Séance du
jeudi 1 octobre 2020 à
17h
2e
législature -
3e
année -
5e
session -
23e
séance
PL 11989-A
Premier débat
Le président. Nous poursuivons avec le PL 11989-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est au rapporteur de majorité, M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi du groupe MCG vise à supprimer l'article 10, alinéa 1, lettre b, de la loi sur la formation continue des adultes. Cette disposition... (L'orateur s'interrompt.) Il y a de l'écho ! (Remarque.) Merci, Monsieur le président. ...permet aux travailleuses et travailleurs détenteurs d'un permis frontalier depuis au moins une année de bénéficier de chèques annuels de formation. Le MCG n'en est pas à son coup d'essai en ce qui concerne les frontaliers, on le sait, c'est devenu un leitmotiv, il s'attaque toujours à cette frange des salariés de notre canton.
Ce texte, les différentes auditions l'ont mis en avant, est non seulement absolument inutile, mais aussi discriminatoire, et les partenaires sociaux, que ce soit la CGAS ou l'UAPG, c'est-à-dire les milieux syndicaux et patronaux, se sont exprimés en sa défaveur pour deux motifs principaux. D'une part, il entraînerait une inégalité de traitement entre les salariés. En effet, les frontaliers contribuent de façon conséquente à la production de richesse à Genève; selon un rapport de l'Université de Genève, on leur doit 20% du produit intérieur brut. Une inégalité de traitement d'autant plus crasse qu'ils participent également au financement des assurances sociales et, plus largement, à celui des différentes politiques publiques par le biais de l'imposition. Par conséquent, ils ont tout autant droit que les autres aux prestations en matière de formation des adultes par le biais des chèques annuels de formation.
D'autre part, ce projet de loi est contre-productif d'un point de vue économique. Comme je viens de l'indiquer, les travailleuses et travailleurs frontaliers contribuent de façon importante à la production de richesse dans notre canton, et les empêcher d'accéder à des formations continues conduirait à une stagnation du personnel au sein des entreprises. Pour celles-ci, avoir des employés qui ne peuvent pas développer leurs compétences grâce aux CAF n'est pas intéressant. Voilà les raisons pour lesquelles la majorité de la commission de l'économie vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. C'est un leitmotiv qu'on entend souvent, en effet: le MCG nous sort des projets de lois contre les frontaliers ! Mon Dieu, il s'agit quand même d'un sujet d'actualité. Dans son excellent rapport de majorité, notre collègue qui fouille un peu dans tous les détails a omis un des éléments principaux, à savoir ce qu'indique la Cour des comptes dans son rapport 92 de novembre 2015.
Mesdames et Messieurs les députés, prétendre qu'en votant cet objet, on est contre la formation continue, ce n'est pas vrai; c'est un abus de langage, voire un argument politique utilisé contre ce projet. La Cour des comptes s'est aperçue que sur un total de 5000 demandes, neuf sur dix ne concernent pas une formation visant à améliorer les compétences professionnelles. Est-ce à dire que pour tout ce qui est récréatif, voire pour d'autres choses comme apprendre le chinois, nous sommes à côté d'un désert africain aride ? Je parle des départements de l'Ain, de la Haute-Savoie et de la Savoie: n'y dispense-t-on donc aucune formation continue, rien du tout ?
Mesdames et Messieurs, une grande partie des chèques annuels de formation sont utilisés pour des occupations de loisir, pas pour de réels cursus visant le développement des compétences professionnelles, ce qui d'ailleurs relève aussi de la responsabilité des employeurs. C'est la raison pour laquelle notre minorité vous demande d'entrer en matière puis d'accepter ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, méditons sur ceci: charité bien ordonnée commence par soi-même. Rappelez-vous que peu après que nous avons déposé cet objet, le déficit budgétaire pour 2018 s'élevait déjà à 261 millions de francs. Est-ce qu'aujourd'hui, Genève a la capacité financière de soutenir premièrement l'économie locale, deuxièmement l'emploi local, troisièmement les résidentes et résidents genevois ? La réponse est non. Nous n'avons pas les moyens suffisants pour aider la terre entière, et c'est pour cela que nous demandons que si l'Etat verse des chèques, ceux-ci s'adressent aux résidents genevois exclusivement. Je le répète: charité bien ordonnée commence par soi-même.
Mesdames et Messieurs, pensez à vos enfants, à vos amis, à vos voisins, aux gens qui vous entourent et qui sont en train de tirer la langue. Vous étiez les premiers, sur les bancs de gauche, à vouloir secourir la terre entière, notamment les sans-papiers en débloquant un montant de 15 millions pour les aider à traverser cette période difficile qu'est la crise du covid-19. Nous, au Mouvement Citoyens Genevois, nous soutenons qu'il faut des chèques de formation pour nos résidents, parce qu'ils en ont besoin aujourd'hui plus que jamais.
Dimanche dernier, la population a donné un signal très fort en votant un salaire minimum de 23 francs, et je ne suis pas certain qu'elle ait eu raison de le faire, parce que ça va agir comme un aspirateur à travailleurs européens, lesquels vont s'empresser de prendre un emploi en Suisse pour un salaire de 4000 francs... (Exclamations.) C'est une réalité, vous pouvez huer, mais on en reparlera dans dix ans quand vos enfants seront au chômage et qu'ils traîneront dans votre appartement parce qu'ils ne trouveront pas d'emploi, pas de logement et qu'ils seront dans la dèche. En France, le SMIC est de 800 euros, le salaire moyen s'élève à 1200 euros, alors évidemment que les gens préféreront venir travailler en Suisse pour 4000 francs ! A ce moment-là, vous réfléchirez peut-être aux conséquences de vos choix.
J'espère vraiment que les milieux économiques et les employeurs vont commencer à privilégier les résidents genevois avec ce salaire de 23 francs, mais j'en doute. J'en doute fort, et vous ferez le constat par vous-mêmes d'ici quelques années, vous verrez que nous avons raison. Aujourd'hui, on est dans la même dynamique avec les chèques de formation: pour nous, il faut soutenir les résidents et certainement pas nos amis frontaliers qui habitent de l'autre côté de la frontière, dans un pays où des infrastructures sont mises en place pour les aider; ce n'est pas aux Genevois de le faire. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, la formation de base pour des collaborateurs non qualifiés de même que la formation continue pour ceux qui sont déjà au bénéfice d'un titre ou d'un diplôme reconnu sont des enjeux essentiels au sein d'une entreprise. Non seulement cela permet d'améliorer les compétences des employés et constitue un excellent retour sur investissement, mais c'est également un moyen de fidéliser le personnel concerné.
D'autres cantons et pays ont compris la pertinence de cette démarche et proposent des aides financières assorties de certaines conditions ou mettent à disposition des institutions qui prodiguent ces formations. Genève dispose de plusieurs moyens pour favoriser le développement professionnel; l'un d'entre eux est le chèque annuel de formation qui a fait ses preuves et dont l'efficacité a été soulignée, notamment par la Cour des comptes dans un rapport de 2015.
Lors des auditions devant la commission de l'économie, le directeur de l'OFPC a rappelé quelques chiffres: chaque année, son office traite en moyenne 12 000 dossiers et attribue environ 8000 chèques, et ce dans tous les secteurs économiques et pour tous les degrés de formation, allant de la simple scolarité obligatoire jusqu'à des cursus supérieurs.
Il est intéressant de constater que les partenaires sociaux, à savoir l'Union des associations patronales genevoises et la Communauté genevoise d'action syndicale, ont montré une belle unanimité quant à l'utilité des CAF. Dans ce contexte, il a été rappelé que l'apport des travailleurs frontaliers représente environ 20% du produit intérieur brut de notre canton; cela étant, sur l'ensemble des chèques annuels de formation délivrés, seuls 5% concernent des salariés frontaliers - 5% ! Les deux associations patronale et syndicale ont également relevé avec beaucoup de pertinence que les frontaliers sont des contribuables à part entière, puisqu'ils paient l'impôt à la source.
Enfin, il est nécessaire de préciser que l'attribution des chèques répond à deux conditions, l'une concernant le revenu déterminant des personnes, l'autre exigeant que la formation soit dispensée dans un établissement reconnu par le canton. Sur cette base et par souci d'égalité de traitement entre tous les contribuables exerçant leur activité sur notre territoire, le groupe démocrate-chrétien vous recommande de rejeter ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, tous les partis populistes du monde emploient la même recette: ils désignent un bouc émissaire. Ça peut être l'étranger, le sans-papiers; pour le MCG, ce sont les frontaliers. Alors aujourd'hui... (Commentaires. Le président agite la cloche.)
Le président. S'il vous plaît ! Laissez l'intervenant s'exprimer !
M. Thomas Wenger. Aujourd'hui, on parle des chèques annuels de formation, mais on entend aussi beaucoup de contrevérités et de mensonges en ce qui concerne l'emploi, l'impôt à la source, la mobilité, autant de sujets à propos desquels le MCG ne fait rien d'autre que de stigmatiser les travailleuses et travailleurs frontaliers. Je profite donc de l'occasion pour rétablir un certain nombre de vérités.
Tout d'abord, quelques chiffres par rapport à l'emploi: le canton de Genève compte 390 000 postes pour environ 250 000 résidentes et résidents actifs. Il manque ainsi 140 000 personnes pour occuper les postes dont l'économie et l'administration publique genevoises ont besoin. Ces gens viennent d'une part de Suisse - du canton de Vaud et d'autres régions - d'autre part de France voisine et, je le répète, nous avons besoin d'eux pour la bonne marche de notre économie. Prenons comme exemple les infirmières et infirmiers que nous avons applaudis tout au long du semi-confinement et que nous continuons à applaudir maintenant: un bon nombre d'entre eux vivent en France voisine, et je pense que personne, pas même au MCG, ne s'en est plaint au plus fort de la pandémie. On peut au passage remercier le système français qui paie pour former ces infirmières et infirmiers, lesquels viennent ensuite gratuitement - cela ne nous a rien coûté pour la formation - travailler à Genève.
Même chose pour l'impôt à la source. On entend constamment que le canton de Genève fait un cadeau de 230 millions à la France en restituant une partie de l'impôt; bien entendu, c'est totalement faux. L'impôt à la source, qui représente à peu près 800 millions par année, est prélevé par l'Etat de Genève qui, sur ce montant, rétrocède effectivement 230 à 250 millions, car il est en grande partie payé par les frontaliers; toutefois, il reste approximativement 570 millions par année dans les caisses de l'Etat, donc il n'y a aucun cadeau. Nous sommes le seul canton à procéder ainsi, et si nous avions le même mécanisme que dans le canton de Vaud, par exemple, nous perdrions de l'argent.
Je n'ai pas le temps d'aller plus loin dans mes explications... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...parce qu'il ne me reste plus que trente secondes, mais on peut encore citer l'exemple de la mobilité. Le MCG ne cesse de marteler que les trains du Léman Express sont vides, qu'il s'agit d'un échec total; allez vérifier par vous-mêmes à Annemasse ou ailleurs le matin, aux heures de pointe, si ces trains sont vides ! C'est parfaitement faux, près de 50 000 personnes les empruntent tous les jours, il s'agit d'un véritable succès et c'est très bon pour la mobilité et l'environnement à Genève. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Je ne vais pas rectifier toutes les contrevérités du député Wenger, mais en ce qui concerne les recettes liées aux frontaliers, on est plus proche des 200 millions que des 500 millions, en tout cas quand on consulte le net - enfin, c'est un détail. Quant aux boucs émissaires, le MCG est un amateur face aux socialistes qui ciblent constamment les riches, les automobilistes et j'en passe, donc de ce point de vue là, on peut dire que le PS est véritablement un parti populiste !
Pour revenir au débat de ce soir, c'est vrai, nous refusons de verser 750 francs par an aux frontaliers sur trois années de suite, une somme gigantesque que nous sommes actuellement astreints à payer. Nous y sommes opposés ! Pourquoi ? Il ne s'agit pas de haine à l'encontre des frontaliers, c'est qu'il y a un déséquilibre économique total dont les travailleurs de ce canton subissent les conséquences, particulièrement les plus jeunes, particulièrement les plus exposés, c'est-à-dire essentiellement les gens d'origine étrangère. Que lisons-nous maintenant dans la presse française ? Genève offre le SMIC le plus élevé du monde: 4000 euros par mois ! 4000 euros par mois ! Ça va attirer une masse de main-d'oeuvre frontalière, c'est vraiment un aspirateur à frontaliers qu'on est en train de créer par la ruse.
Certains partis ont réussi à faire passer ce dispositif sans mécanisme concomitant de protection des travailleurs genevois; c'est précisément ce système de protection que le MCG veut mettre en place, mais beaucoup de personnes s'y refusent, malheureusement. Il s'agit de soutenir les salariés locaux, notamment les plus jeunes, les plus exposés, ceux qui votent pour les partis de gauche, ceux qui sont constamment trahis par ces mêmes partis de gauche. Nous ne pouvons plus supporter cette pression frontalière, le MCG se bat et continuera à se battre là contre.
Alors bien sûr, les chèques annuels de formation ne représentent qu'une partie du problème, mais c'est tout de même un élément important, car ils ont un effet incitatif négatif auquel il faut impérativement mettre fin. Il faut y mettre fin, faute de quoi nous allons assister à une véritable tornade frontalière, et cette tornade frontalière, le MCG n'en veut pas. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). J'aimerais juste compléter les propos de mon collègue en rappelant que la Cour des comptes a examiné le système des chèques annuels de formation et recommande de maintenir leur montant à 750 francs, mais exclusivement pour les formations professionnelles reconnues et certifiantes; pour les autres, il conviendrait de baisser la valeur des chèques à 500 francs. Voilà la recommandation de la Cour des comptes. Notre groupe, comme l'a dit mon collègue, sans analyser l'efficacité d'une intervention sur cet aspect, refusera ce projet. Merci de votre attention.
Une voix. Acceptera !
M. André Pfeffer. J'ai dit refusera ?
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. Romain de Sainte Marie pour vingt-cinq secondes.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Très brièvement, les arguments énoncés par le MCG sont parfaitement faux: si les travailleurs frontaliers abusaient des chèques annuels de formation, ça se verrait dans les statistiques. En l'occurrence, d'après la Cour des comptes, seuls 6,5% d'entre eux y ont fait appel; c'est nettement moins que la proportion de travailleurs frontaliers dans l'ensemble du marché de l'emploi. Pour conclure, j'ajoute qu'il ne s'agit pas ici de pointer du doigt des responsabilités. Nous n'avons pas assez de logements par rapport à la production de richesse dans notre canton, c'est donc la France qui en assure la mise à disposition de son côté de la frontière.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les chèques annuels de formation font l'objet d'une demande personnelle - pas de l'entreprise - et constituent une aide pour les personnes souhaitant effectuer une formation continue dans une institution agréée comme l'IFAGE ou l'Ecole-club Migros. Ce dispositif a été mis en place grâce à une loi votée par le Grand Conseil au début des années 2000. Ces chèques, qui servent à compléter la formation dispensée au sein des sociétés, résultent, comme je le disais, d'une démarche personnelle qui permet soit de renforcer les compétences à l'intérieur de l'entreprise, soit de donner des atouts dans la perspective d'une nouvelle orientation de carrière. Un objectif tout à fait respectable pour l'ensemble des travailleuses et travailleurs du canton, qu'ils soient résidents ou non.
Ne pas offrir la possibilité d'une évolution professionnelle à un salarié sous prétexte qu'il ne vit pas en Suisse constitue un risque pour la compagnie qui l'emploie, car celle-ci se retrouvera alors avec une personne qui ne correspond plus à ses besoins, et ce risque pénaliserait fortement son développement, voire son adaptation au marché, comme le diraient les bancs d'en face. Pire, l'inadaptation d'un employé à l'évolution de son métier peut facilement le conduire à une situation de chômage; soit dit en passant, dans le cas d'une personne résidant en France, ledit chômage serait pris en charge par ce dernier pays, même si l'assurance-chômage est payée en Suisse ! Alors que l'économie genevoise profite largement de la main-d'oeuvre frontalière, il serait incohérent d'externaliser vers la France les coûts d'une inadaptation du personnel aux évolutions des métiers dans les entreprises genevoises. La formation continue doit être accessible à tout le monde, si bien que les Vertes et les Verts refuseront l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Serge Hiltpold (PLR). Je crois qu'il est nécessaire de rappeler quelques chiffres, eu égard à l'objectif de ce projet de loi: 94% des bénéficiaires de chèques annuels de formation sont domiciliés et contribuables dans le canton, 5% sont des personnes majeures qui détiennent un permis frontalier. Ainsi, 99% des gens ont financé leur développement professionnel par l'impôt. Des autres, il reste donc 1%, et pour 1%, on est en train de s'écharper et d'échafauder de grandes théories.
Mon postulat est assez simple. Tout d'abord, il y a l'égalité de traitement entre les travailleurs dans leur ensemble, entre les citoyens dans leur ensemble; je pense qu'on peut tous se retrouver là-dessus. Ensuite, faisons preuve d'un tout petit peu de pragmatisme: voulez-vous vraiment blâmer quelqu'un qui a envie de travailler, voire l'en empêcher ? A un moment donné, il faut remettre le mot «travail» à sa place, il faut encourager les gens. Se former, c'est rester connecté avec le marché de l'emploi, c'est s'adapter aux nouveaux enjeux professionnels, c'est suivre les changements, c'est évoluer. Il s'agit d'un concept basique ! Le problème, c'est que cette mentalité semble disparaître, parfois même au sein des entreprises, parce que c'est compliqué, ça prend du temps, il faut s'investir. Je pense que le patronat est très conscient de ce qui se passe, ce même patronat sur lequel les partis de gauche dégueulent à longueur d'année.
Le dernier élément qu'il me paraît important de souligner, c'est le résultat de la votation de ce week-end qui a déjà été évoqué et qui me reste particulièrement en travers de la gorge. En effet, ce salaire minimum que le peuple a accepté, c'est un salaire minimum sans formation. Sans formation ! Le message que vous communiquez, c'est que sans faire le moindre effort, on peut toucher 23 francs de l'heure ! Quel signal donnez-vous à des gens qui ont suivi des cursus, qui ont obtenu des CFC et qui gagnent à peine plus ? Cette mentalité est diabolique, vous tirez tout le système vers le bas. C'est effectif, vous verrez, vous verrez ! C'est une réalité ! (Applaudissements.) En ce qui concerne ce projet de loi, nous allons rejoindre la majorité qui est pleine de bon sens et soutenir les chèques annuels de formation. Merci. (Commentaires.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont déjà été dites et je n'insisterai pas sur l'apport de 20% issu de l'activité des travailleurs frontaliers ni sur le fait que la problématique que pose ce projet de loi ne concerne finalement qu'un peu plus de 5% des bénéficiaires de chèques annuels de formation. En revanche, j'aimerais revenir sur quelque chose qui a été évoqué par M. Lussi: je lui rappelle que le développement personnel fait partie intégrante de la formation continue et que tout ce qui peut contribuer à l'amélioration du confort des travailleurs bénéficie également à l'employeur. Par ailleurs, relevons que l'UAPG s'est montrée particulièrement attachée à la défense du chèque annuel de formation, estimant que celui-ci s'inscrit dans une philosophie de formation continue favorable aux entreprises.
Evidemment, c'est toujours la même antienne entonnée par le MCG: désigner le frontalier comme bouc émissaire. Dans le cas d'espèce, on nous présente ce projet comme une manière de mener une saine gestion des deniers publics sous prétexte que nous devons affronter une crise et qu'il faut réaliser des économies. S'il faut réaliser des économies, notre groupe est persuadé qu'elles sont à rechercher ailleurs et qu'avant d'en arriver là, il vaut mieux éviter de faire des dépenses inutiles ou de renoncer à des recettes indispensables pour le fonctionnement de l'Etat. En effet, il est nécessaire que les salariés puissent développer leurs compétences, c'est dans l'intérêt à la fois de ces derniers, mais aussi des sociétés à qui ils permettent de mener leur activité.
Maintenant, en ce qui concerne les préjugés et autres lieux communs amenés par des représentants du MCG, je précise qu'il y a SMIC d'un côté et salaire minimum de l'autre. Le SMIC français correspond à une rémunération minimum pour 35 heures par semaine tandis que le montant de 4186 francs constitue non seulement un salaire minimum pour 42 heures par semaine, mais surtout il se base sur l'indice du coût de la vie genevois. Vous le savez bien, puisque en Suisse, nous avons des salaires minimums différents selon les cantons... (Commentaires. Le président agite la cloche.) Vous feriez mieux de vous en souvenir, Messieurs, avant de venir dire des bêtises et surtout d'occulter le fait que ce SMIC dont bénéficient une partie des travailleurs français doit intégrer, pour qu'on puisse en prendre la pleine mesure, les différentes prestations sociales qui y sont accolées.
Notre groupe refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi qui, une fois encore, cherche à stigmatiser les frontaliers. Ses auteurs se posent comme des donneurs de leçons qui apportent des solutions, mais il s'agit de solutions à de faux problèmes. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Thierry Cerutti, vous avez la parole pour vingt-sept secondes.
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. On ne stigmatise personne ici, on dit juste qu'il faut protéger et valoriser les résidents genevois. C'est vous, Madame la députée, qui stigmatisez les frontaliers, ce n'est pas le MCG, ce n'est pas l'objectif que nous visons. Pour répondre à M. Hiltpold, vous avez raison: les chèques de formation sont importants pour les entreprises, mais pour les entreprises genevoises. Il est indispensable de former la Genève genevoise, et pas la Genève frontalière. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je cède enfin la parole à M. Daniel Sormanni pour vingt-trois secondes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, merci, Monsieur le président. Très rapidement, certains ici veulent faire croire que le MCG est contre les chèques de formation, ce qui est absolument faux, nous voulons simplement réunir les forces. Avec la situation due au covid-19 et ce qui risque d'arriver en 2021, nous aurons besoin de toutes nos forces - de toutes nos forces ! - pour former les gens qui vont malheureusement se retrouver au chômage à Genève. Défense des résidents en priorité ! Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur. Nous procédons au vote.
Une voix. Oui pour les Genevois !
Une autre voix. Ils ont voté oui en partie, regarde ! Ah, ils ont changé ! Ils s'étaient trompés.
Mis aux voix, le projet de loi 11989 est rejeté en premier débat par 64 non contre 17 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)