Séance du
vendredi 28 août 2020 à
17h15
2e
législature -
3e
année -
4e
session -
22e
séance
M 2446-A
Débat
Le président. Nous abordons la M 2446-A, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (HP), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion a été étudiée durant deux séances, les 6 et 13 mars 2018. Elle fait référence à une problématique douloureuse, celle des enfants placés de force au XXe siècle. C'était une pratique généralisée à l'époque dans le monde occidental: les enfants de milieux défavorisés, pauvres ou d'un environnement social estimé dangereux étaient placés contre leur gré et contre la volonté de leurs familles. Cette problématique a entraîné des excuses officielles de la présidente de la Confédération, Mme Simonetta Sommaruga. Par la suite, les Chambres fédérales ont légiféré en automne 2016 pour constituer un fonds d'indemnisation de 300 millions de francs pour les personnes concernées par cette situation douloureuse. Il y avait une date butoir pour se faire connaître, le 31 mars 2018 - ou le 3 avril pour des raisons de féries. L'étude des dossiers devait aboutir en mars 2021 et le processus de remboursement commencer à ce moment.
Cette proposition de motion a été déposée le 29 janvier 2018, juste deux mois avant la date butoir fédérale. Ses auteurs étaient préoccupés du fait qu'un nombre insuffisant de personnes s'était fait connaître pour bénéficier de ce fonds d'indemnisation. Ce texte avait aussi pour but d'inciter le canton à participer plus largement à ce fonds d'indemnisation. La troisième invite demandait au Conseil d'Etat de rendre un rapport évaluant le dispositif mis en place.
Je vous épargne le détail des débats de la commission, qui ont d'abord porté sur la diversité des situations, même si tout le monde reconnaît que, dans la grande majorité de ces cas, les personnes concernées par ces placements ont énormément souffert dans leur enfance. Dans certains cas, les enfants ont pu arriver dans des familles d'accueil qui leur ont permis d'avoir une bonne éducation.
Nous avons essayé de voir aussi s'il était possible de repousser ce délai pour s'annoncer, comme cela s'est fait dans le canton de Vaud. Le parlement vaudois s'était aussi saisi d'une proposition de motion plus ou moins identique, mais il faut savoir que les éventuels bénéficiaires sont très âgés et si on retardait les démarches, beaucoup de ces personnes décéderaient malheureusement avant de pouvoir toucher une indemnisation. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) La commission a réfléchi à l'opportunité de rédiger une résolution, mais nous nous sommes rendu compte que le temps qui nous était imparti n'était pas suffisant. Toutes ces possibilités ont donc plus ou moins été écartées. Néanmoins, les débats de la commission ont permis au Conseil d'Etat d'expliquer d'abord que l'information communiquée par les autorités fédérales...
Le président. Merci, Monsieur le député !
M. Patrick Saudan. Pardon ?
Le président. Vous êtes arrivé au bout de vos trois minutes et comme vous êtes hors parti, je ne peux pas vous faire passer sur le temps de votre ancien groupe.
M. Patrick Saudan. Vous me permettez juste une phrase de conclusion ? La majorité de la commission vous demande de ne pas entrer en matière et de ne pas renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat vu que les deux premières invites sont obsolètes et que la majorité de la commission n'a pas jugé utile que le Conseil d'Etat rende un rapport, le dispositif genevois ayant donné entière satisfaction, tant avec la LAVI qu'avec l'archiviste cantonal.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion revêtait une actualité certaine en 2017, lorsque les Chambres fédérales ont approuvé la loi dont M. Saudan vient de parler. Il y avait un devoir d'information des victimes et un dispositif a été mis en place. Malheureusement, les délais de traitement de ce parlement sont longs, le degré d'actualité des objets s'effiloche au point que certaines des invites de celui-ci deviennent caduques, même si elles ne sont pas réalisées. Je partage l'opinion de mon collègue David Martin sur la lenteur des processus dans ce parlement, qu'il va falloir accélérer à un moment ou à un autre. Nous ne garderons par conséquent que la dernière invite demandant un bilan de l'opération tel que décrit dans le rapport de minorité.
Cela a été mentionné, la pratique des placements forcés a été mise en place à partir de la fin du XIXe siècle et a duré jusqu'en 1981. Même à Genève, on a placé de force des enfants auprès d'institutions ou de privés. Beaucoup de ces victimes vivent aujourd'hui dans une situation économique très précaire, directement liée aux maltraitances subies. N'ayant pas été scolarisées de manière adéquate et n'ayant pu suivre de formation professionnelle suffisante, ces personnes vivent souvent de rentes modestes. Des vies ont été broyées et il est important de le reconnaître.
Les victimes pouvaient s'adresser jusqu'en mars 2018 à l'Office fédéral de la justice pour demander une indemnisation. Plusieurs textes, dont la présente proposition de motion, ont été déposés devant ce Grand Conseil, tant pour inviter le canton de Genève à participer au fonds d'urgence que pour inviter le Conseil d'Etat à solliciter la prolongation du délai d'annonce. Tout ça a déjà été mentionné par le rapporteur de majorité. Enfin, ce texte demande la rédaction d'un rapport évaluant le dispositif genevois mis en place par le Conseil d'Etat.
Le sort réservé à cette proposition de motion par la majorité n'est pas acceptable; son refus revient à infliger une blessure supplémentaire aux victimes alors que le Conseil d'Etat n'a déjà pas souhaité mettre la main au porte-monnaie pour participer au fonds national d'indemnisation, se satisfaisant du don généreux d'une victime qu'il a repris à son compte avec l'accord de ce donateur ! Les victimes et les organisations de défense de celles-ci apprécieront le sort réservé à cette motion. Toutefois, par l'entremise de M. Poggia, l'Etat s'était déjà engagé à prendre contact avec divers médias pour communiquer de manière urgente. Il a aussi martelé que les cantons ont été appelés à participer au fonds. La minorité considère qu'un rapport du Conseil d'Etat sur le dispositif genevois revêt un intérêt certain tant pour la députation que pour les ex-enfants placés et les professionnels mobilisés de manière importante autour de ce dispositif d'accompagnement.
Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.
M. Pierre Eckert. En conclusion, par égard pour ces nombreux enfants placés dont on ne peut ignorer les souffrances, Mesdames et Messieurs les députés, la minorité vous invite à accepter cette motion en conservant uniquement la dernière invite demandant de «rendre un rapport évaluant le dispositif mis en place par le Conseil d'Etat à Genève afin d'aider ces victimes à se manifester, et les raisons du manque de succès de cette action».
M. Patrick Hulliger (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le canton a mis des moyens en place et la collaboration avec le centre LAVI fonctionne bien. Cette proposition de motion 2446 arrive comme la grêle après les vendanges. Environ 80% des personnes concernées ont eu accès aux informations les concernant: Genève est donc un bon élève ! D'autre part, les invites ne sont plus actuelles; c'est pourquoi l'Union démocratique du centre laissera la liberté de vote à ses membres. Merci pour votre écoute !
Le président. Merci ! La parole est maintenant à M. le député Yves de Matteis.
M. Yves de Matteis. Je ne crois pas avoir demandé la parole, Monsieur le président.
Le président. Très bien, vous avez dû appuyer sur le bouton par erreur. Madame la députée Léna Strasser, vous avez la parole.
Mme Léna Strasser (S). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion semblait caduque lors de son traitement en commission, mais le délai national pour s'annoncer a été retiré en mars 2020: les personnes victimes de placements pourront donc demander une indemnisation en tout temps. Le Conseil national a approuvé cette suppression du délai par 189 voix contre 4, c'est dire si la thématique est d'importance. Il nous semble donc que tant l'invite portant sur l'information de la possibilité d'être indemnisé que celle demandant l'obtention d'un rapport sur la situation genevoise sont encore tout à fait opportunes. Dès lors, nous soutenons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat tout en regrettant, comme nos préopinants, le temps trop long qui s'est écoulé jusqu'au traitement de ce texte en plénière.
M. Jacques Apothéloz (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité Patrick Saudan étant membre de notre groupe au moment du traitement de cette proposition de motion, je me permettrai de prolonger son intervention là où il a été interrompu puisque nous partageons bien entendu l'opinion qu'il a exprimée. Si je reprends la dernière invite, il a été rappelé que c'est à la Confédération de faire un rapport et de gérer cette situation d'ordre intercantonal.
Ce qui est intéressant, c'est de voir ce qui s'est passé depuis la date butoir du 31 mars 2018. Au printemps 2019, la Commission indépendante d'experts internements administratifs a rendu public le résultat de son travail de mémoire. Dix publications, une exposition itinérante et du matériel pédagogique ont notamment été mis en place avec pour but la réhabilitation durable des victimes. Début 2020, la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a demandé de supprimer le délai fixé au 31 mars 2018 par l'administration pour déposer une demande d'indemnisation: les victimes de placements forcés devraient pouvoir faire cette demande en tout temps. La commission du Conseil national ayant donné son feu vert, le Conseil fédéral pourra se prononcer sur le projet. Depuis 2019, 9000 requêtes d'indemnisation d'anciens enfants placés étaient parvenues à la Confédération. Lever la date butoir permettra sans doute à d'autres personnes de se manifester.
Malgré la décision de la commission de rejeter cette proposition de motion devenue obsolète - décision reposant avant tout sur des aspects formels - nous ne pouvons que nous réjouir que la reconnaissance des enfants placés continue à faire son chemin et qu'elle ne bute bientôt plus sur un délai administratif. A l'instar de la commission, le groupe PLR refusera donc aussi cette motion.
Mme Ana Roch (MCG). Monsieur le président, les préoccupations des motionnaires étaient légitimes: être certain que toutes les personnes concernées par cette indemnisation soient mises au courant de cette démarche. Malheureusement, une grande majorité de ces personnes sont âgées et nous avions peur qu'en prolongeant encore le délai d'annonce, ces dernières ne soient bientôt plus de ce monde pour toucher les indemnités. Le canton ayant tout mis en oeuvre pour informer les personnes concernées, le MCG a considéré qu'il n'était pas nécessaire de voter cette proposition de motion. Pour ces raisons, nous ne soutiendrons pas ce texte aujourd'hui.
M. Marc Falquet (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, c'est vrai que les placements abusifs des années 1940 à 1980 ont fait des dizaines de milliers de victimes. Je remercie quand même le groupe des Verts qui souhaite que nous puissions nous assurer que les victimes soient informées de leur droit à des dédommagements. Je trouve que c'est très important.
Comme nous l'avons constaté à la commission des Droits de l'Homme, le système actuel de protection des mineurs est une version modernisée et sophistiquée de l'enfance volée des années 1940 à 1980; dans les faits, sans en avoir l'air, la dévastation des familles se poursuit actuellement ! Espérons que nous n'allons pas de nouveau attendre quarante ans pour demander pardon aux familles et aux enfants abusivement placés aujourd'hui ! C'est le message. Nous n'allons pas attendre quarante ans pour dédommager les victimes de maintenant ! Il n'est donc pas interdit au Conseil d'Etat d'entreprendre un état des lieux de la dévastation sociale actuelle commise sur notre propre population par les institutions de protection des mineurs et leur réseau. Merci beaucoup !
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, il faut garder le sens des proportions et peut-être prendre des distances avec les propos de M. Falquet. Je pense qu'il est difficile de comparer les pratiques de ces dernières années avec ce qui s'est passé depuis la fin du XIXe siècle - voire avant - jusqu'en 1981: je crois qu'il faut être objectif en la matière. Ces pratiques de placements forcés étaient malheureusement tout à fait admises et reconnues, voire préconisées, pendant un certain temps; elles ont fait partie du quotidien de nombre de personnes considérées par la société comme des parias, des incapables, des personnes potentiellement déviantes. L'absence de contrôle des conditions d'accueil par les autorités a fait de certains de ces placements un enfer: on a disposé de la vie des personnes placées, on a meurtri leur existence, on a bafoué leurs droits. De bonne foi, diront certains; par aveuglement comportementaliste, diront d'autres - en tout cas, au nom d'un ordre moral particulièrement coercitif. Il faut le reconnaître, cela n'a pas été le cas pour toutes les personnes placées, Dieu merci, mais cela a été malheureusement monnaie courante pour beaucoup d'autres, souvent des victimes de la pauvreté et de l'injustice.
Ce n'est qu'en 2013 que ces pages sombres de notre histoire et les torts subis par ces enfants ont fait l'objet d'une reconnaissance tardive, avec notamment la création d'un fonds de solidarité pour dédommager ces victimes, car beaucoup d'entre elles vivaient dans des situations dramatiques et très précaires créées par les maltraitances subies. Les victimes de ces placements ne perçoivent souvent que des rentes modestes en raison de déficits de scolarisation et de formation professionnelle.
On l'a dit tout à l'heure, l'accès au fonds était limité dans le temps. C'est pourquoi diverses démarches ont été lancées pour faire connaître cette possibilité et pour prolonger le délai d'annonce; c'est notamment le sens de la M 2446. Mais le temps a passé et il a joué en défaveur des victimes de placements forcés: certaines ne sont même plus là pour faire valoir leurs droits à une reconnaissance et à une indemnisation ! Les deux premières invites avaient déjà perdu de leur actualité en 2018; il reste la dernière, demandant la remise d'un rapport évaluant le dispositif mis en place par le Conseil d'Etat à Genève afin d'aider ces victimes à se manifester ainsi que les raisons du manque de succès de cette action.
Aussi, en déplorant l'absence de proactivité de notre Etat et de la Confédération dans ce qui aurait dû être une démarche de reconnaissance et de justice rendue aux personnes victimes de placements forcés, nous vous proposons d'accepter la M 2446 avec son unique invite pour qu'au moins nous affrontions et assumions nos responsabilités. Je vous remercie de votre attention.
M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, ce qui s'est passé est une honte pour tout le monde et nous devons assumer cette honte. Au PDC, nous pensons que le rôle principal doit être tenu par la Confédération et que c'est à elle - c'est son rôle - de régler ces problèmes de dédommagement et de faire un rapport pour savoir ce qui s'est passé dans tous les cantons. Déjà, le fait qu'on ait supprimé le délai pour demander une aide est une très bonne chose. Je pense que les Chambres fédérales ont compris le message - peut-être trop tard, parce que ces personnes sont peut-être toutes décédées ! Discutons quand même avec nos députés à Berne pour qu'ils demandent ce rapport à la Confédération et qu'on puisse voir ce qui s'est passé. Maintenant, le PDC n'est pas contre le maintien de la dernière invite et la demande au Conseil d'Etat de produire un rapport: c'est pour ça que nous laisserons la liberté de vote.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à Mme la députée Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Monsieur le président, j'ai combien de temps, s'il vous plaît ?
Le président. Deux minutes vingt-quatre.
Mme Danièle Magnin. Merci beaucoup ! Je voudrais vous dire que j'ai entendu parler de ces placements quand j'étais enfant. J'entendais des gens dire: «Fais attention, sinon on va t'envoyer en maison de redressement», ou des choses comme ça. Evidemment, ça ne s'adressait pas à moi, petite fille sage, mais lorsque j'ai vu le documentaire d'une chaîne française qui s'appelle «Au nom de l'ordre et de la morale», que vous avez probablement tous vu ici, j'ai compris à quel point ça avait été une horreur, une abjection ! On pouvait être dénoncé par les voisins, dès que quelqu'un n'entrait pas dans le moule, quand des couples se séparaient et divorçaient - un scandale jusque dans les années 1950 et même après. On enlevait ces pauvres enfants de leur famille, sans prendre le soin de les placer ensemble et, bien souvent, ceux-ci ont été abusés. On enlevait leurs enfants aux jeunes femmes enceintes sans être mariées, on les plaçait de telle sorte qu'elles ne puissent jamais les retrouver ! Je vous rappelle que la Suisse a fait ça à l'égard des enfants des Gitans pendant très longtemps et que des sociétés comme Pro Juventute ont détruit les archives à ce sujet... (L'oratrice est prise par l'émotion.) Ça me bouleverse, des choses comme ça ! Alors après, lorsqu'on se met à chipoter sur des délais et à se demander comment on va les indemniser, c'est franchement inacceptable... (L'oratrice s'interrompt.) Je suis désolée, vous aurez compris que ça me touche ! J'espérais parvenir à ne pas le montrer, mais je n'y arrive pas. On sait qu'il y a des choses qui se passent maintenant, de manière trop tardive. Néanmoins, peut-être qu'on peut quand même accepter de voter la dernière invite. Merci.
Le président. Merci. La parole est maintenant à M. le député Marc Falquet pour une minute trente.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, après la prise de parole de Mme Haller, je vais confirmer que nous pouvons comparer les placements d'hier aux placements forcés d'aujourd'hui, car les conséquences sur les familles sont totalement identiques. L'histoire retiendra ces paroles !
Le président. Merci, Monsieur Falquet. La parole est à M. Eckert pour deux minutes trente.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je voudrais préciser que la situation de ces enfants enlevés à leurs familles est difficilement comparable avec ce qui peut se passer aujourd'hui où on utilise des éléments plus ou moins objectifs, même si, comme on l'a dit, les expertises psychiatriques ne le sont pas toujours. Comme l'a rappelé Mme Magnin, des enfants étaient retirés à leur famille, pas seulement parce qu'enfants de mères célibataires qui étaient stigmatisées à l'époque, mais aussi à cause de leur appartenance à des groupes nomades, notamment. Il ne s'agissait pas forcément de Gitans étrangers, mais de nomades suisses - que ce soient les Jenisch, les Sinti ou les Roms - qui ont été systématiquement enlevés à leurs parents, par fratries entières. Voilà, il s'agissait de replacer le contexte historique et d'essayer de justifier la dernière invite, qui a encore du sens, même si les deux premières ne sont peut-être plus d'actualité. Je vous demanderai de voter le retrait des deux premières invites mais de garder la troisième.
J'entends bien M. Thierry Apothéloz dire qu'un rapport fédéral sera rendu: je veux bien, mais je rappelle quand même qu'on avait demandé un dispositif genevois que le Conseil d'Etat s'était engagé à mettre en place. C'est sur ce dispositif genevois et ses effets que nous aimerions bien avoir un rapport: tout ce qui a été dit ici n'en tient pas lieu ! Nous aimerions un rapport circonstancié sur ce qui a été fait, les actions entreprises et leurs effets. Je vous enjoins donc de maintenir la dernière invite puis de voter la motion.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est à M. Emmanuel Deonna pour deux minutes.
M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Le débat de cet après-midi a mis en évidence le besoin de transformer les approches en matière de soutien à la séparation parentale. Il faut à tout prix rechercher un consensus parental avant toute décision judiciaire. Hier, c'était encore moins le cas qu'aujourd'hui. Le Conseil d'Etat n'a pas souhaité participer au fonds de solidarité pour dédommager les victimes des placements abusifs des années 1940 à 1980. Le texte dont nous discutons devrait assurer que le dispositif genevois d'accompagnement soit évalué. On nous dit que 80% des personnes concernées auraient eu accès aux informations les concernant: est-ce vraiment suffisant ? La collaboration actuelle avec le centre LAVI fonctionnerait bien, mais quels sont les indicateurs retenus ? Ces indicateurs sont-ils pertinents ? Le travail de mémoire accompli avec les expositions itinérantes, le matériel pédagogique et les programmes de la Confédération trouvent-ils un prolongement suffisant à Genève ? Il faut affronter nos responsabilités et s'engager dans ce dossier !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée... (Commentaires.) Ah, Monsieur Apothéloz, je vous passe la parole !
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le Conseil d'Etat souhaite en effet prendre la parole sur ce sujet ô combien important, même s'il s'agit d'une proposition de motion dont seule une invite est encore valide. Vous l'avez dit, avec la présidente de la Confédération d'alors s'excusant au nom de l'Etat, la démarche que la Suisse a tenu à réaliser constitue un moment important, un moment fort pour les familles et aussi pour l'histoire.
Divers cantons de notre pays se sont aussi engagés à accompagner ces personnes en vue de l'obtention d'une modeste réparation de l'injustice qui leur a été faite. Dès 2014, le Conseil d'Etat a été extrêmement actif sur ce dossier et il ne peut pas entendre de votre part l'idée qu'il n'a pas agi suffisamment: peut-être aurait-il dû agir différemment et s'occuper d'autres choses, mais il a été actif ! Nous avons mis en place à Genève, dès 2014, je l'ai dit, des procédures pour que toutes les personnes concernées de près ou de loin puissent accéder aux archives d'Etat, pour que les psychologues du centre LAVI puissent être à disposition. Pour chaque demande de personne placée de force, les archives d'Etat ont été amenées à enquêter pour reconstituer le parcours de la personne concernée, en recourant ainsi aux fonds de l'administration et du tuteur général d'alors, à des archives privées ou évidemment à celles du Pouvoir judiciaire.
Dans ce contexte, au 31 janvier 2018, le centre LAVI a reçu 121 personnes et demandé à la Confédération une participation pour plus de 86 demandes de contributions de solidarité. Les archives d'Etat ont quant à elles répondu à plus de 200 demandes de renseignements en étroite collaboration avec le centre LAVI. Au 30 juin 2018, la mise en oeuvre de la loi fédérale dans le canton de Genève a ainsi permis à 203 personnes de déposer une demande d'indemnisation.
Vous l'avez dit, si la loi fédérale confère une responsabilité à la Confédération, elle l'assume et délègue une partie de ce travail aux cantons. Comment mesurer, partant, l'activité du Conseil d'Etat ? C'est ce à quoi la dernière invite propose de travailler. Il est difficile de mener une évaluation sur un nombre de personnes concernées inconnu et d'imaginer ensuite une évaluation de celles-ci. Les intentions du Conseil d'Etat ont été claires et il y a eu d'importants travaux dans les archives, vous l'avez dit. Le gouvernement a aussi communiqué à ce propos dans son point presse du 14 mars 2018. Il avait aussi demandé à nos députés à Berne une action auprès du Conseil fédéral visant à s'assurer que les victimes avaient bien eu connaissance de leurs droits. La réponse du Conseil fédéral ne laisse selon nous aucun doute sur l'activité menée.
Cela a été évoqué rapidement, mais je vous dirai encore que le 12 février 2020, cette année donc, le Conseil fédéral a annoncé soutenir la proposition de la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats visant à supprimer le délai de dépôt des demandes d'aides financières. Fort de ce soutien, le Conseil fédéral a souligné le fait que le processus de réparation et le travail de mémoire n'étaient pas encore achevés: il considère important de poursuivre le travail de réparation et continue d'estimer que la priorité est au renforcement du soutien financier apporté au projet d'entraide et à la diffusion au grand public des résultats de l'étude scientifique menée par des historiennes et des historiens. Lors de la session d'hiver 2019, le Parlement fédéral a nettement augmenté les crédits à cet effet pour les quatre prochaines années. Enfin, le Conseil fédéral, dans son invite du 27 novembre 2019, a appuyé une proposition de la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats au sujet d'une initiative parlementaire. La commission avait suggéré d'annuler les réductions de prestations complémentaires liées à la prise en compte de la contribution de solidarité dans la fortune: ce montant sera donc restitué aux personnes concernées.
Le Conseil d'Etat aurait-il pu faire mieux, faire différemment ? Comme toujours, ai-je envie de vous dire ! Soyez toutefois assurés, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de la pleine et entière responsabilité du Conseil d'Etat dans les travaux que nous menons encore aujourd'hui. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je vais vous faire voter l'amendement proposé par la minorité à la page 24 du rapport, qui consiste à biffer la première et la deuxième invites.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 50 oui contre 28 non.
Mise aux voix, la motion 2446 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 49 oui contre 28 non.