Séance du
jeudi 6 juin 2019 à
20h30
2e
législature -
2e
année -
2e
session -
6e
séance
R 887
Débat
Le président. Nous passons à notre première urgence, la R 887. La parole est à M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président, je poursuis. La commission des droits politiques vous propose cette résolution qui vise à soutenir le Conseil d'Etat dans ses démarches auprès de la Chancellerie fédérale afin de maintenir les conditions initiales d'octroi de l'agrément pour les élections fédérales d'octobre. De quoi s'agit-il, et pourquoi cette proposition de résolution ?
Je ferai un tout petit peu d'histoire et rappellerai que notre canton a été pionnier dans le développement et l'instauration du vote électronique. Aujourd'hui, le système genevois, qui d'ailleurs est utilisé par d'autres cantons - dont Lucerne, Berne et Argovie - est arrivé à la limite qui avait été fixée pour ce modèle de première génération. Cette limite a été annoncée par le Conseil d'Etat, elle interviendra en février 2020. C'est la raison pour laquelle notre parlement a voté à une très large majorité, le 14 mai dernier, la loi 12415 qui dispose que le Conseil d'Etat, que Genève maintient un système de vote électronique en mains des collectivités publiques et développe un système de deuxième génération, éventuellement en partenariat avec d'autres cantons.
Pourquoi aujourd'hui, tout d'un coup, alors que tout semblait balisé pour que les élections fédérales d'automne puissent se dérouler avec le système de première génération, le Conseil d'Etat - soutenu, j'espère, par ce parlement - doit-il intervenir auprès de la Chancellerie fédérale pour que notre système puisse être utilisé, comme c'était prévu, notamment pour le scrutin à venir, et jusqu'en février 2020 ? Pour une raison très simple, Mesdames et Messieurs: la Confédération a décidé de changer les conditions d'octroi de l'agrément pour l'utilisation du système électronique en informant le Conseil d'Etat au début mai 2019 que de nouvelles exigences allaient être fixées.
Quelles sont-elles ? Pour garantir la vérifiabilité individuelle, qui est la sécurité nécessaire pour un vote électronique, le système de première génération était dès le début confirmé dans sa sécurité pour au maximum 30% des votants. L'expérience a montré que parmi les Genevois, 20% des votants utilisent le vote électronique. La Confédération a imposé, en changeant ses règles, que le taux des votants pour lesquels la vérifiabilité individuelle doit être réalisée dépasse ces 30%. C'est condamner ipso facto notre système de vote électronique.
Cette proposition de résolution qui émane de la commission des droits politiques a pour but de soutenir le Conseil d'Etat de manière qu'il exige de la Chancellerie fédérale qu'elle revienne sur sa décision de changer les règles du jeu telles qu'elles avaient été fixées initialement, afin que les élections fédérales puissent se dérouler comme prévu en utilisant le vote électronique. Cette décision doit être prise rapidement, car si le Conseil d'Etat doit décider de supprimer le vote électronique pour ce scrutin, il ne peut évidemment pas attendre le mois de septembre 2019, cette décision doit être prise maintenant. Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs, à soutenir sans réserve ce texte. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, c'est rare, mais je souscris à chaque mot que mon préopinant a dit. Ce texte mérite le soutien unanime de cette assemblée. Il s'inscrit dans la logique du vote de la loi 12415 rappelé dans le dernier considérant et que M. Conne a mentionné. Nous avons soutenu ici une perspective consistant à continuer le développement du vote électronique genevois, si possible dans un cadre plus collectif, avec d'autres cantons, avec la Confédération, qui a failli jusqu'ici dans son rôle de coordination de l'effort des cantons autour du développement d'un système en mains publiques et a jeté en pâture le vote électronique à des intérêts commerciaux représentés par la Poste, qui se sont fracassés face au contrôle de qualité, alors que nous avions manifestement dans ce pays des moyens - Genève l'a prouvé à son échelle pour la première génération - des ressources intellectuelles, financières, techniques, de développer un système en mains publiques qui réponde aux critères de qualité et de sécurité évidemment nécessaires dans un processus qui se trouve au coeur de la démocratie.
La Confédération a déjà failli dans un premier temps, nous a amenés dans une certaine impasse. Nous avons donné une piste pour en sortir qui signifiait, logiquement, non pas qu'on raccourcisse le délai d'exploitation du système genevois, mais qu'on nous permette au contraire de la continuer un moment pendant qu'on prenait le temps de développer ce système public, qu'on mettait l'argent et les conditions techniques pour cela. La Confédération fait exactement le contraire: elle sabote sciemment la possibilité de continuer à exploiter le système genevois en imposant à la dernière minute - reniant par là ses engagements - des critères qui n'étaient pas posés auparavant et des délais insoutenables. Le processus des élections nationales est en route, de nombreuses listes ont déjà été déposées, on ne peut pas attendre jusqu'à Dieu sait quand, au mois d'août, pour savoir à quelle sauce de vote électronique on sera ou on ne sera pas mangé. Cette résolution doit donc être soutenue par l'intégralité de ce parlement, et elle peut l'être sans problème. Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Mme Xhevrie Osmani (S). Je ne vais pas répéter les arguments présentés par mes excellents préopinants. Vous comprendrez que le même sentiment anime tous les partis ce soir concernant cet objet, puisqu'il s'agit d'une résolution de commission.
Ce n'est pas avec une décision malvenue et arbitraire que l'on mettra fin d'un coup de crayon au système de vote électronique genevois qui a fait ses preuves, il faut le dire, depuis plus de dix ans. D'ailleurs, récemment, la Chancellerie fédérale elle-même a loué le bon fonctionnement du système genevois, système public, avec lequel nous étions censés, en vertu d'un accord - et il faut répéter qu'un accord est un accord ! - fonctionner jusqu'en février 2020. Mais ce n'est pas simplement une décision malvenue: je parlerais même d'un manque de diligence de la Chancellerie fédérale qui opère une totale inégalité de traitement en demandant maintenant un audit avec des critères identiques pour deux systèmes de vote électronique qui sont en soi incomparables. Si cette démarche malhonnête, c'est-à-dire cet audit, devait avoir lieu cet été, sans aucune surprise, nous ne pourrions garantir le vote électronique pour les prochaines élections fédérales, et cela porterait assurément un coup à l'élan multicolore qui a animé le vote de la loi 12415, adoptée, pour rappel, à l'unanimité. Cette loi mentionnait un principe clair, le maintien du vote électronique sous le contrôle exclusif des collectivités publiques. Nous vous enjoignons donc de voter cette résolution. Merci. (Applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, nous n'allons pas bouder notre plaisir: je rappelle que la commission des droits politiques a voté à l'unanimité cette proposition de résolution, c'est extrêmement important. La Chancellerie fédérale nous a demandé au fond de changer les règles du jeu en plein milieu du jeu, et cela parce qu'il y avait une faille dans le système informatique de la Poste. C'est comme si on voulait punir Genève en lui imposant un audit comme à la Poste - le même audit - alors que suite à un accord sur le système de première génération genevois, celui-ci est validé jusqu'en janvier 2020 par la Chancellerie fédérale, qui a confirmé cet accord jusqu'à très récemment. Il n'y a aucune raison de pénaliser Genève sur un vote électronique opérationnel jusqu'en 2020 en lui imposant un audit tout à fait inacceptable au prétexte que la Poste a failli. C'est inadmissible ! Ce n'est pas le problème de Genève. En envoyant cette résolution à Berne, nous soutenons notre Conseil d'Etat pour que les élections d'octobre puissent se passer telles qu'elles ont été prévues et que Berne respecte sa parole. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve). Beaucoup de choses ont été dites. En effet, Genève est pénalisée avec cette décision qui nous vient de la Chancellerie fédérale. Cela étant, si les Verts souscrivent totalement à ce texte, je rappellerai que dès le commencement du vote électronique, notre parti a toujours montré un peu de scepticisme, avait quelques doutes quant à la sécurité d'un tel système. Mais je relèverai, comme mes préopinants, que le système actuel est éprouvé et que la Chancellerie fédérale doit respecter ses engagements et accepter que ce système soit utilisé jusqu'en février 2020. Malgré tous les doutes qu'on peut avoir - pour tout système de vote d'ailleurs, aussi par correspondance ou à l'urne - le vote électronique est utilisé par 20% des votants, on l'a dit, notamment par des citoyens qui résident à l'étranger ou qui sont en situation de handicap. C'est donc important de pouvoir le maintenir pour les prochaines élections fédérales, comme cela avait été prévu. Le groupe des Verts se joint aux préopinants pour dénoncer l'attitude de la Chancellerie fédérale et marquer son soutien à notre Conseil d'Etat de sorte qu'on puisse mener le processus électoral tel qu'il a été prévu, sans quoi nous pensons qu'il serait mieux de ne pas utiliser du tout le vote électronique. Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Tout a été dit. Je me permets d'ajouter que déjà lors du débat sur la loi 12415, je me suis élevé contre les pratiques de la Chancellerie fédérale. Aujourd'hui, je pense qu'elle dépasse les bornes de ce qui est admissible. Pour vous faire un rapide résumé de la situation, on demande au Conseil d'Etat de se soumettre à un audit selon des règles dont on sait dès le départ qu'elles ne peuvent pas être suivies. C'est comme si vous avez une voiture sans catalyseur et qu'on vous dit: «Il faut que votre voiture réponde aux règles faites pour les voitures pourvues d'un catalyseur !» Sommes-nous véritablement dans un Etat fédéral, ou sommes-nous entrés dans un grand commerce ? La question est posée. J'ai déjà dit que selon le MCG, c'est tout simplement le chancelier de la Confédération qui mérite d'être mis sous enquête. Il y a là des choses qu'on ne peut pas faire; en premier, vouloir marchandiser le vote: le vote n'est pas une marchandise, le vote est l'expression du peuple et il ne peut être que dans les mains de l'Etat, exclusivement dans ses mains à lui. On nous dit que ce vote va être traité à l'étranger: vous imaginez ce que ça veut dire pour le MCG ! Non, Mesdames et Messieurs, la résolution votée par la commission, comme on l'a dit, ne l'a pas été dans une unanimité de façade, mais dans une réelle unanimité de fond. L'ensemble des partis autour de la table était totalement d'accord pour le soutien indéfectible au Conseil d'Etat dans sa démarche. Ça peut arriver, même dans le régime de séparation des pouvoirs, qu'un des pouvoirs aide l'autre - c'est même ainsi que marche le mieux la démocratie.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. Merci de nous soutenir avec cette belle unanimité. C'est vrai que ce revirement, ce changement des règles, comme le président de la commission des droits politiques et plusieurs d'entre vous l'ont parfaitement décrit, a été pour le moins surprenant. Nous avons été irrités - je manie l'euphémisme en la matière - tout simplement parce que ce choix de la Chancellerie fédérale est susceptible de nous conduire dans une impasse s'il est maintenu. Nous espérons vivement que l'appui de ce parlement à la posture qui est la nôtre nous permettra en fin de compte d'avoir gain de cause et de pouvoir organiser les élections fédérales en utilisant le vote électronique. Nous l'espérons vraiment ! Car si la Chancellerie maintient ses exigences, ce sera matériellement impossible. Encore une fois, espérons avoir gain de cause ! Merci pour votre soutien, nous ne manquerons pas de faire savoir au plus vite la décision de ce parlement à la Chancellerie fédérale.
Le président. Merci. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la résolution 887 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 85 oui (unanimité des votants).