Séance du
vendredi 18 octobre 2019 à
18h
2e
législature -
2e
année -
5e
session -
26e
séance
M 2496-A
Débat
Le président. Nous abordons maintenant la M 2496-A en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de majorité, M. Edouard Cuendet, est remplacé par M. Alexandre de Senarclens, à qui je passe la parole.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je remplace effectivement M. Edouard Cuendet qui a dû malheureusement quitter cet hémicycle, certainement fâché... (Exclamations.)
Cette motion contient deux invites: la première demande au Conseil d'Etat d'adapter le prix des émoluments de la direction générale des véhicules pour que ces derniers correspondent aux coûts réels, tandis que la seconde - qui est bien plus large - demande un rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'ensemble des émoluments payés dans les différents services de l'administration.
Cet objet a été étudié en commission le 12 mars 2019. Assez vite, la majorité de la commission a considéré que cette motion était mal rédigée, dans la mesure où elle traitait d'abord des émoluments de la direction générale des véhicules, puis, dans une seconde invite bien plus générale, de tous les émoluments de l'Etat. Elle a donc estimé qu'il s'agirait d'un travail totalement disproportionné, dans un cadre mal défini, et que cela générerait des frais inutiles. Elle a en outre relevé que l'Etat avait d'ores et déjà fait des efforts dans ce domaine en revoyant l'ensemble de ses émoluments, en particulier à la suite d'un rapport de la Cour des comptes.
Pour toutes ces raisons, une large majorité de la commission, y compris d'ailleurs certains signataires de la motion, a rejeté ce texte - en l'occurrence par 11 non contre 1 oui et 3 abstentions - et elle vous invite à faire de même. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a été déposée en 2018 suite à un rapport du Surveillant des prix sur les émoluments excessifs des offices de la circulation routière dans les cantons suisses. Ce rapport révèle en effet que les prix des émoluments dépassent de plus de 25% les coûts réels et que le canton de Genève - comme j'ai l'habitude de le dire, ici, c'est Genève ! - applique les émoluments les plus élevés s'agissant des voitures neuves et d'occasion ainsi qu'en leasing. La motion demande donc que ces derniers correspondent aux coûts réels et qu'un rapport sur l'ensemble des émoluments - c'est la deuxième invite - détaille le prix payé pour chaque prestation et son coût réel. Au vu de ce qui précède, la minorité de la commission fiscale vous recommande d'accepter cet objet.
M. Stéphane Florey (UDC). J'ai effectivement déposé cette motion suite au rapport du Surveillant des prix, M. Stefan Meierhans, qui dénonçait le fait que le canton de Genève en particulier escroquait ses citoyens par le biais d'émoluments surfaits destinés à générer des bénéfices et non pas à offrir un vrai service à la population. Cela dit, le Conseil d'Etat n'a pas souhaité attendre l'application de la motion et a déjà adapté le prix des émoluments relatifs aux véhicules à moteur, de sorte que ce point, je le reconnais - et on l'a certainement mentionné à plusieurs reprises - est désormais réglé. Il reste toutefois - et c'est pour cette raison que nous vous invitons à soutenir ce texte - l'ensemble des émoluments de l'Etat. M. Stefan Meierhans a certes soulevé un lièvre en ce qui concerne les véhicules à moteur, et il l'avait déjà fait par trois fois avant que le Conseil d'Etat réagisse - il faut le dire ici - suite au dépôt de la motion de l'UDC, mais il reste l'ensemble des émoluments !
Je vais vous donner un exemple, qui figure d'ailleurs dans le rapport: aujourd'hui, si vous voulez obtenir un extrait du registre des poursuites, vous devez payer dix-sept francs, et un franc par page supplémentaire. Ce que je demande par cette motion, c'est donc que l'Etat nous dise comment sont facturés ces dix-sept francs, parce que je suis convaincu que sur cette somme celui-ci se met au moins sept francs dans la poche à titre de bénéfice, ce qui est clairement inadmissible. En effet, outre les trois heures de queue que vous faites pour recevoir un document - ça, c'est un autre problème - quand vous passez trois minutes à un guichet avec une fonctionnaire qui, je suis désolé de le dire...
Une voix. Française !
M. Stéphane Florey. ...tire une gueule pas possible une fois sur deux... (Rires.) Vous passez donc trois minutes avec une fonctionnaire qui tape votre nom sur son ordinateur avant d'imprimer un document, et on vous facture dix-sept francs ! Moi je suis convaincu que c'est un prix surfait, que l'Etat se fait un bénéfice pas possible sur le dos des citoyens avec l'ensemble de ces émoluments et qu'il conviendrait d'être un peu plus honnête. Je vous invite donc à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat afin qu'il nous indique à quoi correspondent réellement tous ces émoluments. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, les émoluments sont une forme d'impôt à l'égard de laquelle le groupe Ensemble à Gauche n'est pas bien disposé, parce que l'ensemble des prestations administratives de l'Etat devraient être financées par l'imposition directe. Si les émoluments coûtent encore plus cher que les prestations pour lesquelles ils sont prélevés, il s'agit d'une imposition indirecte, déguisée et illégitime.
Sur le principe, nous avons été sensibles à la démarche proposée dans cette motion, mais il est évident qu'en isolant uniquement les émoluments du service des automobiles, le camp de l'UDC a voulu faire en quelque sorte de la démagogie pro-bagnoles. Quoi qu'il en soit, la question soulevée était juste sur le fond, raison pour laquelle notre groupe a décidé de s'abstenir lors du vote sur cet objet.
Il faudra continuer à remettre en cause toute forme d'imposition indirecte visant à récupérer de manière assez mesquine sur Monsieur et Madame Tout-le-Monde ce qu'on cède en cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, aux multimillionnaires, aux actionnaires, etc. Je ne vais pas vous citer toute la panoplie, car vous la connaissez - c'est notre credo politique - mais la pratique consiste à faire des cadeaux aux privilégiés et à se refaire sur les petites gens par des émoluments par-ci, des taxes par-là. Il ne s'agit évidemment pas d'une voie de gauche ! La gauche n'est pas pour les impôts: elle est pour les impôts justes, pour les impôts progressifs, pour les impôts qui taxent ceux qui ont de l'argent afin de le redistribuer en direction de ceux qui ont des besoins qu'ils ne peuvent pas satisfaire. Nous allons donc nous abstenir sur ce texte, c'est notre position, mais je tenais à expliquer notre raisonnement de fond. Merci. (Applaudissements.)
M. Yvan Rochat (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, les Verts refuseront cet objet. Son auteur, M. Florey, l'a dit: finalement, cette motion s'en prend à la tête des fonctionnaires, à la tête que les fonctionnaires lui font lorsqu'il vient chercher un document ou un autre. Ce n'est pas très sérieux, bien entendu ! Nous la refuserons aussi parce qu'elle a déjà reçu une réponse de la part du Conseil d'Etat - on l'a mentionné - s'agissant de la première invite, puisque ce dernier a modifié les émoluments relatifs aux véhicules à moteur pour les rendre conformes à la prestation suite au rapport du Surveillant des prix. Dont acte. Evidemment, pour les motionnaires ce n'est pas suffisant, en tout cas c'est ce qui a été dit en commission. A croire que l'Etat devrait délivrer ses prestations de manière purement gratuite, notamment pour ce qui est des véhicules à moteur.
Quant à la deuxième invite, qui demande au Conseil d'Etat, je cite, de «présenter un rapport au Grand Conseil sur l'ensemble de ses émoluments en détaillant le prix payé pour chaque prestation et son coût réel», elle relève typiquement d'une démarche visant à réinventer la roue. Ça va ! L'Etat et ses fonctionnaires ont d'autres missions à mener au front, plus importantes que celle qui consiste à démontrer, notamment à l'UDC, que ses fantasmes quant à un Etat avide d'émoluments sont sans fondement. Passons à des questions plus importantes et refusons cette motion ! Merci.
M. Sandro Pistis (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité s'est exprimé sur le contenu de cette motion, qui traite effectivement de deux sujets complètement distincts. S'agissant de la première invite relative aux émoluments, la question a été réglée, puisque le Conseil d'Etat a apporté des modifications en diminuant le montant des émoluments pour les prestations fournies au sein de la direction générale des véhicules. Pour cette raison, le groupe MCG ne soutiendra pas cette motion, mais s'abstiendra. Quant à la deuxième invite, elle est hors sujet par rapport au contenu du texte. Nous ne voyons donc pas la nécessité d'appuyer cet objet ! Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a obtenu une réponse - certains l'ont déjà relevé - puisque suite au rapport de la Cour des comptes, le montant des émoluments a été diminué pour que ces derniers soient évalués à leur juste mesure. Ce texte ne sert donc plus à rien ! On peut saluer, c'est vrai, l'esprit de loyauté du rapporteur de minorité vis-à-vis de la couleur de cette motion qui émane du groupe UDC: il a tant bien que mal rédigé un rapport de minorité, même si cet objet n'a plus aucune utilité.
J'ai entendu dire de la part du représentant UDC que l'Etat réalisait de grands bénéfices sur les émoluments et qu'il tondait ainsi les gens. Je pense que si l'Etat faisait des bénéfices, ça se verrait au niveau budgétaire. On ne serait pas dans la situation qui est la nôtre avec le projet de budget 2020 ! En effet, je ne crois pas qu'on soit face à un projet de budget largement excédentaire, avec un Etat qui engrange des bénéfices.
J'ai également entendu que le groupe Ensemble à Gauche allait s'abstenir. C'est donner beaucoup d'importance à cette motion ! Je le rejoins totalement s'agissant du principe de redistribution par l'imposition et de l'idéal selon lequel il n'y a pas d'émolument mais uniquement une imposition directe, de façon que l'ensemble des prestations soient gratuites et offertes à la population. J'en conviens bien, mais c'est quand même donner beaucoup d'importance à cette motion, qui est malgré tout assez populiste ! Elle visait à raser gratis et s'attaquait principalement à la question des émoluments pour les véhicules motorisés, mais finalement elle s'en prend plutôt aux fonctionnaires, comme l'a fait M. Florey - vous transmettrez, Monsieur le président - sans apporter de réelles solutions, qui passent par une redistribution des richesses afin de permettre effectivement aux gens d'avoir des prestations gratuites. Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous invite donc non pas à vous abstenir sur cette motion, mais évidemment à la refuser.
M. Adrien Genecand (PLR). Le groupe libéral-radical a entendu avec beaucoup d'intérêt le message de M. Jean Batou - vous lui transmettrez, Monsieur le président - concernant le fait qu'il trouve l'émolument en général injuste et discriminant. Notre groupe va s'empresser de proposer la suppression de quelques émoluments divers et variés prélevés par l'Etat, et on se réjouit d'ores et déjà de savoir qu'Ensemble à Gauche nous soutiendra dans cette noble quête et ce noble combat ! Quoi qu'il en soit, on l'a dit, le cadre de cette motion est assez mal défini, raison pour laquelle nous la refuserons. Je vous remercie.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Jean Batou pour quarante-sept secondes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Ce sera amplement suffisant ! J'aimerais simplement répondre à mon préopinant que s'il accepte qu'on supprime l'imposition partielle des dividendes, il est bien évident que nous serons pour la suppression des émoluments. Ainsi, les tâches administratives de l'Etat seront payées par les gros actionnaires. Je suis sûr qu'il sera d'accord avec moi ! Merci. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Je donne raison à mon préopinant Romain de Sainte Marie, mais encore faut-il reconnaître certaines évidences. L'Etat est quand même avide d'émoluments, c'est une triste réalité, et il convient effectivement de tondre les moutons que nous sommes pour combler le tonneau des Danaïdes de nos finances publiques. (Commentaires.) C'est une réalité ! Si l'UDC n'avait pas déposé cette motion, rien n'aurait bougé, Monsieur le député ! Elle avait donc toute sa raison d'être, et la minorité de la commission vous demande de l'accepter.
Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, je vais mettre aux voix cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2496 est rejetée par 49 non contre 6 oui et 18 abstentions.