Séance du
vendredi 22 novembre 2019 à
18h
2e
législature -
2e
année -
7e
session -
40e
séance
PL 12223-A
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant au PL 12223-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Alexandre de Senarclens.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. RFFA, encore ! Fiscalité des entreprises, encore ! Après de très longs débats, après la RIE III, après le PF 17, après les débats sur la RFFA et une décision claire de la population, après les débats du 31 octobre dernier - à savoir il y a trois semaines - sur l'initiative «Zéro pertes», voilà que ce Grand Conseil est saisi d'un nouveau projet de loi, un copier-coller de l'initiative «Zéro pertes» que nous avons refusée le 31 octobre dernier. Et si nous nous épargnions ce débat, Mesdames et Messieurs ? Et si nous nous épargnions ce débat qui devient complètement délétère ? On va y entendre l'extrême gauche parler de ces grandes entreprises prédatrices qui affament les travailleurs et qui viennent manger le pain des bons Suisses. (Exclamation.) Je propose que nous nous épargnions ce débat ou que nous nous repassions la vidéo du 31 octobre dernier... (Rires.) ...cela nous éviterait d'user notre salive. Cela éviterait aussi à la presse, qui commençait un peu à s'ennuyer - d'ailleurs la «Tribune de Genève» a fui et elle a bien raison... (Rires.) Les journalistes pourraient d'ailleurs faire un copier-coller de leur article du 31 octobre: on n'y verrait que du feu ! Cessons donc ces débats stériles ! D'ailleurs, même le premier signataire indiquait lors de son audition que ce projet est un geste politique fort dans le but de préparer une meilleure formule du PF 17. Mais, Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez peut-être remarqué que nous avons voté la RFFA, que le peuple s'est prononcé, donc épargnez-nous, épargnez-nous, s'il vous plaît, ces longues considérations ! Le débat a été fait, il est tranché. La RFFA va entrer en vigueur. De surcroît, l'initiative «Zéro pertes», qui a été refusée ici, va passer devant la population. Pour ces motifs, s'il vous plaît, épargnez-nous de grands débats, et pour ma part, je m'arrête immédiatement en vous invitant à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, on n'a pas entendu d'arguments dans l'intervention précédente, je vais donc essayer d'en donner quelques-uns. Ce projet de loi vise à modifier l'article 155 de la constitution. L'alinéa 4 proposé par le projet de loi précise, je cite: «L'Etat agit en faveur de la réduction de la concurrence fiscale intercantonale.» Les Verts sont pour la réduction de la concurrence fiscale intercantonale. L'alinéa 6 propose la disposition suivante: «La mise en oeuvre cantonale des réformes fédérales de la fiscalité obéit aux principes suivants». Les Verts sont pour qu'il existe des principes auxquels doit obéir la fiscalité, et ces principes seront les suivants: «a) préservation du financement des services publics et des prestations à la population; b) maintien des recettes fiscales cantonales et communales; c) refus de toute hausse induite du déficit ou de la dette du canton; d) défense de la progressivité de l'impôt.» Evidemment que les Verts sont pour ces principes.
Ce projet de loi a été déposé avant l'aboutissement de l'initiative populaire genevoise «Zéro pertes: Garantir les ressources publiques, les prestations et la création d'emplois», sur laquelle nous avons voté, Mesdames et Messieurs, il y a quelques semaines. Il a été écrit dans le même esprit et souscrit à la même finalité. Les électeurs pourront maintenant se prononcer rapidement - nous l'espérons - sur le rejet de la concurrence fiscale intercantonale.
A l'instar de l'initiative «Zéro pertes», ce projet de loi offre un cadre normatif simple et concret, qui permettra de revenir à un taux d'imposition plus adéquat pour un développement équilibré de notre région. En effet, les cantons suisses se livrent aujourd'hui à une concurrence fiscale inquiétante. A tour de rôle, chacun baisse son taux d'imposition des bénéfices des entreprises, espérant ainsi attirer ces dernières sur son territoire. Ce cercle vicieux fait chuter les rentrées fiscales des collectivités, comme nous en avons débattu ici même. Il faut mettre fin à cette logique qui fait qu'au final, tout le monde est perdant.
Le maintien des budgets publics est donc profitable à l'ensemble de la collectivité, y compris aux entreprises. Sans la qualité de vie, sans la sécurité, sans la justice, sans les transports, sans la santé, sans une formation de qualité, sans les réseaux de communication et de distribution, les PME ne pourraient tout simplement pas exister. C'est cela, la vraie richesse de Genève, et c'est cela qui pousse les entreprises créatrices d'emplois à s'installer, mais surtout à rester sur notre territoire.
Plus fondamentalement, c'est la question du modèle de développement de notre région qui est posée et que les Verts posent et reposent à longueur de séance. Notre prospérité ainsi que notre résilience en cas de crise sont fondées sur un tissu solide et serré de petites et moyennes entreprises locales, qui organisent entre elles leur solidarité pour rester indépendantes des banques internationales et du système financier globalisé. Notre prospérité ne repose donc pas en dernier recours sur des multinationales qui seraient attirées à Genève par une fiscalité concurrentielle et qui seraient prêtes à s'en aller dès qu'elles trouveraient moins cher ailleurs.
Enfin, il existe un point, encore plus important peut-être, qui est systématiquement passé sous silence, même dans ce projet de loi, et auquel les Verts resteront attentifs: les implications dramatiques de la RFFA sur le développement de l'ensemble de notre bassin de vie transfrontalier. Je m'explique: vous le savez, Mesdames les députées, Messieurs les députés, le «maldéveloppement» de la région est dû au fait que trop d'emplois sont concentrés sur le territoire genevois et trop peu sur le territoire français. Par ailleurs, c'est en France, et non en Suisse, que s'installe la majorité des nouveaux habitants - les frontaliers. Ce déséquilibre induit une crise du logement toujours plus aiguë dans le canton de Genève, un urbanisme chaotique dans l'Ain et en Haute-Savoie, avec ses corollaires, un besoin en transports toujours plus grand pour les pendulaires et une pollution liée à la mobilité dangereuse pour la population. En matière de santé publique, de politique sociale et de préservation de l'environnement, l'impact est désastreux, vous en conviendrez. Malgré la croissance - ou peut-être à cause d'elle ! - il fait toujours moins bon vivre dans notre région et ce n'est pas un cadeau que nous offrons aux générations futures. Ce rééquilibrage deviendra globalement illusoire si les entreprises situées à Genève sont imposées à 13,99% et qu'en France elles restent dans le même temps à 33%.
Pour toutes ces raisons, les Verts vous invitent à voter en faveur de ce projet de loi et invitent la population à voter en faveur de l'initiative. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Chers collègues, bien entendu, la votation sur l'initiative «Zéro pertes» tranchera l'opinion de la population par rapport à ces enjeux fondamentaux, qui restent des enjeux fondamentaux, ceux que constitue, comme l'a rappelé le député Vert qui s'est exprimé avant moi, la concurrence fiscale intercantonale, dans son aspect réel et dans son aspect de chantage. Il y a un aspect réel - il peut y avoir des déplacements d'entreprises - mais il y a aussi un aspect de chantage, qui consiste à dire: «Surtout, soyons les meilleurs élèves par rapport aux entreprises et imposons-les le moins possible pour qu'elles restent chez nous, sinon elles partiraient !» Donc, ces deux aspects jouent un rôle et resteront au centre des débats. Je sais que c'est très désagréable pour le PLR, qui est le parti de l'extrême droite économique - si je peux... (Commentaires.) ...me permettre cette image de l'extrême droite économique - c'est-à-dire qu'il est prêt à tout sacrifier aux intérêts de l'économie; sur d'autres questions sociétales, c'est un parti qui ne pourrait pas être qualifié d'extrême droite.
Maintenant, s'agissant des autres aspects défendus par ce projet de loi, c'est fondamentalement la défense des services publics et des prestations à la population, et cela tourne autour de l'idée qu'il ne suffit pas d'adapter les dépenses publiques à la croissance de la population. Cela ne suffira pas et cela ne suffit pas, pour des raisons que nous ne cessons de répéter sur nos bancs, c'est-à-dire que la population vieillit, la population se paupérise et la population a un besoin de plus en plus grand de formation. Donc non, ce n'est pas parce que la population augmente de 1% que les dépenses ont augmenté de 1%. Les dépenses ont augmenté de plus que 1% à cause de ces facteurs d'accroissement des dépenses, et donc, si on veut maintenir les mêmes droits sociaux et les mêmes services publics, il faudra payer davantage que proportionnellement à la croissance de la population.
Ce sont ces idées-là qui resteront au centre du débat de ce Grand Conseil et au centre du débat de plusieurs votations populaires à venir - je peux vous le garantir - et qui sont les questions clés qui ennuient tellement... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...mon collègue de Senarclens, parce qu'effectivement, il préfère parler de choses qui n'ont pas beaucoup d'incidence sur la vie des gens, alors que fondamentalement, un parlement, cela décide des impôts et de leur affectation. Si, quand on discute de cette question-là, on ennuie tout le monde, c'est que les décisions se prennent ailleurs, et c'est très désagréable.
Dernière remarque, et je m'arrêterai là pour mon rapport de minorité, en prenant trois secondes sur le temps de mon groupe: arrêtez de répéter que la population est pour la RFFA ! La population était contre la RIE III, elle a voté oui à la RFFA pas parce qu'on a baissé l'imposition des grandes entreprises, mais parce qu'on lui a fait croire qu'il y aurait une compensation suffisamment adaptée pour que la mesure soit équilibrée. Au niveau fédéral, c'était l'AVS qui était un cri de ralliement, parce que c'est une des seules conquêtes sociales importantes qu'avait réalisées la gauche en Suisse; ici, on a parlé d'assurance-maladie. Les gens ont voté pour ça ! Ils n'ont pas voté pour la baisse de moitié de l'imposition des entreprises. Raison pour laquelle ils se rendront vite compte que cette aide à l'AVS - on annonce maintenant déjà l'élévation de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans - c'était un petit peu des promesses dans le vide. Et puis, s'agissant de l'assurance-maladie, c'est tellement terrible, les subsides qu'on a promis, qu'on taille dans le budget et dans les prestations pour pouvoir boucler le budget de l'année prochaine. Je m'arrêterai là. Je vous invite à voter ce projet de loi, sans grand espoir, vous connaissant, de ce côté-là de la salle... (L'orateur désigne les bancs de droite.) ...et j'invite surtout la population à voter pour l'initiative «Zéro pertes». Merci. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, en effet, je reprends les mots de mon préopinant: «sans grand espoir». Désespoir, Monsieur le député ! Après le PF 17, après la RFFA, l'initiative «Zéro pertes» - initiative refusée par le peuple - le souverain a tranché, comme avec...
Des voix. Non ! (Commentaires.)
M. Christo Ivanov. Mais il le fera ! Comme il l'a fait avec la RFFA, je vous rassure, un peu de patience ! On distribuera les mouchoirs après la votation. Aujourd'hui, la RFFA est entrée en vigueur. C'est une réalité. Dans le projet de loi, à l'article 155, vous indiquez: «L'Etat agit en faveur de la réduction de la concurrence fiscale intercantonale.» Or je vous rappelle qu'avec la RFFA, les cantons vont harmoniser leurs taux. Prenez les Vaudois, les Fribourgeois, les Valaisans et Genève: tout se tient à 0,2% ou 0,3%. Aujourd'hui, la concurrence fiscale est quasiment égale à zéro dans l'arc lémanique. Elle est quasiment égale à zéro ! Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous demande de bien vouloir refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Je pourrais être d'accord avec le rapporteur de majorité sur le fait que nous avons débattu dans ce Grand Conseil de l'initiative «Zéro pertes» et qu'on pourrait tenir le même débat. Mais, entre-temps, la nouvelle alliance de droite et d'extrême droite avec le MCG a décidé de s'en prendre massivement au budget 2020 et de couper dans les nouveaux postes - quatre cents et quelques - pour la fonction publique. Des postes qui ne correspondent pas à du vent, des postes qui ne correspondent pas à de l'argent jeté par les fenêtres, des postes qui sont synonymes de prestations pour la population, de services concrets.
Mesdames et Messieurs, ce que fait la droite pour le budget 2020 alors que la RFFA n'est pas entrée en vigueur - elle entrera en vigueur le 1er janvier 2020, vous transmettrez à M. Ivanov - c'est simplement un agissement contraire au discours d'une droite qui a prétendu vouloir la RFFA pour ne pas couper dans les prestations à la population. Ce que fait la majorité de la commission des finances sur le budget 2020, c'est de s'en prendre aux prestations. Oui, oui: couper dans ces quatre cents et quelques nouveaux postes, c'est s'en prendre aux besoins que nous avons et qui sont grandissants ! Ce sont en effet des charges que l'on peut qualifier d'automatiques, qui correspondent à l'accroissement démographique de la population, au vieillissement de la population... (Remarque.) ...et à l'appauvrissement de la population. Ces postes-là, ils servent à quelque chose, concrètement: en matière de santé, d'éducation, de sécurité, et nous en avons besoin pour faire face aux défis que connaît notre canton.
Aujourd'hui, oui, plus que jamais, face à l'irresponsabilité dont fait preuve la droite sur ce budget 2020, le canton de Genève a besoin d'un cadre fiscal. On ne peut dès lors pas faire confiance, quand d'un côté on a un discours qui vise à introduire des réformes fiscales en prétendant qu'il n'y aura pas de conséquences sur les prestations publiques et que, de l'autre, on s'attaque immédiatement à celles-ci. Donc oui, nous devons avoir - et le peuple se prononcera sur l'initiative «Zéro pertes» - un cadre fiscal permettant de préserver le financement des prestations à la population, pour que les Genevoises et les Genevois, via la fiscalité, aient toujours la même qualité de vie et puissent bénéficier d'une véritable cohésion sociale dans notre canton, qui connaît les plus fortes inégalités de Suisse. Donc, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste votera ce projet de loi.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Delphine Bachmann (PDC). Je suis absolument ravie d'apprendre que les Verts sont pour la baisse de la concurrence fiscale. En l'occurrence, je crois que le peuple a déjà infligé une claque suffisante le 19 mai dernier sur cette thématique. Je suis aussi ravie de constater qu'Ensemble à Gauche prend un petit peu le peuple pour des idiots, puisque ce groupe pense qu'il voté cette réforme juste pour en avoir les avantages, sans être capable de lire le texte jusqu'au bout et d'en comprendre pleinement les implications. (Commentaires.) Bref, je constate que le débat de ce soir sera vraisemblablement aussi long que le traitement de ce projet de loi en commission. Faisons donc en sorte que cela en vaille la peine.
Il est vrai que c'est toujours un peu la même chose: la gauche pense que c'est la plage des Eaux-Vives, le jet d'eau et la fondue des bains des Pâquis qui attirent les contribuables et les entreprises à Genève. Mesdames et Messieurs, c'est faux ! La concurrence est saine, car elle permet à notre canton de rester attractif dans le domaine de l'emploi et en termes de financement et de maintenir une certaine prospérité économique - prospérité économique, qui, je le rappelle, permet de financer le magnifique mammouth étatique qui ne cesse de grandir, car nous sommes incapables d'optimiser nos prestations. C'est toujours la même technique: à gauche, on nous suggère de vider les poches de celles et ceux qui ont encore quelque chose dedans, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien... (Remarque.) ...plutôt que de réfléchir au fonctionnement de notre structure. C'est vraiment la technique de «quand il n'y en a plus, eh bien il y en a encore !» Prenons toujours chez les mêmes, ils resteront bien, tels des pigeons, dans notre canton.
Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas la politique que le parti démocrate-chrétien défend. Ce n'est pas comme ça que notre canton pourra maintenir les prestations à la population. Pour nous, ce sera donc un grand non sur ce projet de loi.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Jean Burgermeister pour une minute vingt.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Encore, encore, encore, se plaignait le rapporteur de majorité: va-t-on encore parler de ces grandes entreprises qui se gavent sur le dos de la population ? (Commentaires.) Eh bien oui, évidemment, nous allons en parler, encore et encore, et précisément aujourd'hui, parce que c'est devenu d'autant plus important après le vote en commission sur le budget 2020. A quoi a-t-on assisté durant ce vote en commission ? D'abord, à une droite qui a trahi ses engagements à la population... (Remarque.) ...puisqu'elle avait promis, au moment du vote sur la RFFA, qu'il n'y aurait aucune baisse, aucune coupe dans les prestations. C'est bien l'inverse qu'elle a fait ! La droite et le MCG ont sabré massivement dans des prestations essentielles à la grande majorité de la population.
Ensuite, qu'est-ce qu'on a vu ? Pour faire passer la RFFA, la droite a consenti... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...à agrandir substantiellement l'enveloppe des subsides d'assurance-maladie, mais, de l'autre côté, elle a supprimé tous les postes qui devaient servir à mettre en oeuvre cette pseudo-compensation, c'est-à-dire qu'elle a voté les crédits pour les subsides, mais elle a empêché d'engager des personnes censées permettre de délivrer ces prestations.
Mesdames et Messieurs, le vote auquel on a assisté en commission a bien prouvé que l'initiative «Zéro pertes» et ce projet de loi sont plus importants...
Le président. Je vous remercie.
M. Jean Burgermeister. ...aujourd'hui que jamais et...
Le président. Je passe la parole à...
M. Jean Burgermeister. Je vais prendre sur le temps du groupe PLR, Monsieur le président ! (Rires.)
Le président. Non, je passe la parole à M. le député Adrien Genecand. (Applaudissements. Commentaires.)
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Vous remercierez également le député Marchais qui vient de parler ! On est toujours très heureux d'entendre le député Marchais nous faire l'apologie du communisme et sa critique du libéralisme assez classique.
Mesdames et Messieurs, une entreprise, c'est quoi ? Ce sont d'abord des retraités suisses. Il se trouve qu'une grande majorité de l'actionnariat est composé de caisses de pension. Ce sont les retraites. Il faut donc arrêter d'attaquer l'entreprise comme étant une espèce de fantôme qui ne serait que méchant et chercheur de profits. La réalité aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, c'est que plus de la moitié de l'actionnariat est détenue par les caisses de pension, et donc par vos, par nos retraites. Voilà. Il faut donc arrêter de faire cette critique un peu stupide de l'entreprise. L'entreprise aujourd'hui, pour plus de la moitié de l'actionnariat, c'est nous. Tous les Suisses, tous les 2800 francs de caisse de pension, c'est une action Nestlé. Que vous aimiez Nestlé ou pas, vous êtes tous actionnaires de Nestlé dans cette salle, à travers vos fonds de pension. (Commentaires.) Voilà, il faut donc arrêter avec cette critique stupide de l'entreprise, parce que l'entreprise, c'est vous et nous.
Donc, sauf à vouloir vous départir de vos retraites et aller jusqu'au bout de votre raisonnement - et ce sera le point le plus important pour moi, Monsieur le président... Je n'ai aucun problème à discuter de la taille de l'Etat et de la croissance. Commençons par nous mettre autour de la table et demandons-nous: qu'est-ce qu'on diminue ? Si on veut consommer moins, si on veut vivre avec moins, si on veut faire moins, il n'y a pas de problème ! On commence par l'Etat, Mesdames et Messieurs ! L'Etat, c'est vous, c'est nous. Quand vous dites «couper»... Mais on est où ? Si on n'augmente pas le nombre de fonctionnaires dans ce canton, vous parlez de coupes. (Commentaires.) Vous en êtes là, Mesdames et Messieurs ! Si on n'augmente pas le nombre de postes ni les salaires, il s'agit d'une attaque sociale qui devrait être impossible. Mais partout ailleurs sur terre... C'est hallucinant ! On n'est pas en train de licencier des gens ! On est en train simplement de ne pas engager quelqu'un ou quelqu'une. C'est simplement ça ! Dans le vocabulaire, vous êtes complètement à la rue ! Partout ailleurs sur terre, quand on enlève quelque chose à l'Etat, cela veut dire que des gens sont licenciés ! Et quand on n'engage pas, on ne parle pas de coupes. Vous êtes sur une autre planète, Mesdames et Messieurs ! On est probablement le seul endroit sur terre qui peut se permettre ce luxe dans le vocabulaire, et vous êtes effectivement les plus grands défenseurs de cela. Mais c'est absolument stratosphérique ! C'est stratosphérique, parce que vous êtes tous actionnaires de Nestlé, comme de tout le reste des entreprises suisses. Si vous voulez commencer par vous plaindre de ce que les entreprises gagnent et font comme profit, commencez par rendre les salaires et les rentes, notamment ceux qui dans cette salle sont des rentiers de l'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Françoise Sapin (MCG). Comme relevé par le rapporteur de majorité, cela devient lassant. Toujours les mêmes débats, les mêmes ressassements ! Oui, la RFFA a été acceptée par le peuple, n'en déplaise à la gauche. Par rapport au titre de ce projet de loi, il ne s'agit en aucun cas de cadeaux aux grandes entreprises. La RFFA a permis de maintenir plus de 60 000 postes dans notre canton. En ce qui concerne les remarques d'Ensemble à Gauche - vous transmettrez à M. Burgermeister, Monsieur le président - à la commission des finances mercredi, il ne s'est pas du tout agi de coupes dans les prestations. Ce sont des mensonges ! Il s'agit d'un «personal stop», ce n'est pas du tout la même chose. (Commentaires.) Le MCG ne votera pas ce projet de loi. Merci.
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). On l'aura compris, à gauche, c'est haro sur les entreprises ! Mais en détruisant ces entreprises, on n'aura plus rien à distribuer. C'est ça, le problème. Parce qu'il faut avoir une capacité distributive pour permettre d'assurer les tâches fondamentales de l'Etat. Le MCG défend les PME. Il défend également les résidents genevois. C'est cela, toute sa ligne politique. Certains parlent de nouvelle droite: non, non ! Au contraire. Nous sommes dans un axe protectionniste, dans un axe original, dans un axe où nous défendons de manière prioritaire les Genevois; c'est notre fonction.
J'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. Rossiaud, qui, lui, soutient que le mauvais développement est dû à un problème de fiscalité. En fait, la fiscalité est une forme de redistribution, or le problème ne se trouve pas dans la redistribution. Le mauvais développement de Genève - sur ce point, je suis d'accord avec le député Rossiaud, parce que cela existe, il faut le reconnaître - est dû à un problème de structure: à la structure du marché de l'emploi, à la structure de l'aménagement de notre territoire, à la structure de notre démographie et à d'autres éléments structurels importants. C'est sur cela que nous devons agir ! Et non pas sur la fiscalité, où on fait fausse route ! Parce que, c'est vrai, comme l'avait relevé un autre préopinant, c'est la politique de Marchais: au-dessus du million, je prends tout ! De manière caricaturale, c'est ce qu'il disait dans les années 70. C'est la politique de la gauche genevoise, malheureusement: «Au-dessus des millions, je prends tout ! Les grandes entreprises, je leur prends tout !» Bon. C'est bien gentil, mais cela ne va nous mener nulle part, si ce n'est vers notre chute et notre perte. Ne suivons pas ces projets-là, utilisons notre bon sens et notre jugeote pour bien gérer les affaires de l'Etat !
Une voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat vous encourage évidemment à refuser ce projet de loi. Les liens qui sont faits et les allégations selon lesquelles ce projet de loi viendrait sauver un budget sont totalement farfelus. Seul votre parlement peut revenir sur la décision qui a été prise à la commission des finances s'agissant du budget. Soyez assurés, Mesdames et Messieurs, que dans la mesure où, aux comptes 2018, 82% des revenus du canton sont composés de revenus fiscaux, faire passer un projet de loi pareil n'améliorerait en rien la situation budgétaire de Genève. Merci.
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12223 est rejeté en premier débat par 53 non contre 39 oui.