Séance du
jeudi 27 février 2020 à
17h
2e
législature -
2e
année -
10e
session -
52e
séance
PL 12141-A
Premier débat
Le président. Nous en sommes au PL 12141-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme la députée Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport a traité ce projet de loi durant cinq séances, entre le 6 juin et le 3 octobre 2018. Lors des travaux, M. Romain, le deuxième signataire, a présenté le texte, qui propose d'évaluer de façon continue le comportement des élèves à l'école primaire et au cycle d'orientation, avec des notes de 1 à 6. Cette note n'entrerait pas dans le calcul de la moyenne scolaire, mais serait quand même déterminante lorsque les conditions de promotion ne sont pas remplies. M. Romain a expliqué que la note de comportement pourrait être une aide supplémentaire pour gérer l'attitude des élèves en classe et améliorer le climat scolaire. A son avis, il s'agit d'une mesure simple, qui ne coûtera rien au contribuable, en plus d'être un outil clair et compréhensible.
Durant les cinq séances, la commission a notamment auditionné le département. Celui-ci lui a transmis des exemples de bulletins donnés aux élèves en primaire et au cycle d'orientation afin d'illustrer l'évaluation du comportement des élèves à travers des commentaires ou des cases à cocher. La position du département était claire: une note de comportement n'apporterait aucune plus-value mais engendrerait plus de travail pour les enseignants et les enseignantes. Elle générerait en outre un coût car il faudrait adapter les bases de données scolaires.
La commission a également auditionné les représentants des parents avec la FAPEO, ceux des enseignants avec la FAMCO et la SPG. Ces organisations sont toutes trois en défaveur de ce projet de loi: les représentants des parents considèrent que les notes manquent de clarté, ce qui pourrait dégrader la relation entre les écoles et les parents; cela ne répond pas non plus au besoin de valorisation des élèves en difficulté. Les représentants des enseignants considèrent qu'il y a un risque que la note manque de précision et d'uniformité d'un cycle d'orientation à l'autre: pour garantir une réelle objectivité, il faut des critères précis et une définition claire du comportement, ce que ne donne pas cet objet. La note de comportement ne permettrait pas non plus d'améliorer l'orientation des élèves. Cela risque même d'être une double peine puisque les élèves avec un mauvais comportement ont souvent déjà de mauvaises notes; il n'y aurait donc aucune plus-value.
Les enseignants ont besoin de critères, de temps et du soutien de la hiérarchie. Le suivi des élèves est à l'heure actuelle individualisé et efficace. Enfin, concernant la santé des enseignants, leurs représentants pensent que, plus que les problèmes de comportement, ce qui peut être pesant, c'est surtout le manque de soutien de la hiérarchie, qui est problématique, tout comme l'augmentation des tâches administratives. Mesdames et Messieurs, suite à ces auditions, la majorité de la commission a refusé l'entrée en matière sur ce projet de loi. Elle vous recommande donc de suivre sa décision et de refuser également l'entrée en matière. Merci.
M. Charles Selleger (PLR), rapporteur de minorité. Pendant des décennies, Monsieur le président, voire des siècles, le comportement des élèves a fait l'objet d'une note, qu'on appelait alors la note de discipline. Ça ne semblait pas si compliqué de l'attribuer ! La tendance des néopédagogues de la république a été d'une manière générale, comme on le sait, de supprimer les notes en tant que résidu de l'Ancien Régime, stigmate de l'élitisme, reflet de la lutte des classes.
Après des efforts homériques, de nos rangs politiques en particulier, les notes ont pu être rétablies au primaire pour les différentes disciplines intellectuelles. Curieusement, la note de comportement n'a pas été réintroduite alors qu'elle constitue un moyen précis et non arbitraire, non pas de stigmatiser mais bien de valoriser l'élève en difficulté dans ses apprentissages. Elle devrait constituer un critère lorsqu'il s'agit par exemple d'évaluer la pertinence d'une promotion par dérogation. L'attribution d'une note n'exclut pas, bien entendu, d'ajouter une appréciation du comportement, comme cela était d'ailleurs déjà le cas du temps de l'Ancien Régime !
Ce que j'ai trouvé remarquable au cours des débats concernant ce projet de loi, ce n'est pas tant que nous nous soyons retrouvés seuls à le défendre, mais bien la mauvaise foi des opposants et leurs arguments spécieux. Je vais vous donner quelques exemples, de la bouche de la magistrate d'abord, qui dit qu'une fois que l'élève aura atteint un certain seuil de mauvais comportement, il n'aura plus rien à perdre. Eh bien ce raisonnement, on pourrait le reporter sur les disciplines intellectuelles ! Devrait-il alors conduire à abandonner de nouveau les notes au profit des appréciations ? De la même magistrate, on a entendu que coordonner des remarques qualitatives avec des notes - ce travail qu'ont pris le temps d'accomplir sans rechigner des générations de maîtres d'école ! - sera compliqué et bureaucratique. Ce qui était simple semble être devenu compliqué.
La représentante de la Société pédagogique genevoise, que nous avons auditionnée, déplore quant à elle l'absence de définition claire du comportement, dont l'évaluation se fait pourtant, toujours selon ses dires, par une appréciation critériée - merci d'ailleurs pour le néologisme - «appréciation critériée, accompagnée d'un commentaire». On serait donc en mesure de critérier le comportement même sans connaître sa définition ! Mais de qui se moque-t-on ?
Cette même représentante nous a encore dit: «On ne sait pas si un oubli sera considéré comme un manque de respect.» Question absolument angoissante et essentielle, il est vrai, qui est de nature à empêcher l'appréciation chiffrée du comportement ! De mon temps, hélas fort lointain, nos carnets scolaires étaient annotés de termes tels que «babille», «arrivée tardive», «oubli» ou encore «chahut»; tout ça s'ajoutait à la note. Qu'importait de savoir si ces termes se rapportaient à un manque de respect, une inattention involontaire ou une panne des transports publics ! Ils se concrétisaient néanmoins par une appréciation chiffrée englobant les diverses catégories de comportements fautifs, et personne n'y trouvait rien à redire.
Mais pour moi, celui des arguments de la Société pédagogique genevoise qui remporte le pompon, celui qui m'a définitivement ébranlé - la rapporteuse de majorité y a fait allusion - c'est celui relatif à la notion de double peine. Un élève dont les notes dans les différentes disciplines intellectuelles sont mauvaises aurait souvent aussi une mauvaise note de comportement. Il se verrait donc, dans un système de notes, doublement puni. Je suis tellement convaincu par cette injustice que je propose de remonter une mauvaise note de français, voire de la supprimer, lorsque les mathématiques sont également insuffisantes ! Mais je cesse ici mon persiflage, Monsieur le président, de crainte de me voir soumettre à la double peine ! J'engage toutefois mes collègues députés à voter l'excellent projet de loi du PLR.
Une voix. Bravo !
Mme Salima Moyard (S). Je suis ravie de parler après M. Selleger. Ce projet de loi, chers collègues, pourrait être surnommé «Ah, c'était mieux avant !» - à prononcer sur un petit air d'antan, avec la règle du maître à côté du bonnet d'âne; je caricature à peine. Donner une note de comportement dès la 5P, c'est revenir à une pratique qui a existé jusqu'en 2002 avant d'être abolie; on devrait peut-être se demander pourquoi. A notre sens, cette note est à maints égards une fausse bonne idée.
Si on reprend les arguments des partisans de ce projet de loi, premièrement, le comportement ne serait pas évalué aujourd'hui. Si, il l'est par des commentaires, bien plus précis, personnalisés, efficaces et clairs qu'une note, qui ne dit finalement rien d'autre que l'éloignement plus ou moins important par rapport à une norme. Deuxième élément, ce serait plus clair pour les parents. Non, un commentaire est toujours plus clair qu'une note. Il permet de percevoir une progression, une appréciation, un ton, des conseils définis. Troisième argument, cela permettrait des sanctions. Non, elles existent évidemment déjà aujourd'hui: elles sont graduelles et fixées selon un barème connu des élèves mais adaptable aux éventuelles situations spécifiques.
Cela valoriserait les bons élèves. Non plus ! Les bons élèves sont valorisés par le contact, par les commentaires oraux et écrits qu'ils reçoivent, plus intéressants et porteurs de sens qu'un 5 ou un 5,5 de comportement, qui s'ajouterait de toute façon aux autres bonnes notes qu'ils ont déjà.
Cela soutiendrait les élèves en difficulté. Non, les élèves très problématiques s'en fichent. Quand ce système existait, ils faisaient d'ailleurs des concours de ce qu'on appelait des bonnes négatives ! Le but était de voir combien on arrivait à en obtenir, au maximum, en une quinzaine. Et pour les autres élèves en difficulté - oui, je le maintiens, Monsieur Selleger - c'est la double peine.
Enfin, cela permettrait d'avoir un barème commun à tous. Eh bien non: même face à des notes, il y a une très grande hétérogénéité des élèves - par exemple, on n'évalue pas le comportement, par note ou par commentaire, de manière identique dans une 9e R3 et dans une 11e CT. Les critères des professeurs ne sont pas les mêmes, les seuils de tolérance non plus. Il serait contre-productif d'essayer de tout normer, par exemple - et je ferai un petit clin d'oeil à l'auteur du projet de loi - le cours de philosophie de M. Jean Romain et celui de son collègue. Il avait une très grande liberté dans son action, et les enseignants doivent également avoir une grande liberté quant à la manière d'accompagner les élèves face à leurs problèmes de comportement.
Est-ce à dire que le PS ne voit aucun problème de comportement à l'école obligatoire ? Non ! Mais il n'y a pas de baguette magique - cet objet n'en est en tout cas pas une. Il faut travailler à la source, avec une baisse des effectifs par classe et une prise en charge adéquate des élèves en difficulté. C'est tout le travail auquel s'attelle le DIP aujourd'hui avec l'augmentation des équipes pluridisciplinaires à l'école primaire, avec la réforme CO22 que prépare la conseillère d'Etat et avec FO18. Mais encore faut-il...
Le président. Merci.
Mme Salima Moyard. ...lui en donner les moyens, et nous vous appelons à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci beaucoup, Madame la députée. Je passe la parole à M. Olivier Baud.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord corriger le propos du rapporteur de minorité: les notes n'ont pas été rétablies à l'école primaire mais maintenues. C'était d'ailleurs le titre de l'IN 121, acceptée par la population le 24 septembre 2006: «Pour le maintien des notes à l'école primaire». Elles ont été maintenues, dont acte.
Pour revenir maintenant à ce projet de loi, qui repose sur l'idée qu'une note de comportement pourrait résoudre bien des problèmes, il part simplement d'un mauvais postulat: les auteurs pensaient que le comportement n'est pas évalué à l'école. Ce qui est faux, comme cela a été démontré au fil des auditions.
Le deuxième constat, c'est que ce texte est objectivement incohérent - pour celles et ceux qui l'ont lu, je pense qu'il a été rédigé à la hâte. A l'école primaire, la note de comportement serait en effet déterminante - les mots ont leur importance - en cas d'échec, c'est-à-dire pour un élève non promu, alors qu'au cycle d'orientation elle serait, toujours en cas d'échec, simplement prise en considération. Pour le primaire, elle est donc déterminante mais pour le cycle d'orientation, elle est prise en considération. Nonobstant le fait que ça ne veut rien dire - on peut interpréter ces termes-là comme on veut - il y a une disparité entre ces deux degrés qui ne s'explique nulle part, qui n'a pas lieu d'être et n'est pas justifiée. Par conséquent, c'est assez clair pour Ensemble à Gauche, Mesdames et Messieurs, et je pense, au vu du vote très majoritaire en commission, que nous allons de toute façon refuser ce projet de loi.
Le PLR, unique signataire du texte, veut améliorer les conditions de travail du corps enseignant. Pour reprendre le titre d'un article du «Temps», je crois, nous ne nions pas qu'il y a des «classes infernales» - ce n'est pas moi qui le dis, c'était le titre de l'article - par exemple au cycle d'orientation. Oui, il y a des problèmes de comportement. Il y a aussi, Mesdames et Messieurs du PLR, de plus en plus de classes difficiles dès le plus jeune âge: on a parlé de ces élèves qui posent énormément de problèmes à leur entrée à l'école mais ne peuvent pas être pris en charge correctement. C'est scandaleux, dans notre république ! Les maîtres et les maîtresses de première primaire n'ont pas les moyens d'encadrer les vingt-quatre élèves de leur classe parce qu'ils se retrouvent tout seuls et démunis. Or ces élèves devraient être pris en charge; alors votez tout simplement de temps en temps des postes pour l'école primaire au lieu de les sabrer comme vous l'avez fait récemment. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). On peut lire dans les prises de position, à la page 25 du rapport, que le commissaire UDC se reporterait au caucus; c'est ce qu'il a fait et nous avons traité ce projet de loi. Nous avons pris position sur le fond de ce texte, sur ce qu'il demande: le caucus a déterminé que c'est un projet de loi important et qu'il a tout son sens aujourd'hui. Nous avons donc pris la décision de le soutenir.
Oui, nous regrettons depuis déjà un petit moment le manque de discipline dans nos écoles; il faut quand même le relever. Depuis qu'il n'y a plus de note de comportement, ni même de discipline en général, on s'aperçoit que le niveau global des écoles a nettement baissé - on peut assez facilement le mesurer - en partie à cause du comportement des élèves. Et cette problématique a un impact sur l'ensemble des élèves.
Pour le dire clairement, le prof ne fait à peu près plus peur - comme le gendarme en ville: de moins en moins de personnes le respectent et le gendarme fait de moins en moins peur à la population, ce qui est plutôt inquiétant en soi. Eh bien à l'école, c'est la même chose ! Aujourd'hui, on reçoit une petite remontrance, éventuellement un petit texte à recopier et à faire signer aux parents, et puis voilà ! Si l'élève s'aperçoit qu'il n'aura, au-delà de ça, pas plus, ça ne l'encouragera finalement pas à faire mieux et à se discipliner. Et cette attitude se perpétuera malheureusement tout au long de sa vie: au cycle d'orientation mais plus tard également. Si on ne s'occupe pas de ces comportements lorsque les enfants sont tout petits, si le comportement de ces jeunes n'est pas correctement suivi, le problème les poursuivra toute leur vie, ce qui est franchement regrettable. C'est pour cela que notre caucus a déterminé que ce projet de loi allait dans le bon sens, et je vous encourage vivement à le soutenir. Je vous remercie.
Le président. Merci. Je passe la parole à Mme la députée Katia Leoni.
Mme Katia Leonelli (Ve). Merci, Monsieur le président. Mon nom de famille est Leonelli, avec deux «l». Mesdames les députées, Messieurs les députés, je vais en remettre une couche, après l'intervention de M. Florey, au risque de répéter certains arguments déjà apparus dans les prises de position de mes préopinants de gauche. Notre groupe s'opposera fermement à ce projet de loi. Le travail fait en commission a démontré que l'introduction d'une évaluation du comportement n'était bénéfique ni pour les élèves ni pour les enseignants.
Le système actuel, comme l'a dit M. Baud, est basé sur des critères et un commentaire, ce qui est bien sûr plus efficace et plus constructif qu'un simple chiffre ne voulant pas dire grand-chose - ce d'autant plus qu'il est impossible de donner des critères objectifs pour définir le comportement. (Brouhaha.) Un député PLR disait, je cite: «La note est un outil uniformisé et compréhensible par tous, permettant d'observer l'évolution globale du comportement sur une période longue.» (Brouhaha.) Est-ce qu'on peut avoir un peu de silence, s'il vous plaît ? (Un instant s'écoule.) Non ! Non, la note est un outil oppressant et biaisé, qui ne permet pas de rendre compte des personnalités particulières et des difficultés spécifiques de chaque élève.
La notation du comportement pourrait contribuer, dans le pire des cas, à une perte totale de confiance en soi des enfants alors qu'ils ont peut-être déjà des difficultés scolaires. Les notes ne leur permettraient en rien de faire des progrès, bien au contraire. L'argument selon lequel cette note pourrait être utile en cas de dérogation ne tient pas la route non plus: le comportement des élèves est déjà pris en compte dans ces cas-là. Cela se fait par le biais d'une discussion avec leurs enseignants, ce qui, vous l'admettrez tous, permet une bien plus grande finesse des propos.
Non, Mesdames et Messieurs les députés, une note de comportement n'est pas une baguette magique: elle ne permettra pas de régler les problèmes de comportement, de discipline, ni de sauver les enseignants confrontés à des classes turbulentes. Elle ne fera que leur donner du travail administratif supplémentaire. Ce qui permettrait de les aider, ce serait bien sûr des classes à effectifs réduits, une augmentation du taux d'encadrement - mais ce n'est un secret pour personne. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous encourage à voter contre ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites, mais la question que je me pose, c'est: à qui sert cette note ? On a peut-être envie de se dire qu'elle sert à l'élève, mais est-ce vraiment la bonne réponse ? Sert-elle au petit caïd qui, dans le préau, se vante de son 2 en comportement comme preuve qu'il fait bien son job de perturbateur, et qui est alors conforté dans son attitude ? Est-ce que c'est vraiment à lui que sert la note ? Je ne parle pas de l'élève rencontrant des difficultés d'apprentissage qui déploie des activités annexes, dérangeant la classe parce qu'il n'arrive plus à suivre. Une mauvaise note, il en a l'habitude; elle ne fera que démontrer qu'il n'est effectivement pas capable de rester à l'école, puisque l'école ne cesse de le lui dire !
Aux parents ? Est-ce aux parents que sert la note ? Comment lire la note ? S'agit-il de bavardages, de dérangements, d'un vocabulaire outrancier ? Aux enseignants ? Quelle grille et quels critères seront mis en place, et comment les mettre en oeuvre ? Comment traduire les divers comportements: le petit bavardeur ou la petite bavardeuse récidiviste aura-t-il ou aura-t-elle la même sanction notifiée que celui ou celle qui injurie, ne serait-ce qu'une seule fois ?
Les problèmes de comportement en milieu scolaire augmentent: c'est un fait et cela a déjà été dit. Ne fermons pas les yeux, mais une note de comportement ne changera pas la conduite de certains élèves. Actuellement, l'évaluation du comportement est fondée sur plusieurs aspects et incite à développer des objectifs. N'est-ce pas là le coeur de la pédagogie: formuler des objectifs et permettre de les atteindre ? Pour toutes ces raisons, le PDC refusera le projet de loi proposé et vous invite à en faire de même.
Mme Danièle Magnin (MCG). C'est malheureusement un petit peu difficile de se concentrer au milieu du nid de bavards autour de moi.
Une voix. Je plaide coupable ! (Commentaires. Rires.)
Mme Danièle Magnin. Le groupe MCG soutiendra ce texte. Je voudrais commencer par vous rappeler, très rapidement, l'article 10 de la loi genevoise sur l'instruction publique, qui parle des finalités et objectifs de l'école publique. L'alinéa 1, lettres d et e, précise en particulier que les buts de l'école sont:
«d) de préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l'indépendance de jugement;
e) de rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l'entoure, en éveillant en lui le respect d'autrui, la tolérance à la différence, l'esprit de solidarité et de coopération et l'attachement aux objectifs du développement durable;»
Bien. (Brouhaha.) Dans notre système scolaire, il y a aujourd'hui plein de directeurs, qui effectuent un travail administratif... (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Merci, Monsieur le président. ...mais il n'y a plus d'inspecteurs, qui pouvaient rappeler les élèves à l'ordre en cas de nécessité.
Il me semble que les notes sont le point de départ pour un processus objectivable en vue de sanctions lorsqu'on a affaire, comme l'a mentionné ma préopinante PDC, à des petits caïds. Il faut qu'on ait un système de sanctions, et pour que ces sanctions puissent être prises, il faut que les causes soient mentionnées ! Et ces causes peuvent effectivement être des oublis, mais ça peut être des choses beaucoup beaucoup plus graves; je pense notamment au harcèlement sexuel «entre pairs» entre guillemets - lorsque des élèves se harcèlent entre eux, font toutes sortes de choses très négatives. Il est nécessaire d'avoir des motifs objectifs pour avoir des procédures qui peuvent conduire même à un procès devant le tribunal des mineurs. Et ces motifs pourront ressortir au travers de la note de comportement. Raison pour laquelle, notamment, le MCG soutiendra ce projet de loi.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Jean Romain pour une minute quarante-sept.
M. Jean Romain (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Je n'avais pas l'intention de parler, mais j'ai entendu quelqu'un dire que la note est, je cite, «un outil oppressant». L'adjectif est tout à fait intéressant: ça signifie que dans l'esprit de certains, quelle que soit la note, la note oppresse. Elle n'est plus le marqueur de la distance qui sépare l'élève de ce qu'on attend de lui. Non, au fond, en supprimant les notes - et en supprimant cette note-là - il s'agit de supprimer l'oppression: l'école n'est évidemment qu'une des multiples figures de la société, où les opprimés sont les élèves et les oppresseurs les professeurs ! Vous imaginez à quel point je suis éloigné d'une manière aussi sotte de penser l'école !
La deuxième chose que je voudrais dire, c'est que la note de comportement ne remplace pas une notice écrite. Qui a dit ça ? Jamais il n'a été dit que la note serait mise à la place d'autre chose ! Elle donnerait au contraire la possibilité d'ajouter une autre indication à celles que le carnet renferme déjà et de voir au fil des mois, peut-être même au fil des années, comment ce comportement s'améliore ou à l'inverse n'évolue pas comme on aimerait.
A quoi sert la note, nous demande-t-on. Mais il ne s'agit pas tant de servir ! Elle est tout simplement un outil qui indique où en est l'élève. On parle d'objectifs à propos de l'école; que le terme est militaire ! Il y a des objectifs ! Non, c'est un terme qu'on ne peut pas nécessairement approuver. L'école a un but: transmettre un savoir, et pour transmettre un savoir, il faut un certain climat ! Ce climat n'existe pas dans de nombreuses classes, on l'a répété, et il y a plusieurs moyens pour l'y instaurer...
Le président. Je vous remercie.
M. Jean Romain. C'est vrai que la note n'est pas le seul moyen...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Jean Romain. ...c'en est un de plus. Merci.
Le président. Je passe la parole pour trente-six secondes à M. Christian Bavarel.
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président, ce sera largement suffisant. Je me réjouis de voir les entreprises adopter simplement des notes au lieu de l'entretien d'évaluation annuel avec une fixation d'objectifs. A mon avis, on va aller droit dans le mur si on commence à fonctionner dans le monde économique comme vous le proposez. Mais je regarderai ça avec un grand sourire !
Le président. Merci. Je passe la parole à Mme la conseillère... (Remarque.) Ah, un instant. (Remarque.) Non, il n'y a plus de temps pour le PLR. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais vous dire trois choses. Premièrement, rien dans l'expérience de ces dernières années ne montre que la note de comportement permet d'améliorer le climat scolaire. D'autres facteurs jouent un rôle et c'est sur ces facteurs-là que nous devons agir.
Deuxièmement, ce qui m'inquiète peut-être le plus dans ce projet de loi, ce n'est pas, au fond, le fait de mettre une note: il y aurait des complications, des problèmes informatiques, etc., mais, dans l'absolu, ça ne changerait pas la face du monde. Ce qui m'inquiète, c'est qu'on veut utiliser la note de comportement pour permettre ou non le passage d'une année à l'autre. Or le passage d'un degré à l'autre doit se faire exclusivement sur la base des compétences des élèves et de leur capacité à atteindre les objectifs l'année suivante.
Troisième chose, et je pense que c'est un argument auquel le député Romain sera sensible, aucun canton latin - aucun canton latin, je le répète, et par conséquent le Valais non plus - ne met aujourd'hui des notes de comportement à l'école obligatoire. Je ne résisterai pas au plaisir de citer un extrait du registre de la Compagnie des pasteurs de Genève - je ne suis pas sûre que tout le monde ici a lu le rapport. Dans cet extrait, qui date du début du XVIIe siècle, les pasteurs regrettaient le comportement des élèves, indiquant notamment que - je cite - «l'école s'écroule», que «les scandales se multiplient tous les jours», tels les rixes, le port d'arme, le tapage nocturne, la fréquentation des tavernes, le bruit dans les temples ou les canulars. Merci de votre attention.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12141 est rejeté en premier débat par 51 non contre 41 oui. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)