Séance du
vendredi 1 mars 2019 à
16h
2e
législature -
1re
année -
9e
session -
56e
séance
M 2520
Débat
Le président. Nous abordons la deuxième urgence, la M 2520, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je veux bien passer la parole à qui la demande... et elle échoit à Mme la députée Claude Bocquet.
Mme Claude Bocquet (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, la lutte contre le réchauffement climatique est une réelle urgence. Et en cas d'urgence, il faut agir avec calme, réfléchir aux meilleures solutions et mettre en place des stratégies qui pourraient être suivies par le plus grand nombre afin d'obtenir les résultats escomptés. Le sujet est important et mérite que nous prenions le temps d'étudier et de mettre en place des solutions concrètes et réalisables. C'est pourquoi le PDC vous invite à renvoyer cette motion à la commission de l'environnement.
Le président. Je vous remercie, c'est noté. La parole va à Mme Marion Sobanek.
Mme Marion Sobanek (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit ici d'une toute petite mesure... Ah non, je me suis trompée de feuille ! (Rires.) Je m'excuse ! (L'oratrice rit.) Tout va bien, aujourd'hui: j'ai aussi oublié mes lunettes ! Que le climat se détériore, et ceci très vite... (Rires.) C'est bon, non ?
Une voix. Oui, c'est bon ! Tout va bien !
Mme Marion Sobanek. Que le climat se détériore, et ceci très vite, n'est un secret que pour quelques brontosaures politiques comme M. Trump et consorts. Depuis les rapports initiaux du Club de Rome, qui s'est fait connaître mondialement en 1972 grâce au premier d'entre eux, «The limits to growth» - littéralement: «Les limites à la croissance» - les scientifiques, mais également les politiques, savent que les ressources énergétiques et minérales sont épuisables. Ils savent également que les conséquences sur la migration, le développement économique et les problématiques sociales sont extrêmement importantes. Aujourd'hui, les choses ont changé: les notions de développement durable et d'empreinte écologique entrent dans le langage quotidien.
Or les actions politiques et économiques prennent du retard ! Et ceci bien qu'agir pour le bien de la planète ne soit pas nécessairement le fait d'une seule famille politique: les Verts portent ce souci dans leur nom, les socialistes ont été les premiers à traiter de l'écologie politique, les libéraux, les démocrates-chrétiens et les autres partis plus conservateurs ont désormais tous une aile écolo. Les entreprises prévoient quant à elles certains changements et agissent en bonne partie plus vite que les Etats. Or nous aussi, dans cette enceinte, nous devons bouger ! Faisons un premier pas: adoptons cette motion, qui demande entre autres la reconnaissance de l'état de crise écologique majeure et la mise en oeuvre de mesures politiques chiffrées, planifiées et contraignantes. Compter uniquement sur la bonne volonté et sur les actions des individus ne suffit plus; nous devons agir. Le premier pas est à faire aujourd'hui en acceptant cette motion. Je vous remercie.
M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames et Messieurs, si nous avons déposé cette motion, si j'ai écrit cette motion, c'est pour qu'on donne une réponse politique rapide à l'appel des jeunes pour sauver le climat. Vous avez vu cet appel, et vous avez vu que les jeunes demandent que l'on déclare l'état d'urgence climatique. Si leur mouvement est très fort à Genève, il s'agit d'un mouvement suisse, européen, mondial ! Leur message, Mesdames et Messieurs les députés, est directement adressé aux autorités politiques, c'est-à-dire à nous et à l'exécutif, soit au Conseil d'Etat !
Cette motion est toute simple: elle reprend les revendications des jeunes et demande au gouvernement d'essayer d'appliquer les mesures au plus vite. Les Verts se sont toujours battus pour les générations futures; aujourd'hui, il s'agit de se battre pour la génération actuelle. Depuis trente ans, nous voulons éviter la catastrophe climatique pour les générations futures. Ce que nous disent les jeunes aujourd'hui, c'est: «Nous sommes la première génération qui entre dans la catastrophe.» Il ne s'agit effectivement plus de gérer le risque, mais d'arrêter une catastrophe ! C'est pourquoi il faut écouter les jeunes et déclarer l'état d'urgence climatique, comme si nous vivions un temps de tremblements de terre ou de tsunamis.
Renvoyons cette motion au Conseil d'Etat pour qu'il accélère le plus possible la mise en oeuvre du plan climat. Il ne s'agit pas d'une motion incroyablement révolutionnaire: il s'agit d'appliquer le plan climat tel qu'il a été voté par ce parlement et d'accélérer, dans la mesure du possible, sa mise en oeuvre pour à la fois décréter l'état de crise écologique majeure et arriver le plus rapidement possible à réduire à 0% les émissions de gaz à effet de serre. Les jeunes demandent que ce taux soit atteint en 2030; ce sera peut-être difficile d'y parvenir, mais peut-être qu'on y arrivera avant 2050 ! Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). La mobilisation des jeunes pour défendre le climat et l'environnement est en effet absolument spectaculaire. Leur mot d'ordre est très clair: ce qu'ils et elles disent et répètent, c'est qu'il y a urgence ! Qu'il faut agir rapidement et agir avec force ! Cela va à l'encontre de la demande que nous venons d'entendre, à savoir de renvoyer cet objet en commission, de prendre le temps d'en discuter. Ils et elles ont l'habitude de ce genre de discours, et ce qu'ils aimeraient justement faire entendre aux élus, c'est qu'il y a urgence et qu'il est maintenant temps d'agir.
Ce qui est flagrant avec cette mobilisation, c'est le fossé qui sépare de plus en plus ces jeunes d'une grande partie des élus, qui restent assez sourds à leurs préoccupations et se montrent très peu volontaristes lorsqu'il s'agit de mener des politiques un peu conséquentes en matière d'environnement. Les jeunes répètent d'ailleurs bien souvent que les personnes dans les parlements ne les représentent pas, qu'ils ne les ont pas élues et que, de toute évidence, elles ne s'intéressent pas à leurs préoccupations majeures. Parce que lorsqu'ils défendent le climat, lorsqu'ils se mobilisent pour le climat, ils se mobilisent aussi pour leur avenir. Ils ont conscience que c'est leur avenir, leurs conditions de vie dans les années prochaines qui sont en jeu ! Et c'est ça aussi qui leur donne cette rage, ce courage de se mobiliser encore et encore en grand nombre !
J'aimerais que la majorité de ce Grand Conseil vote cette motion, mais j'aimerais aussi rappeler qu'il faut que les mots aient un sens. La motion propose de reconnaître qu'il y a une crise écologique majeure et qu'il faut la gérer de manière prioritaire. La gérer de manière prioritaire, ça veut dire se donner réellement les moyens de répondre à cette catastrophe environnementale. Ça ne veut pas dire reléguer systématiquement les politiques environnementales en queue de nos priorités et y renoncer dès qu'elles sont coûteuses ! Je veux par exemple parler de la gratuité des TPG pour les jeunes de moins de 18 ans, qu'on traitera tout à l'heure. Voilà une réponse qu'il faudra voter ! Il y a parfois un coût; il ne faut pas en avoir peur. Une urgence est une urgence, alors, contrairement à ce qu'a dit mon ami Jean Rossiaud, je pense qu'il faut faire de cette motion quelque chose de fondamentalement révolutionnaire ! Il est nécessaire de transformer en profondeur notre société. C'est un impératif environnemental, et les jeunes qui se sont mobilisés le rappellent. Ils disent: «Si vous ne trouvez pas de solution dans le cadre de ce système, eh bien nous changerons le système !» Entendez ces jeunes et votez cette motion; agissons maintenant, rapidement et avec force. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Delphine Bachmann (PDC). Je voudrais juste ajouter un petit mot. Comme beaucoup ici, je suis particulièrement sensible à cette problématique et à la mobilisation des jeunes - jeunes qui sont aussi en bonne partie membres du PDC et pas seulement des Verts ! (Exclamations.) Je souhaite simplement souligner une chose: le Conseil d'Etat a signalé que la motion est inapplicable ! Par le renvoi en commission, je voulais éviter que le gouvernement nous rende un rapport qui le dise; je pense qu'il est mieux de retravailler ce texte en commission tout de suite.
Pour l'instant, cette motion, c'est un peu comme dire: «Vous savez, pour résoudre le problème du trafic à Genève, eh bien vous mettez les voitures en souterrain, les vélos sur des ponts, les piétons sur les trottoirs et c'est bon, tout est réglé !» (Rire.) C'est bien de se lever le matin en voulant changer le monde, c'est mieux de le faire de manière réaliste ! (Rire.) Je préférerais donc qu'on renvoie cet objet en commission. L'ordre du jour de la commission de l'environnement est léger, ce qui signifie que je peux l'y mettre très rapidement. La motion peut donc être traitée rapidement plutôt que de se perdre dans les méandres parlementaires ! Ce d'autant plus que nous sommes en train de traiter une initiative touchant aussi à ces mesures. A mon sens, il faut la volonté de trouver un consensus pour donner une réponse qui ne soit pas dogmatique, et non se contenter de paroles sans qu'aucune action concrète suive derrière, puisque l'exécutif va juste nous dire que la motion n'est pas applicable en l'état. Je pense que ça peut être... comment dire... constructif de partager cette volonté au lieu de rester dans des oppositions stériles. Voilà ! Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Marc Falquet (UDC). La mobilisation des jeunes, c'est la mobilisation de nos enfants - pour ceux qui ont l'âge d'en avoir. En ce qui me concerne, mes enfants sont aussi d'accord. Bon, ils ont tous un téléphone portable et jouent aussi toute la journée sur l'ordinateur, ce qui consomme énormément d'énergie.
Une voix. Non !
M. Marc Falquet. En fait, ce que vous demandez, c'est un changement du mode de vie ! C'est la remise en cause de la croissance. Voilà ce qu'il faut. Si vous voulez changer le climat, il faut remettre en cause le système économique de la croissance. Dans certains partis, vous voulez toujours bétonner et accueillir à Genève le monde entier. Vous voulez construire toujours plus: plus de routes, plus de... plus de tout, finalement. Ça, c'est le système de la croissance. Mais à un moment donné, il faudra réfléchir à ce système de la croissance et dire: «Stop, c'est tout ! Maintenant ça suffit, on s'inquiète et on s'occupe effectivement des choses prioritaires, c'est-à-dire du climat !» On est en train de tout polluer - on a tout pollué: l'air, la terre, les aliments, on pollue les animaux et on est en train de s'autodétruire. Chacun a également une part de responsabilité personnelle. Il ne s'agit pas seulement de faire des déclarations de bonnes intentions: c'est à chacun d'entreprendre des démarches personnelles, et pas uniquement en recyclant le plastique.
A l'UDC, nous avons aussi notre point de vue là-dessus: nous, nous disons stop à la construction à outrance. Certains disent stop à la voiture, ce qui à mon sens est également une bonne solution. Il faudrait se mettre d'accord sur plusieurs axes de combat afin de lutter contre la dégradation de nos conditions de vie. Mais une des principales causes de cette dégradation est notamment la surpopulation, et il faudrait peut-être aussi le prendre en considération. L'UDC pense donc qu'il y a effectivement une réflexion à lancer sur le sujet, qu'il faut réfléchir à nos modes de vie - il est fondamental d'en changer ! Nous avons pour l'instant un mode de vie égoïste: chacun pour soi, tout le monde défend de tous les côtés ses privilèges. Il faudrait sans doute s'attacher à vivre avec moins d'argent, à attirer moins d'entreprises. On veut toujours attirer plus d'entreprises à Genève, mais il faudrait aussi réfléchir à ça: à quoi ça sert ? A part à gonfler l'Etat ! On est toujours en train de gonfler l'Etat et ses dépenses. Nous avons tellement de choses à faire que nous devons nous occuper de ce problème ensemble - tous les partis, conservateurs et autres - et je propose également qu'on renvoie cette motion en commission.
Une voix. Oui, bravo ! Très bien !
Mme Simone de Montmollin (PLR). Je crois que tout a été dit: nous devons avoir ce débat en commission. Tout un chacun dans ce parlement reconnaît bien entendu les craintes de la jeunesse vis-à-vis de son avenir et l'encourage dans sa volonté de voir des améliorations se réaliser. Beaucoup d'entre nous ont des enfants avec qui ils partagent leur légitime préoccupation à cet égard, sans pour autant que ceux-ci aient tous besoin de faire l'école buissonnière pour le proclamer. Cela étant dit, il est vrai que la prise en compte des préoccupations des jeunes est de notre responsabilité d'élus. Pourtant, le faire à travers une motion rédigée comme l'est la M 2520, eh bien c'est leur faire croire qu'il suffit de transposer des revendications dans une motion cantonale pour régler la question. Ce n'est pas un comportement responsable et ça ne peut conduire qu'à l'incompréhension et à la déception quant aux résultats obtenus.
Avec cette motion, les Verts ne se mouillent d'ailleurs pas beaucoup ! Leur texte demande au Conseil d'Etat de fixer des objectifs cantonaux drastiques - 0% d'émissions en 2030 - alors que, dans le même temps, ils ont déposé une initiative, qui a abouti, demandant à l'exécutif de respecter les valeurs fixées par le cadre fédéral. Comprenne qui pourra ! Toujours est-il que la question du climat est une priorité absolue et le Parlement fédéral s'emploie à lui donner une réponse; de nombreux objets seront traités durant cette session de printemps en prévision de la révision de la loi sur le CO2. Mais la réponse institutionnelle ne doit pas être de la poudre aux yeux pour faire croire aux jeunes qu'on s'occupe de leurs préoccupations en ayant déposé une motion cantonale. Nous sommes donc d'accord de renvoyer ce texte en commission pour y apporter les modifications qui permettront de le rendre cohérent avec les travaux menés aussi bien au niveau cantonal que fédéral; si le renvoi est rejeté, nous le refuserons.
Mme Katia Leonelli (Ve). Il me reste trois minutes ? (Remarque.) Ok, merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous dire que nous refuserons le renvoi en commission: à nos yeux, cette motion ne demande effectivement pas grand-chose et nous ne voyons pas la nécessité de faire du travail inutile en commission pour revenir avec un texte encore moins effectif. Cette motion demande 0% d'émissions d'ici 2030 si possible, sinon pour 2050.
Mais revenons un peu sur ce qui s'est passé ces derniers temps. Il y a un mois, dans notre pays, dans tous les pays d'Europe et même dans le monde entier, les jeunes se sont réunis autour de la question du climat. Ils sont descendus dans la rue pour nous dire qu'ils étaient plus chauds que le climat, pour nous dire que quand ils seront grands, ils voudraient être vivants, pour nous dire que le changement, c'est ici et maintenant. Les jeunes - nous, les jeunes, devrais-je dire, nous ne sommes pas des utopistes. Nous ne sommes pas des rêveurs...
Une voix. C'est dommage ! (Rires.)
Mme Katia Leonelli. Nous sommes très pragmatiques, en fait ! (L'oratrice rit.) Nous sommes très pragmatiques: nous avons les idées claires. Nous sommes peut-être les seuls à avoir compris l'ampleur du problème, l'ampleur des enjeux en question. Ecoutez-nous ! Le réchauffement climatique est le défi le plus important auquel notre génération va devoir faire face. La situation est dramatique, nous en sommes toutes et tous conscientes et conscients: le dérèglement climatique et son origine anthropique sont aujourd'hui indéniables, et les négationnistes, ou climatosceptiques - s'il en existe encore dans cette salle - sont totalement ridicules. L'utilisation exponentielle de ressources dans un monde fini n'est pas durable et il ne faut pas grand-chose de plus qu'un «modus ponendo ponens» pour le comprendre; j'espère donc ne rien vous apprendre.
Nous sommes en train de mettre en oeuvre le crash du système planétaire. L'écologie doit être considérée comme une priorité absolue, et les pouvoirs politiques qui n'en font pas une priorité ne sont tout simplement pas crédibles ! Le temps est venu de reconnaître l'état de crise écologique majeure et de mettre en oeuvre des mesures politiques concrètes, coercitives et contraignantes. L'appel à la responsabilité individuelle n'est pas suffisant. Non, les lois contraignantes ne sont pas celles qui nous privent de nos libertés individuelles: ce sont au contraire celles qui, dans ces conditions, nous permettront d'en jouir plus longtemps. Mettons en place des mesures efficaces pour réduire à 0% les gaz à effet de serre afin que l'on puisse jouir des ressources offertes par notre planète encore longtemps. Votons en faveur de cette motion pour donner un message clair à la population et pour inviter le gouvernement à prendre les responsabilités qui lui incombent. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. Nous passons au vote sur la demande de renvoi à la commission de l'environnement.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2520 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 56 oui contre 40 non.