Séance du
vendredi 17 janvier 2020 à
16h10
2e
législature -
2e
année -
9e
session -
50e
séance
M 2381-A
Débat
Le président. L'ordre du jour appelle la M 2381-A, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de M. Cyril Aellen, à qui je passe la parole.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il s'agit d'une motion visant à demander au Conseil d'Etat de lui-même demander à ses représentants au sein du comité de la CPEG de tout entreprendre pour que la caisse de prévoyance désinvestisse rapidement des énergies fossiles. Cette motion pose donc deux questions: est-ce possible, et est-ce nécessaire ? A la première question - est-ce possible ? - la réponse est non, parce que le comité de la caisse est seul habilité à prendre ce type de décision. Le Conseil d'Etat ne pourrait pas lui donner des instructions pour des raisons d'indépendance: en tant qu'employeur, il désigne des représentants, qui doivent agir en toute indépendance et prendre des décisions en engageant leur propre responsabilité.
Laissons ça de côté et admettons que ce soit possible - ça ne l'est pas, mais admettons que ce soit possible. Est-ce nécessaire ? Ma réponse sera, là, plus complète. D'abord - ce sont les pages 21 et suivantes du rapport qui le disent - la loi fixe déjà un cadre qui impose à la caisse d'investir dans le développement durable, ou en tout cas le lui suggère, en faisant des investissements responsables. Fort de cette loi, le comité a pris un certain nombre de mesures, avec en décembre 2017 une politique générale de placement qui tient compte de la problématique du développement durable par le biais d'investissements responsables, et des directives revues en juin 2018. Il a également pris différentes autres mesures lui permettant de faire des investissements qui sont dans l'intérêt à la fois de la caisse et de ses assurés, et cela en tenant compte de la problématique du développement durable. Des investissements responsables sont donc effectués, avec une approche globale qui tient compte des critères tant environnementaux que sociaux et de bonne gouvernance.
A la deuxième question - est-ce que c'est nécessaire ? - la réponse est par conséquent non. Le comité de la caisse fait déjà ce qu'on voudrait demander au Conseil d'Etat de lui-même demander au comité de la caisse d'entreprendre, bien que ça ne nous soit par ailleurs pas possible ! C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission a considéré que s'il n'est pas possible de donner suite à cette motion, ce n'est pas très grave parce que le comité de la caisse remplit déjà les objectifs que les motionnaires voudraient lui assigner.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de première minorité. Chères et chers collègues, les deux questions que pose le rapporteur de majorité sont effectivement celles qu'il faut se poser: est-ce possible et est-ce souhaitable ? Est-ce que le comité de la caisse est le seul responsable, devant la loi, des investissements qu'il fait et peut même être poursuivi pénalement ? C'est bien le cas: la réponse est oui. Le comité de la CPEG est l'unique responsable des investissements qu'il choisit de faire dans l'intérêt de la caisse. Deuxième question: est-ce que la caisse fait aujourd'hui des efforts en vue d'une décarbonisation de son portefeuille ? Certains efforts sont entrepris, elle avance et a renoncé au charbon - ce n'est pas la pire des caisses dans ce domaine.
Vous allez me dire: pourquoi alors maintenir cette motion ? Pour plusieurs raisons. La première, c'est qu'il faut bien être conscient que les émissions de gaz à effet de serre de la place financière suisse sont plus de vingt fois supérieures à celles que l'ensemble de la Suisse émet en tant que pays, simplement du fait des investissements réalisés par les compagnies d'assurance et les caisses de pension. Les investissements des caisses de pension constituent donc un élément fondamental de la politique climatique de la Suisse. C'est pourquoi la principale campagne de l'Alliance climatique suisse, qui regroupe plus de septante ONG actives dans la lutte contre le réchauffement climatique, se concentre depuis deux ans sur les investissements de la place financière suisse, avec deux axes: les investissements de la Banque nationale, qui croule sous les bénéfices en ayant très peu de conscience écologique, et les caisses de pension. S'agissant de celles-ci, l'Alliance climatique a décidé d'établir un rating, comme on dit, en les notant sur la base de leurs performances climatiques. Est-ce que la CPEG est exemplaire ? La question mérite d'être posée.
La CPEG est quand même la quatorzième caisse de pension de Suisse, toutes caisses confondues; ce ne serait donc pas un détail si elle ne remplissait pas ses obligations climatiques. Les caisses sont classées par couleur - vert, orange ou rouge - et, malgré les efforts qu'elle fait, la CPEG n'est pas dans le vert. Ses efforts sont aujourd'hui insuffisants puisqu'elle est classée parmi les caisses oranges. Si elle ne fait pas partie des pires, et on le savait, elle n'est pas non plus parmi les meilleures. Il est par conséquent de notre responsabilité politique, en tant que parlement, d'alerter le comité de la caisse, qui reste libre. Nous avons la responsabilité politique, en tant que parlement, de lutter contre le réchauffement climatique et de sensibiliser un acteur important de cette lutte au niveau genevois pour qu'il fasse des efforts en la matière. Le rapport de l'Alliance climatique le dit d'ailleurs: pour la CPEG, une décarbonisation stratégique du portefeuille fait toujours défaut, l'inscription d'une stratégie climatique dans sa politique générale de développement durable serait nécessaire pour mettre en oeuvre une décarbonisation pratique par désinvestissement/investissement, associée à un objectif mesurable de moins 50% d'ici 2025. C'est tout ce que nous voulons rappeler à la caisse par ce texte, raison pour laquelle les Verts ont modifié l'invite initiale, qui demandait au Conseil d'Etat d'exiger de la caisse ces changements, pour aujourd'hui simplement l'inviter à les faire - à y réfléchir. Nous prenons nos responsabilités et nous espérons que ce Grand Conseil prendra également les siennes. Je vous remercie de l'accueil que vous réserverez à cette motion et à son amendement. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. En premier lieu, j'aimerais dire que cette motion est un texte d'actualité. Quand on voit ce qui se passe aujourd'hui sur certains continents ou dans certains pays, comme en Australie, on se dit que les questions qu'elle soulève sont effectivement pertinentes. Le deuxième élément que je voudrais relever, c'est qu'il s'agit d'une motion, Mesdames et Messieurs les députés, pas d'un projet de loi: il est ici question d'affirmer une position politique ! Il est question d'affirmer une position politique à l'intention du Conseil d'Etat; ensuite, sa possible mise en oeuvre est moins notre problème ! Nous devons ici affirmer une position politique, ainsi que l'a fait à l'époque M. Rockefeller - d'une manière différente, c'est vrai - quand il a décidé que le pétrole devrait s'imposer comme l'énergie du futur pour les moyens de transport. Il a obligé les collectivités publiques à renoncer aux transports publics qui, notamment dans la ville de San Francisco, fonctionnaient avec l'énergie électrique. On a laissé tomber certaines recherches: on a par exemple mis de côté celles sur la pile à hydrogène, au profit justement de cette énergie du futur. On a vraiment insisté sur le pétrole parce que le marché pétrolier devenait hyper intéressant, et la société a complètement suivi le mouvement.
Aujourd'hui, nous sommes face à un changement de société ! C'est dans ce cadre-là que s'inscrit cette motion, Mesdames et Messieurs ! Elle vise à dire au Conseil d'Etat de faire entendre à la caisse qu'il est éminemment important de changer de mode de vie et de fonctionnement, notamment s'agissant des énergies utilisées. Les caisses ont effectivement des moyens financiers très conséquents. Il apparaît dans le rapport que «la caisse de pension de la Ville de Berlin a récemment décidé de désinvestir complètement des énergies fossiles, suivant ainsi l'exemple des caisses de pension d'Oslo, de Copenhague, de Stockholm, de Paris, d'Oxford, de Bristol, de Melbourne, de Seattle, de San Francisco» et autres. Si d'autres l'ont fait, c'est donc possible de le faire !
Le rapporteur de majorité a insisté sur les difficultés qu'aurait l'exécutif à imposer ce changement à la caisse. Eh bien il faut trouver le moyen ! Il y a peut-être un moyen et il faut le trouver. C'est pourquoi nous demandons que la motion, comme proposé, «invite le Conseil d'Etat à inviter le comité de la CPEG» - à inviter le comité de la CPEG ! - «à élaborer un plan de désinvestissement des énergies fossiles». Il est invité à élaborer un plan de désinvestissement, Mesdames et Messieurs ! Ce ne serait même pas du jour au lendemain: on lui donne du temps pour essayer de prendre le virage. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à insister sur le fait que cette motion est d'actualité et qu'il nous faudrait la voter. Merci.
M. Eric Leyvraz (UDC). Interdire à la CPEG les investissements dans des entreprises s'occupant d'énergies fossiles enfreindrait la LPP car c'est la Confédération qui, seule, dispose de la compétence en matière de réglementation de la prévoyance professionnelle. La LCPEG attribue au comité la compétence inaliénable et intransmissible en matière de placements. Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ne sont donc pas compétents en la matière et ne peuvent rien imposer, ou suggérer, aux administrateurs de la caisse. Cela devrait déjà suffire pour refuser cette motion.
Rappelons aussi que la CPEG est citée comme modèle pour le bon rendement de ses placements. L'organe suprême de la caisse n'est d'ailleurs pas resté les bras croisés face au problème de la durabilité des placements et a présenté une directive sur l'investissement responsable en 2014 déjà. Il a donc fort bien anticipé les attentes légitimes des citoyens, préoccupés par les problèmes climatiques. Son exposition aux énergies fossiles est très faible - elle n'a d'ailleurs jamais été aussi basse. En conclusion, laissons la caisse travailler avec efficacité: elle démontre qu'elle le fait très bien et avec beaucoup d'éthique. Et si on arrêtait de perdre du temps avec des motions contraires au droit supérieur, ce serait encore mieux ! L'UDC refusera cette motion et vous demande de faire de même.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez toutes et tous le vieil adage qui dit que l'argent est le nerf de la guerre. Il s'applique en l'occurrence plutôt bien à la question qui se pose aujourd'hui et à l'objet de cette motion, à savoir la stratégie d'investissement de la CPEG. Les investissements dans les énergies fossiles de la CPEG sont en effet déjà à l'heure actuelle - et on s'en réjouit - relativement restreints proportionnellement: 1,5%. Mais ça représente quand même 200 millions d'investissements, ce qui n'est absolument pas un montant négligeable. Or il n'échappera à personne que lorsqu'on investit dans les énergies fossiles, eh bien on les encourage ! Ce qui est totalement contraire non seulement à une lutte efficace face à l'urgence climatique, mais également au plan climat cantonal et à l'article 158 de notre constitution, qui prévoit que «l'Etat met en oeuvre des politiques propres à réduire les gaz à effet de serre». C'est certainement une lapalissade, Mesdames et Messieurs les députés, que de dire que les énergies fossiles ne sont pas des énergies durables, quoiqu'une partie de ce Grand Conseil - et même une majorité - semble remettre cela en cause.
Ce ne sont pourtant pas des énergies durables d'un point de vue environnemental, climatique ou de la qualité de notre air, et ce n'est pas non plus un investissement durable financièrement. Face au risque d'éclatement de la bulle carbone ces prochaines années, l'investissement dans les énergies fossiles s'avère en effet de plus en plus risqué pour la CPEG. Nous nous trouvons donc aujourd'hui dans une situation où les intérêts de la caisse de pension, de ses assurés et de l'Etat rejoignent l'intérêt public, à savoir la préservation de notre environnement. C'est pourquoi les socialistes vous recommandent d'accepter cette motion. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Cette motion a un grand intérêt parce qu'elle nous a permis de mieux comprendre, à la commission des finances, quel était le travail actuellement effectué - qui est et va être effectué - par la CPEG. Et c'est un travail, je dois dire, relativement considérable. Pour s'en rendre compte, il suffit de lire attentivement le rapport et ses annexes: on voit très clairement qu'un travail très précis est fait, travail qui correspond d'ailleurs aux attentes des motionnaires, auxquelles on a répondu avant même qu'elles soient formulées.
Le seul avantage de cette motion, c'est que nous avons maintenant des informations; je vais juste donner deux exemples. On nous a en particulier dit qu'il y avait une participation au plan CDP, dont l'objectif est d'obtenir des entreprises de répondre à un questionnaire climatique et de divulguer les émissions de GES - gaz à effet de serre - sur une base homogène. Avec ce plan, on va pouvoir interpeller les entreprises par le biais des placements financiers afin qu'elles aillent dans la bonne direction. Autre élément à relever, l'exclusion de certains placements, par exemple dans le nucléaire, dans le charbon ou dans d'autres domaines comme l'armement. Il y a des exclusions: la CPEG se refuse à investir dans ces domaines-là, ce qui est tout à fait positif. Ce serait faux de croire qu'on ne fait rien, au contraire.
Maintenant se pose une question fondamentale: est-ce au Grand Conseil de dire au Conseil d'Etat de dire au comité de la CPEG ce qu'il doit faire, même s'il a de bonnes idées ? A notre sens, nous nous engageons véritablement là sur un terrain un peu délicat. Si rien n'était fait, je répondrais oui: la motion aurait tout son sens. Mais étant donné le travail effectué, nous nous retrouverions un peu dans la position du donneur de leçons maladroit. Nous ne voulons pas être un donneur de leçons maladroit, qui, de plus, comprend tout de travers, et c'est plus ou moins le rôle que nous aurions si nous votions cette motion. C'est pour ça que, tout en soutenant le but de ce texte, nous refuserons celui-ci: le travail est en train de se faire et nous nous en félicitons.
Le président. Merci, je passe la parole à M. le député Patrick Dimier pour une minute vingt.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je n'aurai pas besoin d'autant de temps. Je voudrais juste dire que j'appartiens, au sein de l'assemblée générale de la BNS, à un tout petit groupe de personnes qui demande depuis des années à l'institution de cesser ce genre d'investissements. Vous savez, c'est cette assemblée générale où chaque canton doit siéger mais où on ne voit jamais notre Conseil d'Etat parce qu'il est bien mieux occupé ailleurs. Cela pour dire que nous n'avons pas, nous, parlement, à nous occuper de ce qui n'est même pas de la compétence du gouvernement ! Notre collègue Leyvraz l'a pertinemment rappelé tout à l'heure: nous n'avons pas de levier ! Cela ne veut pas dire que notre voix ne doit pas être entendue par le Conseil d'Etat, pour autant qu'il ait quelques oreilles à nous prêter et entende ce que nous lui disons. Nous ne devons pas soutenir des investissements contraires à ce que nous voulons majoritairement ! Un petit point n'a pas été mentionné dans cette motion...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Patrick Dimier. Je finis !
Le président. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier. ...c'est l'énergie nucléaire...
Le président. Je vous remercie, Monsieur Dimier.
M. Patrick Dimier. Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette motion a été traitée par la commission au printemps dernier. Que s'est-il passé depuis le printemps dernier ? Ce parlement a voté l'urgence climatique - on l'a rappelé tout à l'heure - et le Conseil d'Etat l'a pris en compte. Que s'est-il passé d'autre ? Il y a eu un petit match de tennis dans une banque et le jugement qui a été rendu récemment reconnaît la légitimité de mettre en avant la lutte contre le réchauffement climatique.
Les bancs d'en face disent relativement souvent, aux niveaux cantonal et fédéral, que la Suisse est un petit pays mais que nous devons agir de façon globale. Et comme on l'a justement signalé tout à l'heure, les investissements que la Suisse fait à travers ses banques, ses caisses de pension et ses assurances sont responsables d'émissions de CO2 vingt-deux fois plus élevées que celles que nous émettons dans le pays ! Vous avez donc la possibilité, à travers cette motion, d'agir de façon globale et non seulement locale.
Nous respectons bien entendu la liberté de placement de la CPEG, qui lui est conférée par la loi sur la prévoyance professionnelle, mais nous tenons néanmoins à ce que cette caisse, qui est quand même la caisse de prévoyance de l'ensemble de la fonction publique, ait un certain devoir d'exemplarité. C'est dans ce sens-là que nous espérons pouvoir influer sur son fonctionnement, non seulement pour abaisser le bilan CO2 et le rendre compatible avec l'urgence climatique, mais aussi parce que nous considérons que les placements décarbonés présentent nettement moins de risques à moyen terme - et cela au bénéfice des affiliés de la caisse, comme on l'a rappelé tout à l'heure.
Les auditions de la CPEG ont montré - et on l'a également mentionné - que cette caisse s'efforce de décarboner son portefeuille ainsi que d'influer sur les sociétés dans lesquelles elle détient des participations. Nous pensons toutefois que davantage peut être fait, et c'est pourquoi nous maintenons notre motion et l'amendons dans la forme qui a été indiquée par le rapporteur de première minorité. Cette incitation ne doit pas être vue comme un corset à la politique de placement de la CPEG mais bien plutôt comme un encouragement à poursuivre et à intensifier les actions entreprises par cette caisse. Je vous remercie.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, il faut rappeler que cette caisse est autonome. A ce stade, au travers de la constitution, on lui a déjà passablement amputé la gestion de ses investissements immobiliers: vous savez que la CPEG ne peut pas vendre un immeuble. Cela est dans la constitution et fait partie de son carcan, qu'on le veuille ou non. Ce carcan, on souhaite aujourd'hui le resserrer. Cette caisse autonome a un règlement de placement qui a certainement été discuté de manière très démocratique tant au sein des assurés que de l'ensemble des collaborateurs de la CPEG. Responsables, Mesdames et Messieurs, ils le sont ! Quand le parti des Verts a souhaité les entendre sur l'ensemble de ces placements, ils les ont reçus ! Ils ont pu discuter et se rendre compte des difficultés auxquelles la caisse est confrontée.
Nous avons pu poser plusieurs questions à l'ensemble des gens qui ont lancé ces motions, notamment la dernière d'entre elles - la motion carbone. Une des questions formulées a été: qu'est-ce qu'il serait nécessaire d'entreprendre, et d'entreprendre tout de suite, pour faire des efforts allant dans la direction d'une responsabilité en matière de climat ? Je n'ai pas obtenu de réponse en commission, Mesdames et Messieurs ! Non, je n'ai pas eu de réponse ! La caisse a dit quant à elle: «Ecoutez, cette motion ne nous dérange pas - elle peut nous aider.» Mesdames et Messieurs des Verts, sur quelle base peut-on l'aider ? La responsabilité de la caisse est de payer des rentes, d'être au service des personnes à la retraite - elle est de faire du bénéfice ! N'optons pas pour des carcans impossibles ! Demain, nous allons nous attaquer à l'or ! Est-ce que ça profite aux entreprises d'avoir des tas d'or dans des coffres-forts ? Non, ça ne profite pas au monde de l'entreprise ! Ce n'est pas ce qui permet à une entreprise d'engager des investissements. Bien que l'idée soit bonne, Mesdames et Messieurs, je crois que nous faisons fausse route. Mais l'important, c'est que les gens ont été entendus; les gens se sont rendu compte que le travail se fait et que la CPEG est effectivement responsable. C'est pourquoi le parti démocrate-chrétien ne votera pas cette motion.
Une voix. Très bien !
M. Jean Burgermeister (EAG). Nous avons pu entendre que la CPEG fait mieux que d'autres caisses de pension. Il faut dire que ce n'est pas difficile: une grande partie d'entre elles investit massivement dans les secteurs fossiles, avec des conséquences globales très importantes - elles ont été rappelées tout à l'heure. Il y a là une piste réelle pour lutter, en Suisse, contre le réchauffement climatique: réduire drastiquement les investissements dans les secteurs fossiles, non seulement des caisses de pension mais aussi de l'ensemble de la place financière, qui pèse très très lourdement, au niveau mondial, dans ce domaine.
Il s'agit là d'une motion non contraignante pour la CPEG qui, même si elle fait mieux que beaucoup d'autres, investit néanmoins 200 millions dans le secteur fossile. Alors ça représente seulement 1,5% de son portefeuille ? Eh bien tant mieux ! Ça prouve que la CPEG n'a pas besoin d'investir dans le fossile pour fonctionner puisque, pour l'essentiel, elle s'en passe ! Pour 98,5% de son portefeuille, elle fait sans ! Il ne lui reste qu'un tout petit bout de chemin à parcourir afin de s'extraire complètement de ce secteur, désastreux sur un plan environnemental. Il faut évidemment voter cette motion non contraignante comme symbole politique, à l'heure où même la justice donne raison aux jeunes qui occupent le Credit Suisse pour dénoncer les investissements de la banque.
Il faut voter ce texte comme signal politique et il faudra bien sûr aller beaucoup plus loin ! Nous avons entendu tout à l'heure, lors de certaines interventions, qu'il ne s'agit pas d'un corset mais d'une indication; il faut absolument que nous travaillions à mettre des corsets aux investissements des caisses de pension, en tout cas pour ce qui est des caisses publiques. Celles-ci doivent avoir l'interdiction d'investir dans les secteurs fossiles; plus largement, il faut durcir drastiquement les possibilités d'investissement des caisses de pension, y compris privées, et de la finance. Cette motion représente un tout petit premier pas, Mesdames et Messieurs les députés, et Ensemble à Gauche vous invite à voter oui.
M. Jacques Béné (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le problème est simple: tout secteur économique génère des émissions carbone. Il utilise en partie des énergies fossiles. C'est de plus, on l'a dit, une loi fédérale qui gère la question des placements des caisses de pension; j'invite Mme Pasquier et M. Dandrès, les nouveaux élus de gauche au Conseil national, à déposer le même genre de texte pour modifier la LPP et on verra bien ce qu'il en sera fait.
Mais dans la mesure où tout est effectivement émission de carbone, Mesdames et Messieurs, que faut-il que nous fassions ? Que nous n'investissions plus que dans les obligations de la Confédération ? Je sais que, pour la gauche, ce ne serait pas très grave: quoique les assurés soient péjorés, il y a la garantie de l'Etat et ce serait de toute façon le contribuable qui paierait. Non, Mesdames et Messieurs.
Si la question des émissions de carbone est problématique - et d'autres objets sont encore pendants devant les commissions du Grand Conseil - c'est que cette réduction jusqu'au-boutiste est voulue par certains groupes politiques pour une question, comme l'a dit M. Burgermeister, de symbolique politique ! Il n'y a pas que la symbolique: les objectifs doivent être atteignables et on sait très bien que tous ne le sont pas ! La réduction drastique déjà opérée par la CPEG est une bonne chose - nous sommes conscients qu'elle peut aller plus loin et elle l'est aussi.
Pour en revenir aux émissions de CO2, Mesdames et Messieurs, j'aimerais savoir ce que pense la gauche de celles dont sont responsables les entreprises qui construisent des bus, des trams. Est-ce qu'il faut également arrêter d'investir dans ces technologies-là, ce qui ne permettra plus de faire de nouvelles avancées technologiques ? Est-ce qu'il faut arrêter d'investir dans l'immobilier, puisque qui dit immobilier dit locataires et que ceux-ci sont de gros consommateurs d'énergie ? J'avais une fois proposé à M. Velasco de déposer ensemble un projet de loi ou une motion qui demanderait par exemple à l'ASLOCA d'arrêter de défendre les locataires se plaignant parce que la température dans leur logement est inférieure à 23 degrés - c'est en gros ce qu'on admet avoir besoin dans un appartement. Une température plus basse d'un degré dans un appartement représente en effet une diminution de la consommation d'énergie de 7% à 10%. Alors est-ce qu'il faut aussi arrêter d'investir dans l'immobilier ?
J'aimerais savoir dans quoi la CPEG va pouvoir investir si le zéro carbone est le seul critère pour ses placements, ou pour ceux des caisses de pension. Il faut bien évidemment refuser d'entrer en matière sur cette motion, tout en continuant à encourager la CPEG à faire le maximum pour diminuer son empreinte carbone et ses placements dans les énergies fossiles. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, permettez-moi de dire à M. Béné qu'on peut construire des immeubles et fabriquer toutes sortes de produits industriels avec des énergies renouvelables. C'est possible, Monsieur ! C'est possible avec l'énergie solaire, hydraulique et j'en passe. Oui, c'est possible !
Ensuite, si vous me le permettez, Monsieur le président, je voudrais dire à M. Cerutti qu'il se peut, à l'allure où vont les choses, avec les désastres climatiques qu'on vit, qu'un jour on ne puisse même pas payer les rentes ! Le problème posé ici est un problème politique. Cette motion est là pour dire qu'on doit prendre ce virage ! On ne peut plus, disons, rester comme on est: il faut prendre ce virage. Et on demande à la caisse de le prendre !
C'est un acte politique qu'on demande ici et, entre parenthèses, je suis convaincu qu'il y a aussi un marché, du business à faire, dans la production d'énergies renouvelables et de biens, tout en respectant le climat. J'en suis convaincu: la caisse peut investir sans aucun problème dans ces secteurs-là afin de continuer à payer des rentes dans le futur. Je vous invite à voter cette motion. Merci.
Le président. Avant de passer la parole à M. le député Mathias Buschbeck, je vous rappelle que l'écran ne marche pas, mais le temps est bien chronométré; nous voyons ici, sur notre tableau, le décompte. Ne vous fiez donc pas trop à l'écran. Monsieur Buschbeck, la parole est à vous.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président, ça me trouble. Je suis un peu déçu par ce que j'ai entendu de la droite de ce parlement, qui se cache un petit peu derrière des arguties juridiques en se demandant si c'est vraiment à nous de dire à la CPEG ce qu'elle doit faire ! On sait qu'il est d'une importance cruciale pour le climat que la CPEG agisse efficacement en matière de placements. Malheureusement, l'économie pense souvent à court terme - parfois à moyen terme mais jamais à long terme; à mon sens, c'est notre rôle de le faire. Personne n'ira reprocher en 2030 ou en 2040 les placements qu'on aura faits en 2020 ! Les gens diront simplement: ils ne pouvaient pas savoir. C'est à nous de le leur dire; c'est à nous de le leur rappeler. C'est pourquoi je vous appelle vraiment à voter la motion avec l'amendement proposé.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité. Je voudrais faire trois remarques. La première est à l'intention de M. Burgermeister: on ne peut pas voter des textes en disant que ce n'est pas grave s'ils sont contraires au droit puisqu'ils ne sont pas contraignants. Voter des choses auxquelles on ne croit pas rend notre travail totalement futile ! Dans ce cas particulier, on ne peut pas donner des instructions au comité de la caisse et, par voie de conséquence, il ne faut pas en donner. Autrement, si on considère que ce n'est de toute façon pas grave puisque ce n'est pas contraignant, aucune des motions que nous votons n'a d'importance, parce qu'on en fait ce qu'on en veut ! Voilà pour la première remarque.
La deuxième remarque, c'est à M. Velasco et à Mme Marti que j'aimerais l'adresser. Ils font la démonstration d'exactement ce pourquoi la loi fédérale précise qu'il n'appartient pas à l'employeur, au parlement en tant que représentant de l'Etat, de prendre des mesures. Les deux préopinants indiquent qu'il faut donner ces instructions à la caisse pour des raisons financières également; le seul problème, c'est que c'est justement parce que les investissements ont des incidences financières notables que la responsabilité des représentants et de ceux qui siègent au comité est engagée. Je ne sais pas si la population les leur reprochera ou non, mais ce sont eux qui devront en répondre devant les juges civils - et le cas échéant pénaux - s'ils font des investissements qui s'avèrent calamiteux. Ce n'est pas à nous de donner des instructions précisément parce que ce ne sera pas à nous d'en assumer la responsabilité. C'est pour ça qu'on désigne des représentants, qui doivent agir en leur âme et conscience.
Enfin, Monsieur le président, je conclus en disant que les deux amendements sont encore pires que le texte initial, parce qu'ils donnent des instructions non pas - même pas - aux représentants de l'Etat au sein du comité mais au comité lui-même, ce qui est encore plus difficile à comprendre dans le cas d'une motion.
Le président. Je vous remercie. Nous allons commencer par voter sur l'amendement des Verts. Il s'agit de remplacer l'invite initiale par celle-ci: «à inviter le comité de la CPEG à élaborer un plan de désinvestissement des énergies fossiles».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 36 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 2381 est rejetée par 56 non contre 39 oui.