Séance du
jeudi 28 mai 2020 à
14h
2e
législature -
3e
année -
1re
session -
5e
séance
Discours du procureur général
Discours du procureur général
(L'huissier du Pouvoir judiciaire accompagne le procureur général au pupitre et se tient à côté de lui pendant le discours.)
M. Olivier Jornot, procureur général. Monsieur le président du Conseil d'Etat,
Monsieur le président du Grand Conseil,
Madame la conseillère d'Etat, Monsieur le conseiller d'Etat,
Mesdames les députées, Messieurs les députés au Grand Conseil,
Mesdames les magistrates, Messieurs les magistrats suppléants et assesseurs,
Madame la colonelle, commandante de la police,
Messieurs les lieutenants-colonels, chefs d'état-major et des opérations,
Cette cérémonie de prestation de serment des magistrates et magistrats du Pouvoir judiciaire ne ressemble à aucune des précédentes et aucune des suivantes, du moins peut-on l'espérer, ne lui ressemblera. Alors que par le passé, l'évocation d'un virus nous inspirait avant tout des craintes pour la santé de nos ordinateurs, voilà qu'une pandémie s'est abattue sur le monde, sur notre pays et sur notre canton. Le Pouvoir judiciaire, avec ses audiences annulées par centaines, a dû, et devra encore, s'adapter et se réinventer, pour retrouver son rythme puis, le moment venu, rattraper progressivement le retard massif que la pandémie aura provoqué. S'adapter, parce qu'il le faut, parce que dans nos sociétés démocratiques et fondées sur le droit, la justice fait partie des prestations essentielles de l'Etat, des prestations dont la population a, davantage encore parce que nous sommes en crise, impérativement besoin.
Vous venez, Mesdames et Messieurs, de prêter serment. Ce serment, qui est le même que celui des magistrats de carrière, est chargé de valeurs. Un serment qui nous invite à rendre la justice à tous également, aux faibles comme aux puissants. Un serment qui nous enjoint de ne pas fléchir dans l'exercice de nos fonctions, un serment qui nous rappelle qu'au coeur de nos valeurs, il y a notre indépendance. Indépendance vis-à-vis des partis ou groupements qui nous ont désignés, indépendance vis-à-vis des milieux dont nous nous sentons proches, indépendance vis-à-vis de l'opinion publique.
C'est dire que même si vous n'appartenez pas à la magistrature de carrière, vous êtes vous aussi porteurs et garants des valeurs qui sont celles de toute la justice. C'est dire aussi que les obligations et devoirs qui vous incomberont désormais seront les mêmes que ceux de tous les magistrats. Même si votre engagement dans la justice reste accessoire, vous aurez en effet vous aussi à honorer les devoirs de dignité, de rigueur, d'assiduité, de diligence et d'humanité.
La justice, ce sont des valeurs, mais ce sont aussi et surtout des femmes et des hommes: les magistrates et magistrats aujourd'hui assemblés et les collaboratrices et collaborateurs du Pouvoir judiciaire. Aux uns et aux autres, je rends hommage pour leur dévouement et leur fidélité à l'institution judiciaire. Ma reconnaissance s'étend sans réserve aux magistrats non professionnels, dont l'engagement consiste à servir, de façon désintéressée, la justice et les justiciables.
La période judiciaire qui s'ouvre sera notamment marquée par une mutation sans précédent, celle du passage au numérique. Comme toutes ses homologues de Suisse, la justice genevoise a pris du retard, un retard considérable, en matière de numérisation. C'est qu'il aurait été étrange de développer un système de gestion électronique des documents alors que les normes de procédure nous obligent à tenir un dossier à l'ancienne. Les travaux législatifs en cours sur le plan fédéral vont prochainement changer la donne, puisqu'ils obligeront toutes les instances judiciaires civiles et pénales, auxquelles les cantons pourront ajouter les juridictions de droit public, à tenir leurs dossiers sous forme électronique, et tous les partenaires professionnels de la justice, au premier rang desquels les avocats, à n'interagir avec cette dernière que sous forme électronique. Le projet Justitia 4.0, développé sous la double direction de la conférence de la justice conduite par le Tribunal fédéral et de la conférence des chefs de départements de justice et police, vise, au-delà de la base légale, à fournir l'architecture informatique de base permettant l'échange et la consultation des dossiers judiciaires numériques sur une plateforme unique. Nous aurons tous, et vous aussi, un effort important à fournir pour nous adapter à un univers de travail fondamentalement bouleversé.
A vous, magistrates et magistrats qui avez prêté serment, j'adresse mes plus vives félicitations et mes voeux pour une heureuse et fructueuse activité judiciaire.
Vive la justice genevoise ! Vive la République et canton de Genève ! (Applaudissements.)