Séance du
vendredi 22 novembre 2019 à
18h
2e
législature -
2e
année -
7e
session -
40e
séance
La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assiste à la séance: Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Anne Marie von Arx-Vernon, Diane Barbier-Mueller, Claude Bocquet, Amanda Gavilanes, Eric Leyvraz, David Martin, Philippe Morel, Patrick Saudan et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Dilara Bayrak, Natacha Buffet-Desfayes, Sébastien Desfayes, Joëlle Fiss, Sylvie Jay, Badia Luthi, Eliane Michaud Ansermet et Souheil Sayegh.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de M. Patrick Hulliger. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (M. Patrick Hulliger entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur Patrick Hulliger, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de député au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: M. Patrick Hulliger.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de Mme Virna Conti. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Mme Virna Conti entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame Virna Conti, vous êtes appelée à prêter serment de vos fonctions de députée suppléante au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attachée aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: Mme Virna Conti.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)
Le président. Est tiré au sort: M. Thomas Bläsi (UDC).
Premier débat
Le président. Nous reprenons l'ordre du jour... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Le président. S'il vous plaît ! (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Nous reprenons l'ordre du jour et commençons par le PL 12067-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Patrick Lussi, qui remplace M. Bernhard Riedweg.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vous avez là l'exemple d'un projet de loi qui a tardé à arriver au Grand Conseil et sur lequel le gros du travail a été effectué au cours de la précédente législature, avec un rapporteur de majorité qui n'est plus là et que j'ai le plaisir et l'honneur de remplacer - même le rapporteur de minorité est remplacé. Je vous rappelle que, bien que ce soit la commission des droits politiques qui dépose le rapport final, ce projet de loi a été presque entièrement traité par la commission des finances, puisqu'un préavis avait été demandé à cette dernière. De nombreuses auditions ont eu lieu et elles composent, pour l'essentiel, le corpus du rapport sur ce projet de loi.
De quoi s'agit-il ? Il s'agissait de savoir si nous pouvions économiser du temps et de l'argent lors de l'étude des comptes. Plusieurs chiffres sont donnés - mon camarade à côté m'a demandé d'en citer quelques-uns.
M. Pierre Vanek. Tu remplaces Riedweg !
M. Patrick Lussi. Ils sont... (L'orateur rit.) Ils sont inscrits dans le rapport. Il est vrai que bien souvent, dans les débats, vous avez été, nous avons été partagés s'agissant de la question que tout le monde se pose: est-ce qu'on peut réellement gagner du temps ? Comme on le sait, les heures de session en moins sont toujours bénéfiques pour nos comptes et le budget du Grand Conseil. A l'issue de ce long débat à la commission des finances, vous avez à la page, euh... (L'orateur parcourt le rapport.) Bref ! Vous avez le préavis de la commission des finances, qui est donc à la page... Excusez-moi, j'y arrive ! A la page 48 du rapport. Le vote s'est conclu sur une égalité, avec une abstention UDC. Cette abstention a eu pour conséquence que, alors que la commission des finances souhaitait peut-être un préavis positif, la proposition de préaviser positivement le projet de loi a été refusée.
Différents éléments ont amené la commission à être tout à fait partagée. D'une manière générale, tant M. le sautier que M. Dal Busco, qui était à l'époque notre ministre des finances, ont émis quelques réticences. Mais il s'agissait uniquement de questions techniques. Raison pour laquelle mon camarade Bernhard Riedweg, qui n'est plus là, a été désigné comme rapporteur de majorité. Quoi qu'il en soit, à la commission des droits politiques, l'entrée en matière sur le projet de loi a été refusée par 9 voix contre 5. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Remarquez que les votes en faveur du projet de loi, c'était évidemment l'Entente genevoise, avec quelques bonnes raisons, puisque ce projet de loi venait d'eux. Mais aujourd'hui, par rapport à tout ce qui a été fait, de l'eau a bien coulé sous les ponts, et des choses sont en train de changer. La majorité de la commission vous demande donc de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Brouhaha.)
Le président. Les personnes qui ont des conférences à tenir peuvent aller dehors ! Je vous remercie. Je passe la parole au rapporteur de minorité, M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, pour ma part, je vous invite à changer d'avis et à adopter ce projet de loi, parce que, dans le fond, il n'a probablement pas été traité correctement. Quel est le but ? Le but est de pouvoir, dans le cadre de nos débats, donner une signification politique et une compréhension à la population et à la presse de la manière dont les différents groupes politiques apprécient les comptes sous l'angle de la gestion de l'Etat et sous l'angle des états financiers.
Aujourd'hui, que faisons-nous ? Nous passons une journée et demie à éplucher quarante-six états financiers et dix-sept politiques publiques, à prendre et à reprendre la parole à tour de rôle, chaque fois sur les états financiers et sur les politiques publiques, avec des redondances, des répétitions, des confusions, au cours de débats qui présentent un manque d'intérêt aussi bien pour notre parlement que pour la presse. Donc, c'est cela, l'essentiel ! Ce projet de loi ne change strictement rien à la manière dont les comptes sont présentés à la commission des finances, que ce soit sous l'angle des rapports de gestion, des politiques publiques ou des états financiers. Ce texte ne change strictement rien non plus au vote: nous allons continuer à voter, politique publique par politique publique et de la même manière sur les états financiers. On ne réduit absolument pas la granularité de chacun de nos votes. La seule chose que nous introduisons effectivement, ce sont des débats par groupe sur l'ensemble des politiques publiques et un débat par groupe sur l'ensemble des états financiers.
Cela va nous amener aussi, Mesdames et Messieurs, et amener chaque groupe à adopter une approche et une analyse plus synthétique - je vous rappelle qu'il s'agit d'analyses des comptes - de la manière dont l'argent tel que budgété a été utilisé, du point de vue de la signification politique. Je vous rappelle qu'il y a exceptionnellement des discussions sur les francs et sur les chiffres, ceux-ci étant toujours absolument conformes à la légalité, et que, si des questions strictement financières se présentent, elles sont résolues en amont, à la commission des finances.
Mesdames et Messieurs, nous nous livrons à une modification de la LRGC qui va améliorer considérablement le contenu et la portée du message politique que nous apportons lors de l'analyse annuelle des comptes. Je vous invite donc à changer vos positions et à accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous ne devons pas faire d'économies sur la démocratie, nous ne devons pas chercher à gagner quelques sous sur la qualité de nos débats. C'est la règle première qui doit nous animer dans ce parlement et en politique en matière d'efficience du Grand Conseil. Dans le cas présent, on observe peut-être une certaine précipitation, et ce projet de loi tend à confondre qualité des débats et mesures d'économies. Il est vrai que les débats concernant les comptes peuvent paraître un peu longs. Je l'admets, le groupe socialiste l'admet: il y aurait moyen de gagner un certain temps, et ensuite, peut-être, si nous diminuons la durée de nos débats au sein de cet hémicycle, d'économiser quelques sous, c'est vrai. Le problème de ce projet de loi, c'est qu'il n'intervient absolument pas sur la durée des débats ! Il intervient sur la façon dont ceux-ci se déroulent. Aujourd'hui, nous discutons politique publique par politique publique. Or il s'agit ici, à travers ce projet de loi, d'intervenir de façon groupée, mais en aucun cas de s'attaquer à la question du temps et donc du coût que les débats pourraient engendrer.
En revanche - pour maintenir un certain suspense, sinon vous seriez déçus, je ne veux pas faire du «spoil» ! - la sous-commission des droits politiques, qui a traité de l'efficience du Grand Conseil, intervient justement, dans la résolution qui va être déposée, sur cette question des comptes - pas du budget, mais bien des comptes - et s'attaque au vrai problème, à savoir le temps. Au lieu de vouloir changer les débats et la façon dont ils se déroulent en faisant un grand débat global - non ! - la sous-commission des droits politiques vous proposera de garder le débat par politiques publiques - ce qui permet d'avoir un débat structuré et de revenir sur le rapport de gestion du Conseil d'Etat de façon ciblée, sur chacune des politiques publiques - et simplement de diminuer le temps du débat. Cela exigera de la part des partis politiques des discours plus ciblés, des choix sur les politiques publiques, sur lesquelles ils souhaitent questionner le gouvernement, plutôt que d'avoir, comme c'est le cas avec le présent projet de loi, un débat qui peut être tout aussi flou, tout aussi généraliste, alors que justement la discussion sur les comptes et le rapport de gestion du Conseil d'Etat doit plutôt être un rapport précis sur des éléments factuels. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'opposera à ce projet de loi qui est une fausse bonne idée, qui n'entraînerait absolument aucune économie, qui ne changerait rien à la qualité des débats et qui, à l'inverse, les rendrait encore plus flous. Nous vous invitons donc à voter non à ce projet de loi.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Chères et chers collègues, j'aime à citer les propos du rapporteur de minorité, M. Murat Alder: «Notre parlement consacre le même temps de travail (environ 17 heures et 30 minutes) à la prospective financière, avec le budget de l'année suivante, qu'à la rétrospective financière, avec les comptes de l'année précédente, ce qui aux yeux de la minorité constitue une manière de procéder déséquilibrée, pour ne pas dire disproportionnée.» Ce qui est surtout disproportionné en l'occurrence, c'est le temps énorme consacré à deux objets dont tous les détails sont analysés, examinés, sous-pesés par les membres de la commission des finances. Ces derniers auditionnent par ailleurs à réitérées reprises les chefs de département, leurs états-majors, et passent des journées entières à examiner les comptes - par ailleurs également audités par la Cour des comptes - ainsi que les budgets, les postes du budget pouvant ensuite entrer en phase de négociation. Le travail de fond a été complètement effectué en amont et les positions des différents groupes sont arrêtées. Certes, tout ce travail ne bénéficie d'aucune publicité, et il est normal pour notre démocratie - et sain surtout - que chaque groupe puisse publiquement, au sein de notre Conseil, donner son avis et livrer son analyse tant sur les options politiques choisies par le Conseil d'Etat, s'agissant du budget, que sur la façon dont sont gérées les finances de notre république, s'agissant de l'examen des comptes.
Cela étant, c'est la question que je me pose et que je vous pose, faut-il vraiment, avec les réserves que je viens de mentionner, prendre autant de temps - presque deux jours - alors que dans la plupart des cantons, et même au niveau fédéral, le législatif adopte chacun de ces points en deux heures, sans que l'on puisse en conclure d'ailleurs que l'exercice est bâclé ? Qui plus est, le très faible écho que rencontre le contenu de ces plénières montre bien que les messages que chaque groupe tente de faire passer n'atteignent pas leur cible et n'intéressent manifestement pas plus que cela les citoyens. De plus, nous nous permettons des déluges de paroles et d'heures alors que notre ordre du jour est toujours aussi saturé et que nous n'arrivons pas à l'épuiser. Au vu de ce qui précède, et comme la minorité de la commission, le groupe démocrate-chrétien vous invite à accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe des Verts est très fortement favorable, sur le principe, à raccourcir les débats pour l'étude des comptes en plénière. Je relève toutefois que cette étude n'est pas qu'une opération technique - cela a été dit tout à l'heure quand on a parlé de la constitution de provisions - mais que cela consiste également à examiner le rapport de gestion. Je rappelle que le budget représente une intention politique votée par une majorité du parlement, qui doit être mise en oeuvre par le Conseil d'Etat. Il est donc normal qu'à l'heure du bilan, donc de l'examen des comptes, un examen critique de cette mise en oeuvre soit réalisé.
Il se trouve malheureusement que le texte qui nous est présenté ne dit rien sur les temps de parole. Il vise à les restreindre, mais il ne le demande pas explicitement. A la place, il propose de ne plus débattre des comptes politique publique par politique publique, ce qui, à notre sens, enlèvera toute lisibilité au débat. Depuis, comme M. de Sainte Marie l'a rappelé, une sous-commission des droits politiques a été constituée, qui s'est penchée pendant plusieurs mois sur la maîtrise de l'ordre du jour de notre Conseil. Elle a rendu ses conclusions, qui seront très prochainement soumises à votre sagacité; l'examen des comptes est inclus dans ces travaux. Nous avons essentiellement proposé une réduction drastique des temps de parole, ce qui permettra à tous les groupes, comme cela a été déjà dit, de choisir les politiques publiques sur lesquelles ils souhaiteraient s'exprimer; mais le débat restera organisé. En ce sens, le groupe des Verts vous recommande de refuser le présent projet de loi et d'accepter le texte que la commission vous soumettra très prochainement et qui pourra, espérons-le, être déjà mis en oeuvre pour l'examen des comptes 2019. Merci.
Mme Françoise Sapin (MCG). Si la longueur des débats sur l'acceptation des comptes par le Grand Conseil peut faire l'objet d'améliorations, la manière proposée n'est pas adéquate. En effet, si l'on ne tient pas compte des chiffres, la seule manière qu'ont les députés de prendre position sur la gestion des politiques publiques par les conseillers d'Etat est de se prononcer sur celles-ci l'une après à l'autre. Prononcer une seule prise de position pour toutes les politiques publiques ne permettra pas du tout de clarifier le débat, bien au contraire. Le MCG souhaite le statu quo pour le rapport de gestion, de manière que les prises de position soient ciblées par politique publique et par conseiller d'Etat.
En ce qui concerne les états financiers, il est vrai que dans le monde politique, les comptes, tout le monde s'en fout ! Seul le budget compte, j'ai pu le constater. En effet, les comptes, ils sont corrects ou ils sont faux. Les prises de position devraient donc être beaucoup plus courtes. Une des pistes serait de débattre toujours politique publique par politique publique s'agissant du rapport de gestion et des comptes, mais simultanément, plutôt que de passer deux fois par toutes les politiques publiques. Cela permettrait de raccourcir le temps. Une autre piste, comme cela a été relevé par mon préopinant, serait effectivement de limiter le temps de parole. Le MCG n'est pas du tout opposé à étudier une façon d'améliorer les processus, mais en ce qui concerne ce projet de loi, elle ne le soutiendra pas. (Exclamation.)
M. Alexis Barbey (PLR). En toute modestie, il est excellent, ce projet de loi ! Le but de la discussion des comptes, pour nous, n'est pas de trouver un consensus, mais d'exprimer à la population la raison pour laquelle on vote dans tel ou tel sens. Ce projet de loi propose d'aller à l'essentiel, c'est-à-dire de commenter l'ensemble des politiques publiques en s'arrêtant sur les quelques points de divergence entre les convictions du groupe et celles du Conseil d'Etat. Il en résultera non seulement un gain de temps, mais aussi un gain d'intérêt pour les citoyens qui sont notre public, que l'on doit respecter en ne les abreuvant pas de paroles, mais en leur donnant des éléments nouveaux pour fonder leur - et notre - jugement. D'autre part, il faut dire que ce n'est pas au moment des comptes que se fait le débat politique. Celui-ci a lieu essentiellement au moment du budget. Cela n'est donc pas au moment des comptes que l'on doit consacrer la plupart du temps à ergoter sur chacune des mesures qu'a pu prendre le Conseil d'Etat. La qualité des débats s'en trouvera fortement renforcée. Je vous invite donc à accepter ce texte tel qu'il a été déposé. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Juste quelques brefs propos pour recadrer les choses. Il paraît que les bons comptes font les bons amis. La fin de la phrase, c'est que, quand vient le moment de faire les comptes, il n'y a plus d'amis ! Bien entendu qu'il faut gagner du temps. Tout se trouve dans la durée, et au moment où l'Etat distribue des macarons, «Ladurée» prend toute son importance. (Exclamations.)
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, des choses très importantes ont été dites, mais en définitive, en écoutant les arguments de la minorité et des partis qu'elle représente, je crois que, si on veut se faire l'avocat du diable, on pourrait se demander: ne devrions-nous pas simplement supprimer l'examen des comptes ? Puisque, de toute façon, tout est en ordre, il s'agit en somme de faire une politique de presse-bouton ! Non, Mesdames et Messieurs les députés ! A un moment donné, même si le débat politique - et comme on l'a vu, il porte surtout sur la gestion... Ce débat est nécessaire. Et puis, au fond, Mesdames et Messieurs, c'est peut-être le côté français et napoléonien qui nous reste, mais discuter est nécessaire ! Parler, en tout cas dans notre hémicycle et dans notre république, me semble quelque chose d'indispensable. Nous ne sommes pas toujours d'accord - nous sommes même souvent en désaccord ! - mais c'est ainsi qu'est la démocratie. Pour cette raison, alors que le groupe UDC s'est abstenu en commission, nous vous invitons à refuser ce projet de loi, et je ne vais pas faire plus long. Tant M. Eckert que M. de Sainte Marie ont parlé des travaux que nous menons en ce moment à la commission des droits politiques, et une proposition sérieuse sera faite, non pas pour modifier la manière de procéder dans nos échanges, mais peut-être simplement pour raccourcir les temps de parole de chacun. Cela vous sera proposé très prochainement, raison pour laquelle je vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci. Il reste vingt secondes à Mme la députée Christina Meissner. (Un instant s'écoule.) Vous avez demandé la parole ? (Remarque.) C'est une erreur ?
Mme Christina Meissner. Absolument !
Le président. Merci. Je donne la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Le département des finances avait été entendu par la commission des finances en la personne de M. Serge Dal Busco, accompagné d'une secrétaire générale adjointe, qui s'était déterminé sur la volonté conjointe avec l'auteur de ce projet de loi de tenter de raccourcir les débats et de les rendre plus efficaces. En revanche, le conseiller d'Etat avait relevé certains problèmes dans le projet de loi, qui nécessiterait, le cas échéant, des modifications légales plus importantes, en particulier de la LGAF.
Ce que je peux vous dire au nom du Conseil d'Etat, c'est que nous sommes prêts à soutenir toute volonté de rendre plus efficaces ces débats sur les comptes. Il ne s'agit évidemment pas de remettre en question la démocratie, mais il est vrai que la plupart du temps, les députés se prononcent longuement sur la gestion puis passent très rapidement sur la question des comptes. Le Conseil d'Etat est à disposition si les députés souhaitent recevoir de l'aide à ce niveau-là, et le Conseil d'Etat prendra acte du vote de votre commission sur ce projet de loi, sachant que, s'il devait être accepté, d'autres modifications seraient nécessaires. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci bien. Nous passons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12067 est rejeté en premier débat par 58 non contre 35 oui.
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant au PL 12223-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Alexandre de Senarclens.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. RFFA, encore ! Fiscalité des entreprises, encore ! Après de très longs débats, après la RIE III, après le PF 17, après les débats sur la RFFA et une décision claire de la population, après les débats du 31 octobre dernier - à savoir il y a trois semaines - sur l'initiative «Zéro pertes», voilà que ce Grand Conseil est saisi d'un nouveau projet de loi, un copier-coller de l'initiative «Zéro pertes» que nous avons refusée le 31 octobre dernier. Et si nous nous épargnions ce débat, Mesdames et Messieurs ? Et si nous nous épargnions ce débat qui devient complètement délétère ? On va y entendre l'extrême gauche parler de ces grandes entreprises prédatrices qui affament les travailleurs et qui viennent manger le pain des bons Suisses. (Exclamation.) Je propose que nous nous épargnions ce débat ou que nous nous repassions la vidéo du 31 octobre dernier... (Rires.) ...cela nous éviterait d'user notre salive. Cela éviterait aussi à la presse, qui commençait un peu à s'ennuyer - d'ailleurs la «Tribune de Genève» a fui et elle a bien raison... (Rires.) Les journalistes pourraient d'ailleurs faire un copier-coller de leur article du 31 octobre: on n'y verrait que du feu ! Cessons donc ces débats stériles ! D'ailleurs, même le premier signataire indiquait lors de son audition que ce projet est un geste politique fort dans le but de préparer une meilleure formule du PF 17. Mais, Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez peut-être remarqué que nous avons voté la RFFA, que le peuple s'est prononcé, donc épargnez-nous, épargnez-nous, s'il vous plaît, ces longues considérations ! Le débat a été fait, il est tranché. La RFFA va entrer en vigueur. De surcroît, l'initiative «Zéro pertes», qui a été refusée ici, va passer devant la population. Pour ces motifs, s'il vous plaît, épargnez-nous de grands débats, et pour ma part, je m'arrête immédiatement en vous invitant à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, on n'a pas entendu d'arguments dans l'intervention précédente, je vais donc essayer d'en donner quelques-uns. Ce projet de loi vise à modifier l'article 155 de la constitution. L'alinéa 4 proposé par le projet de loi précise, je cite: «L'Etat agit en faveur de la réduction de la concurrence fiscale intercantonale.» Les Verts sont pour la réduction de la concurrence fiscale intercantonale. L'alinéa 6 propose la disposition suivante: «La mise en oeuvre cantonale des réformes fédérales de la fiscalité obéit aux principes suivants». Les Verts sont pour qu'il existe des principes auxquels doit obéir la fiscalité, et ces principes seront les suivants: «a) préservation du financement des services publics et des prestations à la population; b) maintien des recettes fiscales cantonales et communales; c) refus de toute hausse induite du déficit ou de la dette du canton; d) défense de la progressivité de l'impôt.» Evidemment que les Verts sont pour ces principes.
Ce projet de loi a été déposé avant l'aboutissement de l'initiative populaire genevoise «Zéro pertes: Garantir les ressources publiques, les prestations et la création d'emplois», sur laquelle nous avons voté, Mesdames et Messieurs, il y a quelques semaines. Il a été écrit dans le même esprit et souscrit à la même finalité. Les électeurs pourront maintenant se prononcer rapidement - nous l'espérons - sur le rejet de la concurrence fiscale intercantonale.
A l'instar de l'initiative «Zéro pertes», ce projet de loi offre un cadre normatif simple et concret, qui permettra de revenir à un taux d'imposition plus adéquat pour un développement équilibré de notre région. En effet, les cantons suisses se livrent aujourd'hui à une concurrence fiscale inquiétante. A tour de rôle, chacun baisse son taux d'imposition des bénéfices des entreprises, espérant ainsi attirer ces dernières sur son territoire. Ce cercle vicieux fait chuter les rentrées fiscales des collectivités, comme nous en avons débattu ici même. Il faut mettre fin à cette logique qui fait qu'au final, tout le monde est perdant.
Le maintien des budgets publics est donc profitable à l'ensemble de la collectivité, y compris aux entreprises. Sans la qualité de vie, sans la sécurité, sans la justice, sans les transports, sans la santé, sans une formation de qualité, sans les réseaux de communication et de distribution, les PME ne pourraient tout simplement pas exister. C'est cela, la vraie richesse de Genève, et c'est cela qui pousse les entreprises créatrices d'emplois à s'installer, mais surtout à rester sur notre territoire.
Plus fondamentalement, c'est la question du modèle de développement de notre région qui est posée et que les Verts posent et reposent à longueur de séance. Notre prospérité ainsi que notre résilience en cas de crise sont fondées sur un tissu solide et serré de petites et moyennes entreprises locales, qui organisent entre elles leur solidarité pour rester indépendantes des banques internationales et du système financier globalisé. Notre prospérité ne repose donc pas en dernier recours sur des multinationales qui seraient attirées à Genève par une fiscalité concurrentielle et qui seraient prêtes à s'en aller dès qu'elles trouveraient moins cher ailleurs.
Enfin, il existe un point, encore plus important peut-être, qui est systématiquement passé sous silence, même dans ce projet de loi, et auquel les Verts resteront attentifs: les implications dramatiques de la RFFA sur le développement de l'ensemble de notre bassin de vie transfrontalier. Je m'explique: vous le savez, Mesdames les députées, Messieurs les députés, le «maldéveloppement» de la région est dû au fait que trop d'emplois sont concentrés sur le territoire genevois et trop peu sur le territoire français. Par ailleurs, c'est en France, et non en Suisse, que s'installe la majorité des nouveaux habitants - les frontaliers. Ce déséquilibre induit une crise du logement toujours plus aiguë dans le canton de Genève, un urbanisme chaotique dans l'Ain et en Haute-Savoie, avec ses corollaires, un besoin en transports toujours plus grand pour les pendulaires et une pollution liée à la mobilité dangereuse pour la population. En matière de santé publique, de politique sociale et de préservation de l'environnement, l'impact est désastreux, vous en conviendrez. Malgré la croissance - ou peut-être à cause d'elle ! - il fait toujours moins bon vivre dans notre région et ce n'est pas un cadeau que nous offrons aux générations futures. Ce rééquilibrage deviendra globalement illusoire si les entreprises situées à Genève sont imposées à 13,99% et qu'en France elles restent dans le même temps à 33%.
Pour toutes ces raisons, les Verts vous invitent à voter en faveur de ce projet de loi et invitent la population à voter en faveur de l'initiative. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Chers collègues, bien entendu, la votation sur l'initiative «Zéro pertes» tranchera l'opinion de la population par rapport à ces enjeux fondamentaux, qui restent des enjeux fondamentaux, ceux que constitue, comme l'a rappelé le député Vert qui s'est exprimé avant moi, la concurrence fiscale intercantonale, dans son aspect réel et dans son aspect de chantage. Il y a un aspect réel - il peut y avoir des déplacements d'entreprises - mais il y a aussi un aspect de chantage, qui consiste à dire: «Surtout, soyons les meilleurs élèves par rapport aux entreprises et imposons-les le moins possible pour qu'elles restent chez nous, sinon elles partiraient !» Donc, ces deux aspects jouent un rôle et resteront au centre des débats. Je sais que c'est très désagréable pour le PLR, qui est le parti de l'extrême droite économique - si je peux... (Commentaires.) ...me permettre cette image de l'extrême droite économique - c'est-à-dire qu'il est prêt à tout sacrifier aux intérêts de l'économie; sur d'autres questions sociétales, c'est un parti qui ne pourrait pas être qualifié d'extrême droite.
Maintenant, s'agissant des autres aspects défendus par ce projet de loi, c'est fondamentalement la défense des services publics et des prestations à la population, et cela tourne autour de l'idée qu'il ne suffit pas d'adapter les dépenses publiques à la croissance de la population. Cela ne suffira pas et cela ne suffit pas, pour des raisons que nous ne cessons de répéter sur nos bancs, c'est-à-dire que la population vieillit, la population se paupérise et la population a un besoin de plus en plus grand de formation. Donc non, ce n'est pas parce que la population augmente de 1% que les dépenses ont augmenté de 1%. Les dépenses ont augmenté de plus que 1% à cause de ces facteurs d'accroissement des dépenses, et donc, si on veut maintenir les mêmes droits sociaux et les mêmes services publics, il faudra payer davantage que proportionnellement à la croissance de la population.
Ce sont ces idées-là qui resteront au centre du débat de ce Grand Conseil et au centre du débat de plusieurs votations populaires à venir - je peux vous le garantir - et qui sont les questions clés qui ennuient tellement... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...mon collègue de Senarclens, parce qu'effectivement, il préfère parler de choses qui n'ont pas beaucoup d'incidence sur la vie des gens, alors que fondamentalement, un parlement, cela décide des impôts et de leur affectation. Si, quand on discute de cette question-là, on ennuie tout le monde, c'est que les décisions se prennent ailleurs, et c'est très désagréable.
Dernière remarque, et je m'arrêterai là pour mon rapport de minorité, en prenant trois secondes sur le temps de mon groupe: arrêtez de répéter que la population est pour la RFFA ! La population était contre la RIE III, elle a voté oui à la RFFA pas parce qu'on a baissé l'imposition des grandes entreprises, mais parce qu'on lui a fait croire qu'il y aurait une compensation suffisamment adaptée pour que la mesure soit équilibrée. Au niveau fédéral, c'était l'AVS qui était un cri de ralliement, parce que c'est une des seules conquêtes sociales importantes qu'avait réalisées la gauche en Suisse; ici, on a parlé d'assurance-maladie. Les gens ont voté pour ça ! Ils n'ont pas voté pour la baisse de moitié de l'imposition des entreprises. Raison pour laquelle ils se rendront vite compte que cette aide à l'AVS - on annonce maintenant déjà l'élévation de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans - c'était un petit peu des promesses dans le vide. Et puis, s'agissant de l'assurance-maladie, c'est tellement terrible, les subsides qu'on a promis, qu'on taille dans le budget et dans les prestations pour pouvoir boucler le budget de l'année prochaine. Je m'arrêterai là. Je vous invite à voter ce projet de loi, sans grand espoir, vous connaissant, de ce côté-là de la salle... (L'orateur désigne les bancs de droite.) ...et j'invite surtout la population à voter pour l'initiative «Zéro pertes». Merci. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, en effet, je reprends les mots de mon préopinant: «sans grand espoir». Désespoir, Monsieur le député ! Après le PF 17, après la RFFA, l'initiative «Zéro pertes» - initiative refusée par le peuple - le souverain a tranché, comme avec...
Des voix. Non ! (Commentaires.)
M. Christo Ivanov. Mais il le fera ! Comme il l'a fait avec la RFFA, je vous rassure, un peu de patience ! On distribuera les mouchoirs après la votation. Aujourd'hui, la RFFA est entrée en vigueur. C'est une réalité. Dans le projet de loi, à l'article 155, vous indiquez: «L'Etat agit en faveur de la réduction de la concurrence fiscale intercantonale.» Or je vous rappelle qu'avec la RFFA, les cantons vont harmoniser leurs taux. Prenez les Vaudois, les Fribourgeois, les Valaisans et Genève: tout se tient à 0,2% ou 0,3%. Aujourd'hui, la concurrence fiscale est quasiment égale à zéro dans l'arc lémanique. Elle est quasiment égale à zéro ! Pour toutes ces raisons, le groupe UDC vous demande de bien vouloir refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Je pourrais être d'accord avec le rapporteur de majorité sur le fait que nous avons débattu dans ce Grand Conseil de l'initiative «Zéro pertes» et qu'on pourrait tenir le même débat. Mais, entre-temps, la nouvelle alliance de droite et d'extrême droite avec le MCG a décidé de s'en prendre massivement au budget 2020 et de couper dans les nouveaux postes - quatre cents et quelques - pour la fonction publique. Des postes qui ne correspondent pas à du vent, des postes qui ne correspondent pas à de l'argent jeté par les fenêtres, des postes qui sont synonymes de prestations pour la population, de services concrets.
Mesdames et Messieurs, ce que fait la droite pour le budget 2020 alors que la RFFA n'est pas entrée en vigueur - elle entrera en vigueur le 1er janvier 2020, vous transmettrez à M. Ivanov - c'est simplement un agissement contraire au discours d'une droite qui a prétendu vouloir la RFFA pour ne pas couper dans les prestations à la population. Ce que fait la majorité de la commission des finances sur le budget 2020, c'est de s'en prendre aux prestations. Oui, oui: couper dans ces quatre cents et quelques nouveaux postes, c'est s'en prendre aux besoins que nous avons et qui sont grandissants ! Ce sont en effet des charges que l'on peut qualifier d'automatiques, qui correspondent à l'accroissement démographique de la population, au vieillissement de la population... (Remarque.) ...et à l'appauvrissement de la population. Ces postes-là, ils servent à quelque chose, concrètement: en matière de santé, d'éducation, de sécurité, et nous en avons besoin pour faire face aux défis que connaît notre canton.
Aujourd'hui, oui, plus que jamais, face à l'irresponsabilité dont fait preuve la droite sur ce budget 2020, le canton de Genève a besoin d'un cadre fiscal. On ne peut dès lors pas faire confiance, quand d'un côté on a un discours qui vise à introduire des réformes fiscales en prétendant qu'il n'y aura pas de conséquences sur les prestations publiques et que, de l'autre, on s'attaque immédiatement à celles-ci. Donc oui, nous devons avoir - et le peuple se prononcera sur l'initiative «Zéro pertes» - un cadre fiscal permettant de préserver le financement des prestations à la population, pour que les Genevoises et les Genevois, via la fiscalité, aient toujours la même qualité de vie et puissent bénéficier d'une véritable cohésion sociale dans notre canton, qui connaît les plus fortes inégalités de Suisse. Donc, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste votera ce projet de loi.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Delphine Bachmann (PDC). Je suis absolument ravie d'apprendre que les Verts sont pour la baisse de la concurrence fiscale. En l'occurrence, je crois que le peuple a déjà infligé une claque suffisante le 19 mai dernier sur cette thématique. Je suis aussi ravie de constater qu'Ensemble à Gauche prend un petit peu le peuple pour des idiots, puisque ce groupe pense qu'il voté cette réforme juste pour en avoir les avantages, sans être capable de lire le texte jusqu'au bout et d'en comprendre pleinement les implications. (Commentaires.) Bref, je constate que le débat de ce soir sera vraisemblablement aussi long que le traitement de ce projet de loi en commission. Faisons donc en sorte que cela en vaille la peine.
Il est vrai que c'est toujours un peu la même chose: la gauche pense que c'est la plage des Eaux-Vives, le jet d'eau et la fondue des bains des Pâquis qui attirent les contribuables et les entreprises à Genève. Mesdames et Messieurs, c'est faux ! La concurrence est saine, car elle permet à notre canton de rester attractif dans le domaine de l'emploi et en termes de financement et de maintenir une certaine prospérité économique - prospérité économique, qui, je le rappelle, permet de financer le magnifique mammouth étatique qui ne cesse de grandir, car nous sommes incapables d'optimiser nos prestations. C'est toujours la même technique: à gauche, on nous suggère de vider les poches de celles et ceux qui ont encore quelque chose dedans, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien... (Remarque.) ...plutôt que de réfléchir au fonctionnement de notre structure. C'est vraiment la technique de «quand il n'y en a plus, eh bien il y en a encore !» Prenons toujours chez les mêmes, ils resteront bien, tels des pigeons, dans notre canton.
Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas la politique que le parti démocrate-chrétien défend. Ce n'est pas comme ça que notre canton pourra maintenir les prestations à la population. Pour nous, ce sera donc un grand non sur ce projet de loi.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Jean Burgermeister pour une minute vingt.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Encore, encore, encore, se plaignait le rapporteur de majorité: va-t-on encore parler de ces grandes entreprises qui se gavent sur le dos de la population ? (Commentaires.) Eh bien oui, évidemment, nous allons en parler, encore et encore, et précisément aujourd'hui, parce que c'est devenu d'autant plus important après le vote en commission sur le budget 2020. A quoi a-t-on assisté durant ce vote en commission ? D'abord, à une droite qui a trahi ses engagements à la population... (Remarque.) ...puisqu'elle avait promis, au moment du vote sur la RFFA, qu'il n'y aurait aucune baisse, aucune coupe dans les prestations. C'est bien l'inverse qu'elle a fait ! La droite et le MCG ont sabré massivement dans des prestations essentielles à la grande majorité de la population.
Ensuite, qu'est-ce qu'on a vu ? Pour faire passer la RFFA, la droite a consenti... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...à agrandir substantiellement l'enveloppe des subsides d'assurance-maladie, mais, de l'autre côté, elle a supprimé tous les postes qui devaient servir à mettre en oeuvre cette pseudo-compensation, c'est-à-dire qu'elle a voté les crédits pour les subsides, mais elle a empêché d'engager des personnes censées permettre de délivrer ces prestations.
Mesdames et Messieurs, le vote auquel on a assisté en commission a bien prouvé que l'initiative «Zéro pertes» et ce projet de loi sont plus importants...
Le président. Je vous remercie.
M. Jean Burgermeister. ...aujourd'hui que jamais et...
Le président. Je passe la parole à...
M. Jean Burgermeister. Je vais prendre sur le temps du groupe PLR, Monsieur le président ! (Rires.)
Le président. Non, je passe la parole à M. le député Adrien Genecand. (Applaudissements. Commentaires.)
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Vous remercierez également le député Marchais qui vient de parler ! On est toujours très heureux d'entendre le député Marchais nous faire l'apologie du communisme et sa critique du libéralisme assez classique.
Mesdames et Messieurs, une entreprise, c'est quoi ? Ce sont d'abord des retraités suisses. Il se trouve qu'une grande majorité de l'actionnariat est composé de caisses de pension. Ce sont les retraites. Il faut donc arrêter d'attaquer l'entreprise comme étant une espèce de fantôme qui ne serait que méchant et chercheur de profits. La réalité aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, c'est que plus de la moitié de l'actionnariat est détenue par les caisses de pension, et donc par vos, par nos retraites. Voilà. Il faut donc arrêter de faire cette critique un peu stupide de l'entreprise. L'entreprise aujourd'hui, pour plus de la moitié de l'actionnariat, c'est nous. Tous les Suisses, tous les 2800 francs de caisse de pension, c'est une action Nestlé. Que vous aimiez Nestlé ou pas, vous êtes tous actionnaires de Nestlé dans cette salle, à travers vos fonds de pension. (Commentaires.) Voilà, il faut donc arrêter avec cette critique stupide de l'entreprise, parce que l'entreprise, c'est vous et nous.
Donc, sauf à vouloir vous départir de vos retraites et aller jusqu'au bout de votre raisonnement - et ce sera le point le plus important pour moi, Monsieur le président... Je n'ai aucun problème à discuter de la taille de l'Etat et de la croissance. Commençons par nous mettre autour de la table et demandons-nous: qu'est-ce qu'on diminue ? Si on veut consommer moins, si on veut vivre avec moins, si on veut faire moins, il n'y a pas de problème ! On commence par l'Etat, Mesdames et Messieurs ! L'Etat, c'est vous, c'est nous. Quand vous dites «couper»... Mais on est où ? Si on n'augmente pas le nombre de fonctionnaires dans ce canton, vous parlez de coupes. (Commentaires.) Vous en êtes là, Mesdames et Messieurs ! Si on n'augmente pas le nombre de postes ni les salaires, il s'agit d'une attaque sociale qui devrait être impossible. Mais partout ailleurs sur terre... C'est hallucinant ! On n'est pas en train de licencier des gens ! On est en train simplement de ne pas engager quelqu'un ou quelqu'une. C'est simplement ça ! Dans le vocabulaire, vous êtes complètement à la rue ! Partout ailleurs sur terre, quand on enlève quelque chose à l'Etat, cela veut dire que des gens sont licenciés ! Et quand on n'engage pas, on ne parle pas de coupes. Vous êtes sur une autre planète, Mesdames et Messieurs ! On est probablement le seul endroit sur terre qui peut se permettre ce luxe dans le vocabulaire, et vous êtes effectivement les plus grands défenseurs de cela. Mais c'est absolument stratosphérique ! C'est stratosphérique, parce que vous êtes tous actionnaires de Nestlé, comme de tout le reste des entreprises suisses. Si vous voulez commencer par vous plaindre de ce que les entreprises gagnent et font comme profit, commencez par rendre les salaires et les rentes, notamment ceux qui dans cette salle sont des rentiers de l'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Françoise Sapin (MCG). Comme relevé par le rapporteur de majorité, cela devient lassant. Toujours les mêmes débats, les mêmes ressassements ! Oui, la RFFA a été acceptée par le peuple, n'en déplaise à la gauche. Par rapport au titre de ce projet de loi, il ne s'agit en aucun cas de cadeaux aux grandes entreprises. La RFFA a permis de maintenir plus de 60 000 postes dans notre canton. En ce qui concerne les remarques d'Ensemble à Gauche - vous transmettrez à M. Burgermeister, Monsieur le président - à la commission des finances mercredi, il ne s'est pas du tout agi de coupes dans les prestations. Ce sont des mensonges ! Il s'agit d'un «personal stop», ce n'est pas du tout la même chose. (Commentaires.) Le MCG ne votera pas ce projet de loi. Merci.
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). On l'aura compris, à gauche, c'est haro sur les entreprises ! Mais en détruisant ces entreprises, on n'aura plus rien à distribuer. C'est ça, le problème. Parce qu'il faut avoir une capacité distributive pour permettre d'assurer les tâches fondamentales de l'Etat. Le MCG défend les PME. Il défend également les résidents genevois. C'est cela, toute sa ligne politique. Certains parlent de nouvelle droite: non, non ! Au contraire. Nous sommes dans un axe protectionniste, dans un axe original, dans un axe où nous défendons de manière prioritaire les Genevois; c'est notre fonction.
J'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. Rossiaud, qui, lui, soutient que le mauvais développement est dû à un problème de fiscalité. En fait, la fiscalité est une forme de redistribution, or le problème ne se trouve pas dans la redistribution. Le mauvais développement de Genève - sur ce point, je suis d'accord avec le député Rossiaud, parce que cela existe, il faut le reconnaître - est dû à un problème de structure: à la structure du marché de l'emploi, à la structure de l'aménagement de notre territoire, à la structure de notre démographie et à d'autres éléments structurels importants. C'est sur cela que nous devons agir ! Et non pas sur la fiscalité, où on fait fausse route ! Parce que, c'est vrai, comme l'avait relevé un autre préopinant, c'est la politique de Marchais: au-dessus du million, je prends tout ! De manière caricaturale, c'est ce qu'il disait dans les années 70. C'est la politique de la gauche genevoise, malheureusement: «Au-dessus des millions, je prends tout ! Les grandes entreprises, je leur prends tout !» Bon. C'est bien gentil, mais cela ne va nous mener nulle part, si ce n'est vers notre chute et notre perte. Ne suivons pas ces projets-là, utilisons notre bon sens et notre jugeote pour bien gérer les affaires de l'Etat !
Une voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat vous encourage évidemment à refuser ce projet de loi. Les liens qui sont faits et les allégations selon lesquelles ce projet de loi viendrait sauver un budget sont totalement farfelus. Seul votre parlement peut revenir sur la décision qui a été prise à la commission des finances s'agissant du budget. Soyez assurés, Mesdames et Messieurs, que dans la mesure où, aux comptes 2018, 82% des revenus du canton sont composés de revenus fiscaux, faire passer un projet de loi pareil n'améliorerait en rien la situation budgétaire de Genève. Merci.
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12223 est rejeté en premier débat par 53 non contre 39 oui.
Premier débat
Le président. Nous traitons le point suivant en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) Vous voulez rester à votre place, Monsieur Guinchard ? Monsieur Guinchard ? Vous pouvez rester là, si vous voulez: vous êtes blessé ! (Commentaires.) Restez là, il n'y a aucun problème. (Remarque.) Il n'est pas blessé, il est malade, mais avec les béquilles... (Commentaires. Un instant s'écoule.) En attendant, je passe la parole au rapporteur de minorité, M. Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Le rapporteur de minorité parle le premier, d'accord ! Merci, Monsieur le président. On nous soumet un projet de loi qui vise à instituer une nouvelle niche fiscale pour une catégorie de privilégiés, c'est-à-dire pour ceux qui disposent d'un troisième pilier B - la prévoyance individuelle non liée - à savoir d'une assurance-vie, de capitaux d'épargne, etc. Cette déduction, qui existe à Genève et à Fribourg et relève d'une décision cantonale, eh bien notre collègue Yvan Zweifel, spécialiste de l'optimisation fiscale, propose de la doubler !
Ce doublement fera perdre à l'Etat 7,2 millions - l'équivalent d'une cinquantaine ou d'une soixantaine de postes - au profit de qui ? Au profit d'une toute petite minorité de la population, probablement 5% des contribuables, qui va voir ses impôts diminuer. On nous avait annoncé que la RFFA - encore la RFFA - était la réforme fiscale majeure et qu'on allait rester sage sur les déductions accordées aux privilégiés, personnes physiques. Eh bien non ! Une fois la votation acquise, le travail de grignotage se poursuit et nous aurons des propositions de ce type tous les trois mois. C'est mon privilège de député de gauche à la commission fiscale d'assister tous les mardis à une séance qui commence par: à qui va-t-on faire un cadeau aujourd'hui parmi les privilégiés de ce canton ? (Remarque. Rire.) Et alors moi... Que dire devant ces questions ? Nous devrions avoir la décence d'arrêter de faire des cadeaux - cinq millions par-ci, dix millions par-là - toujours aux mêmes, c'est-à-dire aux privilégiés de ce canton.
Ce projet de loi aura pour conséquence d'introduire une sorte d'évasion fiscale légale. Tiens, en plus de mon troisième pilier A, je vais avoir un troisième pilier B et une partie de mes revenus sera donc systématiquement déduite de mes impôts ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Cela s'ajoute à tous les autres cadeaux fiscaux, beaucoup plus importants, dont bénéficient déjà les privilégiés de ce canton: le bouclier fiscal pour 150 millions et l'imposition partielle des dividendes pour une centaine de millions. Tout cela explique le manque de ressources des collectivités publiques.
Nous ne vivons pas une crise des dépenses mais une crise des recettes ! Parce que les inégalités se creusent, parce qu'il y a toujours plus de pauvres et toujours plus de riches, si nous voulons maintenir ces recettes à la hauteur des besoins de la population, n'en déplaise à Mme Bachmann - vous transmettrez, Monsieur le président - il faut prendre dans les poches de ceux qui n'arrivent plus à bourrer les leurs des ressources dont ils s'engraissent pour partager un peu la richesse avec ceux qui peinent. Ça me navre évidemment un peu de rappeler ça à un parti qui s'appelle non seulement démocrate mais aussi chrétien.
Des voix. Ah !
M. Jean Batou. Eh oui ! Le partage devrait être dans votre génome - le partage entre ceux qui ont trop et ceux qui n'ont pas assez. Ce qu'on nous propose aujourd'hui, c'est un cadeau et j'espère que vous aurez la décence de le refuser ! Après l'ensemble des cadeaux qui vous ont été accordés à vous et à vos milieux, j'espère vous aurez la décence de refuser une nouvelle déduction fiscale à hauteur de 7,2 millions en moins pour les finances publiques. Merci.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Le rapporteur de minorité soupçonne la droite de ce parlement, notamment les commissaires délégués à la commission fiscale, de se demander à qui elle va faire des cadeaux lorsque nous nous réunissons chaque mardi. Peut-être que le même rapporteur de minorité se demande quant à lui, avant chacune de ces séances, à quelle entreprise prédatrice - et bien entendu exploiteuse - il va s'attaquer ce jour-là. C'est systématiquement, ou du moins régulièrement, ce que la gauche et l'extrême gauche de ce Grand Conseil font.
Mesdames et Messieurs les députés, les travaux de la commission consacrés à ce projet de loi présenté par le PLR ont - comme d'habitude, je dirais - été fouillés et propices à un traitement rapide, approfondi et circonstancié du texte. Nous avons d'ailleurs obtenu de l'administration - et je l'en remercie - tous les renseignements pertinents nous permettant de prendre une décision. Il faut savoir qu'un certain nombre d'incertitudes planent sur notre deuxième pilier, et elles sont évidemment aggravées par les faibles rendements des placements que l'on constate aujourd'hui.
L'objectif du projet de loi - il est souhaitable et salutaire - est simplement de favoriser d'autres formes de prévoyance que l'AVS, qui se trouve maintenant consolidée par la RFFA pour un certain nombre d'années, et le deuxième pilier. C'est pour cela qu'on vous propose cet objectif: mieux valoriser les économies personnelles faites par le biais du troisième pilier. Certes, et le département l'a relevé à plusieurs reprises, cela entraînerait une perte de 7,2 millions pour notre canton et seuls 5% des contribuables seraient touchés - le rapporteur de minorité l'a mentionné et je dois avoir l'honnêteté de le reconnaître. Mais ce sont 5% des contribuables d'une classe moyenne que nous tenons à défendre et à laquelle nous essayons de permettre de mettre des économies de côté.
Je l'ai rappelé, le renflouement de l'AVS est un acquis solide mais qui ne va pas durer éternellement. Et puis avec l'échec en votation populaire de Prévoyance 2020, il est aussi utile de favoriser d'autres formes de prévoyance, et c'est bien dans ce sens-là que va cet objet. Je précise également, et si nécessaire je prendrai sur le temps de mon groupe, que les amendements déposés par le département - et d'ailleurs acceptés - sont de nature essentiellement technique et non politique. Sur cette base, je vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, d'adopter à la même majorité que celle enregistrée en commission le projet de loi qui vous est soumis.
M. Yvan Zweifel (PLR). Permettez-moi tout d'abord de remercier le rapporteur de minorité pour la publicité gratuite qu'il me fait en précisant que je suis - ou serais - un spécialiste de l'optimisation fiscale. Ce qui est loin d'être un gros mot, Mesdames et Messieurs: l'optimisation fiscale consiste tout simplement à faire en sorte que vous fassiez valoir sur votre déclaration fiscale toutes les déductions auxquelles vous avez droit au regard de la loi. En ce sens-là, si vous me traitez d'«optimiseur» fiscal, je vous en remercie. Vous auriez pu aller plus loin et donner aussi le nom de ma fiduciaire ainsi que le numéro de téléphone et l'adresse e-mail: ça m'aurait fait encore un tout petit peu plus de publicité ! Pour le reste, je suis à votre entière disposition, Monsieur le député, car je sais que vous faites partie de cette classe plutôt favorisée par la vie s'agissant du revenu, et je suis donc à votre entière disposition pour améliorer votre déclaration fiscale ! (Rires. Applaudissements.) Comme je ne suis pas sectaire, cette offre vaut évidemment pour l'ensemble de votre groupe. (Rires.)
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, que demande ce projet de loi ? Il demande un coup de pouce fiscal en lien avec la prévoyance. Vous le savez, en Suisse, la prévoyance est basée sur trois piliers: un pilier de solidarité, l'AVS, dont vous pouvez déduire l'intégralité des charges sur votre déclaration fiscale; un deuxième pilier, celui de la prévoyance professionnelle, dont l'intégralité des charges peut également être déduite sur la déclaration fiscale; et puis un troisième pilier de prévoyance individuelle. Vous pouvez aujourd'hui déduire 6826 francs au titre du troisième pilier A et, à Genève et à Fribourg, un certain montant - en l'occurrence 2200 francs pour un célibataire, 3300 pour un couple et 900 francs par enfant - pour un troisième pilier B.
Contrairement à ce que dit le rapporteur de minorité, le projet de loi ne propose pas une nouvelle niche fiscale puisque cette déduction existe déjà. Il vise simplement à augmenter le montant de la déduction de manière que les gens puissent mettre plus d'argent de côté pour leur prévoyance. Car on sait très bien aujourd'hui que ceux qui ont mon âge ou sont plus jeunes encore ne toucheront qu'une AVS très faible à leur retraite - quant à la LPP, on verra bien ce que ça donne - et qu'il est donc important de mettre également des moyens dans le troisième pilier, en faveur de la prévoyance. C'est ce que vise à favoriser ce projet de loi ! Et si cette déduction en faveur de la prévoyance ne coûte que 7,2 millions, il me semble que le montant est largement justifié puisqu'il est en faveur de la population.
Mesdames et Messieurs, certains l'ont dit, un budget est sorti de la dernière commission des finances. Il s'agit d'un budget conçu autour d'une majorité responsable et raisonnable, qui a voulu tenir compte des votes populaires mais aussi de la réalité budgétaire et financière de notre canton. Afin de préserver l'accord trouvé par la majorité de la commission des finances et par gain de paix, pour que cet objet ne soit pas imputé sur le budget 2020, je vous propose le renvoi en commission de ce texte. Je vous remercie.
Le président. Bien. Qu'en disent les rapporteurs - Monsieur Guinchard ?
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Compte tenu des arguments développés par notre collègue député M. Zweifel, je ne suis pas opposé à un renvoi en commission.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Nous sommes extrêmement hésitants... (Remarque. Rires.) ...parce que nous sommes prêts à lancer un référendum... (Remarque.) ...sans aucun doute victorieux, contre cette nouvelle niche fiscale en faveur de 5% de la population. Mais si le PLR recule devant la sanction populaire, eh bien nous sommes prêts à repousser ce référendum à la fois suivante.
Une voix. Bravo !
Le président. Bien, nous passons au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12249 à la commission fiscale est adopté par 92 oui contre 1 non et 2 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous traitons maintenant le rapport de la commission législative sur le projet de loi 12407. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur, M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Les auteurs de ce projet de loi demandent essentiellement que, d'une part, le budget des activités exercées sous forme de monopole public ne prévoie pas d'excédents, et que, d'autre part, les excédents provenant d'activités exercées sous forme de monopole soient réinvestis pour améliorer les prestations.
Ce projet de loi pose de multiples problèmes. Le premier est le suivant: comment attribuer une partie des bénéfices ou des excédents aux collectivités publiques ? Exemple, l'Aéroport international de Genève, qui exerce une activité de monopole, perçoit des revenus provenant essentiellement de la location de surfaces commerciales ou de taxes aéroportuaires, qui dépendent de la Confédération. Deuxième exemple, les Services industriels de Genève ont un modèle de fonctionnement basé sur les métiers ou par secteur. Ce projet de loi poserait dans les deux cas d'énormes problèmes. Comment les excédents de ces deux instituts devraient-ils être réinvestis ? Par secteur ? Par corps de métier ? Comment réinvestir les bénéfices éventuels de l'Aéroport international de Genève qui proviennent de la location de locaux commerciaux ?
En plus de cela, l'Etat devrait renoncer à des bénéfices quand même conséquents. Pour mémoire, l'Aéroport international de Genève verse environ 40 millions de francs chaque année à l'Etat de Genève et les SIG environ 16 millions. Ces instituts de droit public, avec ou sans activité sous forme de monopole, sont déjà soumis à un cadre légal et rendent déjà régulièrement des comptes au Conseil d'Etat et même au législatif.
Selon toutes les auditions que nous avons menées, ce texte est inapplicable. Il faut quand même rappeler que l'Etat impose déjà à tous les instituts de droit public un mandat clair, des moyens et également des objectifs. Ce projet de loi serait contraire à la gestion actuelle des instituts de droit public. Il rendrait moins visible, voire floue, la mission que leur donne l'Etat et surtout diluerait la responsabilité des instituts de droit public elle-même. L'immense majorité de la commission vous recommande de rejeter ce projet de loi. Merci de votre attention.
M. Alberto Velasco (S). On l'a vu au cours du débat tout à l'heure, la tendance a effectivement été jusqu'à présent de baisser les revenus fiscaux de l'Etat, avec des projets comme ceux qu'on nous a présentés. Donc, il faut chercher ces revenus ailleurs et on va demander aux entreprises publiques, qui en principe sont chargées de délivrer une prestation publique à prix coûtant, de faire des bénéfices. Avant, on n'aurait jamais demandé aux Services industriels de verser une part de leur excédent à l'Etat, et c'est le cas aussi pour l'aéroport. Mais la logique de ce projet de loi, c'est de dire que si une entité est chargée de délivrer une prestation publique - je dis bien publique ! - elle devrait la délivrer à prix coûtant. Et puis, s'il y a des excédents, eh bien ce sont des excédents, pas des bénéfices - je dis bien des excédents ! - et ils sont utilisés dans le but de faire baisser les coûts, pour permettre que cette prestation soit la plus accessible possible. Sinon, Mesdames et Messieurs, changez leur nom ! Changez leur nom ! Ce ne sont plus des services publics, ce sont des entreprises à capital public, chargées de faire le plus de blé possible pour augmenter les revenus de l'Etat.
Mais ce qu'il y a de grave, Mesdames et Messieurs, c'est que quand vous payez des impôts, vous les payez proportionnellement à vos revenus, alors que quand les Services industriels augmentent leur tarification, ce n'est pas proportionnel ! Ce n'est pas proportionnel. En plus, quand il y a une augmentation d'impôts, le peuple peut lancer un référendum; il peut exprimer sa voix là-dessus et décider. Quand une entreprise comme les Services industriels - ou d'autres - augmente le coût de ses prestations, vous ne pouvez pas faire un référendum ! Donc, le pauvre et le riche sont taxés exactement de la même façon ! C'est ce qu'on appelle une parafiscalisation, pire que la TVA.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi, qui est un projet de fond, veut simplement que quand on délivre une prestation publique - je dis bien publique - qui doit être la plus accessible à la population, on fasse en sorte que les coûts soient les plus bas possible et qu'on n'essaie pas de les pousser au maximum pour dégager des bénéfices afin de remplir la caisse de l'Etat, tout cela parce qu'aujourd'hui, effectivement, eu égard à toutes ces baisses d'impôts continuelles depuis dix ans, l'Etat est devenu exsangue et a besoin de trouver des revenus de toutes parts.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, j'ai compris que la commission trouvait que c'était tellement complexe que... Vous savez, quand on n'a pas la capacité ou l'intelligence de s'attaquer à ce type de demande de changement de structure, on dit que c'est trop complexe. Je l'ai vu déjà en matière de logement, quand j'avais proposé un projet du même acabit, et c'est dommage. C'est dommage, car ce que je demande, c'est simplement de mettre un terme aux privatisations rampantes auxquelles vous procédez. Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, trois mots. (Commentaires.) Ces sociétés, notamment les Services industriels, si vous les privez de la possibilité de faire quelques excédents, vous les empêchez aussi de faire des investissements. Or on leur demande par exemple d'investir massivement dans la géothermie et dans la transition énergétique. Ce n'est pas raisonnable d'accepter ce type de projets, parce que, justement, on va paralyser ces entreprises qui doivent remplir les missions que nous, Grand Conseil, Conseil d'Etat, leur donnons. D'ailleurs, les Services industriels, vous savez très bien qu'ils n'abusent pas en ce qui concerne les tarifs; ils ont annoncé une baisse des tarifs de l'électricité pour 2020. Par conséquent, je pense qu'on est complètement à côté de la plaque avec ce projet de loi et je vous invite à le rejeter.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci. Nous votons sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12407 est rejeté en premier débat par 63 non contre 16 oui et 2 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous terminons cette séance avec le PL 12524-A, classé en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. Christo Ivanov, rapporteur de majorité.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'ai oublié mon écriteau, mais je pense que tout le monde me connaît, donc c'est bon ! (Rires. Commentaires.) Ce projet de loi déposé par le groupe Ensemble à Gauche veut supprimer l'imposition partielle sur les dividendes. (M. Jean Batou rit.) Qu'est-ce qu'il y a, Monsieur Batou, vous avez un problème ? (M. Jean Batou rit et l'orateur rit à son tour.)
M. Pierre Vanek. Aucun !
M. Christo Ivanov. Les revenus de la fortune doivent être taxés sur le même pied que ceux du travail. Je pense que là, on approche quasiment une forme de délire ! En effet, l'imposition partielle des revenus provenant des participations détenues dans la fortune commerciale touche bon nombre d'entreprises, de PME et de PMI. Le projet de loi prévoit d'abroger l'article 19B et l'article 22, alinéa 2, de la LIPP, pour également supprimer le rendement de la fortune immobilière.
Une voix. Mobilière !
M. Christo Ivanov. Le patron qui va au charbon tous les matins à 5h30 - c'est mon cas, n'en déplaise à certains - est généralement celui qui est un gros actionnaire de sa propre entreprise, notamment dans sa PME, ce qui est mon cas. Ceux que visent les auteurs de ce projet de loi, ce sont ceux qui ne mouillent pas leur chemise et qui sont justement les petits actionnaires en bourse ou les spéculateurs qui ne possèdent jamais 10% d'une entreprise. Celui qui n'a pas de participation qualifiée, c'est-à-dire le spéculateur visé par le premier signataire de ce projet de loi, est précisément imposé à 100% sur les dividendes qu'il reçoit. Or l'atténuation de la double imposition économique vise justement à soulager le petit patron qui travaille déjà dans son entreprise, qui verse des salaires et qui a une substance réellement doublement imposée. Si votre entreprise réalise par exemple 100 millions de francs de bénéfice... Non ! 100 000 francs, n'exagérons rien ! (Rire. Commentaires.) ...vous payez l'impôt sur le bénéfice à hauteur de 14% aujourd'hui...
Une voix. 24 !
M. Christo Ivanov. ...et de 13,99% demain suite au vote de la RFFA, ainsi que sur le solde qui est distribué à l'actionnaire. C'est le même montant. Celui-là est imposé sur son revenu. Il est ainsi imposé deux fois exactement sur le même substrat. C'est bien pour cela qu'aujourd'hui, beaucoup de patrons de petites entreprises ne versent pas de dividendes, parce que le taux d'imposition est trop élevé. A cela s'ajoute le fait d'être imposé sur son revenu malgré la RFFA. Les fiduciaires conseillent toujours aux patrons de se verser un salaire pour éviter la double imposition économique. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission fiscale vous demande de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Chers collègues, nous abordons une question tout à fait sérieuse. L'imposition des salariés et celle des retraités se fait sur 100% de leurs revenus. Or, il existe une catégorie de la population, soit 1600 contribuables à Genève, qui touchent un revenu important, celui de leurs dividendes, et qui sont imposés sur 60% à 70% de ce revenu, selon qu'il s'agit d'une fortune commerciale ou d'une fortune privée. Cela signifie qu'il existe une catégorie de contribuables qui, quand ils déclarent 1000 francs, ne sont imposés que sur 600 ou 700 francs. Ce serait un rêve pour tout le monde, pour l'ensemble de la population, d'être imposé de cette manière-là. (Commentaires.) On nous dit qu'il y a une double imposition économique, parce que l'entreprise est imposée sur le bénéfice et l'actionnaire sur son revenu. Eh bien, les actionnaires ont une chance inouïe ! Comme le disait François Mitterrand, et je m'excuse auprès du député de l'UDC qui est assis à côté de moi, les actionnaires sont ceux qui gagnent de l'argent en dormant.
M. Christo Ivanov. Il sait de quoi il parle !
M. Jean Batou. Evidemment, il ne s'agit sans doute pas de notre ami Christo Ivanov... (Commentaires.) ...mais d'une grande partie des actionnaires, des familles d'actionnaires qui gagnent des fortunes en dormant. Je voudrais prendre un exemple qui concerne en particulier l'UDC: c'est la famille Blocher.
M. Christo Ivanov. Aah !
M. Jean Batou. Voyez-vous, la famille Blocher - pas la cheffe d'entreprise, mais toute la famille - a empoché 293 millions de francs de dividendes en 2017... (Commentaires.) ...et 318 millions en 2018. Le parti des petites gens...
M. Christo Ivanov. 300 ?
M. Jean Batou. 318 millions en 2018.
M. Christo Ivanov. Je note !
M. Jean Batou. Moi, je fais un pronostic: avec la RFFA, bien sûr, les bénéfices nets des entreprises vont augmenter, puisque l'imposition va diminuer. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Or, comme la part du bénéfice net distribué en dividendes est aujourd'hui en Suisse de 70% - c'est-à-dire que 70% des bénéfices nets sont distribués en dividendes, contre 30% en 1990, vous voyez donc que la richesse créée par le travail et par les travailleurs vient en réalité pour l'essentiel aujourd'hui s'ajouter aux revenus des actionnaires - ces actionnaires devraient être imposés au moins sur 100% de leurs revenus. Je vais même dire plus: ils devraient participer aux cotisations sociales ! Il est inexplicable que les salariés soient imposés sur 100% de leurs revenus, en plus de cotiser à l'AVS, à l'AI, à leur caisse de deuxième pilier, etc. On serait donc autorisé à parler au sens large d'une double imposition des salariés, alors que l'argent que les actionnaires gagnent en dormant n'est pas imposé à 100% et qu'en plus, on ne cotise pas dans ce cas aux assurances sociales.
De surcroît, la Suisse est la championne du monde toutes catégories de la distribution de dividendes confondues: dans notre pays, on estime en effet les dividendes distribués par les entreprises suisses à environ 50 à 60 milliards, c'est-à-dire quasiment autant qu'en Allemagne ! Plus qu'en Italie ! En dépit de l'importance de la population et de la taille des économies, la Suisse est la championne du monde, et comme le dit Nicolas Bürki, de Mirabaud Asset Management, qui n'est pas un de mes amis intimes...
M. Christo Ivanov. Ah bon ?! (Commentaires.)
M. Jean Batou. ...dans «Le Temps» du 28 janvier 2018: «Dividendes: des actionnaires suisses choyés jusqu'au plafond». «Choyés jusqu'au plafond» ! Je ne sais pas si l'expression est belle, mais elle est parlante. Donc, en imposant simplement à 100% - justice la plus élémentaire - les revenus des gros actionnaires - ceux qui ont des participations qualifiées, donc au moins 10% du capital - comme on impose 100% du revenu des retraités à l'AVS ou des modestes salariés, d'après les simulations que la commission fiscale a reçues et en tenant compte de la toute petite modification introduite par la RFFA, le canton de Genève - communes et Etat réunis - pourrait encaisser environ 100 millions de francs de recettes supplémentaires. Voilà une bonne idée - parce que je crains que cette idée ne séduise pas une partie de ce parlement...
Une voix. Meuh non ! (Commentaires.)
M. Jean Batou. ...une partie significative de ce parlement - voilà une bonne idée d'initiative populaire ! Je suis sûr que la population serait heureuse d'apprendre qu'il existe une catégorie de 1600 personnes qui ne paient pas les impôts comme tout le monde sur l'ensemble de leurs gains, mais seulement sur 60% ou 70%, qu'elles ne cotisent pas aux assurances sociales sur ces gains, et que simplement en les traitant comme le reste de la population, on réduirait le déficit public d'une centaine de millions. Merci.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Mes interventions aujourd'hui se suivent et se ressemblent. Je ne vais pas parler du fond, une fois de plus: c'est un sujet connu, archiconnu. Je me répète, mais après la RIE III, après le PF 17, après la RFFA, après l'initiative «Zéro pertes» traitée le 31 octobre, après le PL 12223 dont on vient de parler, voilà que l'on relance le sujet de l'imposition des entreprises. Le PLR refusera évidemment ce projet de loi, qui vise à créer une double imposition et qui ne laisse même pas à la RFFA le temps de déployer ses effets.
Ce que j'aimerais dénoncer, c'est la méthode, cette sorte de guérilla parlementaire qui nous est imposée par l'extrême gauche, cette sorte de flibuste. (Rires.) Certains pourraient en rire - Monsieur Batou, je vous vois rire - mais cela a d'énormes conséquences, tant sur le parlement, qui est tiré vers le bas, que plus globalement sur nos institutions, qui sont tout simplement détournées, qui sont bloquées. L'ordre du jour gonfle, les débats deviennent totalement inutiles, et Ensemble à Gauche, dans une stratégie perverse, voire machiavélique... (Rires.) ...entraîne avec elle, avec lui, les Verts ainsi que le PS qui a peur d'être dépassé par la gauche et qui se sent obligé de cautionner ces projets de lois.
Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que les citoyens se détournent de la politique, qu'il soit difficile de motiver des personnes à s'engager, que des parlementaires démissionnent - je pense en particulier à l'une des dernières démissions au sein du PLR, un entrepreneur qui a fait le constat, après quelques années, qu'il avait une entreprise à faire vivre, des salaires à verser, et qu'il avait peut-être bien mieux à faire que de ressasser toujours les mêmes sujets: il s'est certainement lassé.
Le but de mon intervention n'est pas de vous convaincre, Monsieur Batou - vous transmettrez, Monsieur le président - ni même de convaincre l'extrême gauche, mais peut-être de sensibiliser des partis un peu plus raisonnables - je pense aux Verts et au PS - pour leur demander d'éviter de tomber systématiquement dans cette stratégie, dans cette... dans ce bateau ! (Rire.) Pour éviter un mauvais jeu de mots ! Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Yvan Rochat (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je vais devoir décevoir notre camarade Alexandre de Senarclens, vous transmettrez, Monsieur le président.
Une voix. C'est le mot: camarade ! (Rire. Commentaires.)
M. Yvan Rochat. Ainsi va la vie au sein de la majorité de ce Grand Conseil, la droite élargie, fiscalement aveuglée. Non contente de mettre en coupe réglée les revenus de l'Etat, elle s'oppose également aux principes d'égalité les plus élémentaires. Pour cette majorité-là, les revenus du capital doivent être protégés, imposés seulement partiellement, alors que les revenus du travail, les salaires de celles et ceux qui bossent, eux, subissent l'imposition entière. Quelle absurdité, quel cynisme de privilégier les dividendes plutôt que les salaires et de refuser une égalité de traitement entre ces deux sources de revenus !
Les Verts ne sont pas dupes. Derrière les arguments alambiqués - ici les PME, là la double imposition - il n'y a qu'une seule chose qui compte: les cadeaux à une minorité qui tire ses revenus des dividendes et la volonté d'appauvrir l'action de l'Etat, de creuser les déficits. Cette année, ils sont de 580 millions pour le budget de fonctionnement du canton. C'est donc pour ces raisons de responsabilité basique et de justice fiscale élémentaire que notre groupe votera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il n'aura échappé à personne que la situation financière de notre canton est critique, notamment en raison de l'acceptation de la RFFA et de la modification du taux d'imposition sur le bénéfice des entreprises. Or aujourd'hui, si l'on veut permettre le fonctionnement de l'Etat, la pérennité des prestations, le renforcement des services publics, il va falloir réfléchir à de nouvelles recettes fiscales, et ce projet de loi s'inscrit dans cette logique, qui est celle de faire rentrer un certain nombre de revenus pour notre canton et pour l'assurance de nos prestations à la population. D'ailleurs, il s'attaque véritablement à une situation d'inégalité, cela a déjà été dit par certains de nos préopinants. Aujourd'hui, les dividendes n'étant que partiellement imposés alors que les revenus du travail le sont complètement, l'imposition sur le capital est minorée par rapport à l'imposition sur le travail. C'est une inégalité fiscale extrêmement claire. Enfin, pour répondre quand même à M. de Senarclens - vous lui transmettrez, Monsieur le président - le parti socialiste monte très volontiers dans le bateau qui veut lutter pour une justice fiscale. C'est la raison pour laquelle nous accepterons ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Juste une précision pour notre collègue de Senarclens, qui nous a dit que la population se détournait de la politique. Je crois qu'il confond.
Le président. Vous avez terminé !
M. Jean Batou. La population s'est légèrement détournée du PLR récemment, c'est tout.
Une voix. Voilà !
Le président. Merci. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il y a beaucoup de choses à dire. J'ai entendu que, avec ironie, on parle de François Mitterrand. Effectivement, un président collabo en France, qui défendait...
Des voix. Oooh !
M. Christo Ivanov. ...qui défendait le chef de la police de Vichy, son ami jusqu'à la mort, par fidélité... (Commentaires.) C'est la pure vérité, même si cela ne vous plaît pas, c'est la pure vérité ! (Remarque de M. Romain de Sainte Marie.) Il me semble que la Suisse n'a jamais été dans la collaboration, Monsieur de Sainte Marie, vous transmettrez, Monsieur le président ! (Commentaires.) Merci beaucoup.
En ce qui concerne les attaques contre la famille Blocher, je ne suis pas là pour la défendre, ni pour défendre l'entreprise Ems-Chemie, mais en l'occurrence, ils font travailler plus de six mille personnes dans le canton des Grisons et dans d'autres cantons suisses - ils ont notamment racheté l'entreprise industrielle de feu notre ancien collègue Georges Letellier, leader mondial dans le domaine du nettoyage industriel par ultrasons.
Je m'étonne toujours des attaques contre les entreprises; c'est toujours le même discours. Je le redis pour la millième fois et je le redirai encore et encore: nous nous levons tôt le matin, nous payons des salaires, nous payons des charges sociales avant de nous payer nous-mêmes ! (Commentaires.) Donc arrêtez de tirer sur l'économie, arrêtez de tirer sur les entreprises, car dans ce canton, sans les entreprises et sans les forfaitaires fiscaux, il n'y aurait pas de filet social et nous n'aurions pas les moyens de payer tout le social que nous payons, car Genève est le canton le plus généreux de Suisse pour les prestations sociales ! Pour toutes ces raisons, il convient de refuser ce projet de loi. Je vous remercie. (Remarque.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Oui, l'Etat a besoin de revenus fiscaux, mais il a surtout besoin, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Mme Nathalie Fontanet. ...de conserver ses contribuables.
Une voix. Voilà !
Mme Nathalie Fontanet. J'ai pour habitude de rappeler devant votre plénum, et je ne vais pas manquer de le faire à nouveau, les pyramides fiscales dans notre canton et les chiffres y relatifs, en particulier le fait qu'à Genève, les pyramides fiscales reposent sur la pointe: 1,2% des contribuables paient 66,4% de l'impôt sur la fortune. 0,2% des contribuables paient 20,3% de l'impôt sur le revenu. Or, les contribuables - les personnes physiques - sont encore moins captifs que les entreprises et que les personnes morales.
Remodifier maintenant l'imposition sur les dividendes, alors que celle-ci a été augmentée dans le cadre de la votation sur la RFFA, que nous avons exploité largement la marge de manoeuvre qui était donnée aux cantons... Je rappelle que le droit fédéral nous indiquait un minimum et que nous sommes allés au-delà: nous sommes passés d'une imposition de ces dividendes de 60% à 70% dans la fortune privée et de 50% à 60% dans la fortune commerciale. Cela suffit, Mesdames et Messieurs. Maintenant, respectons les contribuables de notre canton, car ils paient et fournissent à l'Etat 82% de ses revenus. Cela nous permet de financer nos politiques publiques. Je vous encourage donc à refuser ce projet de loi. Merci.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, je vous invite à vous prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12524 est rejeté en premier débat par 51 non contre 36 oui et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que vous êtes toutes et tous invités au parc des Bastions vendredi prochain, 29 novembre, à 19h, pour le traditionnel souper de la 42e course de l'Escalade. Nous remercions ici les organisateurs pour cette invitation. Je lève la séance et vous souhaite un bon week-end !
Des voix. Merci !
La séance est levée à 19h40.