Séance du
vendredi 22 novembre 2019 à
16h15
2e
législature -
2e
année -
7e
session -
39e
séance
La séance est ouverte à 16h15, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assiste à la séance: Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Mauro Poggia et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Diane Barbier-Mueller, Amanda Gavilanes, Adrien Genecand, Eric Leyvraz, David Martin, Philippe Morel, Patrick Saudan et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et M. Pierre Bayenet, Dilara Bayrak, Natacha Buffet-Desfayes, Sylvie Jay, Badia Luthi et Eliane Michaud Ansermet.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous informe que nous avons reçu la démission de M. Marc Fuhrmann de son mandat de député. Je prie M. Wicky de bien vouloir nous lire sa lettre, le courrier 3917.
Le président. Il est pris acte de cette démission à l'issue de la séance.
M. Marc Fuhrmann a siégé au Grand Conseil depuis son élection en mai 2018 sur la liste de l'UDC. Durant son mandat, il a été vice-président de la commission des affaires sociales et a pris part aux travaux des commissions judiciaire et de grâce. En plénière, il s'est notamment exprimé sur des sujets liés à la sécurité et à la bonne gestion des dépenses sociales de l'Etat.
Nous formons nos voeux les meilleurs pour la suite de ses activités et lui remettons, fidèles à la tradition, notre fameux stylo souvenir. (Applaudissements. Le président descend de l'estrade, serre la main à M. Marc Fuhrmann et lui remet le stylo souvenir.) Je passe la parole à M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, notre collègue Marc Fuhrmann nous quitte aujourd'hui pour un nouveau monde, que nous lui souhaitons meilleur.
Entré en politique en 2009 comme conseiller municipal dans la belle commune d'Hermance, haut lieu du festival «Jazz sur la plage» et du rugby helvétique, Marc Fuhrmann a présidé le Conseil municipal d'Hermance en 2016 et 2017, soit durant deux ans.
Une voix. Bravo !
M. Christo Ivanov. Il a également présidé la section genevoise de l'Union démocratique du centre de 2016 à 2018. Mais comment en est-il arrivé à intégrer l'UDC, me demanderez-vous ? L'anecdote est quelque peu cocasse. Marc Fuhrmann travaillait avec deux ténors de la politique genevoise, Céline Amaudruz et Adrien Genecand. Son coeur a balancé du côté de l'UDC, les arguments de Céline Amaudruz étant imbattables. (Exclamations. Rires.)
Entré au Grand Conseil en 2018, Marc Fuhrmann a siégé à la commission des affaires sociales, à la commission judiciaire et de la police ainsi qu'à la commission de grâce. Il a déposé une proposition de résolution demandant que nous recevions dignement nos hôtes étrangers, qui sera bientôt traitée à la commission législative. Bon vent à toi et à ta famille, cher Marc, vers de nouveaux horizons dans la région du Grand Canyon, en Arizona. Tous mes voeux pour votre futur !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). Cher collègue, cher Marc, sachez que le groupe MCG vous apprécie et que l'annonce de votre départ nous a surpris. Nous pensons en effet que vos interventions claires et précises nourrissaient utilement les débats de ce parlement.
Comme bien d'autres avant vous, il semble que ce soit à l'appel de l'Ouest que vous ayez décidé de répondre. Compte tenu de votre positionnement politique, on vous aurait mal vu succomber aux sirènes de l'Est. (Rires.) Pour être plus précis, c'est vers l'Ouest américain que vous avez choisi de poursuivre votre aventure familiale, un endroit rêvé pour que, tel le «Phoenix», vous renaissiez à une nouvelle vie.
Si vous deviez remonter plus au nord, dans les Rocheuses du Colorado, vous pourriez rencontrer vos lointains cousins, les trappeurs, ceux qu'on appelle là-bas les «fur men». (Rires.) Si, au contraire, c'est vers le sud que vous dirigez vos pas, ne vous y «trumpez» pas, car on bâtit un mur au Nouveau-Mexique - voilà qui vous ferait revenir en arrière, puisque vous avez tenté d'échapper à celui de Berlin.
En fait, votre premier choix reste le meilleur, mais prenez garde: selon la légende de Jack London, c'est là que «Harry zona». (Exclamations. Rires.) En un mot comme en mille, le groupe MCG vous souhaite une magnifique reconversion, en espérant que l'Amérique saura vous accueillir comme il se doit, c'est-à-dire en hôte de «Marc» ! (Applaudissements.)
Le président. Je cède la parole à M. Pierre Vanek.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mon rapport sera court: Mme Virna Conti, étudiante en droit, qui est appelée à devenir suppléante pour le groupe UDC, ne présente aucun lien d'intérêts qui serait incompatible avec le fait de siéger dans cette assemblée. Nous pouvons donc l'accueillir dans nos rangs.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport oral.
Le président. Mme Virna Conti prêtera serment à 18h.
Liens d'intérêts de Mme Virna Conti (UDC)
Néant.
Communications de la présidence
Le président. Nous avons appris le décès de la mère de notre collègue Mme Jocelyne Haller. Nous lui exprimons toutes nos condoléances à l'occasion de ce douloureux événement.
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Les questions écrites urgentes suivantes vous ont été transmises:
Question écrite urgente de M. Murat Julian Alder : Respect de la volonté du législateur concernant l'application de la LTVTC (QUE-1175)
Question écrite urgente de M. Thierry Cerutti : AVIVO - une association pour nos seniors dans le besoin (QUE-1176)
Question écrite urgente de Mme Caroline Marti : Solidarité internationale : l'Etat de Genève a-t-il revu ses ambitions à la baisse ? (QUE-1177)
Question écrite urgente de Mme Caroline Marti : Sécurité dans les zones 30 : la loi est-elle appliquée ? (suite) (QUE-1178)
Question écrite urgente de M. Eric Leyvraz : A combien se chiffrent les coûts d'exploitation du CEVA ? (QUE-1179)
Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : L'aéroport favorise-t-il la concurrence déloyale au détriment des taxis ? (QUE-1180)
Question écrite urgente de M. Diego Esteban : Naturalisation genevoise : chiffres et régime d'exception applicable aux prestations de serment (QUE-1181)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Modalités du transfert du bâtiment de l'Arena/Halle 7 à l'aéroport (QUE-1182)
Question écrite urgente de M. Simon Brandt : Nouvelle patinoire : acta fabula est ? (QUE-1183)
Question écrite urgente de Mme Natacha Buffet-Desfayes : Le sexisme, un fléau qui doit être systématiquement et partout combattu ! (QUE-1184)
Question écrite urgente de Mme Xhevrie Osmani : Annonce à l'Etat : combien de postes repourvus à l'interne ? (QUE-1185)
Question écrite urgente de M. Patrick Dimier : Grand Théâtre : en finir avec les cadeaux ! (QUE-1186)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Léman Express contre pendulaires : jusqu'où ira la politique anti-économie du Conseil d'Etat ? (QUE-1187)
Question écrite urgente de Mme Jennifer Conti : Pour la protection des employé-e-s de l'hôtellerie-restauration (QUE-1188)
Question écrite urgente de Mme Jennifer Conti : Lutter contre la discrimination à l'embauche (QUE-1189)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Violences dans les stades : une fatalité, vraiment ? (QUE-1190)
Question écrite urgente de Mme Nicole Valiquer Grecuccio : Absentéisme dans les établissements de détention : au-delà des chiffres, quels enjeux, quelles mesures et quel avenir ? (QUE-1191)
Question écrite urgente de Mme Anne Marie von Arx-Vernon : Non-respect de la laïcité et risque de maltraitance infantile. Que fait le DIP ? (QUE-1192)
Question écrite urgente de Mme Anne Marie von Arx-Vernon : Lutte contre l'ignorance et les discriminations LGBT-phobes. Que fait l'Etat de Genève ? (QUE-1193)
Question écrite urgente de Mme Salima Moyard : Munitions dans le Léman : « circulez, il n'y a rien à voir ! », vraiment ? Episode 2 : instruction imparfaite du dossier ou mensonge en toute connaissance de cause ? (QUE-1194)
Question écrite urgente de M. Patrick Dimier : Dans l'instant comme dans la durée, les macarons seront durs à avaler pour les entreprises ! (QUE-1195)
QUE 1175 QUE 1176 QUE 1177 QUE 1178 QUE 1179 QUE 1180 QUE 1181 QUE 1182 QUE 1183 QUE 1184 QUE 1185 QUE 1186 QUE 1187 QUE 1188 QUE 1189 QUE 1190 QUE 1191 QUE 1192 QUE 1193 QUE 1194 QUE 1195
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 1er novembre 2019 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Premier débat
Le président. Nous traitons maintenant le rapport de la commission des finances sur le PL 11928, classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur, M. Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce projet de loi a été déposé suite à la création de provisions liées aux risques financiers de la CPEG. Il se trouve que certains députés n'ont pas accepté ces provisions et ont proposé ce projet de loi pour donner au Grand Conseil la compétence de l'acceptation des provisions dans les comptes de l'Etat, puisque actuellement le Grand Conseil ne peut pas modifier les comptes dans le sens qu'il souhaite.
On peut résumer les arguments de la minorité - qui n'a pas déposé de rapport - comme suit. Tout d'abord, le Conseil d'Etat nous danse sur le ventre - c'est ce qui a été dit en commission - et utilise les provisions pour maquiller les comptes et aboutir à un résultat positif ou négatif selon son bon vouloir. Ensuite, en tant que députés, on peut déroger aux normes comptables appliquées internationalement et décider de présenter des comptes comme cela nous arrange - car pour la minorité, le droit supérieur, c'est la politique ! (Remarque.) On peut donc faire ce qu'on veut moyennant une loi, et c'est au Grand Conseil de fixer le montant des provisions.
La position de la majorité est bien évidemment différente et s'appuie sur les éléments suivants. Premièrement, le Conseil d'Etat n'a jamais utilisé la constitution de provisions pour maquiller les comptes. Les provisions créées, notamment pour les risques de la CPEG, ont toutes été validées par le réviseur - donc à l'époque, le service d'audit interne, le SAI. Les provisions n'ont pas été calculées par l'administration, mais bien par des actuaires indépendants de la CPEG. Deuxièmement, comme je l'ai dit, le SAI et la Cour des comptes qui ont validé ces provisions ainsi que le Conseil d'Etat sont totalement défavorables à ce projet de loi.
S'il était accepté, il empêcherait malheureusement de présenter des comptes qui seraient conformes aux normes comptables. En effet, si des provisions étaient justifiées et validées par les différents organes, puis refusées, le cas échéant, par le Grand Conseil, les comptes ne seraient plus conformes. Si on veut aller jusqu'au bout du raisonnement, il faudrait alors aussi que le Grand Conseil valide chaque année les hypothèses qui permettent de calculer les rentrées fiscales. Puisque la transparence et la sincérité des comptes ne seraient malheureusement plus assurées, la majorité vous invite à refuser d'entrer en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Caroline Marti (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, comme le rapporteur de majorité l'a rappelé, le Conseil d'Etat, dans le cadre des comptes, peut créer des provisions. Un simple regard sur les derniers comptes publiés par le gouvernement nous montre que ces provisions peuvent s'élever à plusieurs dizaines voire centaines de millions, ce qui peut avoir des conséquences politiques majeures, notamment quand ces provisions ont pour résultat que les comptes de l'Etat auparavant bénéficiaires repassent dans le rouge.
Je donnerai deux exemples pour illustrer les conséquences politiques que la constitution de provisions peut engendrer. Premièrement, lorsque nous avons trois exercices comptables déficitaires, nous basculons dans un mécanisme de frein au déficit, et un certain nombre de mesures politiques sont prises. Deuxièmement, il est arrivé certaines années que le Grand Conseil, dans le cadre de ses débats budgétaires, décide d'accorder une annuité sous réserve que les comptes de l'année précédente soient bénéficiaires. Il est donc possible pour le Conseil d'Etat de constituer des provisions qui peuvent parfois sembler discutables afin de faire basculer les comptes dans le rouge et ainsi de ne pas verser l'annuité aux collaborateurs et collaboratrices de l'Etat, quand bien même cela leur est garanti par la loi. Il y a donc une possibilité - M. Béné le contestait - de maquiller quelque peu les comptes comme cela arrange le Conseil d'Etat, par exemple, lorsqu'ils sont très largement bénéficiaires, comme cela a été le cas certaines années, de les rendre beaucoup moins bénéficiaires de manière à pouvoir justifier par la suite la réduction de certaines dépenses.
La constitution de provisions est en réalité un crédit supplémentaire qui n'est pas prévu dans le budget. Pour des montants aussi importants que des provisions de quelques dizaines ou centaines de millions, qui ont des conséquences politiques d'envergure, le groupe socialiste considère qu'il est légitime que le Grand Conseil ait un droit de regard. Le projet de loi est somme toute relativement modéré, puisqu'il laisse une marge de manoeuvre au Conseil d'Etat en prévoyant que les provisions de moins de 10 millions restent de sa compétence et que le Grand Conseil puisse discuter démocratiquement de toutes les provisions supérieures à ce montant et se positionner sur celles-ci. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Il faut rappeler, comme le rapporteur de majorité l'a fait, que ce débat s'inscrit dans les événements de la fin de l'année 2015 et ce qui s'est passé en 2016. Vous vous souvenez qu'à l'automne 2015, le Conseil d'Etat avait annoncé des déficits records; que, sur cette base, il avait pris des mesures d'économies extrêmement énergiques et que les comptes 2015 s'étaient finalement conclus par un excédent de 186 millions, qui était devenu un déficit suite à la constitution de la provision de 207 millions pour la CPEG. On avait donc un déficit limité de 21 millions, qui s'est réduit comme peau de chagrin suite à des corrections introduites par le service d'audit interne: 17,5 millions de revenus non comptabilisés. Le déficit n'était alors plus que de 3,5 millions. Et même, par la suite, on a vu qu'une provision avait été exagérée et qu'on aurait normalement dû être dans le vert pour 300 000 francs.
Vous allez me dire: «Mais qu'est-ce que c'est que cette pagaille ?» Eh bien, cette pagaille tournait autour de deux enjeux: le Conseil d'Etat avait signé avec la fonction publique un accord indiquant que si les comptes devenaient positifs, il verserait l'annuité 2016, même avec retard. Il fallait donc absolument que les comptes soient négatifs - ils l'étaient de très très peu. Croyez-moi, nous étions un certain nombre à la commission des finances à être convaincus que le curseur avait été poussé légèrement du côté du déficit. Bien sûr qu'il y a des règles comptables ! Mais enfin, personne ne croira qu'on ne peut pas modifier une provision à la marge pour rendre le compte déficitaire. C'est dramatique, parce qu'un accord n'a pas été respecté. Malgré le vote du Grand Conseil, il a fallu une action en justice pour que les annuités soient versées pour 2016. Et surtout, bien sûr, le compte déficitaire: cela signifie trois années de comptes déficitaires et les mesures qui doivent être introduites par le mécanisme du frein au déficit.
Voilà donc pourquoi le groupe Ensemble à Gauche est favorable à un certain contrôle des provisions par le parlement et votera ce projet de loi, mais cela me paraissait utile de rappeler dans quel contexte il avait été introduit, parce que nous ne voudrions pas que ce contexte de la fin 2015 se reproduise. Peut-être qu'avec ce contrôle du parlement, nous pourrions l'éviter. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR). Je voudrais revenir sur un certain nombre de points qui ont été évoqués. Mme Marti disait tout à l'heure qu'une provision peut avoir une conséquence politique. C'est vrai, une provision est une charge du compte de fonctionnement de l'Etat. Comme n'importe quelle charge, elle a bien sûr, potentiellement, une conséquence politique. En revanche, est-ce qu'une provision est issue d'une décision politique ? La réponse est non ! Une provision est une charge, un poste comptable, qui a une base légale extrêmement claire. Ce sont des normes comptables. Cela peut être le code des obligations - article 958 et suivants; cela peut être, pour ce qui concerne l'Etat, les IPSAS, les IFRS, les RPC ou n'importe quoi d'autre. Il s'agit d'un élément décidé et accepté d'un point de vue légal.
Comment décide-t-on d'une provision ? Au petit bonheur la chance, d'après ce que je comprends des propos de M. Batou et de Mme Marti ? Bien sûr que non ! Il y a trois critères extrêmement clairs pour savoir si on a le droit de comptabiliser une provision ou non. Le premier de ces critères est que cela doit correspondre à une charge de l'exercice en cours ou à une charge qui concerne le passé. On ne peut pas constituer de provision pour quelque chose dans le futur. Le deuxième critère, c'est qu'il faut qu'il y ait une probabilité d'occurrence de décaissement de la provision - c'est-à-dire de devoir effectivement sortir de l'argent pour payer cette dépense dans le futur, pour une charge qui était dans le passé - qui soit supérieure à 50%. Enfin, il faut qu'on puisse estimer clairement le montant de cette provision. Là non plus, on n'agit pas au petit bonheur la chance. Ce sont des critères extrêmement clairs que connaît n'importe quel comptable, et c'est sur cette base-là que l'on décide ou non de comptabiliser une provision, et non pas pour faire plaisir à l'un ou à l'autre. En ce sens, ce projet de loi est une aberration.
Une aberration également parce que les charges et les comptes sont de la responsabilité du Conseil d'Etat et de l'administration et en aucun cas du parlement. Si on peut décider quelle provision on met, alors on peut décider de n'importe quelle charge que l'on met dans les comptes ! On peut décider de ce qu'on inscrit dans le budget: c'est un acte politique fort, nous décidons quelles sont les priorités en matière de dépenses. Mais les comptes reflètent simplement ce qui a effectivement été réalisé par l'administration et par le Conseil d'Etat. On n'est pas là pour décider si c'est juste ou pas ! Il y a un réviseur dont le travail est justement d'établir si ces comptes sont corrects ou non. C'est son travail, ce n'est pas le nôtre.
D'ailleurs, Mesdames et Messieurs, que se passerait-il si, par hypothèse, on disait: «Dans ces comptes, cette provision de 3 millions, ce n'est pas assez, je vais l'augmenter à 10 millions !», alors que cela ne respecte pas une norme comptable et que cela ne respecte donc pas la loi ? Quelles seraient les conséquences ? Le réviseur devrait alors dire que ces comptes ne sont pas justes. Que devrait-on faire ? On devrait les refuser. Mesdames et Messieurs, cette proposition est totalement aberrante.
Que dire aussi en matière de dissolution ? Ce projet de loi propose qu'on se prononce sur les constitutions de provisions, mais pas sur les dissolutions de provisions, qui ont pourtant les mêmes conséquences politiques que leur constitution, comme l'évoquait Mme Marti. Mesdames et Messieurs, ce projet est une aberration, il faut évidemment le rejeter.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai cette chance d'avoir fait l'intermittent de la politique à certains moments de ma vie, donc d'avoir siégé il y a très longtemps dans cette enceinte ainsi qu'à la commission des finances. J'ai connu cette époque un peu curieuse où, lorsqu'on faisait les comptes à l'intérieur de ce parlement, on passait une journée complète à savoir comment on allait compter l'addition. Personne n'était d'accord. Ce parlement a fait un immense travail en introduisant des normes comptables, d'abord les normes IPSAS, IFRS, et toute une série d'autres normes. Effectivement, nous nous sommes retrouvés avec des réviseurs, et aujourd'hui, nous ne discutons plus de l'addition, mais de la gestion du Conseil d'Etat, et puis nous commençons à nous occuper de politique. A l'époque, quand on n'était pas d'accord sur l'addition, on passait son temps à bouger les chiffres, et l'endroit où généralement on les bougeait, c'étaient bel et bien les provisions. On provisionnait un peu plus, un peu moins, et c'était une action politique.
Ce qui est demandé aujourd'hui, c'est de revenir à une discussion politique et non plus technique sur cette histoire de provisions. On a des normes, des normes qui sont utilisées au niveau international. Il existe des gens dont c'est le métier, qui savent s'y référer. On a un réviseur, qui est un peu particulier à l'Etat de Genève, la Cour des comptes, mais ce réviseur applique bien des normes. Il les applique de manière extrêmement stricte et il nous dit si on est dans les clous ou si on est en dehors. Après, que l'addition nous fasse plaisir ou non n'a aucune importance, on sait qu'elle est calculée de cette manière-là, on connaît tous ce référentiel. A partir de là, on peut faire de la politique, ce qui est notre job à nous, on est élus pour cela. Mais si on commence à trafiquer l'addition en se demandant si on va en mettre un peu plus ou un peu moins à cet endroit et qu'une année sur deux on ne compte jamais de la même manière, ça ne va pas fonctionner.
Gardons notre rôle de politiciens, à savoir, une fois que cette analyse est réalisée et qu'elle est certifiée par des gens qui sont des techniciens et qui s'occupent de cela d'un point de vue purement technique, indiquer ce qui est souhaitable en essayant de voir quelle est notre vision de la société, les uns avec des points de vue différents des autres. Certains sont des chefs d'entreprises, d'autres sont des employés avec des responsabilités syndicales, d'autres ont des soucis environnementaux et une vision à long terme - on connaît ces débats, c'est ce qui fait la richesse du monde politique. Mais de grâce, ne recommençons pas, dans ce parlement, à discuter de la manière dont on fait l'addition, parce qu'alors on ne va jamais s'en sortir ! Ce serait une perte de temps phénoménale. Les Verts n'entreront donc pas en matière sur ce projet de loi.
Mme Françoise Sapin (MCG). Ce projet de loi est né parce qu'en 2014 et 2015, des provisions avaient été constituées par le Conseil d'Etat et que cela avait fait basculer le résultat, comme l'a très bien expliqué le rapporteur. Mais c'était pour respecter une loi, en l'occurrence la loi sur la CPEG. La manière de procéder proposée par le PL 11928 est totalement inapplicable. Par essence, comme l'a expliqué mon collègue, M. Zweifel, une provision est une estimation faite pour tenir compte de charges qui n'auraient pas été enregistrées et qui concernent le passé ou des risques avérés. De plus, cette manière de faire, ce sont des éléments qui concernent l'exécutif et non le législatif. Enfin, comment voulez-vous, lors du bouclement des comptes effectué par l'Etat de Genève entre janvier et mars d'une année, préparer un projet de loi sur ces provisions, l'envoyer en commission, le traiter, le voter et revenir vers l'Etat pour qu'il soit enregistré dans les comptes et que le Conseil d'Etat puisse présenter les comptes en mars ? C'est absolument impossible. Pour toutes ces raisons, le MCG refusera ce projet de loi.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, brièvement, j'aimerais rappeler qu'au moment des comptes, on est là pour vérifier si la politique mise en place par le Conseil d'Etat se retrouve effectivement dans ces comptes, sous l'angle du budget voté l'année précédente. C'est le véritable travail de la commission des finances et du parlement. Au-delà de ce travail, il faut rappeler que ces comptes tels qu'ils sont donnés aujourd'hui sont vérifiés par la Cour des comptes, soit une entité externe au parlement. C'est aussi un élément qui nous permet d'avoir une véritable appréciation.
Cela étant dit, pour revenir à la CPEG, on a pu lire aujourd'hui les résultats de fin octobre, qui sont très provisoires. On voit qu'avec la baisse du taux technique à 1,75%, on se retrouve aujourd'hui avec un taux de couverture de 53%. Mesdames et Messieurs, que dire aujourd'hui des provisions établies par le Conseil d'Etat en son temps ? Eh bien, il faut se féliciter ! Parce que le Conseil d'Etat avait véritablement raison de prendre ces dispositions au moment du bouclement. C'est pourquoi on peut encore remercier le Conseil d'Etat de l'avoir fait et on doit surtout ne pas accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat vous invite évidemment à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, qui comporte certains côtés délirants: comme si le Conseil d'Etat pouvait décider seul des provisions qu'il constitue et que cela pouvait avoir uniquement une signification politique ! Cela a été rappelé par les différents députés, en particulier par M. Zweifel, la constitution d'une provision est soumise à des conditions extrêmement strictes. Nous avons des réviseurs de comptes. C'était tout d'abord le SAI, c'est maintenant la Cour des comptes. A chaque fois que nous évoquons les comptes avec elle, nous devons justifier la provision, tant sur son montant que par rapport à l'événement concerné. Alors, Mesdames et Messieurs, inclure un oeil politique dans la constitution d'une provision alors qu'il s'agit d'un acte comptable... Je vous invite vivement à refuser cette proposition. Vous avez le budget pour faire de la politique, ce que vous faites manifestement - vous vous en donnez à coeur joie. Laissez-nous les comptes, laissez-nous nous assurer que ceux-ci sont audités par des experts, et que les députés, qui, pour la plupart, n'ont pas les compétences en la matière, ne viennent pas mettre le nez là-dedans ! Merci, Mesdames et Messieurs. (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Merci. Nous passons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11928 est rejeté en premier débat par 65 non contre 23 oui et 1 abstention.
Premier débat
Le président. L'ordre du jour appelle le PL 12017-A, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de Mme Sophie Forster Carbonnier, remplacée par M. Yvan Rochat, et le rapport de minorité de M. Sandro Pastis.
Des voix. Pastis ?!
Le président. Pistis, pardon ! (Hilarité.) Toutes mes excuses ! (Brouhaha.)
Une voix. Elle est nouvelle celle-là ?
Le président. Non, non !
Mme Salima Moyard. Je crois pas ! (Brouhaha.)
M. Pierre Vanek. M. Ricard va pouvoir répondre ! (Rires. Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence ! Je passe donc la parole au rapporteur de majorité.
M. Yvan Rochat (Ve), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président Vermouth... Euh, pardon ! (Rires.) Je défends le rapporteur de minorité ! Ce projet de loi a été étudié les 23 et 30 mai 2017, le 6 mars 2018 et le 10 avril 2018. La rapporteure de majorité Sophie Forster Carbonnier ne siégeant plus au Grand Conseil mais dans une autre cour, c'est à moi qu'échoit l'honneur de reprendre son rapport. Ce projet de loi vise, selon ses auteurs, à favoriser l'emploi des résidents à Genève en instaurant une taxe dite de solidarité à l'encontre des entreprises qui engageraient des permis G - frontaliers, donc - le produit de cette taxe devant alimenter un fonds pour la réinsertion professionnelle. La majorité de la commission étendue à l'ensemble des groupes sauf celui des signataires, le MCG, refuse cette proposition, avec les arguments suivants.
Ce projet de loi impliquerait une surcharge administrative inutile pour les entreprises avec des tâches supplémentaires. Par ailleurs, il risque de causer des reports de cette taxe sur l'ensemble des salariés et surtout sur l'ensemble des salaires de l'entreprise. Il renforcerait également la fiscalité sur le travail, là où les salaires sont les plus bas. En réalité, ce projet de loi renforcerait les risques de dumping salarial. Il pose également un problème important et grave de discrimination entre les travailleurs et crée un dangereux précédent. Il n'est sans doute pas compatible avec le droit fédéral ni avec les accords signés par la Suisse et l'Union européenne. Il pose un problème pour les accords internationaux signés par la Suisse, c'est même un UDC qui l'a dit: ce texte affaiblira en effet la convention qui existe entre le canton de Genève et la France voisine. Il faut rappeler que c'est une des meilleures conventions parmi celles signées par les cantons frontaliers, et si l'on commence à toucher à ce domino, cela signifie qu'on commence à jouer avec des millions de francs et à discriminer des gens que l'économie ira chercher d'une manière ou d'une autre.
Enfin, pour aborder de façon beaucoup plus efficace le problème que ce projet de loi clame vouloir régler, d'autres mesures sont bien plus utiles, notamment toutes celles visant à limiter le dumping salarial, par exemple le salaire minimum et le renforcement des conventions collectives. Pour ces raisons parfaitement raisonnables, la majorité vous propose de la suivre en rejetant fermement ce projet de loi. Merci.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est pétri de bon sens. Il prévoit une taxe de solidarité prélevée par les caisses de compensation pour le compte de l'Etat pour chaque permis G, pour chaque frontalier, au pro rata de la durée de l'emploi. Le montant de la taxe serait de 5% sur le salaire brut par employé concerné, un montant assez raisonnable.
Mesdames et Messieurs les députés, Genève a le taux de chômage le plus élevé de Suisse. Nous avoisinons, si nous additionnons certains chiffres, les 11%. A contrario, les deux départements qui entourent Genève, l'Ain et la Haute-Savoie, affichent, eux, le taux de chômage le plus bas de toute la France. Clairement, Genève subit la problématique des travailleurs frontaliers, puisqu'un certain nombre de nos résidents sont en recherche d'emploi. Ce projet de loi prévoit dès lors, pour favoriser une taxe de solidarité, de permettre de prélever ces 5% sur la masse brute des salaires afin de pouvoir générer un fonds et de favoriser également la réinsertion des nôtres, de celles et ceux qui sont à la recherche d'un emploi. Cette proposition est remplie de bon sens. Elle est tout à fait praticable et va dans le sens voulu pour maintenir une certaine équité dans le monde du travail, ce qui aujourd'hui n'est pas le cas, puisque Genève se voit fortement déséquilibrée sur le plan social en termes d'emploi. Mesdames et Messieurs, le groupe MCG vous invite dès lors à soutenir ce texte tel que sorti de commission.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi déposé par le MCG et qui sort de la commission fiscale prévoit une taxe de soi-disant «solidarité» - à lire dans le texte de l'objet - qui consiste à prélever 5% sur les salaires des permis G travaillant dans nos entreprises au pro rata de la durée de l'emploi. Dois-je vous rappeler que dans notre pays - je ne le répéterai jamais assez - ce sont les PME et les PMI qui sont l'essence même de notre économie et qui créent des emplois, et qu'il convient de ne pas les pénaliser ? Genève et sa région, l'arc lémanique, se caractérisent par un fort dynamisme et une économie saine et diversifiée. Il ne faut pas la plomber. Ce projet de loi introduit une nouvelle taxe, par conséquent un nouvel impôt, qui va plomber encore un peu plus le coût du travail, déjà parfois fort élevé dans notre canton. Enfin, ce texte implique une discrimination au sein des employés et des travailleurs dans nos propres entreprises, ce qui ne peut pas se faire; c'est purement et simplement inadmissible. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC refusera cet objet. Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, le rapporteur de majorité a souligné avec beaucoup de pertinence la surcharge administrative inutile qui serait imposée aux employeurs - alors qu'ils ont déjà assez à faire - et l'alourdissement inutile et insupportable du coût du travail que générerait ce projet de loi.
J'aimerais rappeler quelques chiffres - que nous connaissons, mais un rappel est toujours bienvenu. Les cotisations pour l'AVS, l'AI, l'APG, l'assurance-chômage, l'assurance-chômage solidarité, les allocations familiales et l'assurance-maternité représentent déjà plus de 9% du salaire. Si on y ajoute la LPP, les assurances perte de gain, l'assurance-accident, on arrive à un taux de près de 17%. Avec la part des vacances, on ajoute 8% et on arrive à 25%. Avec les 5% supplémentaires proposés par ce projet de loi, on arrive à 30% de charges salariales à la seule charge des employeurs. Cela devient tout simplement invivable et insupportable, alors que partout on répète qu'il faut alléger les charges des entreprises afin qu'elles bénéficient de conditions-cadres plus favorables et favorisant également l'emploi. C'est donc un mauvais projet de loi, qui risque de créer beaucoup de problèmes sur le marché du travail et de freiner essentiellement l'emploi. Le MCG, et plus particulièrement l'auteur de ce texte, sont généralement plus sensibles aux questions liées au chômage. Je m'étonne donc qu'il ait réussi à sortir un projet de loi qui manque à ce point sa cible.
Pour répondre au problème du chômage, il faut travailler sur d'autres paramètres, notamment l'adéquation entre la formation et les personnes qui sont en recherche d'emploi, et non pas ajouter des taxes ou introduire de la bureaucratie supplémentaire. C'est à ce titre d'ailleurs que la commission de l'économie a réclamé au Conseil d'Etat à plusieurs reprises, en vain, une étude plus fouillée du chômage à Genève, afin que nous puissions prendre les mesures les plus adéquates possible. Fort de ces arguments, je vous recommande de refuser ce projet de loi, avec la presque unanimité de la commission fiscale. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, ce projet part, comme souvent, d'une bonne intention: défendre l'emploi local. En réalité, il est affaibli par une extraordinaire contradiction, qui est celle du MCG. Taxer à hauteur de 5% les emplois donnés à des travailleurs frontaliers... Bon, la mesure que propose le MCG est sans doute incompatible avec le droit supérieur. Mais, en même temps, ce parti ne soutient pas ce qui est l'essentiel de la bataille pour l'emploi local, à savoir les conditions de travail, les conditions salariales, le salaire minimum - vous avez toujours refusé la loi sur le salaire minimum - les conventions collectives de travail et la formation. Aujourd'hui, le MCG vient de signer avec la droite un accord pour un budget au rabais qui fait essentiellement des économies dans la formation. Est-ce que vous pensez une seule seconde qu'en réduisant les subventions à la formation pour les résidents du canton de Genève, auquel vous dites être très attachés, en réduisant les subventions ou le soutien à l'office cantonal de l'emploi, vous allez permettre la réinsertion des chômeurs ou défendre les gens qui ont un emploi précaire ou fragile ? Pas du tout ! Ce sont des effets de manche, avec toujours le même slogan: «Tous les problèmes viennent des frontaliers.» Non ! Ils viennent de budgets qui sont rabotés systématiquement...
M. Daniel Sormanni. C'est pas vrai !
M. Jean Batou. ...pour réduire le soutien à la formation, pour réduire le soutien aux chômeurs, et vous nous payez de bonnes paroles sur les frontaliers, qui seraient cause de tous nos malheurs. Nos malheurs, s'il y en a - et il y en a - ce sont ces politiques d'austérité qui ne suivent pas avec les recettes publiques les besoins de la population en dispositifs de formation, les besoins dans la prise en charge des personnes âgées, dans la prise en charge de la précarité. Dans ces domaines, vous êtes, avec la droite, pour la politique des caisses vides et pour une politique de restriction de la protection des travailleurs. Nous voterons donc contre cette mesure qui est une mesure alibi pour ne pas prendre celles qui s'imposent. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR). Ce projet de loi laisse à penser que l'immense majorité des patrons genevois ont comme priorité en matière d'embauche d'engager massivement des frontaliers. J'aimerais battre cet argument en brèche et rappeler quelle est la réalité d'un patron qui cherche à embaucher quelqu'un. La première préoccupation d'un patron, c'est d'engager la personne la plus compétente pour le poste qu'il cherche à pourvoir. C'est le principal critère d'un patron, il n'y en a pas d'autres. Après, à compétences égales, peuvent intervenir d'autres critères, mais la question n'est pas de savoir si on veut plutôt un frontalier ou plutôt un résident: la question est de savoir quelle est la meilleure personne pour un poste. Alternativement, l'autre considération d'un patron, c'est d'avoir le moins de bureaucratie possible de manière générale dans son entreprise. Or, à compétences égales, si vous avez un résident suisse et un permis G, la réalité, c'est que le permis G amène une lourdeur bureaucratique plus importante pour le patron, puisqu'il faut l'inscrire, payer l'impôt à la source et possiblement engager des fiduciaires pour s'occuper de toutes les démarches administratives nécessaires en matière d'impôt à la source. Donc, à compétences égales, le patron n'a aucun intérêt à engager un permis G plutôt qu'un résident suisse, bien au contraire.
Quelques chiffres doivent être donnés - M. Guinchard en a cité quelques-uns, j'aimerais en donner d'autres. Selon les chiffres qu'on nous a fournis, nous avons à Genève 375 110 postes de travail. Nous avons par ailleurs 233 376 résidents actifs en âge et en capacité de travail. Le premier moins l'autre donne 141 734 places de travail qu'il faut encore combler. Si vous soustrayez à cela les 83 207 permis G actifs, on a encore un solde à combler de 58 527 places. Si vous soustrayez à cela enfin les 16 711 demandeurs d'emploi - nombre qu'on pourrait même encore augmenter, puisque M. Pistis nous dit que le taux de chômage est de 11% - on arrive encore à un solde de 41 816 places qu'il faut combler. Mesdames et Messieurs, il y a assez de postes de travail pour tous les résidents ! Le fait est qu'il faut évidemment que ces résidents aient une formation qui soit en adéquation avec les emplois existants, on ne va pas inventer des emplois exprès. Il faut que les résidents aient une formation en adéquation avec les emplois proposés, faute de quoi, dans certains secteurs, on a évidemment l'obligation d'aller chercher des employés ailleurs, que ce soit de l'autre côté de la frontière nationale ou de l'autre côté de la frontière cantonale. Ce n'est pas une envie du patron, c'est la réalité du terrain. Mesdames et Messieurs, une taxe supplémentaire, une couche de bureaucratie supplémentaire ou un salaire minimum n'y changeront strictement rien, ce qu'il faut avant tout, c'est une formation en adéquation avec le marché du travail.
Une voix. Bravo !
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, une taxe de 5% du salaire brut de base sur tous les permis G à Genève - donc sur les frontalières et les frontaliers - voilà la nouvelle idée du MCG, qui continue, année après année, avec sa vieille rengaine anti-frontaliers. Cette taxe, cela a été dit par mes préopinants, est bien entendu discriminatoire, elle est certainement contraire au droit fédéral et elle est assurément contraire aux accords bilatéraux signés par la Suisse avec l'Union européenne.
Au-delà de ce point, mon collègue Zweifel vient de le relever, Genève a besoin de frontalières et de frontaliers. Je redonne les chiffres qui ont été mentionnés, parce que c'est important de les redonner à chaque fois qu'on aborde ce sujet: aujourd'hui, Genève compte 375 000 emplois, 233 000 personnes actives - si on enlève les enfants et les personnes à la retraite - et 83 000 frontaliers et frontalières. Du coup, comme l'a dit mon collègue, des emplois sont encore disponibles, notamment pour les personnes qui habitent le canton de Vaud ou d'autres cantons.
Derrière ces chiffres, Mesdames et Messieurs, il y a des personnes qui exercent des professions dont nous avons besoin. Dans le service public, on peut prendre les hôpitaux universitaires; l'IMAD, pour tout ce qui concerne les soins à domicile; on peut prendre bien entendu les EMS, qui ont un besoin énorme de personnel, et également les TPG, qui nécessitent du monde pour conduire nos bus et nos trams tout au long de l'année. (Remarque.) Si on se penche sur le privé, on a des frontaliers notamment dans le commerce de détail, dans la restauration et l'hôtellerie ou encore dans le nettoyage et d'autres secteurs. Les frontaliers sont donc indispensables à Genève ainsi qu'à sa vie économique.
Par conséquent, comme je l'ai dit, ce n'est pas avec une telle taxe que nous arriverons à régler le problème du chômage aujourd'hui dans notre canton. Nous n'avons actuellement pas de taxe poubelle, nous allons peut-être abolir la taxe sur les chiens, et vous voulez instaurer une taxe sur les frontaliers ? (Commentaires.) Alors moi je vous dis, Mesdames et Messieurs, et je le dis au MCG, vous transmettrez, Monsieur le président: ce sont bien les projets de lois, les motions et les résolutions anti-frontaliers du MCG qu'il faudrait taxer ! Si on le faisait, le déficit du canton serait à zéro ! (Rires. Commentaires.) Merci.
M. Daniel Sormanni (MCG). Quelle jolie note comique ! Mesdames et Messieurs, il faudrait d'abord rappeler un élément: contrairement à ce que certains prétendent ici, nous ne sommes pas du tout contre les frontaliers, parce qu'il y en a un certain nombre qui est nécessaire. Mais nous sommes pour les résidents ! Et c'est ça qui fait la différence. Nous devons, c'est notre devoir, donner un coup de main aux résidents genevois qui sont au chômage, en recherche d'emploi ou à l'Hospice général. Si toutes les entreprises de notre canton jouaient le jeu et faisaient l'effort de chercher des résidents, de s'adresser à l'office cantonal de l'emploi, on ne se trouverait pas dans cette situation et on n'aurait pas un taux de chômage absolument énorme à Genève, alors que nos voisins, cela a été dit et je le confirme, ont le taux de chômage le plus bas de France ! Il y a quand même bel et bien un lien de causalité. Or pour arriver à cet objectif, il faut être un peu incitatif, puisqu'on n'y arrive pas autrement !
Dans l'année qui s'est écoulée, je crois qu'il y a eu entre 2000 et 3000 frontaliers de plus. Je ne crois pas qu'il y ait eu 3000 emplois supplémentaires. Par conséquent, à un moment donné, il faut arrêter d'oublier ceux qui recherchent un emploi ici et faire l'effort de leur donner un coup de main, quand ils sont au chômage, à l'Hospice ou à la charge de la collectivité ! Ils sont à la charge de ce budget - un budget, voté par la commission des finances, déficitaire de 584 millions; et, évidemment, ils ne paient pas d'impôts, puisqu'ils ne travaillent pas. Nous avons un besoin évident de cohésion sociale. On peut fournir cet effort d'annoncer ces postes à l'office cantonal de l'emploi et leur donner une priorité, dans la mesure où ils correspondent au poste qui est recherché.
Pour un certain nombre de professions et de secteurs économiques, on ne trouve pas le personnel ici. Mais il n'y a pas de problème ! Les entreprises vont engager ces personnes qui viennent de l'extérieur et elles ne paieront pas la taxe ! Elles ne paieront pas la taxe ! Alors arrêtez de dire que cette taxe va s'adresser à tous les permis frontaliers, c'est parfaitement faux ! Elle s'adresse aux nouveaux et à ceux qui n'ont pas fait l'effort de rechercher un résident via l'office cantonal de l'emploi... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et puis, si on peut démontrer que c'est une profession qu'on ne peut pas trouver, on ne paiera pas la taxe. Alors arrêtez de dire qu'on arrivera à plus de 30% de charges sociales... (Remarque de M. Christo Ivanov.) Voilà, exactement, le chiffre qui a été cité tout à l'heure par M. Guinchard et qui est faux. Par conséquent - et c'est aussi le slogan de l'UDC, me semble-t-il: «D'abord les nôtres avant les autres !» Je pense que nous pouvons faire cet effort-là. Donc, cette taxe...
Le président. Je vous remercie, Monsieur Sormanni. Le temps est écoulé. Je passe la parole à M. le député... (Rires.)
M. Daniel Sormanni. Bon, d'accord, OK ! (L'orateur rit. Commentaires.)
Le président. ...Sandro Pistis pour cinquante-neuf secondes. (Brouhaha.)
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je suis quand même assez effaré d'entendre dans ce parlement que Genève n'est pas capable de former correctement les siens. Je pense que ce sont des propos qui ne peuvent pas être tenus. Ce qui n'est pas non plus acceptable, c'est de voir que certaines entreprises engagent quasiment 95% de frontaliers. Ça, ce sont des réalités genevoises. Quant à ce que dit le représentant d'Ensemble à Gauche - vous transmettrez, Monsieur le président - le salaire minimum n'a pas été soutenu par le peuple: il est passé au vote, nous en avons pris acte - effectivement, nous ne sommes pas pour réduire la masse salariale de notre canton et pour proposer un salaire minimum à toutes et tous de 4300 francs. Enfin, pour les propos aberrants du même représentant d'Ensemble à Gauche, selon qui le MCG aurait diminué les montants pour la formation, c'est faux ! C'est vraiment nous prendre pour des imbéciles et ce n'est pas correct. Merci.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat vous invite à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Il pose des problèmes de conformité avec le droit supérieur et d'application: comment une entreprise va-t-elle pouvoir prouver, démontrer avoir recherché, en vain, un collaborateur ou une collaboratrice qui ne serait pas frontalier ou frontalière ? Ce projet de loi va nécessiter, le cas échéant, des moyens supplémentaires pour sa mise en oeuvre, il nécessitera d'engager du monde pour faire ces vérifications - je vois quelques députés qui retiennent leur souffle.
Ce qu'il faut viser en la matière, Mesdames et Messieurs, c'est évidemment le travail de conviction auprès des employeurs. M. Poggia, reçu par la commission au printemps 2018, a lui-même indiqué que le problème principal jusqu'à présent avait été l'efficacité de l'office cantonal de l'emploi; or il s'est réjoui, lorsqu'il a été auditionné, d'annoncer que suite à une enquête réalisée par le SECO, il était apparu que les entreprises qui avaient fait appel en 2017 à l'OCE avaient été satisfaites à plus de 79%, alors que la moyenne suisse des entreprises qui font appel à leurs offices cantonaux de l'emploi ne sont satisfaites qu'à 73%.
Mesdames et Messieurs, oui, il est important, lorsque c'est possible, d'avoir une priorité cantonale, de s'assurer que les chômeurs qui sont inscrits chez nous soient choisis en premier lieu, évidemment lorsqu'ils remplissent les critères liés aux compétences et qu'ils répondent aux besoins de l'employeur. Cela ne peut se faire que par une amélioration - encore, si c'est possible - des rapports entre l'office cantonal de l'emploi et les employeurs. Taxer les employeurs qui sont déjà soumis à énormément de taxes revient à taxer l'emploi, ce n'est pas la meilleure solution pour résoudre ce problème. Le Conseil d'Etat vous invite donc à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci.
Le président. Merci bien. Nous passons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12017 est rejeté en premier débat par 80 non contre 9 oui et 1 abstention.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons le rapport de la commission de l'économie sur le projet de loi 12020. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi 12020 doit être rejeté, car il est inutile, inapplicable et contraire au droit. Ce texte n'apporterait rien. La BCGE accomplit déjà un travail remarquable pour le développement de notre économie. Notre banque assiste et aide presque 20 000 entreprises ou PME. La BCGE, mais aussi les organismes comme la FAE, l'OPI, GENILEM, la FONGIT, la Fondetec, etc., sont au service de nos PME et micro-entreprises. Tous ces organismes assistent les PME et micro-entreprises pour améliorer leurs projets, leur viabilité et évidemment leurs capacités à être financées. La BCGE est l'un des acteurs majeurs sur le marché genevois, mais il existe d'autres banques, des fonds spécialisés en «capital risk», le «crowd funding», la fintech, etc. Plusieurs études le confirment: le marché des crédits aux PME fonctionne bien.
En plus d'être boiteux, ce projet de loi est également contraire au droit supérieur. M. Bahar, professeur d'université, spécialiste du droit des obligations et du droit bancaire, l'a précisé durant son audition: ce projet de loi porte atteinte à la garantie de la propriété; il porte atteinte aux droits des actionnaires; il induit une distorsion de la concurrence et est contraire à la garantie de la liberté économique. Il n'est pas conforme au droit fiscal et, évidemment, il n'est pas conforme aux principes du droit bancaire. Je le répète: cette proposition est boiteuse et non conforme au droit supérieur. La BCGE est une société anonyme, cotée en bourse, et les actionnaires, pour une très large majorité, sont l'Etat et les communes genevoises. La BCGE verse aux collectivités publiques, sous forme de dividendes et d'impôts, environ 47 millions par année. Pour terminer, je précise que le Conseil d'Etat, l'Association des communes genevoises et évidemment les représentants de la BCGE vous recommandent de refuser ce projet de loi. Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Bon, c'est le rapporteur de majorité qui recommande de refuser le projet de loi, pas les représentants de la BCGE directement, j'espère. Ce projet de loi intervient dans un contexte où - contrairement à ce qu'a soutenu le rapporteur de majorité, qui peint ici, on a l'impression, le diable sur la muraille - non, les entreprises n'ont pas toutes de la facilité à obtenir des crédits. Vous pouvez poser la question aux différents organismes qui traitent de cela. Je vais citer le magazine «Bilan» qui écrivait en 2016: «Ces dernières années, les volumes de crédit consentis aux PME stagnent, voire déclinent. Depuis 2002, les prêts aux PME de 10 à 50 employés ont baissé en moyenne de 3,5% par an, soit une baisse de près de 40% depuis treize ans. Les prêts qui augmentent sont de plus en plus gagés: de 38% au premier trimestre 2009, leur part s'est envolée à 48% fin 2014, soit une hausse moyenne de 5% par an des garanties demandées par les banques. Les crédits bancaires non gagés déclinent quant à eux nettement depuis 2009 [...]» On parlait hier des contrats de subventions - et une majorité de ce parlement les a votés - des différents organismes d'aide aux entreprises, c'est-à-dire la Fondation d'aide aux entreprises - la FAE - la FONGIT et l'office pour la promotion industrielle - l'OPI - qui justement assument ce rôle d'aide aux entreprises, rôle que les banques ne remplissent pas suffisamment. On avait d'ailleurs à plusieurs reprises entendu le directeur de la FAE, M. Schefer, se montrer quelque peu critique par rapport au rôle des banques. On le voit, ce n'est pas nécessairement leur faute, il y a une faute en matière de... Si on peut qualifier cela de faute; ce sont en tout cas des freins induits par la réglementation qui s'est montrée de plus en plus sévère sur l'octroi des crédits. Par conséquent, les banques aident moins facilement surtout les jeunes entreprises à naître ou à se développer. C'est la raison pour laquelle vous ne trouverez aucune banque qui proposera un crédit à une entreprise qui aurait moins de trois bilans comptables. Par conséquent, créer son entreprise devient particulièrement difficile si on n'a pas les fonds propres nécessaires, d'où l'existence des organismes de financement que j'ai cités au préalable.
Vous comprendrez bien que ce projet de loi intervient dans ce contexte-là et cherche - peut-être de façon un peu maladroite - à faire en sorte que la seule banque qualifiée de société anonyme de droit public - donc celle pour laquelle nous avons une loi cantonale sur laquelle nous pouvons agir - se montre peut-être moins frileuse que les autres dans les crédits aux très petites, petites et moyennes entreprises. Il ne s'agit pas de dire que la BCGE ne le fait pas, on peut saluer les efforts de la BCGE ces dernières années, mais le projet de loi vise à demander d'intensifier ces efforts. Il est peut-être un peu maladroit de demander d'accorder précisément 10% du bénéfice à cette tâche-là, c'est la raison pour laquelle je redépose l'amendement qui avait été déposé en commission, qui s'en tient à une modification des buts dans la loi sur la BCGE. Il s'agirait de la compléter de la façon suivante: «La banque a pour but principal de contribuer au développement économique du canton et de la région» - ça, c'est l'article actuel de la loi - «notamment en soutenant le développement et la création des micro, petites et moyennes entreprises». Excusez-moi, mais un amendement demandant d'ajouter cela dans les buts de la banque cantonale genevoise ne mange pas de pain ! C'est bien loin des propos, c'est vrai, du premier signataire, qui à l'époque avait dit: «Si on demande à la Banque cantonale de Genève de planter des patates, elle devra planter des patates !» En l'occurrence, on peut, en tant que Grand Conseil, demander à la BCGE qu'elle ait parmi ses buts de veiller au développement et à la création de micro, petites et moyennes entreprises, qui, je le rappelle, sont un poumon pour notre économie et représentent la très grande majorité des emplois. Il est donc extrêmement important que nous donnions cette orientation à notre banque cantonale - une société anonyme de droit public à laquelle nous pouvons donner une orientation - pour favoriser ces très petites, petites et moyennes entreprises. Je vous invite donc à accepter l'amendement et ensuite à accepter ce projet de loi.
M. Edouard Cuendet (PLR). Je vous le dis: le PS n'aime pas le droit fédéral ! Et le PS le prouve encore une fois de manière tonitruante avec son projet de loi, puisque le PL 12020 veut que la BGCE consacre 10% de son bénéfice net au soutien de petites et micro-entreprises par le biais de prêts à des taux préférentiels, des taux de faveur. Cet objet réussit l'exploit, dans un seul texte, de violer de nombreuses garanties constitutionnelles. Je dois saluer cet exploit ! Tout d'abord, le fait de soustraire systématiquement 10% du bénéfice net de la banque viole le droit des actionnaires au versement d'un dividende et viole le droit à un but lucratif, qui est ancré dans la Constitution fédérale. D'ailleurs, l'Association des communes genevoises, la célèbre ACG, ne s'y est pas trompée, puisque ses membres se sont unanimement opposés à ce texte qui viole gravement le droit des communes, qui font partie des actionnaires principaux de la BCGE. Le canton, par la voix de la conseillère d'Etat ici présente, s'est aussi fermement opposé à ce texte qui viole les droits du canton, actionnaire principal de la banque.
En second lieu, le PL 12020 viole de manière tout aussi flagrante la garantie de la liberté économique, puisque en privilégiant les petites entreprises et les micro-entreprises par rapport aux autres acteurs du tissu économique genevois, on crée une distorsion de concurrence totalement incompatible avec la Constitution fédérale.
Mais le PS ne s'arrête pas là dans sa croisade: en troisième lieu, il viole le droit bancaire fédéral en soustrayant 10% du bénéfice de la banque cantonale, qui devrait être utilisé dans certains cas à la création de fonds propres, eux aussi fixés par le droit fédéral. Bref, en un mot, il n'y a rien à sauver dans le PL 12020, et la commission de l'économie ne s'y est pas trompée, puisqu'elle a massivement rejeté l'entrée en matière. Même le PS, on l'a vu par la voix de M. de Sainte Marie, admet le caractère inapproprié de ce texte et essaie de le réanimer, de le sortir de son coma, par le biais d'un amendement désespéré que je vous invite évidemment à rejeter. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Sur le fond, la BCGE a démontré qu'elle remplit son devoir de soutien aux entreprises: sur un bilan total de 23 milliards, elle ne consacre pas moins de 16 milliards au crédit aux entreprises, à 19 000 entreprises locales. Par ailleurs, la BGCE est le partenaire principal de la FAE, puisque 40% à 50% de toutes les affaires de la FAE passent par la BCGE. J'invite donc le PS à arrêter sa croisade insensée contre la BCGE qui fragilise...
Le président. Il vous faut terminer.
M. Edouard Cuendet. ...une institution essentielle pour le canton et je vous invite à refuser l'entrée en matière. Merci.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Chères et chers collègues, ce projet de loi pose trois problèmes: de chiffres, de fond et de forme. En 2017, la banque a versé 9 millions de francs à l'Etat et 6 millions aux communes et à la Ville de Genève sous forme de dividendes. Si on y ajoute les impôts, ce sont au total près de 47 millions de francs qui sont revenus aux collectivités publiques. La BCGE est le principal pilier de l'économie genevoise. Mon collègue Cuendet l'a rappelé, sur un bilan de 23 milliards de francs, 16 milliards sont accordés aux entreprises. Si l'on comptait 19 000 entreprises aidées par la BCGE en 2017, elles sont à l'heure actuelle plus de 25 000.
Quant au fond, dans le droit de la société anonyme, il existe un droit aux dividendes, qui est réservé à l'actionnaire. Il s'agit d'un droit absolu. Dans le projet de loi, on opère une ponction permanente du bénéfice et l'on touche à ce droit aux dividendes. Si l'on voulait renoncer au but lucratif, selon le droit de la société anonyme, il faudrait une unanimité des actionnaires, ce qui, vous en conviendrez, est quasiment impossible, étant donné notamment qu'il existe aussi des actionnaires privés.
Quant à la forme, ce projet de loi est manifestement l'expression d'une frustration, certainement compréhensible, ressentie par un entrepreneur qui s'est vu refuser un crédit. Sa demande a ainsi connu le même sort que celui des 10% - en moyenne - de demandes de crédit qui sont refusées chaque année. On ne saurait reprocher à notre banque cantonale une certaine prudence dans l'octroi de ces crédits, en particulier dans un domaine extrêmement concurrentiel et sensible.
D'autre part, sur un plan purement institutionnel, il ne nous paraît pas sain que notre Grand Conseil impose à notre banque cantonale des contraintes supplémentaires dans un domaine financièrement et commercialement concurrentiel - contraintes qui, de surcroît, violeraient des dispositions légales relatives au droit de la société anonyme et exposeraient l'Etat à des procédures judiciaires longues et coûteuses. Les différentes auditions ont montré que ce projet de loi était boiteux, contraire au droit supérieur, susceptible de spolier les actionnaires - collectivités publiques, entreprises ou personnes privées. On soulignait également l'attitude potentielle de la FINMA qui, si elle ne fait pas de prévention, se ferait fort d'intervenir dans le cas où cet objet serait accepté.
Cela ne vaut donc pas la peine d'avancer dans deux directions qui de toute façon amèneront à des recours auprès des tribunaux ou à une décision de la FINMA qui coulerait définitivement ce projet. Pour éviter cela, je vous enjoins de suivre la grosse majorité de la commission et de refuser l'entrée en matière.
Le président. Merci. Je passe la parole au futur ex-député, M. Marc Fuhrmann. (Commentaires. Rires.)
M. Marc Fuhrmann (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce sera ma dernière intervention !
Une voix. Ouf !
M. Marc Fuhrmann. Un sujet que je connais bien, le monde bancaire. C'est le deuxième sujet sur les banques qu'on a traité ces derniers temps. Je pense qu'il est vraiment important de relever et de ne pas oublier qu'une banque n'est pas un outil de politique économique: c'est un outil économique, mais pas de politique économique. On ne va pas changer une économie ou développer quoi que ce soit - peu importe ce qu'on veut - à travers une banque qu'on force à faire des choses. Une banque, comme la BCGE, se doit de gérer son bilan de façon libre, sans contrainte de mode ou de pression politique. Il existe, et nous l'avons entendu, d'autres organismes qui sont mieux organisés, mieux adaptés pour soutenir et développer les jeunes pousses, dont Genève, naturellement, a bien besoin.
Maintenant, c'est aussi une réalité que pas loin de 50% de ces jeunes entreprises disparaissent au bout de cinq ans; il y a donc en gros une perte, on peut le dire ainsi, de pas loin d'un dossier sur deux, ce qui est un risque évidemment inacceptable pour un établissement bancaire. Ne l'oublions pas non plus, une banque engage l'argent de ses épargnants, de ceux qui justement lui ont prêté, et la banque se doit de gérer cela au plus serré. Par ailleurs, la Banque cantonale de Genève, et je terminerai par là, est déjà très engagée auprès du tissu économique genevois, avec, nous l'avons entendu, pas loin de 20 000 entreprises de la région qui sont clientes et qui bénéficient donc de ses crédits. Ce projet de loi doit être fermement rejeté. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous nous sommes déjà exprimés lors de la dernière séance à travers la bouche de l'excellent député Mathias Buschbeck sur l'autonomie de la BCGE. Malgré son statut de droit public, cette banque est soumise à la concurrence face à un bouquet de banques privées très actives sur le marché. De plus, comme les autres banques, la BCGE se trouve strictement contrôlée par la FINMA. Les Verts ont initialement soutenu ce projet de loi, mais les débats en commission les ont convaincus que certains articles, notamment ceux qui concernent la répartition du bénéfice, sont incompatibles avec les conditions-cadres de la banque.
Le groupe des Verts acceptera donc l'amendement du parti socialiste affiché ici, qui consiste à renoncer à ces clauses et à maintenir une modification uniquement à l'article 2, alinéa 1, en ajoutant le membre de phrase suivant: «notamment en soutenant le développement et la création des micro, petites et moyennes entreprises». Cette formulation nous paraît mieux refléter les besoins du tissu économique genevois, les grosses entreprises possédant bien d'autres moyens de financement. La formulation n'est d'ailleurs pas bien contraignante, puisqu'elle est introduite par le terme «notamment» et que, comme cela a été déjà dit, de facto, la Banque cantonale de Genève agit déjà en bonne partie selon ces principes.
Ainsi, les Verts vous recommandent d'entrer en matière sur ce projet de loi et d'accepter l'amendement affiché. En cas d'acceptation de cet amendement, nous voterons le projet de loi. En cas de refus, nous nous abstiendrons. Je vous remercie.
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, pour le MCG, ce projet de loi avait un sens. D'ailleurs, pour rebondir sur les propos de notre camarade Wenger, qui disait tout à l'heure que le MCG proposait des motions qu'on pourrait taxer pour arriver à zéro franc de déficit, moi je pense que quand le parti socialiste dépose ce type de textes, on devrait aussi les taxer, mais à défaut d'être à zéro, on serait bénéficiaires ! On aurait des comptes positifs et l'Etat vous en remercierait.
Pour notre part, nous pensons que cela part d'un bon sentiment. Bien sûr qu'il faut défendre les petites entreprises, bien sûr qu'il faut défendre les PME et les favoriser ! Cela va d'ailleurs de pair avec l'emploi des résidents genevois ! Cela a du sens ! Défendons nos résidents genevois, défendons nos PME, amenons la Banque cantonale de Genève - qui doit beaucoup aux contribuables genevois notamment - à faire profiter nos entreprises de cette manne financière qu'elle produit. Cela étant, la majorité l'a dit et redit, et les Verts, par la voix de M. Pierre Eckert, l'ont très bien dit, ce projet va à l'encontre de plein d'interdictions, et on s'expose à plein de procès si on l'accepte. Pour cette raison-là, le MCG s'abstiendra, mais garde quand même quelque chose en tête pour rebondir ultérieurement sur ce sujet.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député Cyril Mizrahi pour une minute dix.
M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Je tâcherai d'être bref. C'est toujours très intéressant, Mesdames et Messieurs, chers collègues, d'entendre notre collègue Cuendet nous donner des leçons de respect du droit fédéral, alors qu'en ce qui concerne la réévaluation fiscale des immeubles, ce même collègue s'assied allégrement sur le droit fédéral. Lorsque nous parlions du petit crédit, cette activité nocive contre laquelle il convient de lutter, notre ami Cuendet se prévalait au moins d'une jurisprudence du tribunal cantonal d'un estimé autre canton; dans le cas présent, il ne s'embarrasse pas de cela, invoquant simplement des principes généraux du droit privé. Mais ici, Mesdames et Messieurs, nous parlons du droit public ! Nous parlons de la banque cantonale mise sur pied par notre constitution et par le peuple et qui a pour but, selon la constitution cantonale, de contribuer au développement économique du canton et de la région. Elle n'a pas de but lucratif en soi ! On n'a donc pas besoin de dire que cette banque renonce à son but lucratif, ce n'est pas son but ! Elle a une visée de politique publique. Il n'y a donc pas un droit inaliénable...
Le président. Je vous remercie, Monsieur Mizrahi. Je passe la parole...
M. Cyril Mizrahi. ...pour une banque publique - j'en finis par là, Monsieur le président - d'avoir... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. ...à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi pose des questions de fond. Bien évidemment, il faut soutenir les PME. Malheureusement, la manière efficace de le faire, c'est d'agir sur les conditions-cadres et non pas principalement sur le financement. Il faut également soutenir l'emploi genevois, ce qui constitue un problème de fond. Cela nous a été rappelé aujourd'hui par le départ d'un de nos députés qui, malheureusement, se trouve face au dumping créé notamment, et principalement, et très principalement par les frontaliers, qui l'oblige...
Des voix. Rooh ! (Commentaires.)
M. François Baertschi. ...qui l'oblige à traverser l'Atlantique pour aller de l'autre côté. (Brouhaha.) On se trouve face à un cas réel où...
Le président. Un instant, Monsieur Baertschi ! (Le silence revient.) Voilà, je vous repasse la parole.
M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. On se trouve face à un cas réel, un cas concret de dumping du fait des frontaliers. Nous sommes directement dans ce Grand Conseil touchés par le cas d'une compétence qui doit quitter notre pays parce que le marché de l'emploi est asséché dans certains secteurs par cette surconcurrence dénoncée par le MCG depuis des années et des années et que la majorité de ce Grand Conseil refuse de voir, malheureusement ! Chers députés, chères députées, ouvrez les yeux ! Je crois que c'est la meilleure des choses que nous puissions faire.
Le président. Merci. Je passe la parole au rapporteur de majorité pour une minute quarante.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La majorité vous demande de refuser l'entrée en matière. Ce projet de loi est contraire au droit, et la personne qui le dit, c'est M. Bahar, professeur d'université, spécialiste du droit des obligations et du droit bancaire. En plus de cela, ce projet de loi est inutile et n'apporterait pas grand-chose. Encore une fois, à Genève, nous avons des organismes comme la FAE, la Fondetec, etc. Un jeune entrepreneur qui a une formation et un bon projet trouve un financement à Genève. Pour finir, je citerai les propos du directeur général de la Banque cantonale de Genève: «Pour une approche et une activité de financement saine»... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
M. André Pfeffer. J'arrête ?
Une voix. Continue !
M. André Pfeffer. ...«il faut absolument respecter la règle suivante: le financement des PME doit répondre à un impératif économique et de viabilité de l'entreprise et non selon un impératif de subventionnement.» Pour ces raisons, je vous recommande de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, certains semblent penser ici que la BCGE devrait non plus faire du financement mais du subventionnement. Or, la BCGE est certes une banque et une entité soumise au droit public cantonal, mais elle a la faculté, à ce titre, d'exercer et de déployer toutes les activités d'une banque universelle. Tout ce qui concerne le financement doit aussi répondre des impératifs de rentabilité. Parce que si la BCGE, dont le canton et les communes sont actionnaires, venait à décider de subventionner chaque demandeur de financement sans veiller à ce que le projet du demandeur soit viable et rentable, nous, collectivités publiques, le canton, les communes ainsi que l'ensemble des autres actionnaires, nous retrouverions les grands perdants ! Et nous serions les premiers à nous plaindre de cette pratique d'une banque qui en définitive ne veillerait pas à s'assurer que les financements qu'elle octroie soient basés sur des conditions solides.
Alors, Mesdames et Messieurs, outre le fait - cela a été dit - que le professeur de droit Rashid Bahar a considéré que ce projet de loi était contraire au droit supérieur; outre le fait qu'il s'agit d'empiéter sur le droit de la BCGE, respectivement sur son droit constitutionnel de faire des profits; outre le fait que ce texte vise une fois de plus à impliquer le politique pour décider ce que fait un établissement bancaire de droit public dans notre canton, ce qui suggère aussi que celui-ci peut favoriser certains types d'entreprises...
Mesdames et Messieurs, le canton est fier de compter la BCGE sur son territoire. Il se félicite chaque année d'en recevoir les dividendes. Il faut que le politique s'occupe de ce qui le regarde ! Et qu'il cesse d'imposer des règles à un établissement bancaire qui est déjà lui-même soumis à des règles de surveillance par son autorité de surveillance naturelle, la FINMA. La BCGE aujourd'hui remplit son rôle, la FAE ainsi que les autres partenaires l'ont dit. Cela a été rappelé, la banque cantonale consacre aujourd'hui un montant extrêmement important aux crédits en faveur des milieux économiques locaux, y compris des petites entreprises. Elle a d'ailleurs déployé de petits crédits professionnels - entre 20 000 et 150 000 francs - justement à disposition de ces entreprises. Notre Grand Conseil - votre Grand Conseil - doit s'occuper de ce qui le regarde. Laissez la banque cantonale s'occuper de ce qui la concerne, de sorte que nous puissions continuer, communes, actionnaires et canton, à recevoir les dividendes qui nous sont versés aujourd'hui ! Je vous encourage donc à refuser non seulement l'entrée en matière sur ce projet de loi, mais aussi l'ingérence que celui-ci représenterait, et ce en dépit de l'amendement que s'obstine à vouloir déposer le parti auteur du texte. Merci, Monsieur le président, merci, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12020 est rejeté en premier débat par 49 non contre 37 oui et 10 abstentions.
Le président. Nous faisons une courte pause et reprenons à 18h. Je lève la séance !
La séance est levée à 17h45.