Séance du
vendredi 1 novembre 2019 à
14h
2e
législature -
2e
année -
6e
session -
29e
séance
P 2061-A et objet(s) lié(s)
Débat
Présidence de M. François Lefort, premier vice-président
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons trois textes portant sur le même sujet, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes: la P 2061-A, la M 2465 et la R 856. Je passe la parole au rapporteur de majorité sur la P 2061-A, M. le député Raymond Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette pétition, qui s'intitule «A propos de l'enquête sur les "atteintes à l'intégrité sexuelle" au DIP», visait principalement, à la base, l'enquête demandée par le département suite aux affaires que vous connaissez. Lorsqu'il a été défendu devant notre commission, le texte a suscité un nombre extrêmement large de remarques, d'appréciations. Je dirai, pour faire très court puisque le temps est compté, qu'il s'agissait essentiellement de mettre en cause le département, pas forcément dans son organisation actuelle, mais dans celle de plusieurs décennies en arrière. Le pétitionnaire premier signataire nous a expliqué qu'il a vécu durant trente ans toutes les affaires en question, les unes après les autres, lorsqu'elles se sont présentées; ça touchait un panel de cas extrêmement large.
La commission a bien sûr estimé qu'elle se devait d'entendre d'une part la cheffe du département et d'autre part M. Lachat, ancien juge au Tribunal des mineurs de Fribourg, un des membres chargés de cette enquête qui a été remise en question. Cette pétition demande qu'on modifie les procédures et la loi relative aux enquêtes administratives, qu'il y ait des améliorations en matière relationnelle avec le corps enseignant, j'en passe et des meilleures - encore une fois, le temps est trop court. Mais en auditionnant Mme la cheffe du département et M. le juge, au vu des explications données, la majorité de la commission a estimé que bien des revendications formulées dans le texte ont été traitées, non seulement au niveau du département mais également par la commission judiciaire et de la police.
Il nous a donc paru normal de laisser une chance à ces nouvelles directives, à cette nouvelle législation d'entrer en vigueur et de faire leurs preuves. Il sera toujours possible, au besoin, de revenir dessus ultérieurement si nous estimons que les conditions nécessaires n'ont pas été remplies. En plus, cette pétition est discutée conjointement à deux autres objets, qui mettent plus particulièrement l'accent sur l'affaire Ramadan et doivent évidemment être traités séparément. Nous en parlons ensemble aujourd'hui simplement parce qu'ils touchent tous la problématique de l'intégrité sexuelle. La majorité de la commission vous demande, s'agissant de cette pétition, de bien vouloir la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est maintenant à la rapporteure de minorité sur la P 2061-A, Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président de séance. J'ai été extrêmement choquée et scandalisée par le fait que bien des personnes étaient au courant de l'affaire Ramadan et d'autres abus dont nous avons été informés, en particulier des cas de harcèlement d'enseignants à l'égard d'enseignantes, qui étaient tout simplement invitées à changer de collège le cas échéant.
Mon avis d'avocate qui a prêté serment il y a quarante-trois ans est que les choses ne se passent pas de façon démocratique sans règles de procédure strictes. Lorsqu'il y a une suspicion d'abus, une dénonciation ou une plainte, celles-ci doivent être traitées, et elles doivent l'être en suivant des règles procédurales claires. Ces règles auront également à prévoir ce qui peut se passer en cas de déni, à savoir que l'on puisse se plaindre du fait qu'une dénonciation n'ait pas été suivie d'effet. En ce qui me concerne, je vous invite vraiment à adhérer à la position du MCG et à renvoyer la pétition au Conseil d'Etat afin qu'il se donne la peine de rédiger un document consultable et éventuellement utilisable par toute personne concernée.
Je voudrais aussi vous dire que j'ai pris connaissance des différents documents liés à cette pétition, notamment ceux du département, et j'ai lu qu'une étude a été faite sur 3000 élèves: 6% ont dit avoir été victimes de harcèlement - de harcèlement entre eux, entre pairs. En tant qu'avocate, j'ai également défendu une élève victime de harcèlement et je vous assure que ce n'est pas facile du tout. Apparemment, un enseignant par année aurait commis des abus légers ou plus graves alors que, semble-t-il, 2500 élèves par année seraient concernés par des cas de harcèlement. Il est donc à mes yeux indispensable de créer une procédure administrative interne pour gérer ces choses-là et, si c'est plus grave, c'est bien sûr ensuite du ressort du procureur général. Je vous enjoins vraiment de voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie d'avance.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député André Pfeffer, premier signataire de la M 2465.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Je m'exprime sur la proposition de motion 2465, «Faire la lumière sur le volet genevois de l'affaire Ramadan», qui date de mars 2018 et n'a pas encore été traitée. A cette époque, les informations divulguées dans la presse étaient préoccupantes et laissaient penser à un inquiétant dysfonctionnement du département de l'instruction publique. Les faits relevés étaient très graves et la passivité du gouvernement paraissait surréaliste; les conseillers d'Etat en charge lors des événements avaient ignoré les dénonciations et manqué à leur devoir. Ils n'avaient pas assumé leurs responsabilités.
Depuis, une enquête indépendante a été menée. Les résultats de cet audit ne sont de loin pas très satisfaisants: les deux experts ont confirmé l'absence de réaction du département - sur des faits qui sont tout de même pénalement répréhensibles - et l'absence de directives. Ils parlent même d'une sorte d'omerta ! Ces experts relevaient eux-mêmes que leur champ d'étude était trop restreint et mal défini. La P 2061 dont nous débattons également, provenant essentiellement d'anciens enseignants, semble confirmer cette inquiétude.
Il y a certes eu une enquête indépendante, mais il est scandaleux que la M 2465 invitant à répertorier les plaintes des anciennes élèves, à évaluer les responsabilités du DIP et à mettre en place une stratégie pour améliorer la situation n'ait toujours pas été traitée alors qu'elle a été déposée en mars 2018 ! C'est pareil pour la R 856, déposée en juin 2018 par le PDC et le PLR; il n'est évidemment pas surprenant qu'Ensemble à Gauche ait déposé un nouveau texte demandant à peu près la même chose.
La M 2465 date certes de mars 2018, mais les faits sont encore d'actualité et le groupe UDC demande que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Simon Brandt, deuxième signataire de la R 856.
M. Simon Brandt (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la R 856, intitulée «Ne jetons pas un voile sur les affaires de harcèlement sexuel au sein du DIP», ne devrait pas être débattue aujourd'hui. Elle ne devrait pas être débattue aujourd'hui, parce qu'elle a été déposée il y a un an déjà: on aurait légitimement pu penser - je dis bien légitimement - que le Conseil d'Etat aurait profité de l'année écoulée pour prendre toutes les mesures nécessaires afin que ce genre de situation ne se reproduise plus, afin de nous démontrer que des leçons ont été tirées de l'affaire Ramadan et des nombreux cas de harcèlement sexuel rapportés. Force est de constater qu'il n'en est rien.
Est-ce que quelqu'un peut me garantir que plus personne ne sera harcelé sexuellement au sein du DIP, ni un élève ni un enseignant ou une enseignante ? La réponse est non ! La réponse est d'autant plus négative que j'ai déposé, il y a deux sessions, une question écrite urgente - la QUE 1128 - dans laquelle je demandais expressément si on pouvait nous garantir qu'il n'y aurait plus aucun cas de harcèlement sexuel et que la réponse a été: «On fait de notre mieux, mais on ne peut pas le garantir.»
Je connais personnellement quelqu'un qui est allé se plaindre à sa hiérarchie d'avoir été harcelé sexuellement par un enseignant, et la hiérarchie lui a dit: «Si vous ne retirez pas immédiatement cette plainte, c'est contre vous qu'on prendra des sanctions: il est inacceptable que vous lanciez une rumeur contre un collaborateur du DIP !» La personne concernée n'a pas osé aller plus haut parce qu'elle avait peur d'être sanctionnée et qu'il y ait des répercussions sur la suite de sa carrière.
Sont-ce là des pratiques adéquates au sein du DIP, alors même qu'on aurait pu penser que ce qui s'est passé l'aurait incité à prendre toutes les mesures pour que ça ne se reproduise plus ? La réponse est non ! Pour cette raison, nous vous demandons de renvoyer cette résolution, accompagnée de la motion, à la commission de contrôle de gestion afin qu'on puisse faire toute la lumière sur la situation et qu'on ne jette pas un voile sur les affaires de harcèlement sexuel, qu'il soit exercé par M. Ramadan ou non. Merci.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Vous imaginez bien combien les questions de prévention et de lutte contre le harcèlement sont, au groupe socialiste, au coeur de notre action. Le DIP a pu appliquer une tolérance zéro, comme en témoigne un rapport accepté en urgence qu'on discutera tout à l'heure, et nous partageons évidemment cette approche. Vous transmettrez à M. Brandt, Monsieur le président, que les affaires de harcèlement ne concernent pas uniquement le département de l'instruction publique - franchement, s'il suffisait de dire qu'on aimerait que les harceleurs s'arrêtent, au DIP ou n'importe où ailleurs, ça se saurait ! Malheureusement, ces faits sont toujours d'actualité; nous devons faire un travail de fond, mais un travail de fond intelligent, sans polémique.
Je ne reviendrai pas sur la pétition parce que le rapporteur de majorité s'est très bien exprimé et nous partageons son avis. La M 2465 n'est quant à elle, pour nous, pas acceptable: on ne peut pas, par le biais d'invites, intervenir dans des procédures en cours qui concernent M. Ramadan. Nous pourrions par contre être d'accord sur le fait qu'il faut développer une stratégie d'écoute à l'intention des élèves qui subissent du harcèlement. Mais cette écoute existe déjà ! Si vous regardez le rapport qu'on discutera en urgence tout à l'heure, eh bien vous verrez qu'il y est notamment question de l'action d'une collaboratrice du DIP grâce à laquelle des jeunes filles ont pu lancer une des procédures qu'on connaît, dont la presse s'est largement fait écho. Sans l'action de la collaboratrice du DIP, ces jeunes filles n'auraient pas eu le courage d'agir et il n'y aurait pas eu de procédure. Cette écoute existe donc, elle a même été intensifiée en collaboration avec des associations qui s'occupent de victimes et ont l'habitude de les accompagner.
Concernant la R 856, nous partageons l'idée qu'il est nécessaire de mener des enquêtes, que l'exécutif doit rendre un rapport, qu'il est évidemment légitime de prendre toutes les mesures pour que jamais des affaires ne soient étouffées. Comme socialistes, nous ne sommes par contre pas d'accord de dire que nous réprouvons la gestion des affaires de harcèlement au DIP, non parce que la conseillère d'Etat est socialiste, mais simplement parce que dire cela est injustifié ! C'est méconnaître le travail des professionnels sur le terrain, par exemple de la professionnelle dont je parlais tout à l'heure, et c'est instrumentaliser des questions hautement importantes qui relèvent de l'égalité entre hommes et femmes. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je vous rappelle que, lors de la session précédente, nous avons accepté à l'unanimité une motion renvoyée à la commission de contrôle de gestion, qui s'est saisie de cette problématique. En tant que présidente, je m'engage - je vous le dis - à traiter cet objet, que nous avons voté à l'unanimité...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...de manière collective et sérieuse dans les plus brefs délais. Pour ces raisons...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...je vous demande de refuser la M 2465 et la R 856. Je vous remercie.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, la M 2465 et la R 856 seront à renvoyer à la commission de contrôle de gestion. Concernant la pétition, il est important de relever que tous les détails qui nous tiennent à coeur ont été évoqués dans l'excellent rapport de majorité de M. Wicky. On sait très bien qu'une bonne gestion de la distance dans les relations enseignants-élèves est fondamentale pour garantir l'intégrité physique, sexuelle et psychologique des jeunes placés sous la responsabilité du DIP durant leur cursus scolaire.
L'audition de la magistrate a rassuré la majorité de la commission - la grande majorité de la commission - sur la prise de conscience du département et la mise en place de procédures pour identifier les problèmes et assurer le soutien aux victimes. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez compter sur le parti démocrate-chrétien, et sur votre serviteur en particulier, pour être particulièrement attentif - et attentive - à ce que ces procédures servent l'intérêt des victimes et puissent au besoin également être prises pour modèles afin qu'on soit absolument exemplaire et irréprochable. Nous vous proposons donc de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Pour Ensemble à Gauche, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ces trois objets montrent que, à l'évidence, il y a un problème dans la manière dont le DIP gère ces dérapages ou le harcèlement sexuel: la solution n'a pour l'instant pas été trouvée. C'est pourquoi Ensemble à Gauche a justement déposé une proposition de motion invitant le Conseil d'Etat à collaborer aux travaux de la commission de contrôle de gestion pour faire toute la lumière sur les dénonciations de dérapages ou de harcèlement à caractère sexuel au sein du DIP et sur les plaintes déposées par ce dernier.
Il est maintenant nécessaire, à nos yeux, de lier la gerbe: les trois objets dont nous parlons - une pétition, une motion et une résolution - attaquent la question sous des angles très différents, Mesdames et Messieurs les députés, et il faut simplement que la commission de contrôle de gestion puisse faire son travail. Il est à l'évidence nécessaire de faire la lumière sur la situation au DIP; sauf erreur - non, j'en suis certain, la proposition de motion d'Ensemble à Gauche, que le député de l'UDC a rappelée, est déjà à la commission de contrôle de gestion. Laissons donc faire cette commission: laissons-la faire son travail et espérons qu'elle pourra bien le faire.
Il est aussi à noter, et c'est également une des raisons de la motion d'Ensemble à Gauche, que M. Brandt demande: «Pouvez-vous me garantir qu'il n'y a plus aucun cas de harcèlement sexuel ?» Je ne sais pas quelle conseillère ou quel conseiller d'Etat pourrait apporter une telle garantie ! Il faut être un tout petit peu réaliste. En revanche, nous pouvons certainement beaucoup mieux faire en matière de prévention. Or nous avons vu que la personne qui a soutenu les victimes et dénoncé certaines choses - et c'est nécessaire qu'il y ait des lanceurs d'alerte - a été inquiétée par la justice. Pour nous, c'est un problème, d'autant plus que le poste de chargé d'égalité et de prévention de l'homophobie et de la transphobie au DIP a été d'une certaine manière émietté, ou dispatché, je ne sais pas. Il est à nos yeux nécessaire qu'il y ait une personne de référence pour toutes ces questions au sein du département; c'est aussi cela, je pense, que la commission de contrôle de gestion pourra mettre en lumière.
S'agissant de la pétition, Ensemble à Gauche suit la majorité et votera le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. La motion est, sauf erreur, renvoyée à la commission de contrôle de gestion tout comme la résolution - tant mieux si d'autres objets rejoignent notre propre motion. Laissons donc la commission de contrôle de gestion faire son travail et espérons que la lumière sera faite, demain, au sein du DIP et qu'il y aura de fait moins de problèmes de harcèlement ou de dérapages à caractère sexuel. Merci.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). En préambule, Mesdames les députées, Messieurs les députés, s'agissant des affaires pendantes, il convient de laisser les procédures, soit de justice, soit administratives, suivre leur cours. En ce qui concerne les objets parlementaires - en plus des motions, résolutions et pétitions - des projets de lois sur les victimes ont été travaillés à la commission judiciaire suite aux révélations de l'affaire Ramadan notamment. Il convient dès lors de nous pencher sur ce qui a été fait depuis la libération de la parole des victimes.
Ces femmes ont eu le courage de parler, de dénoncer; elles doivent désormais être protégées. A l'époque des faits, elles n'ont pas été suffisamment accompagnées. Or nous avons récemment adopté un projet de loi du Conseil d'Etat, le PL 12392, modifiant la loi sur la procédure administrative, concernant le témoignage. Le parlement a voté des améliorations en faveur de la protection des victimes, et c'est fondamental ! Je ne vous cache pas que les Vertes et les Verts auraient voulu aller plus loin avec un projet de loi qui aurait également octroyé à la victime la qualité de partie dans le cadre de la procédure administrative. Récemment, la M 2557 a proposé d'aller plus loin encore sur la qualité de partie en l'octroyant au-delà de l'audition et jusqu'à la fin de la procédure, afin que la victime puisse répliquer notamment. Cela montre d'un côté la volonté bien ancrée du Conseil d'Etat et du Grand Conseil de renforcer le droit des victimes présumées, mais aussi le désir - c'est leur devoir - de les protéger davantage, soit de leur présumé harceleur ou abuseur, soit d'éventuels harcèlements ou abus.
Enfin, le DIP a pris des mesures au moment des faits avec notamment une ligne téléphonique, Abus Ecoute, mais aussi plus récemment avec un renforcement général du dispositif pour l'égalité des genres, la prévention des discriminations et la lutte contre les abus et le harcèlement. Avec ce dispositif, les Vertes et les Verts considèrent que les motions et résolutions sont obsolètes et que le DIP a désormais renforcé sa vigilance - les Vertes et les Verts resteront aussi vigilants sur la mise en application de toutes ces mesures. C'est pourquoi nous refuserons les renvois à la commission de contrôle de gestion et sommes en faveur du dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, le PLR arrive à la même conclusion que M. Olivier Baud, peut-être par des voies un tout petit peu différentes, lorsqu'il dit qu'il faut faire la lumière - c'est d'ailleurs le titre de la M 2465. Faire la lumière est une expression qui éveille à Genève de lointains échos. Echos lointains - et proches aussi. Dans l'affaire Ramadan, nombreuses sont en effet les zones d'ombre qu'un peu de lumière éclairerait. Bien sûr, l'affaire est judiciaire et ni cette motion ni cette résolution n'ont pour but d'interférer avec la justice. Mais nombreuses sont les personnes qui, dans la hiérarchie du DIP, se sont prudemment claquemurées dans le silence et l'ombre à l'époque des faits reprochés à M. Ramadan, pour le moment présumé innocent. On savait certaines choses et on s'est tu.
Or le département, dans une récente intervention, a pointé du doigt les profs; non pas seulement un ou deux prédateurs sexuels qui déshonorent la profession - qui déshonorent notre profession - mais cette... Je cherche le mot; il ne me vient pas mais je vais le retrouver. Le département a jeté la suspicion sur bien des gens par cette directive - voilà le mot que je cherchais. En effet, les profs se sont inquiétés de la notion floue d'exemplarité - que vous demandez - car la directive parle de devoir d'exemplarité sans en préciser les contours concrets. Qui plus est, on a, de mon point de vue, protégé une certaine hiérarchie et mis l'accent sur les enseignants avec l'injonction qui leur est faite d'adopter en tout temps un comportement avec lequel les élèves puissent s'identifier. Autrement dit, l'enseignant est sommé de faire preuve, tant dans sa vie privée que professionnelle, d'une même exemplarité, et cela semble assez difficile. Les associations de profs notamment s'en sont émues: elles ont craint, et craignent encore, des dérives ou du moins des décisions arbitraires. Or les maîtres ne sont évidemment pas opposés à une directive qui rappelle les devoirs de chacun pour protéger les élèves. Le mot «protection» figure évidemment là.
Le DIP doit soutenir ses employés en cas de calomnie, diffamation, menace, insulte, etc., et, alors même que la loi l'y oblige, aucune agression verbale ou physique à l'encontre d'un enseignant n'a, à notre connaissance, été dénoncée au parquet ces derniers mois. Au fond, qui doit donc être exemplaire ? Les profs ou la hiérarchie ? C'est la question que l'on pose et le PLR, pour pouvoir y répondre, soutient le renvoi de cette motion, ainsi que de la R 856, comme le demande M. Baud, à la commission de contrôle de gestion - je crois que ces objets vont s'ajouter à un autre texte dont nous aurons à traiter. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. André Pfeffer (UDC). Les faits dont nous parlons sont graves. Entendre une collègue socialiste demander le dépôt de deux objets qui dénoncent ces agissements est choquant ! A mon avis, mais c'est un avis personnel, il serait - j'utilise le conditionnel - dans l'intérêt du département de l'instruction publique et de ses 9400 collaborateurs d'apporter une réponse claire et convaincante à ces scandales. C'est aussi dans l'intérêt du DIP d'élaborer une action efficace et crédible pour ramener la sérénité et la confiance. La M 2465 date certes de mars 2018 mais elle est encore d'actualité et je demande qu'elle soit renvoyée à la commission de contrôle de gestion. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin, rapporteure de minorité, pour vingt-deux secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais quant à moi vous dire: pas la morale, l'éthique; pas l'émotion, la raison; et pas d'accusation sans preuve. Il faut une procédure claire pour faire la lumière et connaître la vérité sur ces affaires. Merci.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi en préambule de rappeler deux choses. La première chose, c'est l'immense confiance que j'ai dans l'immense majorité des collaboratrices et des collaborateurs du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse. Ce n'est pas parce qu'il y a quelques moutons noirs qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain, si j'ose dire, et jeter l'opprobre sur la fonction publique. La deuxième remarque est parallèle: c'est la tolérance zéro, que j'ai toujours pratiquée lorsque des enseignants abusent de leur position, que ce soit dans le domaine de l'intégrité sexuelle des élèves ou dans d'autres domaines. Je n'ai pas attendu l'affaire Ramadan pour régler un certain nombre de situations, sans que ça fasse la une de la presse.
J'aimerais maintenant vous expliquer ce qui a été fait, et peut-être rappeler à Mme Magnin, rapporteure de minorité, qu'il ne faut pas confondre le harcèlement entre élèves avec le harcèlement d'un adulte, par exemple d'un enseignant, contre des élèves. Ce sont deux choses totalement différentes; vous avez donné tout à l'heure des chiffres qui concernent le harcèlement entre élèves.
Concernant la situation des enseignants, qu'est-ce qui a été fait depuis le dépôt de ces textes, depuis le rapport des experts, etc. ? A l'époque - votre parlement en avait également parlé - le souhait d'avoir un rapport externe, établi par des experts, avait été émis. Ce rapport a été fait, qu'il vous satisfasse ou qu'il ne vous satisfasse pas, et a été rendu en novembre 2018. A cette occasion, le Conseil d'Etat a reconnu, notamment par ma bouche, que le DIP a failli par le passé. Oui, nous avons failli - mes prédécesseurs, des directrices, des directeurs, des collaboratrices, des collaborateurs du département ont failli. C'est comme ça, il faut le reconnaître, mais il faut surtout utiliser le passé pour améliorer la situation présente et bien évidemment ce qui pourrait advenir dans le futur.
Alors, qu'avons-nous fait ? Nous ne sommes pas restés sans rien faire ! Nous avons suivi les recommandations des experts mais également travaillé sur d'autres points. Quelques exemples: nous avons mis en place une procédure en cas d'abus et de maltraitance qui rappelle les règles à suivre lorsque quelqu'un entend parler d'un cas. Vous avez cité un exemple, Monsieur Brandt; j'aimerais que cette personne-là ait le courage de venir me voir ou de voir quelqu'un du département en qui elle a confiance pour expliquer les faits. Parce qu'on ne lutte pas contre les rumeurs ! S'il est facile de dire qu'il se passe des choses, il faut pouvoir le prouver. La plus grande difficulté à laquelle nous nous sommes heurtés dans ce domaine, c'est le fait que les victimes, que ce soient les adultes ou les élèves, n'osent parfois pas parler. Je ne peux donc que vous inviter à demander à ces personnes de témoigner auprès de quelqu'un de confiance. Nous avons maintenant une procédure très claire qui rappelle un des devoirs des fonctionnaires: l'obligation de dénoncer ! Dans la fonction publique, une personne qui entend parler d'un abus a l'obligation de le dénoncer à sa hiérarchie et celle-ci de le transmettre.
On parle beaucoup des lanceuses d'alerte; depuis que je suis au département, il n'y a eu, à ma connaissance, qu'un seul cas d'abus où l'affaire est remontée par quelqu'un d'externe au DIP et a ensuite été relayée par une personne interne, la référente égalité. Tous les cas ont été remontés par des directions d'établissements, elles-mêmes informées par des élèves ou par des enseignants; c'est donc vraiment le terrain lui-même qui a dénoncé les choses.
Deuxièmement, nous avons élaboré une directive qui rappelle la posture des enseignants. Alors je m'étonne, Monsieur Romain: peut-être faudrait-il vous mettre d'accord avec votre collègue de parti ! D'un côté, on nous dit: «On parle d'exemplarité, quelle horreur ! Quels sont les critères ?», etc. Et de l'autre, on nous reproche de ne pas en faire assez pour clarifier les règles. Nous avons essayé de clarifier les règles; cette directive est encore en discussion avec les enseignants afin qu'elle soit la plus claire possible pour tout le monde.
Nous avons ouvert la ligne Abus Ecoute: elle est en dehors du département puisque c'est le centre LAVI qui s'en occupe. Celui-ci peut assister les personnes qui souhaiteraient un accompagnement lorsque les situations le requièrent, qu'il soit psychologique, médical ou juridique. Et puis, je vous l'avais annoncé récemment dans un communiqué, un lieu d'écoute et de soutien, voire de médiation, interne au DIP mais externe aux directions générales, sera mis en place début 2020. Il se trouvera au service de médiation scolaire du Point, qui ne dépend d'aucune direction générale, et qui aura un poste dédié à l'écoute. Des élèves qui, par hypothèse, n'oseraient pas parler au sein de leur école mais ne voudraient pas aller au centre LAVI, parce qu'il est externe, auront donc un lieu d'écoute et de conseil interne, qui n'est pas directement lié à la hiérarchie concernée.
Vous l'avez rappelé, Madame de Chastonay, le dispositif légal a été amélioré. Aujourd'hui, les témoins - les victimes sont considérées comme des témoins dans la procédure administrative - peuvent être accompagnés d'un avocat ou d'une personne de confiance. Et surtout, ils sauront dorénavant que la dénonciation est traitée et pourront connaître le résultat, bien évidemment à leur demande, ce qui n'était jusqu'à présent pas le cas.
Enfin, nous sommes en train de renforcer le dispositif de prévention; c'est à bout touchant. La prévention est essentielle en matière d'égalité pour tout ce qui concerne le genre, l'homophobie mais aussi les abus, etc. Il n'est pas question d'émiettement, Monsieur Baud: un émiettement signifierait que le poste actuel de la déléguée, qui correspond à un 70%, aurait été dilué dans les directions générales diverses. Ce n'est pas le cas, et nous allons même ajouter plus de deux postes - je rassure la commission des finances: c'est par le biais de réallocations internes que ce sera fait. Nous ajoutons donc des postes et il y aura dorénavant, dans toutes les directions générales, une personne chargée de l'aspect pédagogique - de la formation des enseignants et de celle des élèves - et une personne chargée du suivi des situations individuelles. Elles seront réunies au sein d'une plateforme départementale et bénéficieront de l'accompagnement d'un ou plus probablement d'une experte connue dans le milieu, qui participera également à ce travail. Voilà ce que je voulais vous dire.
Peut-être une dernière remarque sur les lanceuses d'alerte et sur la dénonciation pénale. Je rappelle qu'une dénonciation pénale doit être faite lorsqu'il y a violation du secret de fonction. La dénonciation dont vous parlez, Monsieur Baud, n'a jamais visé une personne - j'aurai l'occasion de m'exprimer à ce propos à la commission de contrôle de gestion: elle concernait uniquement l'extrait de PV du gouvernement, qui avait lancé une enquête administrative contre un professeur donné. Cette dénonciation a été faite plusieurs mois après que l'alerte a été lancée et la procédure mise en oeuvre par le DIP ainsi que par le Conseil d'Etat. En l'occurrence, il n'y a donc jamais eu de volonté d'empêcher quelqu'un de donner l'alerte - je tiens à ce que ce soit très clair.
Je me réjouis de pouvoir aller à la commission de contrôle de gestion montrer les documents et expliquer les choses. J'espère que vous ferez enfin confiance au département quant à sa manière de gérer au mieux les affaires: sachant qu'on ne pourra bien évidemment jamais empêcher le harcèlement ni les abus, notre mission est de protéger les élèves qui nous sont confiés et d'intervenir dès que ces situations nous sont signalées.
Je vous remercie de votre attention et vous invite à suivre la position de la commission concernant la pétition, c'est-à-dire de voter son dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Quant aux autres objets, concernant l'affaire Ramadan, je ne vois pas véritablement en quoi la commission de contrôle de gestion pourra faire plus que les experts. Si vous lui renvoyez la motion, je pense que vous n'aurez accès à rien de plus que les experts puisque nous n'avions pas de documents sur l'affaire Ramadan: ce sont les témoignages recueillis des élèves qui sont importants. Il en va de même pour la résolution. Merci, Mesdames et Messieurs les députés.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons aux votes. Je vous demande d'abord de vous prononcer sur les conclusions de la majorité de la commission des pétitions concernant la P 2061, à savoir son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2061 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 73 oui contre 10 non et 3 abstentions.
Le président. Nous passons à la M 2465, pour laquelle il y a eu plusieurs demandes de renvoi à la commission de contrôle de gestion. Je rappelle que cette motion est adressée à cette commission et lui donne un mandat. Si vous la renvoyez en commission, la commission de contrôle de gestion examinera le bien-fondé de son contenu mais ne réalisera pas ses invites. Si vous adoptez la motion, la commission de contrôle de gestion sera mandatée pour réaliser ses invites. Voilà, je voulais m'assurer que les demandes de renvoi en commission étaient maintenues. (Commentaires.) Elles ne le sont pas. Je vous propose donc de voter sur la M 2465 qui, si vous l'adoptez, sera renvoyée à la commission de contrôle de gestion.
Mise aux voix, la motion 2465 est adoptée par 51 oui contre 31 non et 8 abstentions.
Le mandat est envoyé à la commission de contrôle de gestion.
Mise aux voix, la résolution 856 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 52 oui contre 31 non et 8 abstentions.