Séance du
jeudi 4 juin 2020 à
20h30
2e
législature -
3e
année -
2e
session -
7e
séance
PL 12723
Premier débat
Le président. Nous abordons l'urgence suivante, soit le PL 12723, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. La parole est demandée par Mme Léna Strasser.
Mme Léna Strasser (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la pandémie a causé des dégâts multiples, il s'agit d'une catastrophe sanitaire, économique, mais aussi sociale. Certes, des fonds ont été débloqués pour aider nombre de gens touchés, et ces aides sont essentielles; malheureusement, le filet que nous essayons de tisser pour ne laisser couler personne n'est pas assez serré et laisse sans solution celles et ceux dont la situation est la plus précaire. Pour preuve, les files d'attente interminables pour des denrées alimentaires ces dernières semaines tout comme les innombrables requêtes de soutien auprès des associations.
Le présent projet de loi répond au cri d'alerte de ces mêmes associations. Impliquées dans les questions sociales mais aussi dans la culture, elles se sont regroupées au sein de la Plateforme pour une sortie de crise sans exclusion et sont en contact direct avec des hommes, des femmes, des familles qui ne touchent plus de revenu depuis mars. Il s'agit de travailleurs aux contrats précaires - sur appel, à la prestation, à l'heure - ou encore de travailleuses temporaires remerciées avant l'annonce de l'extension des RHT.
Nous venons de voter un crédit pour une aide alimentaire d'urgence, c'est un pas important; mais, Mesdames et Messieurs les députés, on ne paie ni son loyer ni son assurance-maladie avec des pâtes, de l'huile ou du sucre. Il faut des solutions moins stigmatisantes et plus dignes. A Genève, vous le savez, le taux de chômage va croissant, plus de 30% des travailleurs sont en RHT, les inscriptions à l'aide sociale augmentent massivement. Or certains et certaines n'ont droit ni au chômage, ni aux RHT, ni à l'aide sociale, et pourtant ils et elles participent activement tout au long de l'année à l'économie de notre canton par leur travail, stoppé de manière abrupte début mars. Aujourd'hui, la réponse est un droit à l'alimentation, mais demain ces mêmes personnes perdront leur logement, leur dignité, leur relative stabilité. Ce texte de loi permet de leur venir en aide et surtout de prévenir les coûts sociaux et économiques induits par une explosion de la précarité à Genève. C'est pourquoi le parti socialiste vous remercie de le voter au plus vite. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Ce projet de loi est extrêmement important. Il s'agit presque d'un ovni parlementaire, parce que nous allons voter des sommes d'argent destinées à des gens qui n'existent pas théoriquement. C'est bien la première fois que nous ferions une chose pareille, et il est essentiel de le faire. Je rappelle que ce texte a été porté aussi bien par les associations qui oeuvrent sur le terrain et les syndicats que par les syndicats patronaux, qui sont en accord avec cette mesure. Nous devons reconnaître le travail qui est réalisé, ce travail mérite salaire, et si des rétributions n'ont pas été versées pour des motifs égoïstes - certaines personnes ont été licenciées sans raison valable - les gens doivent tout de même pouvoir continuer à vivre et à percevoir de l'argent.
Le parti démocrate-chrétien soutient ce projet de loi sur le fond, mais demande son renvoi à la commission des affaires sociales pour que nous puissions discuter de certains problèmes logistiques. En effet, Mesdames et Messieurs, vous n'êtes pas sans savoir que la plupart des personnes à qui cette aide financière est destinée ne détiennent souvent pas de compte bancaire, et si elles indiquent les coordonnées bancaires de ceux qui les exploitent, elles risquent de ne pas en voir la couleur. Il est vraiment fondamental que nous ne nous tirions pas une balle dans le pied et que les crédits que nous allons octroyer atterrissent bien dans le portefeuille de ceux qui en ont besoin.
Nous souhaitons des éclaircissements, car nous n'avons eu qu'une heure cette semaine avec M. le conseiller d'Etat Apothéloz pour aborder ce projet de loi dans les grandes lignes; il nous faudrait plus de temps lors de la prochaine séance de la commission des affaires sociales pour l'examiner en détail et déterminer s'il faut l'amender. L'idée est d'arriver fin juin avec un texte qui tienne la route et qui permette d'obtenir un succès. Si nous ratons ce projet, les personnes que nous voulons aider disparaîtront complètement. Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs, à accepter le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales afin d'y traiter certains problèmes logistiques. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Ce projet de loi vise avant tout à soulager des salariés, et c'est pour cela qu'il y est question de perte de revenu. Je m'exprimerai tout à l'heure sur la demande de renvoi à la commission des affaires sociales. Certes, des mesures de soutien aux entreprises et aux indépendants ont déjà été prises tandis qu'une aide alimentaire de 5 millions a été votée tout à l'heure, mais Genève ne doit pas non plus oublier les employés, celles et ceux qui construisent ses logements, font fonctionner son aéroport international, nettoient son linge, rangent ses maisons, gardent ses enfants; des femmes et des hommes qui travaillent comme intérimaires, temporaires, auxiliaires, et se trouvent souvent dans des situations précaires, car ils et elles sont engagés au noir. Tout un pan de l'économie genevoise vit sur le dos de ces personnes qui, du jour au lendemain, ont été congédiées sans aucune indemnité et se sont retrouvées sans le moindre revenu. D'ailleurs, le silence du Conseil d'Etat à ce sujet m'étonne encore: aucun rappel à l'ordre des employeurs pendant la période de confinement !
Alors oui, la bonne volonté du Conseil fédéral a permis l'indemnisation de certains intérimaires; toutefois, les mailles du filet sont trop larges et ne tiennent pas compte des dégâts causés en début de pandémie. Les secteurs concernés sont nombreux et il ne doit pas y avoir de discrimination. Il s'agit d'indépendants, de faux indépendants, de livreurs, de travailleurs et travailleuses à l'heure, sur appel ou à la prestation, du secteur public non couvert par les RHT, comme les remplaçants, de l'économie domestique, de salariés licenciés n'ayant pas cotisé la durée nécessaire pour bénéficier du droit au chômage, etc. - la liste est longue. De multiples associations se sont jointes à l'appel lancé par la Plateforme pour une sortie de crise sans exclusion, notamment le CSP, Caritas, l'OSEO, le CCSI, la CGAS ou encore F-Information.
Une aide alimentaire ne suffira pas pour les milliers de personnes qui font la queue tous les samedis aux Vernets; si elles ne reçoivent pas d'indemnisation en urgence, elles devront peut-être abandonner leur logement, comme l'a souligné ma collègue Léna Strasser, elles seront davantage précarisées et risquent de tomber encore plus bas. Et ensuite, qui les ramènera à la surface ? Il faut non seulement avoir la main sur le coeur, mais aussi ne pas mettre sa bourse ailleurs. Genève doit prendre ses responsabilités. N'oubliez pas qu'il s'agit d'une indemnité financière unique, d'une aide d'urgence ponctuelle et de surcroît subsidiaire.
Nous n'allons pas régler ce soir la problématique du marché noir, qui est à dénoncer, et il serait inadéquat de refuser une telle indemnisation alors que la crise subie massivement par un grand nombre d'individus va sans doute augmenter encore les dégâts. Plus de dix mille personnes ont déjà bénéficié de bons d'achat auprès des Colis du coeur et on dénombre mille nouvelles inscriptions par semaine. Selon les statistiques du mois de mai, 40% des salariés sont en RHT à Genève, et le taux de chômage est passé de 3,9% à 5%...
Le président. Merci, Madame...
Mme Marjorie de Chastonay. Pour toutes ces raisons, les Verts accepteront ce projet de loi et refuseront son renvoi à la commission des affaires sociales. Toutes mes excuses, Monsieur le président, je n'avais pas entendu la cloche !
Le président. Ce n'est pas grave. Monsieur André Pfeffer, c'est à vous.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Les critères d'octroi de cette indemnité sont incontrôlables: comment peut-on attribuer une indemnisation qui se base principalement sur une déclaration écrite du bénéficiaire ? De plus, l'Etat de Genève ne respecte pas les lois sur les étrangers et le travail au noir. Ce faisant, il encourage même le travail au noir ! Genève est l'unique canton de Suisse qui refuse de contrôler les titres de séjour sur les chantiers et où il est possible d'obtenir un numéro AVS sans présenter de justificatif d'établissement. Notre république mélange aide d'urgence, immigration illégale, assistance sociale et problème du chômage.
En ce qui concerne le chômage, si on calcule notre taux à l'aide des critères du BIT ou de l'Union européenne, il était de 11,6% avant la crise, soit un tiers supérieur à celui des deux régions françaises limitrophes. Dans les branches économiques très touchées par le travail au noir, le taux de chômage genevois oscillait entre 15% et 18% avant la crise ! Ces derniers chiffres sont inacceptables, il est scandaleux que Genève ne fasse absolument rien.
Pour revenir au texte de loi, il y a une question de fond: revient-il vraiment à l'Etat, soit à l'ensemble des contribuables genevois, d'assumer les charges d'employeurs irrespectueux et de ceux qui sous-louent des logements, souvent en réalisant un bénéfice ? Pour le groupe UDC, la réponse est non. Tout comme l'a fait le PDC, je propose le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Le MCG ne tolérera pas que quelqu'un meure de faim. Nous sommes donc favorables à une aide sociale en faveur des personnes en difficulté. En revanche, nous n'acceptons pas de nous substituer aux employeurs qui engagent des illégaux en accordant à ces derniers jusqu'à 5800 francs par mois. Venir au secours d'individus en grande détresse, oui; soutenir les employeurs de travailleurs au noir, non. C'est pourquoi nous voterons le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Stéphane Florey pour cinquante secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ne nous trompons pas de cible ! Ce projet de loi constitue purement et simplement un encouragement à l'illégalité, parce que chacun sait que plus de 80% des personnes concernées sont des clandestins. Ce qui est hallucinant, c'est d'octroyer une aide financière de 5880 francs à des gens qui, techniquement, ne devraient rien percevoir, puisqu'ils ne devraient pas être ici. Non, ce projet de loi est un non-sens et il ne faut pas le renvoyer à la commission des affaires sociales, mais à celle des finances afin d'évaluer combien il pourrait éventuellement nous coûter. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole va à M. André Python pour deux minutes vingt.
M. André Python (MCG). Merci, Monsieur le président. Pour le MCG, il n'est pas question de subventionner des employeurs qui paient des travailleurs clandestins à des prix scandaleusement bas. Nous proposons une autre solution: une aide sociale accordée en vertu de la LIASI à son article 11, alinéa 4. Vu les conditions exceptionnelles, le Conseil d'Etat peut, pendant la période du covid, suspendre l'obligation de domiciliation avec une disposition spécifique et soutenir humainement ces personnes. Aider, oui; encourager le travail au noir, non. Je demande également le renvoi en commission. Merci.
Le président. Quelle commission, Monsieur le député ?
Des voix. Affaires sociales !
M. André Python. Finances.
Le président. Très bien, merci. Je donne la parole à M. Florian Gander.
M. Florian Gander (MCG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Les citoyens suisses ou étrangers établis légalement à Genève ne toucheront pas 5800 francs, qu'ils soient indépendants ou à l'aide sociale. Cette inégalité de traitement est insupportable. Comment justifier un tel montant pour du travail au noir ? C'est tout simplement impossible, et nous trouvons ce procédé scandaleux.
M. Jean Burgermeister (EAG). Vous le savez, Mesdames et Messieurs, une partie de la population s'est retrouvée dans une détresse terrible face à la crise du coronavirus, de nombreuses personnes sont passées entre les mailles du filet social, n'ont pas bénéficié des mécanismes d'aide du canton et de la Confédération. Je rappelle que, depuis le début, ce parlement vote sans broncher des dépenses en faveur des milieux économiques. La dernière fois, nous avons octroyé 14 millions aux cadres d'entreprises, qui étaient pourtant déjà indemnisés. Oui, 14 millions pour augmenter l'indemnisation des cadres d'entreprises !
Le projet de loi n'était pas clair, bien moins que celui-ci, et a suscité beaucoup d'interrogations au sein de cette assemblée. Il avait été traité au pas de course, en une quinzaine de minutes, à la commission des finances, mais le parlement unanime - sauf Ensemble à Gauche - a refusé le renvoi en commission proposé par notre groupe. Vous avez ainsi démontré la déférence dont vous faites preuve à l'endroit des plus privilégiés de ce canton ! Aujourd'hui, avec les excuses des uns et des autres et une proposition de renvoi en commission servant à masquer une crasse hostilité, la majorité de droite et du MCG affiche un certain mépris à l'égard des personnes qui souffrent le plus de la crise actuelle.
En réalité, s'il y a une seule critique à émettre s'agissant de ce projet de loi, c'est qu'il est largement insuffisant, c'est qu'il n'indemnise pas assez de monde, du moins pas l'ensemble de celles et ceux qui souffrent de la crise, et probablement pas assez longtemps ! La majorité de droite s'abrite derrière différents prétextes pour justifier un renvoi en commission qui, je le crains, pourrait bien se transformer en enterrement.
Tout à l'heure, beaucoup d'entre vous se sont applaudis lorsque nous avons voté 5 millions pour l'aide alimentaire aux plus démunis, chacun a souligné qu'on ne peut pas se satisfaire d'offrir à manger à ceux qui sont dans la misère, qu'il faut aller plus loin, réfléchir en amont afin d'éviter que ces gens se retrouvent dans la précarité. C'était une piste de solution, et le projet de loi que nous traitons actuellement propose précisément d'indemniser non pas des voyous, comme ont l'air de le penser l'UDC ou le MCG, mais bien des travailleuses et travailleurs qui ont perdu l'intégralité de leur revenu à cause de la crise, qui ne sont pas responsables de cette situation et que l'Etat a la responsabilité de soutenir. Je vous invite donc à refuser le renvoi en commission et à voter ce projet de loi.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements. Huées.)
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs les députés, j'en appelle à votre respect des distances sociales. Si vous souhaitez mener des discussions, je vous remercie de le faire à l'extérieur de la salle, mais toujours dans le respect des distances sociales. A présent, la parole est à M. le député Serge Hiltpold.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, revenons un peu à la genèse du problème. Nous avions soutenu de manière relativement large l'opération Papyrus, qui avait pour but de régulariser la situation des personnes sans papiers afin qu'elles puissent non seulement bénéficier des prestations sociales, mais surtout y contribuer. Voilà la première chose sur laquelle je voulais insister dans mon intervention, à savoir que tous ceux qui ont participé socialement avec leur emploi ont touché soit le chômage, soit le chômage partiel, soit des aides; ce projet de loi concerne donc des personnes qui travaillent au noir et qui, par conséquent, n'ont pas cotisé. La comparaison de M. Burgermeister avec les indépendants est malheureuse et parfaitement fausse - il s'agit d'ailleurs d'une inégalité de traitement crasse: lorsque vous gagnez entre 8000 et 15 000 francs, vous cotisez sur ces 8000 ou 15 000 francs, mais vous n'avez que 5800 francs de revenu alors que vous avez bel et bien cotisé; ce texte propose la même somme à des gens qui n'ont pas cotisé.
A cet égard, il faudrait élargir le débat de manière constructive sur la lutte contre le travail au noir, parce que c'est bien de ça qu'il est question. A titre personnel, je déplore fortement la position de l'UAPG dont je suis pourtant membre du comité. Je parle sincèrement en tant qu'entrepreneur: voilà plus de vingt ans qu'on fait un travail dingue dans les milieux de la construction pour lutter contre le travail au noir, qui constitue un véritable fléau, et je n'accepte pas que l'Etat paie - de façon subsidiaire, en quelque sorte - des employeurs ou des individus peu scrupuleux. C'est un message complètement paradoxal.
Qu'est-ce qui se passe ? Lorsque vous sollicitez des RHT, vous devez prouver que vous respectez la loi, vous avez des obligations. Il y a des contrôles, c'est tout à fait normal. Selon ce projet de loi, il suffit de faire une autodéclaration stipulant que vous touchez une rétribution sur laquelle vous n'avez pas cotisé, il n'y a aucun contrôle. Réfléchissez à ce que ça représente pour les travailleurs, ouvriers et collaborateurs qui, eux, s'acquittent de leurs cotisations sociales et qui ont droit à des contributions. Pour une question d'égalité de traitement, l'Etat devrait au moins garantir ses créances. Cette mesure nous semble parfaitement inadmissible, et je précise que ce n'est pas une attaque contre les sans-papiers, c'est une attaque contre les employeurs qui mériteraient des mesures de sanction.
Quelqu'un a cité l'exemple des femmes de ménage; pardonnez-moi, mais quel est le message qu'on fait passer avec ce projet de loi ? Pas besoin de payer votre femme de ménage, l'Etat s'en chargera de toute façon pour vous ! Non, ce n'est pas la réponse appropriée. Il faut poursuivre et sanctionner les gens qui ne rétribuent pas leur femme de ménage, voilà le vrai message.
Pour ma part, je vous invite à renvoyer cet objet à la commission des finances. Pourquoi ? Parce que nous devons de toute façon traiter un crédit complémentaire pour ce projet de loi; il se trouve juste qu'on n'en a pas encore été saisi, mais il a été présenté à la commission des affaires sociales et à celle des finances. J'appelle véritablement ce parlement à traiter la racine du problème qui dépasse le positionnement gauche-droite, employés-employeurs. Le travail au noir doit être combattu avec force, et cela requiert des motions, des textes sérieux à examiner de manière approfondie. Monsieur le président, je propose formellement un renvoi à la commission des finances. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Françoise Sapin, la parole est à vous pour une minute dix.
Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Le Mouvement Citoyens Genevois considère que celles et ceux qui résident régulièrement sur notre territoire et qui sont les oubliés des aides financières de la Confédération doivent obtenir du canton les revenus dont la crise sanitaire les a privés. En revanche, l'argent public ne peut pas servir à compenser la perte d'un salaire obtenu illégalement via une indemnisation s'élevant jusqu'à 5800 francs. Quel message envoyons-nous en soutenant le travail au noir et les employeurs qui ne respectent pas leurs obligations ? Nous voterons également le renvoi à la commission des finances. Merci.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole revient à M. Baertschi pour trente secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Ces dernières années, les milieux patronaux genevois ont soutenu l'engagement massif de travailleurs frontaliers; ils veulent maintenant favoriser les employés au noir. Le modèle qui nous est proposé ici, à savoir de développer le travail frontalier et illégal, le MCG ne peut pas l'accepter, c'est une question de principe.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Burgermeister, vous avez la parole pour vingt-trois secondes.
M. Jean Burgermeister (EAG). Oui, Monsieur le président. Le député PLR M. Hiltpold a parlé de sanction à l'encontre des employeurs pour justifier son refus, mais ce qu'il propose n'entraînera aucune sanction pour les employeurs. Non, c'est bien le refus d'indemniser les travailleuses et travailleurs qu'il prône, et en aucun cas des mesures de sanction envers les employeurs. Je rappelle par ailleurs que ce sont le PLR et le MCG qui ont supprimé dans le budget des postes supplémentaires pour l'inspection du travail...
Le président. Merci...
M. Jean Burgermeister. ...à l'OCIRT.
Le président. C'est terminé.
M. Jean Burgermeister. Les employeurs... (Le micro de l'orateur est coupé. Commentaires.)
Le président. Je cède la parole à M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est tout de même assez incroyable: de mémoire, depuis que je suis au Grand Conseil, les partenaires sociaux, à savoir la CGAS et l'UAPG, n'ont été d'accord qu'une seule fois, c'était pour créer l'IPE, l'Inspection paritaire des entreprises - il s'agissait d'ailleurs d'un événement historique.
Pour une fois dans cette législature, les partenaires sociaux sont tombés d'accord pour mettre en place une mesure de protection en faveur des travailleuses et travailleurs qui, malheureusement, se trouvent en situation d'irrégularité ! Ce sont les mêmes personnes dont on parlait récemment encore et qu'on retrouve aux Vernets, qui n'ont pas de quoi manger à la fin du mois.
Non, le prétexte du travail au noir, le fait de dire que cela favoriserait le travail illégal pour ne pas les aider, c'est un mensonge derrière lequel vous vous cachez. Si vous voulez vous attaquer au travail au noir, alors renforcez les moyens de contrôle pour démasquer les mauvais employeurs, mais ne pénalisez pas les travailleuses et travailleurs qui ont besoin de cette aide le plus vite possible.
Le président. Merci, Monsieur le député. C'est à présent le tour de M. Bertrand Buchs pour une minute.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. On en arrive à un point où je ne voulais pas qu'on arrive, c'est-à-dire qu'on commence à se lancer des invectives sur un sujet qui mérite autre chose. Les gens qui travaillent au noir n'ont pas cherché cette situation, ils s'y sont retrouvés parce qu'ils n'ont pas eu le choix. Il faut arrêter, on est dans une situation exceptionnelle, on n'a jamais connu ce qu'on connaît aujourd'hui avec l'épidémie du covid, il faut réfléchir différemment, il faut sortir des sentiers battus. Nous proposons une aide unique de deux mois, et il faut renvoyer ce texte à la commission des affaires sociales, pas à celle des finances. Si on le renvoie aux finances, ce projet de loi est mort. Merci.
Le président. Je vous remercie et passe la parole à M. Olivier Cerutti pour trente secondes.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Je souscris totalement aux propos de mon collègue Bertrand Buchs à propos de la commission des finances. Vous savez, Mesdames et Messieurs, que nous sommes en pleine étude des comptes 2019 et qu'il sera très difficile d'agender l'étude de ce projet de loi avant la fin du mois de juin. Alors, je vous en prie, renvoyez-le à la commission des affaires sociales ! Merci.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Baertschi, vous n'avez plus de temps de parole. Nous passons au vote... (Remarque.) Ah ! Monsieur le conseiller d'Etat, vous souhaitez encore prendre la parole avant le vote sur le renvoi en commission ?
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Oui, si vous le permettez, Monsieur le président...
Le président. Bien sûr ! Je croyais que non. Allez-y.
M. Thierry Apothéloz. Je vous remercie. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je n'avais effectivement pas prévu de prendre la parole à ce stade de vos débats, mais il est nécessaire de redonner du sens à ce projet de loi suite à certains propos évoqués qui sont certainement le fait d'une mauvaise lecture. Tout d'abord, il n'est pas question d'allouer 5880 francs à chaque travailleur ou travailleuse ayant perdu son revenu; il s'agit là d'un montant plafond, et le principe que le Conseil d'Etat a suivi, vous le connaissez, c'est celui des RHT et des APG: nous établissons une moyenne de revenu basée sur les douze derniers mois et nous en tirons 80%. Naturellement, 80% d'un salaire bas, cela fait un salaire encore plus bas.
Cela étant, l'objectif de ce projet de loi n'est pas de réparer les trous de l'aide sociale ni notre incapacité crasse à lutter contre le travail au noir. Certes, Genève a été le premier canton de Suisse à élaborer des dispositifs de lutte contre le travail au noir, à lancer des campagnes de sensibilisation à l'attention des employeurs et employeuses concernés; j'en veux pour preuve que le nombre d'inscriptions à Chèque service augmente chaque fois que nous menons une campagne sur le sujet. Nous pouvons en être fiers, mais c'est largement insuffisant. Comme je le disais, ce texte ne pallie pas notre incapacité à lutter contre le travail au noir.
En revanche, il offre une bouée de secours à des personnes qui ont perdu leur revenu du jour au lendemain, par un appel, par un SMS ou même par un silence, alors qu'elles étaient autonomes et pouvaient vivre relativement correctement dans notre prospère canton de Genève; elles se trouvaient dans une situation certes délicate, mais tout de même acceptable. Aujourd'hui, ces gens n'ont plus de moyens pour payer leur loyer, plus de moyens pour subvenir à leurs besoins de base, plus de moyens pour donner à leurs enfants ne serait-ce que quelques francs.
Cette situation doit être largement combattue, et le Conseil d'Etat propose une solution unique, qui ne s'appliquera que sur deux mois, du 17 mars au 16 mai. Il ne s'agit pas d'un dispositif pérenne, mais d'une aide ponctuelle pour que celles et ceux qui ont perdu leur revenu puissent en retrouver une partie. On a beaucoup entendu parler dans cette enceinte des travailleurs illégaux, mais il n'est pas seulement question des sans-papiers: il y a aussi des indépendants, des salariés qui n'ont pas suffisamment cotisé pour bénéficier du droit au chômage, celles et ceux qui officient dans l'économie domestique et dont nous avons bien besoin lorsqu'il s'agit de s'occuper des enfants en bas âge, il y a des intermittents du milieu culturel qui ont besoin d'un coup de main financier. Ce projet de loi vise à aider ces gens, et uniquement cela.
On a mentionné la possibilité de passer par l'aide sociale. Or la philosophie de ce projet de loi n'est pas de passer par l'aide sociale ou l'assistance publique, mais bien de soutenir des travailleurs et travailleuses en toute dignité. Nous avions l'idée, en vous proposant ce projet de loi, de les réhabiliter dans leur fonction de travailleurs, et c'est la raison pour laquelle nous avons opté pour une indemnité pour perte de revenu.
Je vous invite à poursuivre la discussion de manière approfondie en commission, si telle est la volonté de ce Grand Conseil, notamment sur les modalités de mise en oeuvre de ce texte unique, unique en Suisse mais également unique dans la façon dont nous avons prévu qu'il s'applique, c'est-à-dire rapidement et efficacement, en se basant sur les documents que les gens présenteront grâce aux mandataires qualifiés dont ils disposeront. Nous sommes prêts pour la mise en oeuvre de ce mécanisme. Un renvoi à la commission des affaires sociales, qui a déjà travaillé sur le projet, m'apparaît pertinent, ce d'autant que la commission des finances en sera de toute façon saisie, vu que le texte prévoit un crédit supplémentaire de 15 millions de francs. Ces 15 millions aideront, sur deux mois, 3000 personnes qui touchent un revenu moyen de 2500 francs.
Ce soir, Mesdames et Messieurs, nous avons l'occasion unique de permettre à nos habitantes et habitants, qui plus est parmi les plus vulnérables, de souffler un peu eu égard à la situation dans laquelle ils se trouvent actuellement. J'en appelle à votre mobilisation sur ce projet de loi, dans la mesure du possible avec un vote immédiat, et si votre Conseil devait au contraire soutenir un renvoi en commission, alors je préconise celle des affaires sociales. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des affaires sociales et d'une autre à la commission des finances. Je mets aux voix la première requête.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12723 à la commission des affaires sociales est adopté par 54 oui contre 41 non.