Séance du
vendredi 22 novembre 2019 à
18h
2e
législature -
2e
année -
7e
session -
40e
séance
PL 12407-A
Premier débat
Le président. Nous traitons maintenant le rapport de la commission législative sur le projet de loi 12407. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur, M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Les auteurs de ce projet de loi demandent essentiellement que, d'une part, le budget des activités exercées sous forme de monopole public ne prévoie pas d'excédents, et que, d'autre part, les excédents provenant d'activités exercées sous forme de monopole soient réinvestis pour améliorer les prestations.
Ce projet de loi pose de multiples problèmes. Le premier est le suivant: comment attribuer une partie des bénéfices ou des excédents aux collectivités publiques ? Exemple, l'Aéroport international de Genève, qui exerce une activité de monopole, perçoit des revenus provenant essentiellement de la location de surfaces commerciales ou de taxes aéroportuaires, qui dépendent de la Confédération. Deuxième exemple, les Services industriels de Genève ont un modèle de fonctionnement basé sur les métiers ou par secteur. Ce projet de loi poserait dans les deux cas d'énormes problèmes. Comment les excédents de ces deux instituts devraient-ils être réinvestis ? Par secteur ? Par corps de métier ? Comment réinvestir les bénéfices éventuels de l'Aéroport international de Genève qui proviennent de la location de locaux commerciaux ?
En plus de cela, l'Etat devrait renoncer à des bénéfices quand même conséquents. Pour mémoire, l'Aéroport international de Genève verse environ 40 millions de francs chaque année à l'Etat de Genève et les SIG environ 16 millions. Ces instituts de droit public, avec ou sans activité sous forme de monopole, sont déjà soumis à un cadre légal et rendent déjà régulièrement des comptes au Conseil d'Etat et même au législatif.
Selon toutes les auditions que nous avons menées, ce texte est inapplicable. Il faut quand même rappeler que l'Etat impose déjà à tous les instituts de droit public un mandat clair, des moyens et également des objectifs. Ce projet de loi serait contraire à la gestion actuelle des instituts de droit public. Il rendrait moins visible, voire floue, la mission que leur donne l'Etat et surtout diluerait la responsabilité des instituts de droit public elle-même. L'immense majorité de la commission vous recommande de rejeter ce projet de loi. Merci de votre attention.
M. Alberto Velasco (S). On l'a vu au cours du débat tout à l'heure, la tendance a effectivement été jusqu'à présent de baisser les revenus fiscaux de l'Etat, avec des projets comme ceux qu'on nous a présentés. Donc, il faut chercher ces revenus ailleurs et on va demander aux entreprises publiques, qui en principe sont chargées de délivrer une prestation publique à prix coûtant, de faire des bénéfices. Avant, on n'aurait jamais demandé aux Services industriels de verser une part de leur excédent à l'Etat, et c'est le cas aussi pour l'aéroport. Mais la logique de ce projet de loi, c'est de dire que si une entité est chargée de délivrer une prestation publique - je dis bien publique ! - elle devrait la délivrer à prix coûtant. Et puis, s'il y a des excédents, eh bien ce sont des excédents, pas des bénéfices - je dis bien des excédents ! - et ils sont utilisés dans le but de faire baisser les coûts, pour permettre que cette prestation soit la plus accessible possible. Sinon, Mesdames et Messieurs, changez leur nom ! Changez leur nom ! Ce ne sont plus des services publics, ce sont des entreprises à capital public, chargées de faire le plus de blé possible pour augmenter les revenus de l'Etat.
Mais ce qu'il y a de grave, Mesdames et Messieurs, c'est que quand vous payez des impôts, vous les payez proportionnellement à vos revenus, alors que quand les Services industriels augmentent leur tarification, ce n'est pas proportionnel ! Ce n'est pas proportionnel. En plus, quand il y a une augmentation d'impôts, le peuple peut lancer un référendum; il peut exprimer sa voix là-dessus et décider. Quand une entreprise comme les Services industriels - ou d'autres - augmente le coût de ses prestations, vous ne pouvez pas faire un référendum ! Donc, le pauvre et le riche sont taxés exactement de la même façon ! C'est ce qu'on appelle une parafiscalisation, pire que la TVA.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi, qui est un projet de fond, veut simplement que quand on délivre une prestation publique - je dis bien publique - qui doit être la plus accessible à la population, on fasse en sorte que les coûts soient les plus bas possible et qu'on n'essaie pas de les pousser au maximum pour dégager des bénéfices afin de remplir la caisse de l'Etat, tout cela parce qu'aujourd'hui, effectivement, eu égard à toutes ces baisses d'impôts continuelles depuis dix ans, l'Etat est devenu exsangue et a besoin de trouver des revenus de toutes parts.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, j'ai compris que la commission trouvait que c'était tellement complexe que... Vous savez, quand on n'a pas la capacité ou l'intelligence de s'attaquer à ce type de demande de changement de structure, on dit que c'est trop complexe. Je l'ai vu déjà en matière de logement, quand j'avais proposé un projet du même acabit, et c'est dommage. C'est dommage, car ce que je demande, c'est simplement de mettre un terme aux privatisations rampantes auxquelles vous procédez. Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, trois mots. (Commentaires.) Ces sociétés, notamment les Services industriels, si vous les privez de la possibilité de faire quelques excédents, vous les empêchez aussi de faire des investissements. Or on leur demande par exemple d'investir massivement dans la géothermie et dans la transition énergétique. Ce n'est pas raisonnable d'accepter ce type de projets, parce que, justement, on va paralyser ces entreprises qui doivent remplir les missions que nous, Grand Conseil, Conseil d'Etat, leur donnons. D'ailleurs, les Services industriels, vous savez très bien qu'ils n'abusent pas en ce qui concerne les tarifs; ils ont annoncé une baisse des tarifs de l'électricité pour 2020. Par conséquent, je pense qu'on est complètement à côté de la plaque avec ce projet de loi et je vous invite à le rejeter.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci. Nous votons sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12407 est rejeté en premier débat par 63 non contre 16 oui et 2 abstentions.