de l'anonymat permet de responsabiliser davantage le dénonciateur, cela l'oblige à vérifier ses sources afin qu'il soit sûr des faits qu'il dénonce et qu'il assume ses responsabilités, par exemple s'il n'a pas été très consciencieux dans son appréciation de la situation qui lui paraissait illicite. Reste toutefois que cet anonymat est maintenu pour les plaintes auprès de la Cour des comptes. Certes, une dizaine de dénonciations anonymes seulement ont été enregistrées par les magistrats que nous avons auditionnés contre une moyenne de 70 à 80 dénonciations dûment signées; elles constituent donc une part minoritaire. Cela étant, nous ne pouvons pas prendre la responsabilité ni le risque de gâcher la vie professionnelle, familiale et sociale d'une personne dénoncée injustement et de façon anonyme. C'est dans ce sens-là que va la résolution qui a été traitée en parallèle aux deux projets de lois qui vous sont soumis ce soir.
Au nom du groupe démocrate-chrétien, je vous incite à rejoindre la majorité de la commission en acceptant le PL 12261 du Conseil d'Etat, en refusant le PL 12076 et en adoptant la R 838 visant à supprimer l'anonymat dans les procédures de la Cour des comptes; enfin, nous vous demandons de soutenir l'amendement présenté par le PLR, le PDC et le MCG à l'article 5, alinéa 1, du premier projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole va au député indépendant Guy Mettan pour trois minutes au maximum.
M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Je serai bref, car beaucoup de choses ont déjà été dites. Personnellement, j'approuverai le projet de loi du Conseil d'Etat qui, même s'il n'est pas tout à fait satisfaisant, a quand même le mérite d'inscrire la protection des donneurs d'alerte dans notre corpus législatif, et c'est un progrès qu'il faut saluer.
J'aimerais revenir en deux mots sur la question de l'anonymat. En ce qui me concerne, je ne comprends pas toute cette polémique ou, disons, les craintes autour des signalements anonymes, parce qu'il existe déjà des dispositions légales sur la protection des sources: ce principe s'applique par exemple à la pratique du journalisme, est reconnu par les tribunaux et les autorités, représente une sorte d'équivalence à l'anonymat, à savoir que les sources qui s'adressent à des journalistes sont protégées, ne sont pas rendues publiques. Par analogie, on pourrait tout à fait appliquer cette norme aux donneurs d'alerte, l'anonymat me paraît constituer une bonne garantie.
C'est la raison pour laquelle je voterai le projet de loi, et comme je souhaite également que la protection de l'anonymat des lanceurs d'alerte y soit inscrite, j'accepterai les amendements qui vont dans ce sens, en espérant qu'on arrivera à trouver un consensus. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG, suite à un large débat, a considéré qu'il est essentiel de protéger les lanceurs d'alerte et donc de leur permettre de rester anonymes. Au sein de notre formation, certains ont exprimé la crainte que cet anonymat soit utilisé à mauvais escient, mais au final, nous avons jugé qu'il sert l'intérêt public. Récemment encore, des donneurs d'alerte ont été pénalisés parce que leur anonymat n'a pas été respecté, et ce n'est pas tolérable. Les lanceurs d'alerte sont la garantie que notre démocratie fonctionne, ils représentent une arme contre la corruption d'Etat, ils permettent d'éviter la loi du silence autour de graves dysfonctionnements dans l'administration.
C'est pourquoi nous soutenons le principe d'un projet de loi. Nous avons à choisir entre un texte présenté par des députés et un autre par le Conseil d'Etat, pour lequel nous avons déposé un amendement afin de protéger les lanceurs d'alerte par la possibilité de l'anonymat, et nous vous demandons de l'accepter, Mesdames et Messieurs. En ce qui concerne le texte de loi présenté par les députés, nous nous abstiendrons.
La résolution, quant à elle, exprime une crainte, compréhensible à l'origine, mais qui a perdu de sa pertinence vu les explications fournies par la Cour des comptes. En effet, ce qui est mis en cause est un dispositif technique qui offre l'anonymat aux lanceurs d'alerte face à des tiers, mais la Cour des comptes a toujours la possibilité de les identifier. Ainsi, la délation gratuite n'est pas possible. Nous nous abstiendrons également sur cette proposition. Pour le groupe MCG, le bon fonctionnement de nos institutions passe par une protection efficace des lanceurs d'alerte.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Je salue les déclarations du représentant du MCG ainsi que de Guy Mettan. En effet, l'anonymat constitue la pratique qu'il faut adopter aujourd'hui si on veut une politique efficace qui prenne en compte les témoignages livrés par des gens en position subordonnée, des employés, des faibles qu'il s'agit de protéger. C'est une évidence largement partagée, et ce n'est pas Pierre Vanek d'Ensemble à Gauche qui le dit, c'est le directeur du Contrôle fédéral des finances, qui n'est pas soupçonnable d'avoir quelque accointance avec l'extrême gauche, qui a indiqué en commission attacher une grande importance non seulement à la confidentialité, mais surtout à l'anonymat des lanceurs d'alerte. C'est selon lui nécessaire pour que le système fonctionne, pour que ceux-ci soient protégés et ne se retiennent pas, le cas échéant, de signaler des problèmes dans les services ou les lieux où ils travaillent. Il a insisté sur ce point, et j'ai mis en annexe à mon rapport de minorité un article de ce monsieur, je vais arrêter de le paraphraser, lisez-le, cela tombe sous le sens.
L'obsession du PLR pour l'anonymat, à tout le moins de sa branche libérale, était déjà palpable lors de débats à ce sujet il y a très longtemps, mais ce sont des discussions d'un autre temps ! De nos jours, les lanceurs d'alerte doivent être protégés: la constitution a introduit cette obligation et il nous faut mettre en oeuvre cette disposition qui correspond à la réalité actuelle. A l'époque, dans l'autre temps dont je parle, les donneurs d'alerte étaient vilipendés et pointés du doigt comme des délateurs et des gens méprisables; on sait maintenant que ce n'est pas le cas et que, de toute façon, le problème ne vient pas de la dénonciation elle-même, mais de ce que l'on en fait et des procédures mises en place pour traiter et vérifier des allégations qui peuvent être justes ou fausses, mais qui méritent en tout cas d'être prises en compte.
C'est très important, Mesdames et Messieurs, et c'est la raison pour laquelle j'ai concentré mon rapport de minorité sur une proposition d'amendement à l'article 5, alinéa 1, qui prévoit que le signalement peut être anonyme et que l'identité du lanceur d'alerte est confidentielle; ce n'est pas une obligation, c'est une possibilité, le lanceur d'alerte a le droit d'effectuer un signalement sous le couvert de l'anonymat. Le MCG a rejoint ce point de vue et présente un amendement qui n'est pas identique lettre pour lettre, mais qui a le même contenu; je m'en félicite, je voterai l'un, je voterai l'autre, et nous accepterons ensemble, je pense, le projet de loi muni de cette disposition nécessaire. Merci, Mesdames et Messieurs, pour votre écoute. (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet (PLR). En préambule, je tiens à remercier la rapporteure de minorité Céline Zuber-Roy pour son excellent rapport, lequel met en lumière les quelques tensions qui sont nées au sein de la commission législative, mais qui ont pu être dépassées par la volonté de compromis dont a su faire preuve sa majorité - du moins jusqu'à aujourd'hui. Sans revenir sur les différents aspects du projet de loi qui ont déjà été amplement présentés, je salue le travail sérieux de la commission qui a procédé à de très nombreuses auditions afin de concrétiser la mission qui lui a été confiée par notre constitution cantonale. Comme mes préopinants, je m'attacherai uniquement au sujet qui a sans doute le plus cristallisé les fronts, celui de l'anonymat que certains voudraient autoriser pour les lanceurs d'alerte.
Je dois dire que j'ai été frappé par certaines auditions où on assistait à une véritable apologie de la délation anonyme, jusqu'à la nausée; j'ai aussi été surpris par le fait que peu d'intervenants se préoccupaient du sort des personnes visées par les lanceurs d'alerte qui, comme l'a souligné mon remarquable préopinant Guinchard, peuvent voir leur vie et leur carrière professionnelle détruites, ainsi que celles de leur famille. J'aimerais rebondir sur une déclaration de mon brillant collègue Pierre Vanek - vous transmettrez, Monsieur le président - qui soutient que notre position est celle du passé. Eh bien penchons-nous un peu sur ce passé ! Dans cette optique, je me fonderai sur un auteur - membre du parti des Verts, au demeurant - qui a déjà été cité par mon excellente consoeur Danièle Magnin, à savoir M. Florian Irminger, ancien membre de l'Assemblée constituante, qui a publié un article intitulé «De la protection des lanceurs d'alerte à la collaboration avec la délation anonyme».
Je me permets d'en lire un extrait: «L'anonymat encourage la dénonciation simple, grivoise, sans suites pour la personne qui accuse. Partant, la protection de l'anonymat crée un risque d'abus et de délation. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, de par le monde, les régimes les plus répressifs ont encouragé la délation anonyme et ont protégé les délateurs, des indicateurs au service du régime. La crainte d'une dénonciation du voisin est ce qui permet la survie du régime. L'anonyme qui pointe la porte de ses voisins supposés juifs, c'est celle ou celui utilisé par les nazis. Il en fut de même pour le ministère de la sécurité d'Etat en République démocratique allemande, qui sans anonymes n'aurait pas pu imposer son contrôle sur la société. La délation anonyme d'activités supposées communistes a alimenté le maccarthysme aux Etats-Unis.» Dans sa conclusion, Florian Irminger ajoute: «Les sociétés qui ont compté sur l'anonymat l'ont fait pour répandre des rumeurs, pour s'assurer que chacune et chacun se sente libre de dénoncer le voisin pour son supposé comportement, son appartenance politique ou son origine, pour se faciliter la traque. A l'issue de cette contribution, nous alertons sur l'évolution de nos sociétés: en 2006, en Europe, on considérait que notre histoire devrait nous éloigner de l'anonymat comme mode de fonctionnement normal, mais en 2019, l'anonymat s'est banalisé, s'impose, est même bienvenu, alors que dans une Europe où grandissent les mouvances populistes, nous devons nous protéger face à la possibilité d'une société à connotation totalitaire, dans laquelle on collabore avec la délation.»
Le regretté Michel Halpérin aurait pu faire siens ces propos, lui qui s'est élevé durant toute sa carrière professionnelle et politique contre la délation anonyme. Ses convictions profondes étaient partagées par la majorité de notre parlement, qui a adopté une loi interdisant la délation anonyme en matière administrative, et ont conduit au dépôt par notre groupe de la R 838. En effet, l'anonymat rendu possible à la Cour des comptes constitue une anomalie au regard de ces valeurs républicaines. La Cour des comptes, rappelons-le, n'est pas un organe infaillible: vous vous souviendrez d'une période peu glorieuse où les conflits s'y réglaient à coup de seaux d'eau entre magistrats !
A la commission législative, les représentants du PLR ont fait une entorse à leurs principes en acceptant le maintien de cette scorie dans le but d'atteindre un compromis sur l'ensemble de la loi, mais il doit être clairement dit aujourd'hui que toute velléité de réintroduction d'une dénonciation anonyme plus étendue par le biais d'amendements au texte sorti des travaux conduira immanquablement notre groupe à refuser l'ensemble du projet, voire à lancer un référendum s'il devait être accepté. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à rejeter l'amendement du MCG visant à réintroduire l'anonymat et à approuver celui de Mme Céline Zuber-Roy et consorts. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Diego Esteban (S). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi du Conseil d'Etat tel qu'amendé en commission est un début. Un début de concrétisation d'un mandat constitutionnel en place depuis six ans, mais qui n'avait encore jamais été mis en oeuvre. Un début de protection pour les lanceurs d'alerte dans ce canton, que nous aurions souhaité voir accrue, mais qui représente néanmoins une avancée par rapport à la situation actuelle. Le texte est complet, et bien qu'il demeure perfectible, le groupe socialiste le préfère en l'état à celui de l'UDC, même si on doit reconnaître à celui-ci la vertu d'avoir enfin su faire bouger les choses. De son côté, le PL 12261 a encore du chemin à parcourir pour atteindre le niveau de protection préconisé par la loi fédérale sur l'égalité et les recommandations de l'Organisation internationale du travail en matière de licenciement antisyndical, et c'est la raison pour laquelle sa mise en oeuvre nécessitera un suivi minutieux de notre part.
Au final, c'est bel et bien la question de l'anonymat qui décidera du sort de ce projet. Pour rappel, l'enjeu n'est pas né d'une épidémie de délation à Genève, mais de la découverte par le Conseil d'Etat, un peu par hasard, des pratiques de la Cour des comptes en la matière depuis 2007. On parle ici d'une boîte de messagerie anonymisée qui permet un échange entre la Cour des comptes et les lanceurs d'alerte à l'aide d'un protocole de vérification des allégations. Or ce mécanisme, loin de constituer une genevoiserie, est conforme aux normes ISSAI et est notamment pratiqué aux CFF, au Contrôle fédéral des finances, à la Banque mondiale ou encore au FMI. Contrairement à ce qui a été affirmé, notamment en commission, un signalement anonyme ne donne nullement droit pour ses auteurs à un audit de la Cour des comptes.
De plus, le projet de loi 12261 ne protège pas n'importe quel lanceur d'alerte, mais seulement celui qui agit de bonne foi, pour la sauvegarde de l'intérêt général, de manière licite, etc. C'en est déjà trop pour la minorité de la commission qui semble visiblement oublier l'enthousiasme avec lequel le Conseil d'Etat procède au licenciement des lanceurs d'alerte dans l'administration, même dans des cas où la dénonciation en question correspondait à un réel dysfonctionnement et où la confidentialité était garantie. La confidentialité ne suffit pas pour assurer la protection des lanceurs d'alerte de bonne foi.
A cet égard, mentionnons l'avis de droit du professeur Flückiger qui figure en annexe au rapport; il est amusant de constater que le Conseil d'Etat avait demandé cet avis dans le but de démontrer que la pratique de la Cour des comptes, qui permet de recevoir des plaintes anonymes, est illégale. Mais, sans surprise, l'avis de droit conclut à l'extrême opposé ! Si la Cour des comptes, chargée d'assurer un contrôle indépendant et autonome des entités publiques, reçoit un signalement démontrant que ces organes enfreignent la loi ou l'intérêt public, il serait non seulement absurde qu'elle doive l'ignorer au motif qu'il serait anonyme, mais également illicite. En effet, selon le professeur Flückiger, interdire la prise en considération d'un signalement anonyme, comme le proposent la minorité de la commission et le Conseil d'Etat, est susceptible de violer l'interdiction de l'arbitraire.
Le groupe socialiste souhaite que Genève se dote dès ce soir d'un dispositif capable d'offrir une protection minimale aux lanceurs d'alerte de bonne foi, et non un simulacre de protection. Afin d'atteindre ce but, il vous appelle à soutenir l'amendement du rapporteur de minorité Pierre Vanek à l'article 5, alinéa 1, cas échéant celui de MM. Dimier et Baertschi, et à refuser tous les autres amendements à cette disposition; enfin, il vous invite à rejeter la proposition de résolution 838. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). Je dois avouer que je trouve ce débat absolument passionnant, étant le premier signataire du projet de loi 12076, ayant personnellement participé aux travaux de la Constituante durant quatre ans et ayant comme deuxième signataire M. Mizrahi, également constituant pendant quatre ans. C'est absolument passionnant, Messieurs les députés ! En fait, le PL 12076, que la commission a mis tant d'entrain à prétériter au profit du texte du Conseil d'Etat, n'est que l'expression stricte du droit fédéral attribuant une compétence à un organisme indépendant. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans la plupart des cantons, mais certainement que Genève, connaissant tellement peu d'affaires, préfère un projet prévoyant que le donneur d'alerte doit respecter la voie hiérarchique. Rien que ce mot-là devrait ouvrir les yeux de tout le monde quant à la protection que le texte que vous vous apprêtez à voter avec enthousiasme va apporter aux lanceurs d'alerte de la République et canton de Genève.
J'ai entendu des propos qui m'ont choqué; pourquoi ? Parce qu'en tant que petit-fils du colonel de Bonneval, résistant, déporté au camp de concentration de Mauthausen pendant deux ans, entendre M. Cuendet expliquer que le projet de loi 12076 aurait un quelconque rapport avec cela me semble totalement choquant, totalement déplacé. (Applaudissements.) Dans la mesure où, malheureusement, certains événements ont entaché l'histoire suisse, par exemple la vente par le fils du général Guisan, tout de même reconnu comme le grand héros helvétique, de baraquements démontables pour 23 millions qu'on a retrouvés à Berlin et dans les camps de concentration nazis, je pense qu'un minimum de modestie s'impose ici ! (Applaudissements.)
En aucun cas il n'est possible, Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi du Conseil d'Etat, projet qui n'a été présenté que pour réagir au dépôt du PL 12076; avant cela, le gouvernement ne se préoccupait nullement de protéger les donneurs d'alerte ni de mettre en application les normes constitutionnelles. Prenez le texte que vous voulez tant voter, lisez-le, observez à quel point le trajet d'un lanceur d'alerte est fléché: il doit passer par le point a, le point b, le point c, le point d... Mais quel fonctionnaire va seulement accepter un jour de suivre ce procédé où il sera traçable d'un bout à l'autre ? C'est absolument honteux ! La Cour des comptes est un organe indépendant, c'est le meilleur réceptacle, elle est équipée en la matière.
Par ailleurs, quand est-ce que la commission législative a ne serait-ce que tenté de demander un audit du groupe de confiance, lequel bénéficie pourtant d'un véritable plébiscite dans le projet de loi du Conseil d'Etat ? Vous ne pouvez pas adopter ce texte en l'état, c'est un camouflet: un camouflet à la fonction publique, un camouflet aux donneurs d'alerte, une honte pour notre canton qui présente aujourd'hui le plus grand nombre d'affaires de toute la Suisse ! Messieurs les députés, le groupe UDC continuera à soutenir envers et contre tous le PL 12076 qui est le seul à apporter un quelconque soutien, une quelconque protection aux lanceurs d'alerte; nous n'accepterons jamais le camouflet proposé par le Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). Confier au Conseil d'Etat la haute main sur ce projet, c'est transformer mère-grand en loup. Je remercie notre collègue Cuendet - vous transmettrez, Monsieur le président - de nous avoir rappelé qu'un temps, la Cour des comptes a voulu se changer en garde des sceaux - c'est juste une question d'orthographe.
Comment peut-on - comment peut-on ? - ne pas se préoccuper des lanceurs d'alerte alors que le texte constitutionnel est clair ? L'idée, ici, c'est d'assurer la protection du donneur d'alerte, alerte qui reste confidentielle. A mon avis, il est des situations où la sauvegarde de la personne passe par l'anonymat. La Cour des comptes constitue à cet égard le meilleur réceptacle, parce que ce n'est pas l'employeur. On se rend compte que même à l'action sociale, les marchands de clopes peuvent être générateurs de fumée, puisqu'il n'y a pas de fumée sans feu, et on doit s'assurer que ce qui est dénoncé à l'administration soit correctement instruit... (Un instant s'écoule. L'orateur regarde M. Thierry Cerutti, qui ne porte pas son masque.) Excusez-moi, Monsieur le président, mais mon voisin...
Le président. Monsieur Cerutti, s'il vous plaît, votre collègue se plaint ! (M. Thierry Cerutti remet son masque.) Poursuivez, Monsieur Dimier.
M. Patrick Dimier. Merci, Monsieur le président. Nous sommes ici au coeur de l'intégrité de l'action publique, et si des collaborateurs, comme le dit le texte constitutionnel, après avoir suivi scrupuleusement la hiérarchie ainsi que toutes les étapes intermédiaires, doivent au final procéder à une dénonciation, c'est qu'on est face à un déraillement sévère de l'institution.
Notre devoir de législateur est d'une part de veiller à ce que la fonction publique agisse bel et bien dans le sens de l'intérêt public, d'autre part de protéger celui qui, dans l'intérêt général - j'insiste: dans l'intérêt général ! - dénonce des dysfonctionnements. Pour conclure, il ne suffit pas de protéger le lanceur d'alerte, même si le lanceur est alerte. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole revient à M. Alberto Velasco pour deux minutes trente.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est éminemment important, et je peux vous dire, moi qui ai participé à une sous-commission d'enquête de la CCG sur l'office des poursuites, que ce sont précisément les donneurs d'alerte qui nous ont permis d'aller au fond du problème et de voir où il y avait des dysfonctionnements, parce qu'on nageait tant la question était complexe.
Or ces personnes ont été congédiées, elles ont tout simplement été congédiées ! Deux ans de procédure ! Deux ans de procédure et des vies détruites, parce qu'il faut aussi penser aux familles. Certaines d'entre elles m'ont dit: «Vous savez, Monsieur Velasco, je croyais qu'en venant à votre commission d'enquête, je serais protégé, c'est pour cela que je vous ai parlé à coeur ouvert.» Même notre commission n'a pas pu offrir une protection à ces fonctionnaires. Ainsi, Mesdames et Messieurs, eu égard à ce qu'on a vécu, à ce que ces gens ont vécu... Parce qu'ils souffrent toujours ! Savez-vous ce que ça signifie, deux ans de procédure sans salaire ? Tout ça parce qu'ils ont dénoncé des pratiques ! D'ailleurs, l'une de ces plaintes a été transmise au procureur il y a quatre ans, et on attend toujours de savoir ce qu'il en est.
Mesdames et Messieurs, il faut aujourd'hui voter ce projet de loi, même si je peux comprendre les appréhensions du groupe libéral quant à la délation; mais écoutez, la délation, quand elle agit dans le sens de l'intérêt public auprès d'une entité comme la Cour des comptes, qui sait très bien faire la différence entre ce qui est et ce qui n'est pas acceptable... Nous l'avons fait, nous, à la commission de contrôle de gestion, quand nous avons reçu des alertes qui ne nous semblaient pas correspondre à la réalité. Je vous le dis, Mesdames et Messieurs: si vous voulez que la CCG et ses sous-commissions puissent auditionner des gens et leur garantir la possibilité de l'anonymat, il faut accepter ce projet de loi sans réserve. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de majorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, tout a été dit sur la question de la confidentialité et de l'anonymat. J'aimerais simplement ajouter que le canton de Genève doit être fier d'avoir une constitution qui lui demande de protéger les lanceurs d'alerte. Le travail que nous avons réalisé en commission était conséquent, et je pense que nous devons concrétiser cette loi aujourd'hui.
La confidentialité est importante, c'est à l'institution de la garantir; mais le lanceur d'alerte lui-même, pour être correctement protégé, doit pouvoir rester anonyme tout au long de la procédure, comme l'ont démontré la Cour des comptes, le procureur et l'ensemble des experts que nous avons entendus en commission. Dès lors, je vous remercie de voter l'amendement de M. Vanek ou celui de MM. Baertschi et Dimier pour le MCG.
Le président. Merci. Monsieur Vanek, c'est à vous pour deux minutes cinquante.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste intervenir sur un point: Edouard Cuendet a constamment matraqué son histoire de délation anonyme en disant: «La délation anonyme, ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne va pas !» Mais la délation, Monsieur Cuendet, est une dénonciation inspirée par des motifs méprisables, honteux, qui contredisent l'intérêt public, qui visent à servir l'intérêt personnel; soutenir que toute dénonciation anonyme est inspirée par des motifs méprisables, c'est condamner l'ensemble des lanceurs d'alerte que nous avons vocation et mandat constitutionnel à protéger ! C'est ça qui ne va pas !
Certes, parmi tous les signalements, il peut se trouver des choses qu'il ne faudra pas retenir, mais c'est le travail des organes qui reçoivent ces plaintes de séparer le bon grain de l'ivraie. Il est inadmissible de venir dans cette salle qualifier tous les donneurs d'alerte de délateurs ! C'est une pensée d'un autre temps, c'est une pensée avec laquelle il faut rompre.
De ce point de vue là, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter mon amendement sur cette question, et je voterai par ailleurs, s'il n'est pas accepté, celui du MCG, il n'y a aucune différence entre les deux. Il faut juste être clair: il existe un droit à la dénonciation anonyme pour préserver le faible, à savoir la personne qui dénonce, et nous avons pour mission de protéger le faible contre le fort - Monsieur le président, ce n'est pas une attaque personnelle ! (Applaudissements. Rires.)
Le président. Bravo, vous avez fait mieux que M. Dimier ! (Rires.) La parole est maintenant à M. le député Murat-Julian Alder pour cinquante-six secondes.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais rappeler que le texte constitutionnel parle de lanceurs d'alerte de bonne foi qui agissent dans l'intérêt général, c'est-à-dire qu'un motif altruiste est requis. Dans ces conditions, la confidentialité suffit amplement, l'anonymat est tout à fait excessif. J'ajoute encore que Florian Irminger n'est pas n'importe quel Vert, n'est pas n'importe quel ancien constituant, c'est l'actuel secrétaire général des Verts suisses.
Pour terminer, Mesdames et Messieurs, je signale que l'anonymat n'existe pas dans les procédures pénales et que la seule chose que vous allez faire avec vos plateformes de lancement d'alertes, c'est encourager non seulement la délation, mais aussi la diffamation et la calomnie. Or, en tant qu'individus, nous avons tous le droit d'être protégés dans notre honneur contre des atteintes de ce type, et la moindre des choses, lorsque l'on profère des accusations à l'endroit d'un tiers, c'est d'être confronté à la personne que l'on dénonce tandis que celle-ci a le droit d'être entendue et confrontée à son accusateur. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie et je cède la parole à M. Bertrand Buchs pour une minute cinquante-quatre.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais il y a un exemple pratique que j'aimerais citer ici. Le Conseil d'Etat propose un projet de loi pour défendre les lanceurs d'alerte, mais quand on pense au débat que nous avons mené hier sur le rapport concernant le service de chirurgie cardiovasculaire des HUG, où on a entendu un conseiller d'Etat tenir des propos inadmissibles sur la personne ayant alerté la commission de contrôle de gestion, eh bien je me fais beaucoup de souci quant à la validité de ce projet de loi et j'émets des doutes quant à la réelle volonté du gouvernement de protéger les donneurs d'alerte. Il me semble que si on veut préserver ces gens, anonymat ou pas, il faut absolument qu'ils puissent s'adresser à un organisme indépendant de l'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de majorité. J'aimerais juste répondre aux propos sur le secrétaire général des Verts. Evidemment, ce texte est sorti de son contexte. M. Irminger est secrétaire général des Verts depuis peu de temps, il peut penser ce qu'il pense, je ne connais pas son opinion aujourd'hui. Ce qui est sûr, c'est que partout en Europe, les discussions sur les lanceurs d'alerte se fondent toujours sur la question de l'anonymat.
Je répète une dernière fois que confidentialité et anonymat ne se recoupent pas: la confidentialité relève de la responsabilité de l'institution, l'anonymat est le droit dont une personne peut bénéficier pour dénoncer des faits qu'elle juge susceptibles de la mettre en danger. Il faut vraiment faire la différence entre ces deux principes. Je pense que nous devons préserver les lanceurs d'alerte et donc leur garantir l'anonymat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le PL 12261 que vous allez très certainement voter tout à l'heure est un projet de loi très important pour le Conseil d'Etat. C'est un projet de loi important, parce que contrairement à ce que certains pensent, le gouvernement ne saurait accepter de dysfonctionnements ou de comportements graves au sein de l'administration. C'est un projet de loi nécessaire, car il renforce de manière significative et sur plusieurs plans la protection des lanceurs d'alerte: il permet un signalement plus précoce des comportements illégaux, préserve les donneurs d'alerte à proprement parler - j'y reviendrai - et son champ d'application est large, puisqu'il englobe aussi le personnel des administrations communales et du grand Etat.
Toutefois, et c'était l'essentiel du débat d'hier soir et d'aujourd'hui, il reste un point sur lequel le gouvernement n'est pas d'accord avec le projet de loi tel qu'issu des travaux de commission, c'est, vous l'aurez compris, la question de l'anonymat, et vous aurez tout à l'heure l'occasion de vous prononcer sur un amendement du Conseil d'Etat à ce propos. Certes, il est capital que les lanceurs d'alerte ne subissent pas de représailles, et c'est pour cela que la confidentialité doit leur être garantie; mais la confidentialité, cela vient d'être rappelé également, n'est pas l'anonymat, et c'est la meilleure protection dont le lanceur d'alerte puisse bénéficier afin d'éviter toute forme de représailles.
M. Mettan m'a presque ôté les mots de la bouche ou alors il avait lu ce que j'avais déclaré dans la presse, je ne sais, en opérant une comparaison avec les journalistes: en effet, très souvent, les journalistes ont des sources qui souhaitent ne pas divulguer leur nom, mais les journalistes les connaissent. Croyez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que les personnes qui livrent des documents confidentiels oseraient les donner à la presse si la confidentialité ne les protégeait pas réellement, notamment s'il pouvait leur être pénalement reproché d'avoir livré de telles données ?
La confidentialité, le Conseil d'Etat en est persuadé, constitue la meilleure protection pour les donneurs d'alerte. Et si le gouvernement s'oppose à l'anonymat, c'est parce que de la dénonciation anonyme à la délation, il n'y a souvent qu'un pas. Permettre l'anonymat, c'est permettre la possibilité que les dénonciations soient calomnieuses. Certains d'entre vous semblaient agacés par le rappel de périodes sombres de l'histoire ou la mention de régimes totalitaires qui font de la délation, notamment anonyme, un instrument de maintien en place des régimes; ces députés nous rappelaient que nous vivons dans une société démocratique. Or c'est précisément parce que nous vivons dans une démocratie, dans un Etat de droit, que la protection des lanceurs d'alerte peut être garantie par la confidentialité.
Et puis détrompez-vous: la jalousie, le désir de vengeance ou la lâcheté ne sont ni d'un seul lieu ni d'un seul temps; on les retrouve malheureusement dans toutes les sociétés et à toutes les époques, car depuis qu'il y a des hommes et du pouvoir, il y a toujours des hommes et des femmes pour dénoncer leurs semblables aux autorités. On le voit bien d'ailleurs en ces temps de covid où partout, dans nos pays, on a assisté à une augmentation des dénonciations, certains n'hésitant pas à montrer du doigt leurs voisins qui n'auraient pas respecté telle ou telle règle sanitaire. Ce printemps, d'ailleurs, «Le Monde» consacrait pratiquement tout un numéro à cette question en titrant: «Avec le coronavirus, le retour des corbeaux».
Monsieur Bläsi, vous avez qualifié le projet de loi du Conseil d'Etat de camouflet, disant que c'est une honte de défendre un tel texte; hier, Monsieur Vanek, vous avez jugé déplacé que le Conseil d'Etat s'oppose à l'anonymat. J'imagine que vos mots ont dépassé votre pensée, Messieurs, car il n'est jamais honteux ou déplacé de défendre des principes éthiques essentiels. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je soumets à vos votes l'entrée en matière sur le PL 12261-A. (Commentaires.)
Une voix. Vote nominal !
Une autre voix. Vote nominal, gnagnagna !
Une autre voix. Vote anonyme ! (Rires.)
Mis aux voix, le projet de loi 12261 est adopté en premier débat par 85 oui contre 8 non et 1 abstention.
Le président. J'ai entendu une proposition de vote nominal, était-ce une blague ? (Commentaires.) Bon, très bien.
Deuxième débat (PL 12261-A)
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Une voix. Vote nominal ! (Protestations.)
Le président. S'agit-il d'une vraie demande ? Sur l'entier du projet de loi ou sur l'article 1 ? (Commentaires.) Je n'ai pas entendu la réponse.
M. Pierre Vanek. Sur le premier amendement qui sera mis aux voix !
Le président. Sur le premier amendement qui sera mis aux voix, d'accord. Etes-vous suivi ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est le cas, nous procéderons donc au vote nominal sur le premier amendement.
Mis aux voix, l'art. 1 est adopté, de même que les art. 2 à 4.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Pierre Vanek qui figure à la page 431 du rapport:
«Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le signalement peut être anonyme et l'identité du lanceur d'alerte est confidentielle.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 58 oui contre 34 non et 3 abstentions (vote nominal).
Le président. Cet amendement ayant été accepté, toutes les autres propositions concernant l'alinéa 1 de l'article 5 tombent. Nous poursuivons avec une autre demande d'amendement qui provient du Conseil d'Etat:
«Art. 5, al. 6 (nouveau)
6 L'entité saisie d'un signalement concernant des comportements visés à l'article 97, alinéa 1, de la loi sur l'administration des communes, du 13 avril 1984, le transmet au département chargé des affaires communales. Ce dernier respecte les obligations de protection du lanceur d'alerte découlant de la présente loi.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 61 non contre 30 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 5 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 6 est adopté, de même que l'art. 7.
Le président. Voici un nouvel amendement du gouvernement:
«Art. 8, al. 2, 2e phrase (nouvelle)
2 ... La procédure prévue en matière de protection de la personnalité est applicable.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 88 oui contre 7 non et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 8 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 9 est adopté, de même que les art. 10 et 11.
Le président. Le Conseil d'Etat nous soumet une autre proposition d'amendement. Elle concerne l'article 12 (souligné), alinéa 1, qui modifie la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux, du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). En voici la teneur:
«Art. 12 (souligné), al. 1
Art. 2C, al. 2, 2e phrase (nouvelle teneur)
2 ... Il est rattaché administrativement à la chancellerie d'Etat.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 73 oui contre 19 non et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 2C (nouveau) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 11, lettre e (nouvelle), est adopté, de même que l'art. 33, al. 3 (nouveau).
Mis aux voix, l'art. 12 (souligné) est adopté.
Troisième débat (PL 12261-A)
Le président. De nouveaux amendements nous sont parvenus... (Un instant s'écoule. Commentaires.) Un peu de patience, Mesdames et Messieurs, nous sommes en train de classer les documents. (Un instant s'écoule.) Voilà, nous avons deux propositions de modifications à traiter, l'une du Conseil d'Etat, l'autre de Mme Céline Zuber-Roy et consorts. Je lis la première:
«Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le signalement n'est pas anonyme et l'identité du lanceur d'alerte est confidentielle.»
Et voici la seconde:
«Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le signalement n'est pas anonyme, excepté en ce qui concerne la Cour des comptes, et l'identité du lanceur d'alerte est confidentielle.»
Je mets d'abord aux voix l'amendement du Conseil d'Etat.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 33 oui et 4 abstentions.
Le président. Ensuite, nous votons...
Mme Céline Zuber-Roy. Monsieur le président, je ne peux pas prendre la parole ? (Commentaires.) Pourquoi je ne pourrais pas, j'ai le droit de m'exprimer, non ?
Le président. Allez-y, Madame Zuber-Roy, vous avez trois minutes.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de première minorité. Merci, Monsieur le président. Nous avons déposé un nouvel amendement qui a pour but de revenir au compromis tel que trouvé en commission. En effet, la commission a accompli un travail considérable qui a mené à un accord permettant de rassembler largement. Je ne vais pas revenir sur le débat de fond - pour ou contre l'anonymat, est-ce positif ou négatif - parce que c'est vraiment une question de principe, chacun a son avis et nous avons déjà eu de longues discussions à ce sujet hier et aujourd'hui.
Cela étant, ce projet de loi est important et mérite une vaste adhésion. Il va sans doute passer ce soir: l'UDC a dit qu'elle ne le voterait pas et l'Entente sera contre, mais pour quelques voix d'écart, vous aurez probablement une majorité, Mesdames et Messieurs, toutefois pas très large. Ensuite, comme annoncé, nous lancerons un référendum, et actuellement, il suffit d'annoncer un référendum pour que les délais soient suspendus à cause de la crise covid, ce qui repoussera l'entrée en vigueur de quelques mois. Nous pensons que l'accord trouvé consistant à maintenir la situation actuelle pour la Cour des comptes et l'administration est une bonne solution et nous vous invitons à revenir au résultat des travaux de commission.
On a entendu au cours du débat que la Cour des comptes pouvait traiter les affaires avec recul, qu'elle ne lançait pas automatiquement un audit, mais on ne nous a pas dit comment l'ensemble de l'administration, le groupe de confiance, les communes et les différents groupes qui seront appelés à recevoir des dénonciations anonymes les traiteraient et avec quel recul. Voilà ce que vous êtes en train de voter en étendant à toute l'administration et au niveau communal le traitement des signalements anonymes.
C'est un pas supplémentaire qui n'est pas nécessaire, il est suffisant de garder la Cour des comptes: si vraiment quelqu'un n'a pas confiance en la protection offerte par l'Etat grâce à la confidentialité, il pourra passer par la Cour des comptes de façon anonyme. Là, on ouvre la boîte de Pandore et on affaiblit ce projet de loi. Je vous invite à revenir au résultat des travaux de commission. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame. Monsieur Pierre Vanek, c'est à vous pour une minute.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Rapidement, Monsieur le président, cet appel à revenir au «bon compromis», entre guillemets, voté en commission, est surprenant, un peu cynique et carrément déraisonnable ! Ce «bon compromis» a été remis en cause par le Conseil d'Etat qui a maintenu son attaque jusqu'au dernier moment, donc le Conseil d'Etat n'estime pas qu'il s'agit d'un bon compromis.
Quant au PLR, il combat ce prétendu bon compromis par la proposition de résolution 838... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...qui dit non à la délation anonyme, reprenant encore une fois ce terme injurieux pour tous les lanceurs d'alerte ! Ça ne va pas, c'est de la mauvaise foi absolue ! Il y a eu une majorité et une minorité...
Le président. Merci, c'est terminé.
M. Pierre Vanek. ...et j'invite les députés à confirmer la majorité qui s'est exprimée dans ce parlement plutôt que de faire marche arrière.
Le président. La parole est à M. Bertrand Buchs pour une minute dix.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi à la commission de contrôle de gestion... (Rires.) Vous pouvez rire, mais on voit bien que personne n'est d'accord alors qu'il s'agit d'une loi essentielle, une loi qui, comme l'a dit Mme Zuber-Roy, doit être votée par la grande majorité de notre parlement. Or la seule commission à être en contact avec des lanceurs d'alerte, c'est celle de contrôle de gestion, c'est la seule à disposer de connaissances pratiques pour gérer les donneurs d'alerte, et je pense qu'on va gagner à retourner à la commission de contrôle de gestion pour régler cette question d'anonymat et de confidentialité. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Seuls les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer. M. Rossiaud, pour commencer.
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de majorité. Non, pas de renvoi en commission pour les Verts ! Nous avons discuté ce projet de loi pendant plus de deux ans à la commission législative, laquelle est parfaitement compétente en la matière. Je siège moi-même à la commission de contrôle de gestion et je peux vous dire que celle-ci n'apportera rien de plus aux travaux déjà effectués. C'est un sujet qui divise, on l'a vu, parce qu'il s'agit d'une question de principe: veut-on instaurer à la fois la confidentialité pour l'institution et l'anonymat pour les individus qui doivent être protégés ? Les choses sont claires, il ne sert à rien de tenter des mesures dilatoires comme l'amendement de Mme Zuber-Roy ou la proposition de M. Buchs. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. M. Buchs a dit, pour justifier sa proposition de renvoi en commission, que personne n'était d'accord et qu'il fallait renvoyer le projet à la commission de contrôle de gestion, changeant par-dessus le marché de commission, faisant fi de tout le travail important mené à la commission législative ! Ce n'est pas raisonnable et je me rallie bien entendu à l'avis du rapporteur de majorité: il faut dire non à ce renvoi en commission.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Notre groupe est favorable à un renvoi à la commission de contrôle de gestion. Je rappelle ici que l'entier du projet de loi a été remodelé en commission. Soutenir que tout le monde est d'accord, c'est une plaisanterie. Merci.
Le président. Je vous remercie. Madame la conseillère d'Etat ? (Remarque.) Vous ne prenez pas la parole, d'accord.
Mme Céline Zuber-Roy. Monsieur le président, je suis navrée, mais je suis aussi rapporteure !
Le président. Pas sur ce projet de loi. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi à la commission de contrôle de gestion: c'est le moment de voter.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les projets de lois 12261 et 12076 et la proposition de résolution 838 à la commission de contrôle de gestion est rejeté par 52 non contre 43 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Je laisse la parole à M. Thomas Bläsi.
M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Le groupe UDC refusera l'amendement du PLR. Le PLR n'est pas vraiment identifié comme le récipiendaire des donneurs d'alerte, l'UDC oui, et nous n'acceptons absolument pas cette digression du PLR. Merci, Monsieur le président.
Le président. Je vous remercie. Madame Céline Zuber-Roy, il n'y a plus de temps de parole. Monsieur Jean Rossiaud, vous avez la parole pour... Ah non, vous n'avez plus de temps non plus. Madame la présidente du Conseil d'Etat, à vous la parole.
Mme Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Très rapidement, Mesdames et Messieurs les députés, qui peut le plus peut le moins. Le Conseil d'Etat vous invite bien entendu à accepter cet amendement.
Le président. Très bien. Pour que tout le monde sache bien de quoi il est question, Mesdames et Messieurs, je vous lis encore une fois l'amendement de Mme Céline Zuber-Roy:
«Art. 5, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le signalement n'est pas anonyme, excepté en ce qui concerne la Cour des comptes, et l'identité du lanceur d'alerte est confidentielle.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 36 oui et 2 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Mise aux voix, la loi 12261 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 41 non et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Il nous reste à nous prononcer sur les deux derniers objets.
Mis aux voix, le projet de loi 12076 est rejeté en premier débat par 56 non contre 6 oui et 32 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de résolution 838 est rejetée par 49 non contre 33 oui et 13 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous poursuivons avec le PL 12284-A qui est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. Jean-Marc Guinchard, à qui je passe la parole.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le traitement du projet de loi 12284 et l'audition de l'Association des communes genevoises ont mis en avant deux problèmes qui, au final, se sont révélés des obstacles incontournables.
En premier lieu, il y a le fait de modifier une loi cantonale, la LIAF, dont l'application et les conséquences n'impliquent en principe que le canton, à l'exclusion des communes. La disposition proposée imposerait aux communes genevoises, pourtant non concernées, une obligation nouvelle et non constitutionnelle particulièrement difficile à appliquer dans les faits. Certes, celles-ci n'ont que peu de compétences, contrairement à la situation prévalant dans les autres cantons, mais faut-il réellement les soumettre à une nouvelle obligation alors que l'audition de l'ACG a clairement démontré qu'elles étaient opposées à ce texte ? A cet égard, la majorité de la commission a estimé que la situation du canton et de la Ville de Genève ne devait pas forcément constituer la seule référence en matière de servitudes ou d'avantages pour les élus.
Le second écueil est plus politique: le PS ayant refusé d'étendre l'interdiction des cadeaux aux députés dans le cadre du projet de loi visant à les limiter pour les conseillers d'Etat, comment justifier cette différence de traitement ? Selon la gauche de notre Grand Conseil, cette position serait légitimée par le fait que les conseillers d'Etat sont des professionnels tandis que les députés, eux, sont des miliciens. Or cet argument ne résiste pas à une analyse critique: un député dispose d'un certain pouvoir, limité certes, mais non négligeable compte tenu des groupes de pression qu'il représente à droite, au centre ou à gauche de notre parlement.
De plus, toujours selon l'ACG, les dons visés par ce projet représentent des montants financiers modestes, peu susceptibles de corrompre des députés, conseillers administratifs ou municipaux: ces derniers sont généralement invités à assister à des spectacles culturels ou à des manifestations sportives que leur statut d'élus locaux leur impose parfois de fréquenter afin de créer ou d'entretenir des contacts de proximité avec les sociétés locales, qu'elles soient culturelles ou sportives. (Brouhaha. Un instant s'écoule.)
En conclusion, la majorité de la commission considère que la démarche proposée par ce projet de loi d'une part ne fait pas sens, d'autre part ne tient pas compte de la loi sur la répartition des tâches entre les communes et le canton. A ses yeux, le seul exemple invoqué, c'est-à-dire celui du Grand Théâtre, n'est pas pertinent en la matière. Sur cette base, je vous recommande de suivre l'avis exprimé par la majorité de la commission et de refuser cet objet. Merci.
Présidence de M. Diego Esteban, premier vice-président
Mme Helena Verissimo de Freitas (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, l'idée de ce projet de loi est assez simple: pas d'avantages automatiques pour les élues et les élus dont le peuple ne pourrait bénéficier, par égalité de traitement, mais également parce que nous votons des subventions et que cela doit se faire indépendamment des places offertes ou de toute autre faveur.
Ce n'est pas la verrée après un spectacle ou une présentation qui pose problème, mais bien la systématique des cadeaux. Il ne faut pas confondre protocole et entrées gratuites: si un match de foot international a lieu à Genève, notre magistrate chargée des sports y aura bien entendu sa place sans la payer, cela relève du protocole.
C'est bien sur le fond que ce projet de loi doit être compris; évidemment que la LIAF ne régit pas les communes, il n'y aura pas d'impact sur leurs pratiques. Par contre, on devrait s'interroger pour tous les élus et à tous les niveaux - communal, cantonal, national - quant à ce que nous pouvons accepter ou pas.
Afin de mettre un terme à l'opacité et à certains privilèges, la minorité de la commission des droits politiques vous invite, Mesdames les députées, Messieurs les députés, à adopter ce projet de loi. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Pierre Conne (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, la commission des droits politiques a dû répondre à la question suivante, qui est fort simple: les élus peuvent-ils accepter les invitations formulées par des associations ou institutions subventionnées, par exemple à un spectacle ou à un match de foot ? Sur le fond, la réponse à cette question a été oui, et c'est évidemment le motif le plus important pour rejeter ce projet de loi.
Voici la seconde question qui s'est posée: que propose ce texte comme moyen pour interdire toute acceptation d'avantages ? Eh bien une modification de la loi sur les indemnités et les aides financières, ce qui nous apparaît impropre si tant est qu'il faille répondre non à la première question, et c'est la deuxième raison pour laquelle, sur la forme, nous vous invitons, chers collègues, à refuser cet objet. Je vous remercie de votre attention.
M. Yves de Matteis (Ve). Le groupe des Verts est favorable à ce projet de loi. Certes, on peut comprendre que des conseillères municipales et conseillers municipaux ou des députés puissent bénéficier de certains avantages, mais seulement si ceux-ci sont directement liés à leur fonction. Par exemple, les députés au Grand Conseil reçoivent des abonnements TPG tandis que les élus au niveau fédéral se voient offrir des abonnements généraux CFF, car le fait de se déplacer pour participer aux commissions et plénières est - ou en tout cas était, avant la covid-19 - indissociable de leur mandat. Cette gratuité est justifiable et d'ailleurs aussi pratiquée dans le monde du travail, où les déplacements professionnels sont souvent couverts par l'entreprise. Cela étant, en politique comme dans le privé, c'est l'organisation employeuse qui achète les billets - la société concernée ou, pour les élus, la Confédération ou le canton -, ils ne sont pas payés par les TPG ou les CFF.
De même, on peut éventuellement admettre que des commissaires à la culture obtiennent des entrées pour assister à des spectacles ou des commissaires au sport des places à des événements sportifs si cela fait partie intégrante de leur charge; ils peuvent ainsi vérifier que les prestations sont délivrées correctement. Dans ce cas, c'est aussi intimement lié à leur fonction. Par contre, il ne faudrait pas qu'il s'agisse de gratuités ou de servitudes: comme pour les abonnements de train CFF ou de bus TPG, un budget doit être réservé pour l'acquisition de ces billets de spectacles, d'événements sportifs ou autres prestations.
En dehors de ces cas spéciaux qui ne sont pas visés par le projet de loi, il n'y a aucune raison que les députés et députées ou conseillers municipaux et conseillères municipales bénéficient de privilèges particuliers, car ils et elles sont déjà rétribués pour leur travail. Par ailleurs, comme l'indique Mme Helena Verissimo de Freitas dans son excellent rapport de minorité, «en payant les places, les élu-e-s participent également au soutien de l'entité subventionnée». A titre personnel et au nom de mon groupe parlementaire qui est opposé aux privilèges de manière générale et favorable à ce que les élus contribuent à la bonne santé financière des instances subventionnées, j'accepterai ce projet de loi. Merci, Monsieur le président de séance.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi a été étudié, ce projet de loi a fait l'objet d'auditions, ce projet de loi a démontré qu'il avait une dimension désagréable, et d'ailleurs son vote l'a montré également. Qu'a-t-il de désagréable ? Eh bien lisez-en déjà le titre: «Fin des faveurs et servitudes pour les élus». C'est comme si nous étions tous corrompus, comme si nous touchions tous des faveurs indues. Voilà qui n'est pas de nature à renforcer notre crédit, déjà bien maigre, auprès de la population !
Mesdames et Messieurs, le rapporteur de majorité l'a bien décrit, nous avons vu ce qu'il en est: d'importants contrôles sont effectués et on ne peut pas dire que des avantages innommables et des servitudes inacceptables se pratiquent dans notre République et canton de Genève. C'est la raison pour laquelle je ne vais pas m'étendre, mais simplement indiquer qu'il s'agit une fois de plus, avec ce texte, d'un clivage gauche-droite. Les élus de droite seraient-ils donc plus corrompus que ceux de gauche ? Je vous proposerai prochainement un projet de loi qui vous prouvera le contraire. Merci. (Rires.)
Une voix. Excellent !
Une autre voix. Bravo !
M. Patrick Dimier (MCG). Tout a été dit, et je pense qu'on ne voit pas le monde autrement qu'à travers ses yeux. Dès lors, si on dépose un projet de loi de cette nature, c'est qu'on est soi-même peu sûr de sa propre probité. Pour moi, cela a à faire avec la conscience de chacun d'entre nous, c'est à chacun d'entre nous de déterminer où se trouve la limite entre une faveur indue et le simple geste de politesse. Au MCG, nous ne nous considérons ni taillables ni liges, raison pour laquelle nous nous opposerons à ce texte. Merci.
M. Alberto Velasco (S). Je suis choqué par les propos qui viennent d'être tenus, Monsieur le président, selon lesquels l'auteur de ce projet de loi... (Brouhaha. Les propos de l'orateur sont inaudibles.)
Le président. Monsieur le député, je vous remercie de parler plus près de votre micro...
M. Alberto Velasco. ...l'aurait déposé parce qu'il se pose lui-même des questions sur sa probité. (Brouhaha.)
Le président. ...et l'assistance de bien vouloir respecter la prise de parole de l'orateur. Parlez plus près de votre micro, Monsieur Velasco.
M. Alberto Velasco. Pardon ?
Une voix. Parle plus près de ton micro.
M. Alberto Velasco. Ah, d'accord. Merci, Monsieur le président, mais vous savez, avec le masque... Ce que je voulais dire, c'est que je suis choqué par les propos de M. Dimier - vous transmettrez, Monsieur le président - selon lesquels j'aurais des problèmes avec ma probité et que ce serait pour laver mon honneur que j'aurais déposé ce projet de loi.
Je tiens à dire une chose, chers collègues, Monsieur le président: au Victoria Hall et du Grand Théâtre, il y a entre deux cents et trois cents servitudes ! Mais vous savez, si ces servitudes étaient données à des gens qui ont peu de moyens, à des personnes aux petits revenus, je ne dirais rien ! Le problème, c'est que les bénéficiaires de ces faveurs ont largement les moyens de s'acheter des places ! Cela signifie que le petit peuple qui paie des impôts, ne serait-ce que peu, contribue à financer des abonnements pour des gens qui ont amplement les moyens de se les offrir. C'est scandaleux !
Je ne remets pas en question - vous l'avez compris, même si vous avez avancé ça comme argument - le fait que vous receviez un billet pour un match de football, s'il vous plaît, quand même ! D'accord ? Non, non, non: ce que je remets en cause, ce sont les cadeaux qu'on reçoit en tant qu'élus. Pourquoi ? Parce que le canton verse des millions de subventions à ces entités, et il faut se garantir une majorité lors des votes; mais on n'a pas besoin de ça, Mesdames et Messieurs: les subventions sont versées en fonction de la qualité des prestations, on n'a pas besoin de recevoir de faveurs. Les élus devraient être exemplaires, précisément parce que ce sont des élus, précisément parce qu'on bénéficie d'un certain pouvoir qui nous donne la possibilité de voter ces subventions. C'est justement à cause de ça qu'on ne devrait pas accepter ces... ces... ces «prébendes», entre guillemets ! Voilà !
Et ici, on met en question ma probité parce que j'ai osé dénoncer ça ! Mais moi, Mesdames et Messieurs, j'ai un strapontin au Victoria Hall que je paie 300 balles par année, bon Dieu ! Et je touche une retraite de 2000 francs par mois ! Et ça ne me gêne pas ! Mais je connais des gens qui disposent de beaucoup plus de moyens et qui reçoivent des abonnements ! Alors ne venez pas mettre en question ma probité, Messieurs ! Ces servitudes coûtent des centaines de milliers de francs au Victoria Hall et au Grand Théâtre, voilà la vérité ! Et ces centaines de milliers de francs, ce serait bien si on pouvait les investir plutôt dans les spectacles ou alors inviter la population précarisée !
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Oui, Mesdames et Messieurs, inviter la population précarisée !
Le président. Merci...
M. Alberto Velasco. Voilà ce que je demande !
Le président. C'est fini, Monsieur Velasco...
M. Alberto Velasco. Voilà ce que je demande, Messieurs, et je n'ai pas de problème de probité !
Le président. Merci !
M. Alberto Velasco. Non, non, pas du tout ! Je crois... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Merci. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12284 est rejeté en premier débat par 43 non contre 23 oui et 2 abstentions.
Présidence de M. François Lefort, président
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons stopper nos travaux ici... (Exclamations. Applaudissements.) Avant de partir, une information très importante: vous devez prendre vos cartes avec vous et les ramener le 4 mars pour la prochaine session. Je répète: n'oubliez pas d'emporter vos cartes et de revenir avec le 4 mars !
Par ailleurs, M. le conseiller d'Etat Poggia va mettre en place, en collaboration avec la médecin cantonale, un protocole de test rapide du covid qui sera accessible le 4 mars en début d'après-midi de façon à ce que vous soyez rassurés. Evidemment, ne pourront siéger que ceux dont le résultat sera négatif, étant entendu que le test n'est pas obligatoire, mais disponible pour ceux qui auront envie de le faire. Je remercie à cet égard M. Antoine Barde qui m'a suggéré l'idée de ce dispositif. Voilà, bonne soirée, bon week-end et à bientôt !
La séance est levée à 19h20.