Séance du
vendredi 7 juin 2019 à
18h
2e
législature -
2e
année -
2e
session -
9e
séance
M 2341-A
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre ordre du jour ordinaire, qui appelle le traitement de la M 2341-A. Le débat est classé en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole à M. François Baertschi, rapporteur de majorité.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chacun connaît les problèmes de circulation qui affectent le canton de Genève de manière endémique. Ce texte traite le problème à la racine à l'aide d'une méthode pragmatique et efficace. Il ne faut pas se concentrer sur les seules infrastructures de transport publiques et privées, mais trouver des solutions complémentaires.
Environ 130 000 pendulaires circulent quotidiennement à Genève, et on compte 550 000 mouvements de véhicules par jour. L'idée de la motion est de diminuer le nombre de pendulaires qui se rendent sur leur lieu de travail en voiture privée - bien évidemment, la mesure doit s'inscrire dans le libre choix du mode de transport. A cet effet, elle propose d'instaurer une taxe sur les places de stationnement mises à disposition par les entreprises et laisse au Conseil d'Etat le soin de présenter au Grand Conseil un projet de loi adéquat. Les sociétés doivent inciter leurs collaborateurs à emprunter les transports publics et à faire du covoiturage, l'objectif étant de diminuer le nombre des pendulaires, qui viennent de plus en plus loin, depuis la France ou la Suisse, pour travailler dans notre canton.
Il suffit de voir notre autoroute de contournement bouchée et nos villages, comme Soral et Chancy, défigurés par le trafic frontalier, pour comprendre qu'il s'agit d'une mesure de salubrité publique. Quant aux firmes, elles subissent la situation actuelle à travers la durée des trajets pour les livraisons et le stress pour les employés ou les clients. Comme l'indique le titre de cet objet, il est vraiment temps de faire sauter le bouchon, car en matière de circulation, les Genevois ne sont pas à la fête !
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs, la motion qui vous est proposée invite le Conseil d'Etat à élaborer un projet de loi sur la taxation des personnes morales visant à instaurer un impôt sur les places de stationnement... (Un instant s'écoule.) Il s'agit de dissuader la mise à disposition de parkings par les entreprises pour les quatre-roues des employés travaillant entre 6h30 et 19h les jours ouvrés. Si nous ne nions pas la réalité du constat, la solution consistant à taxer des places offertes aux collaborateurs par leur propre employeur n'est pas la bonne.
Suite à une proposition de motion provenant du même groupe politique, le peuple genevois a déjà accepté en 2016 de diminuer la déduction des frais de déplacement. On assiste donc à un nouveau renchérissement du coût du travail qui frapperait sans doute les employés, mais surtout les employeurs privés et publics. De plus, le texte concerne l'ensemble des pendulaires, pas seulement les frontaliers; il faudra expliquer aux Genevois qui habitent dans la périphérie du canton et qui utilisent leur voiture qu'ils devront, eux aussi, s'acquitter de la taxe.
La motion met en exergue le principe du pollueur-payeur. Or, en l'occurrence, le pollueur est l'utilisateur du véhicule, et le payeur l'entreprise, ce qui ne correspond pas tout à fait au système en question. Enfin, on peut se demander si la LGAF est respectée, car elle interdit d'avoir des fonds affectés pour les impôts ou les taxes. J'ai dit, Monsieur le président.
M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de deuxième minorité. En substance, le député Ivanov a quasiment tout dit. J'ajouterai seulement qu'en ce qui nous concerne, cet objet est à rejeter parce qu'il renchérit le coût du travail - les charges des entreprises se retrouveraient en effet augmentées - ce qui diminue d'autant la compétitivité.
Nous sortons d'une votation sur la fiscalité générale des personnes morales, que le peuple a voulue plus légère, plus compétitive, plus agile, et cette motion va précisément dans le sens inverse. Ce n'est pas le signal donné par la population il y a quelques jours à peine, ce n'est pas non plus ce que nous voulons au PDC comme dynamique économique. En effet, même s'il revient aux sociétés de supporter cette charge supplémentaire, il y a de grandes chances pour que celle-ci soit finalement reportée sur le dos des employés, ce qui ne nous paraît pas opportun. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, en plus de toutes les raisons précédemment évoquées, le PDC vous invite également à rejeter cet objet.
Mme Marion Sobanek (S). Cette fois-ci, j'ai appuyé sur le bouton de mon micro suffisamment tôt, n'est-ce pas ? Mesdames et Messieurs, trouver la solution miracle pour désengorger le trafic à Genève, surtout aux heures de pointe, n'est pas simple, si ce n'est quasiment impossible, même pour un ministre des transports PDC, peut-être plus enclin à croire aux miracles que les simples laïcs que nous sommes.
Il faut tabler sur l'addition de plusieurs mesures: attractivité des transports publics grâce à un service confortable, ponctuel, avec des arrêts proches entre eux et une acceptation des minorités qui se déplacent avec des poussettes, fauteuils roulants ou autres aides, incitation à pratiquer la marche et à utiliser le vélo, application de l'initiative 144 qui a été votée mais jamais réalisée, mise en place d'un réseau de pistes cyclables sûres - des bandes qui s'interrompent quand la route devient vraiment dangereuse, ce n'est pas idéal et ça n'incite pas les gens à emprunter leur bicyclette - promotion du covoiturage, coordination des efforts avec les départements de France voisine... (Un instant s'écoule.) J'adore entendre les Verts rigoler quand je tiens des propos qui vont dans leur sens ! ...et enfin intervention sur le prix et la durée de l'occupation licite des parkings, du moins au centre-ville, sans oublier les gens qui ont réellement besoin d'un véhicule - je pense aux personnes en situation de handicap et aux professionnels.
J'en reviens à ce que demande la motion, à savoir taxer les places de stationnement mises à disposition des employés par les entreprises. Alors j'ai bien compris que la définition du mot «entreprise» n'est pas très claire et qu'il y a une crainte, Messieurs les rapporteurs de minorité, de voir le coût du travail renchéri. Or, de toute façon, en concrétisant cette invite, on touchera 8500 véhicules tout au plus, ce qui ne suffira pas à désengorger la ville. Mais je répète ce que j'ai dit au début: si nous voulons obtenir un résultat, nous devons additionner plusieurs mesures différentes. En tant que femme - nous manifestons déjà pour les droits des femmes aujourd'hui, non ? - je pense à un bouquet de fleurs: un bouquet de mesures serait bien plus efficace qu'une seule mesure.
Quant à la motivation profonde de la motion, que l'on doit probablement chercher dans un sentiment anti-frontaliers si cher à bon nombre de mes collègues MCG, nous ne la partageons évidemment pas. Pour ma part, je regarde surtout de manière pragmatique le résultat possible: d'une part une diminution du nombre de véhicules, d'autre part des rentrées fiscales supplémentaires pour l'Etat dont il aura bien besoin après l'entrée en vigueur de la RFFA et la réduction des recettes qui ira de pair. N'oublions pas: Christophe Colomb a voulu aller en Inde, il a découvert les Amériques ! A l'origine, cette motion caressait sans doute un autre objectif, mais peu importe; au final, le résultat peut être bénéfique.
L'argument selon lequel une taxe compliquerait la vie ne tient pas debout. Lors des auditions, l'ancien conseiller d'Etat, M. Barthassat, avait indiqué que l'Etat a déjà commencé à réfléchir à la situation, et je fais entièrement confiance à notre excellente argentière, Mme Nathalie Fontanet, pour trouver des solutions convenables qui ne pénaliseront pas les PME. Il faut tenir compte des situations réelles, un texte n'a pas besoin d'être réalisé exactement tel que formulé. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le parti socialiste vous invite à adopter cette motion. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, voilà une excellente motion ! J'espère que vous allez l'adopter, parce que le meilleur moyen pour que les gens utilisent les transports publics que vous privilégiez tous ici, comme le Léman Express, c'est de ne pas mettre à disposition des places de stationnement en ville ! Il faut faire en sorte que les pendulaires restent à la frontière où il y a des parkings et qu'ils empruntent ensuite les transports collectifs ! Il s'agit vraiment d'une bonne motion ! Pour répondre... (Commentaires.) Oui, c'est pour vous réveiller un peu ! (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Baissez d'un ton, Monsieur Sormanni ! On va attendre que ça se calme... (Un instant s'écoule.) Voilà, poursuivez.
M. Daniel Sormanni. Merci. Ce n'est pas un problème de coût, il suffit de ne plus donner ces places, à l'aéroport et ailleurs, qui sont aujourd'hui majoritairement attribuées à ceux qui viennent de loin. Si les employeurs ne les octroient plus, eh bien il n'y aura pas de taxe, donc pas de coût supplémentaire.
Au bout d'un certain temps, on parviendra à la situation que vous souhaitez et que nous souhaitons aussi: tous ces véhicules ne viendront plus jusqu'en ville, n'entreront plus dans le canton, resteront à l'extérieur. Vous verrez qu'on circulera bien mieux à Genève, que les vélos et les trottinettes auront beaucoup plus de place sur la route. Il n'y aura pas de coût supplémentaire pour les sociétés, puisqu'elles renonceront à privilégier les frontaliers, à offrir leurs parkings à ceux qui viennent de loin. C'est la bonne méthode, et je vous invite à soutenir cette motion; je fais confiance au Conseil d'Etat pour qu'il la mette en oeuvre de manière harmonieuse. Merci.
Mme Danièle Magnin. Bravo, Dani !
M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, cette motion part d'une bonne intention: elle vise à décongestionner le centre-ville, ce qui est évidemment une bonne chose. Cependant, la solution proposée non seulement ne règle pas le problème, mais en crée d'autres.
Tout d'abord, les entreprises situées au centre-ville ne sont majoritairement pas propriétaires de leurs places de parking, elles les louent et les mettent à disposition de leurs employés. Par conséquent, elles ne seraient pas concernées par ce texte du MCG. En revanche, vous allez pénaliser toutes les firmes industrielles, celles qui se trouvent à la périphérie, là où il n'y a pas de transports publics suffisamment efficaces - je pense par exemple aux sociétés actives dans la construction. Demandez aux employés qui travaillent sur le site du Bois-de-Bay à quel point cela peut être compliqué de s'y rendre en transports publics quand le bus passe toutes les demi-heures, voire toutes les heures ! Si par hasard ils ont le malheur de terminer un peu tard le soir et ratent leur bus pour deux minutes, ils doivent attendre une heure de plus. C'est leur situation, Mesdames et Messieurs, que vous allez péjorer avec cette motion.
Ensuite, Mesdames et Messieurs, vous pensez pénaliser les entreprises, mais quelle sera la conséquence de cette taxation ? La société qui, par hypothèse, est propriétaire de sa place de stationnement ne va tout simplement plus la mettre à disposition gratuitement, mais la louer à ses collaborateurs; en contrepartie, elle va augmenter leurs salaires. Ainsi, l'entreprise aura un revenu supplémentaire, celui d'avoir loué la place de parking, ainsi qu'une charge supplémentaire, l'augmentation salariale, donc cela ne changera rien du tout.
Par contre, pour l'employé, cela change tout: aujourd'hui, il dispose d'une place de parc gratuite, et si la motion est acceptée, il aura quoi ? Une charge supplémentaire - il devra payer un loyer - et un revenu supplémentaire. Mais l'immense différence, c'est que la charge sera non déductible, puisque le loyer n'est pas déductible fiscalement, tandis que le revenu supplémentaire, lui, sera imposé. Mesdames et Messieurs, la mise en place de cette taxation ne fera aucune différence pour les employeurs, mais pénalisera les employés.
Je m'adresse maintenant à mes collègues de gauche: si, Mesdames et Messieurs, c'est ce que vous souhaitez, alors dites-le ! Sinon, cette motion est inutile: elle ne touchera pas les sociétés, mais alourdira en revanche le coût du travail tout en pénalisant les collaborateurs, en particulier ceux qui travaillent dans la périphérie et les zones industrielles. Et ça, Monsieur Sormanni, ça s'appelle un autogoal ! (Applaudissements.)
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette question n'est pas centrale. Néanmoins, l'idée de taxer très modérément les entreprises pour les dissuader de mettre à disposition de leurs employés des places de parking me paraît aller dans la bonne direction. Evidemment, le fait que le MCG propose un impôt sur les personnes morales est assez piquant et désarçonne, je le comprends bien, à la fois M. Maitre et M. Zweifel - vous transmettrez, Monsieur le président - qui se lèvent tous deux en s'écriant que ce sont les travailleurs qui seront victimes de cette mesure fiscale. Bon, on les remercie pour leur compassion à l'égard des salariés. Toutefois, il me semble que leur réaction tient plutôt d'une position dogmatique, d'un réflexe automatique: enfer et damnation, un impôt sur les entreprises ! Voilà l'origine de toutes ces explications extrêmement convaincantes de mon collègue Zweifel qui démontre que cela va surtout impacter les employés.
C'est faux, il s'agit en réalité d'un léger effort pour décourager la mise à disposition gratuite de places de stationnement et favoriser les transports publics, c'est un petit pas dans la bonne direction, une mesure que le Conseil d'Etat avait d'ailleurs défendue dans sa première mouture de la RIE III sous la forme d'une petite taxe sur les entreprises afin qu'elles contribuent modiquement aux coûts supplémentaires pour les TPG occasionnés aux heures de pointe, ceci dans l'intérêt prioritaire et prépondérant des entreprises.
Si cela pouvait encourager le MCG à reprendre avec la gauche le projet de loi 12011, soit cette petite taxe sur les personnes morales pour contribuer au financement des TPG aux heures de pointe, on réunirait les deux aspects sans tomber dans la contradiction: d'un côté, on dissuade la mise à disposition de places de stationnement pour les quatre-roues, de l'autre on prélève un modeste impôt affecté au financement des TPG. Là, ça commencerait à être cohérent, on abandonnerait cette obsession des frontaliers qui a sans doute inspiré le MCG au départ. Cela étant, il a fait un pas dans la bonne direction, et comme j'ai confiance dans la capacité de réflexion de tous mes collègues, eh bien ajoutons à cette petite taxe sur les places de parking une autre pour favoriser le financement des TPG et on ira dans la bonne direction du point de vue de la défense de l'environnement dans notre canton. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites, notamment par le rapporteur de deuxième minorité, donc je ne vais pas les répéter. J'aimerais juste indiquer que la motion qui nous est soumise aujourd'hui consacre plusieurs inégalités de traitement. D'abord, elle propose de taxer les places de parking pour les quatre-roues uniquement. Pourtant, les deux-roues motorisés constituent une source de pollution proportionnellement plus importante et ne sont pas moins encombrants sur la voirie, et on ne les taxe pas.
D'autre part, ce sont les PME des secteurs primaire et secondaire - qui se situent par définition en périphérie, dans les zones industrielles et artisanales, mal ou peu desservies par les transports publics - qui possèdent et ont le plus besoin de places de stationnement pour leurs salariés. Elles n'ont d'autre choix que d'employer des travailleurs pendulaires et se trouveraient alors pénalisées du simple fait de leur activité économique. Et là, on parle essentiellement de l'agriculture, de l'industrie et des constructions.
Il faut rappeler que les entreprises du secteur tertiaire, qui sont suffisamment prospères pour s'établir au centre-ville, payer des loyers et mettre à disposition des places de parc bien que l'offre des transports publics y soit excellente, ne sont que très exceptionnellement propriétaires desdites places; elles n'auraient aucun impôt supplémentaire à payer alors que leurs moyens financiers le leur permettraient bien plus aisément.
Cette proposition est inapplicable tant sa mise en oeuvre semble problématique. Elle vise les véhicules privés des collaborateurs, mais comment l'administration pourra-t-elle concrètement les distinguer des véhicules professionnels, d'un indépendant ou d'un actionnaire ? Opérer tous les ans un tel recensement auprès de chaque société pour l'imposer efficacement représente à l'évidence une complication extrême pour l'administration et des surcoûts en temps et en argent probablement supérieurs aux recettes qu'on nous fait miroiter.
Enfin, Mesdames et Messieurs, la présente motion est manifestement contraire au droit fédéral et notamment aux dispositions du guide d'établissement du certificat de salaire. C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien vous encourage à la rejeter. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Jusqu'à présent, on n'a entendu que de fausses bonnes idées, comme le fait qu'on pourrait affecter le produit de cet impôt à la promotion des transports publics. On imagine tout plein de pistes, et même le département de l'époque, lors de son audition, émettait des hypothèses. Or, Mesdames et Messieurs, toute proposition formulée ici, quelle qu'elle soit, est nulle et non avenue, car la LGAF ne permet pas de consacrer ne serait-ce qu'un centime à un fonds prévu à une tâche, c'est interdit. La deuxième invite de cette motion est donc parfaitement inapplicable.
Pour le reste, on va pénaliser les travailleurs locaux plutôt que ceux qui sont clairement visés par le texte, à savoir les frontaliers. On vise les pendulaires, mais beaucoup de Suisses ont malheureusement dû émigrer de l'autre côté de la frontière, parce qu'ils n'ont pas trouvé de logement correspondant à leurs besoins à Genève, et vous allez aussi les désavantager ! En fonction de leurs horaires, certains salariés seront fortement pénalisés.
Pour ma part, je ne crois pas que le patron va continuer à mettre des places de parking à disposition ou rembourser ses employés; non, si ça commence à lui coûter cher et qu'il se retrouve avec de nouvelles charges, ce sont tout simplement les salaires qui seront baissés pour compenser les pertes. Cette motion rate triplement sa cible, donc l'UDC la refusera. Je vous remercie.
Mme Paloma Tschudi (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nul besoin d'être un spécialiste de la politique genevoise pour savoir que les Vertes et les Verts, en général, ne souscrivent pas à la politique du MCG sur la mobilité, ni d'ailleurs à celle concernant la fiscalité. Toutefois, la proposition de motion 2341 demandant au Conseil d'Etat de mettre en place un impôt pour les personnes morales sur les places de stationnement visant à dissuader la circulation pendulaire est indéniablement porteuse de nombreuses vertus.
Dans un canton comme le nôtre dont l'économie a une forte capacité d'attraction sur les travailleurs et travailleuses des régions voisines, mener une réflexion quant à la diminution du trafic individuel motorisé pendulaire est fondamental. Pour cela, les pistes sont claires et énoncées depuis longtemps par les Vertes: développement d'un réseau de transports publics dense et efficace, fortement articulé à des P+R suffisamment éloignés des zones d'activités, développement de secteurs d'activités proches, bien connectés aux habitations et atteignables par des modes de transport doux, mise en place d'une politique de stationnement ayant pour objectif le transfert effectif du TIM vers la mobilité douce et les transports en commun.
La présente motion répond de manière concrète à ce troisième volet de la politique de mobilité que nous, les Vertes et les Verts, appelons de nos voeux. A celles et ceux qui verseront quelques larmes en raison d'une légère augmentation de la fiscalité des personnes morales, les Verts rappellent l'immense cadeau fait à ces mêmes entreprises via la RFFA. Comme le dirait mon collègue Yvan Rochat, vos larmes de crocodile ne nous émouvront pas !
Le trafic dû aux déplacements des pendulaires employés dans les sociétés genevoises constitue un facteur prépondérant non seulement de l'engorgement de nos rues, mais également de la dégradation de notre environnement et de la qualité de vie des habitantes et habitants de notre canton. Une récente étude de l'EPFL montre qu'à Genève, Carouge, Lancy, Meyrin, Onex et Vernier, près de 80 000 places de parking sont mises à disposition des collaborateurs. Partant de ce constat... (Remarque. Un instant s'écoule.)
Une voix. Ce n'est rien, continue !
Mme Paloma Tschudi. ...il est important que l'Etat encourage la réduction de cette offre astronomique qui a des conséquences néfastes en matière tant environnementale que de mobilité. Dans le cas d'espèce, l'outil fiscal constitue un incitateur efficace pour parvenir à notre but. La mise à disposition gratuite et en grande quantité de places de stationnement relève d'une conception totalement dépassée qu'il est urgent de modifier.
Pour conclure, rappelons qu'en matière de déplacements, la dissuasion telle que visée par cette motion fonctionne particulièrement bien lorsqu'elle est accompagnée d'une forte incitation à des alternatives, en l'occurrence d'une augmentation des prestations des TPG. C'est exactement ce que Genève va connaître à la fin de l'année 2019 avec la mise en service du CEVA, véritable big bang de la mobilité genevoise. L'opportunité est là, et le groupe des Vertes et des Verts appelle le Conseil d'Etat à agir rapidement dans le sens demandé par la motion en traduisant en projet de loi le vote de ce soir. Merci.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle que nos régies publiques se prêtent déjà à l'exercice, non pas en taxant les employés ou en augmentant leurs salaires, mais en privilégiant la mise à disposition des places aux personnes qui en ont réellement besoin. Aujourd'hui, l'institution que vous avez décrite plus tôt, lorsque nous traitions la résolution sur le chantier d'En Chardon - les TPG, pour ne pas les nommer - promeut exactement cette pratique: offrir des places de stationnement gratuites aux salariés, c'est terminé, même si ceux-ci viennent de l'autre côté de la frontière.
On doit bien naturellement revaloriser les P+R, et pour que ceux-ci soient occupés, il faut des utilisateurs, ceux-là mêmes dont M. Zweifel disait qu'ils viennent au centre-ville pour les parkings offerts par leurs employeurs. Même si les entreprises louent ces places, du moment qu'elles les mettent à disposition de leurs collaborateurs, elles devront s'acquitter de la taxe, qu'elles en soient propriétaires ou pas. C'est le but de notre projet qui devrait générer un effet dissuasif et encourager les sociétés à proposer toutes sortes d'alternatives qui vont dans le sens des Verts, par exemple offrir des abonnements TPG ou P+R.
Je vous recommande de voter cette motion qui va tout simplement dans la bonne direction. La majorité veut moins de circulation dans notre canton et que nos amis pendulaires, puisque vous les avez mentionnés tout à l'heure, prennent le bus à partir de la frontière. Merci.
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie et passe la parole à M. Sormanni pour trente secondes.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci... (Le micro de l'orateur ne fonctionne pas. Ses propos sont inaudibles. Le micro s'enclenche à nouveau.) ...et les employeurs pourront aussi répercuter cette taxe, parce que si on veut encourager les gens à utiliser le Léman Express, il faut les pousser quelque peu, et cette motion constitue une bonne incitation. Les 40 à 50 millions de déficit de fonctionnement du Léman Express, c'est le contribuable genevois qui va les payer, alors je pense qu'on a tout intérêt à ce que les wagons ne circulent pas vides, mais bien remplis. Pour les entreprises...
Le président. C'est terminé, Monsieur Baertschi... (Exclamations.)
M. Daniel Sormanni. ...dont la fiscalité va passer de 24%...
Le président. Euh, Monsieur Sormanni, excusez-moi ! C'est terminé !
M. Daniel Sormanni. ...à 14% au 1er janvier, cette taxe ne représente pas une augmentation, mais une diminution d'impôts !
Le président. Merci...
Mme Danièle Magnin. Bravo, Dani !
Le président. La parole est à M. le député Vincent Maitre.
M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de deuxième minorité. Ah bon ? Je ne pensais pas que ce serait mon tour, mais si vous le dites ! Je crois rêver quand j'entends les propos de M. Sormanni qui loue maintenant les vertus du CEVA pour accueillir nos travailleurs frontaliers alors qu'il y a encore six mois ou même moins, c'était un vecteur d'invasion de racaille. On croit vraiment rêver !
Pour ce qui est de M. Batou, je dois avouer que j'ai une certaine tendresse pour ses exercices oratoires répétés, lui qui ne cesse de marteler que toute taxe supplémentaire ou augmentation fiscale n'est jamais que modeste et indolore pour les entreprises. Notre canton est celui qui taxe le plus lourdement en Suisse et cumule le nombre le plus important de taxes différentes; citons la taxe professionnelle communale que nos amis vaudois ne connaissent pas, malgré un taux d'imposition des personnes morales désormais bien inférieur au nôtre, citons l'impôt sur la fortune que même notre voisin français, pourtant pas franchement réputé pour être un paradis fiscal, a largement aboli pour des raisons évidentes. Nous sommes littéralement parmi les derniers des Mohicans au monde à pratiquer l'impôt sur la fortune !
Et aujourd'hui, alors que l'élan mondial est celui d'une diminution des impôts, d'une simplification du système fiscal - à tort ou à raison, mais c'est un fait - eh bien nous, à Genève, puisque nous sommes toujours plus savants que les autres, nous allons exactement dans le sens contraire, nous ajoutons des taxes supplémentaires - pour le bien de nos entreprises qui, ainsi, pourront bien entendu se montrer encore plus compétitives sur le plan international !
Non, Mesdames et Messieurs, nous allons droit dans le mur avec ce genre de politique. A ce rythme-là, l'érosion économique poursuivra sa lente, mais insidieuse progression. On l'a vu tout récemment, un gros groupe international a quitté Genève avant même les résultats de la RFFA, las d'une incertitude juridique et fiscale qui l'empêchait de planifier ses investissements sur le long terme. C'est pour cette raison que je vous incite fortement à ne pas ajouter de couche à ce mille-feuille fiscal définitivement indigeste dont nous sommes les spécialistes à Genève.
Une voix. Et la taxe sur les employés ?
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Comme l'a dit mon préopinant, cette motion va ajouter une nouvelle couche au mille-feuille fiscal, péjorant les employés dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie et des constructions. Mais surtout, il y a une violation manifeste de la LGAF tout comme il y aura, à mon avis, un problème avec le droit supérieur. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, la première minorité vous demande de refuser cette motion.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. En ce moment, la mode est décidément à la politique climatique, on en parle beaucoup, c'est d'une chaude actualité. Cette motion, certains préopinants l'ont dit, représente un pas modéré - très modéré - mais utile, qui nous permet d'aller dans la bonne direction. Rappelons qu'il s'agit d'une taxe incitative sur les pendulaires payée par les employeurs, pas par les employés.
Puisque ces deux points viennent d'être mis en évidence, j'indique que le MCG maintient ses positions en ce qui concerne le CEVA - nous n'allons pas argumenter sur cet élément - et s'agissant du catastrophisme économique, chacun comprendra que ce n'est pas du tout d'actualité... (Commentaires de Mme Salika Wenger.)
Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !
Une voix. Elle a raison !
M. François Baertschi. Apparemment, l'urgence climatique laisse insensible une députée dans la salle; c'est son choix, c'est son droit personnel, Mesdames et Messieurs, mais nous vous prions quant à vous de soutenir cette motion et vous en remercions par avance.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, pendant presque cinq ans, j'ai eu coutume de dire - et je continue à le faire, même si nous avons fort heureusement réglé cette question récemment - qu'une fiscalité attractive et sûre constitue une condition-cadre fondamentale pour l'économie et les entreprises.
Il en est une autre, qui coïncide d'ailleurs avec les nouvelles responsabilités qui sont les miennes dans cette deuxième législature, c'est la mobilité. (Commentaires de Mme Salika Wenger.) Force est de constater qu'il n'est pas dans l'intérêt des sociétés que Genève souffre d'un trafic engorgé, d'une mobilité chaotique: ce sont des milliers et des milliers d'heures de travail perdues. Le Conseil d'Etat est tout à fait sensible à ce problème et fait même de sa résolution une priorité.
Je suis pour ma part convaincu, à l'instar de beaucoup d'autres, qu'à la fin de cette année, nous allons entrer dans le XXIe siècle, nous allons changer d'échelle en matière de déplacements: la population aura à disposition - il s'agit d'une condition sine qua non - une offre en transports publics efficace, confortable, attractive. (Commentaires de Mme Salika Wenger.) Il est également très important de soutenir le développement urbain, d'encourager l'utilisation de modes de locomotion plus respectueux de l'environnement et surtout d'appliquer des mesures d'accompagnement que le Conseil d'Etat a déjà prises; il les a annoncées, il a communiqué à ce sujet.
Vous le savez certainement, le Conseil d'Etat considère la question du stationnement comme essentielle - le constat émis par les auteurs de la motion est juste - pour faire évoluer notre politique de mobilité. A cet égard, l'offre en matière de places de parc, en particulier sur les lieux de travail, constitue un facteur déterminant. Que les prestations des transports en commun soient de qualité ou non, 50% des gens en moyenne, selon des études très sérieuses... (Commentaires de Mme Salika Wenger.)
Le président. Madame Wenger ! Si vous souhaitez sortir, allez-y, mais ne criez pas comme vous le faites depuis dix minutes !
Mme Salika Wenger. Non, Monsieur le président, je ne veux pas sortir !
Le président. Alors je vous prie de vous calmer !
M. Serge Dal Busco. Je reprends, Mesdames et Messieurs. Je ne veux pas vous assommer de chiffres, mais sachez que s'il y a une place de parking gratuite à disposition sur leur lieu de travail, 50% des salariés en moyenne utilisent leur voiture pour s'y rendre; si cette place est payante, le taux diminue à peu près d'un tiers, et si elle est inexistante, 5% à 10% seulement trouvent des alternatives pour prendre tout de même leur voiture. Je le répète: il s'agit d'un dispositif dissuasif très efficace.
On parlait tout à l'heure des pendulaires qui ne bénéficient pas d'offre attractive en transports publics pour venir à Genève - heureusement, ce sera bientôt le cas avec le Léman Express. Eh bien aujourd'hui, 87% de ceux qui vivent en dehors des frontières cantonales, et en particulier des frontières nationales, prennent leur véhicule individuel motorisé, et 85% d'entre eux disent ne rencontrer aucune difficulté pour garer leur voiture à destination. C'est bien la preuve qu'une politique du stationnement responsable constitue un aspect extrêmement important pour le transfert modal.
Comment y parvenir ? Je salue le grand nombre d'entreprises qui ont mis en place des plans de mobilité efficaces, qui sont très sélectives dans la mise à disposition des places de parc, par exemple en les réservant aux seuls covoitureurs, ce qui est fort intéressant, qui ont établi une tarification et font payer les personnes souhaitant stationner leur véhicule - je parle bien des personnes. Ce sont des effets de levier puissants.
La motion demande de taxer les entreprises. Personnellement, cette mesure me gêne un peu sur le fond, mais j'admets qu'elle peut avoir des effets tout à fait vertueux... (Exclamations.) Ce qui serait problématique, ce serait un impôt qui ne serve qu'à alimenter les caisses de l'Etat. Mais cette taxe, si nous devions être amenés à examiner son instauration, serait évidemment de nature incitative afin d'impacter l'utilisateur, la personne physique qui utilise son véhicule pour se rendre sur son lieu de travail.
Aussi, Mesdames et Messieurs, si vous renvoyez cette motion au Conseil d'Etat, comme cela semble se profiler, celui-ci s'engage à étudier la question de manière attentive, à faire en sorte que le dispositif proposé ne soit pas de nature à alourdir les charges des entreprises mais, au contraire, constitue un instrument incitatif pour mener une politique de mobilité rationnelle et cohérente avec les actions que nous sommes en train de mettre en place à Genève.
Naturellement, nous le ferons dans le respect de la législation, dans le respect des dispositions fiscales. Je vous rends attentifs au fait qu'un projet analogue a été lancé dans le canton du Tessin qui, à ma connaissance, est aujourd'hui contesté jusqu'au Tribunal fédéral. Juridiquement, les choses sont donc compliquées, mais nous pourrions examiner les moyens à déployer pour aboutir à cet objectif. Merci de votre attention.
Le président. Merci. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la motion 2341 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 49 oui contre 38 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)