Séance du
jeudi 28 février 2019 à
20h30
2e
législature -
1re
année -
9e
session -
54e
séance
R 872
Débat
Le président. Nous abordons le dernier point fixe de notre ordre du jour... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) ...à savoir la R 872. Chers collègues, nous la traiterons en catégorie II, trente minutes, et je passe immédiatement la parole à M. le député Pierre Vanek qui l'a demandée.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Cette affaire relève du Grand Guignol ! Nous sommes saisis pour la troisième fois en moins d'une année d'une réorganisation des départements, proposée par le Conseil d'Etat pour les raisons que l'on sait ! Pour les raisons que l'on sait, non pas grâce à la lecture de l'exposé des motifs de la proposition de résolution qui nous est soumise, parce qu'il n'y en a pas ! La modification de la composition des départements est décrite puis, «au bénéfice de ce qui précède», le Conseil d'Etat vous invite à voter le texte. Il n'y a donc même pas d'exposé des motifs. Je ne sais d'ailleurs pas si c'est vraiment possible de déposer une proposition de résolution sans exposer les motifs; j'avais essayé de le faire une fois et M. Thorens, ou quelqu'un d'autre, m'a dit que je ne pouvais pas. Ça pose donc un problème, mais c'est un problème de forme.
Sur le fond, la population, les habitants de ce canton et les membres de l'administration perçoivent comme infiniment peu démocratique qu'on joue constamment au bonneteau avec les départements ! Personne ne s'y retrouve, personne n'y comprend plus rien. Ça pose un problème de transparence démocratique et ça pose un autre problème évident: qu'est-ce qui doit s'adapter à quoi ? Pour nous, les personnes qui sont élues doivent s'adapter au cadre légal et administratif et servir l'Etat - et, à travers lui, la collectivité. Or on se trouve ici dans une situation où c'est l'Etat et l'organisation de ses services, la répartition en services et en départements de dizaines de milliers de fonctionnaires qui doivent s'adapter aux...
Une voix. Turpitudes !
M. Pierre Vanek. ...particularités, disons - on me souffle turpitudes, mais vous connaissez ma modération - de cette personne ! Ce n'est pas très très sérieux ! Alors sur le principe, vous me direz qu'il a bien fallu faire face à une situation qui, que, etc. Nous vous avons proposé des alternatives, Mesdames et Messieurs, et nous vous proposons des alternatives pour nous débarrasser de qui vous savez et ne pas être obligés de créer un pseudo-département de quinze personnes pour l'occuper ! Il y a donc des solutions, des solutions légales, et le fait de réorganiser les départements est problématique. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Au fond - je conclurai par là, Monsieur le président - ce dont nous avons besoin, ce n'est pas que le Conseil d'Etat, à la tour Baudet ou ailleurs, se réunisse et se réorganise tous les trois ou six mois et propose des modifications de départements, qui ont par ailleurs aussi un coût. Il faut une loi sur le découpage pérenne des départements et de l'administration, soumise à un contrôle démocratique par la voie référendaire, et nous proposerons sous peu...
Le président. Voilà, Monsieur Vanek.
M. Pierre Vanek. ...non pas une loi qui aille dans ce sens, mais d'en élaborer une dans le cadre de la commission de contrôle de gestion...
Le président. Vous avez terminé, Monsieur Vanek, je vous remercie infiniment de votre célérité...
M. Pierre Vanek. C'est moi qui vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. ...et passe la parole à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. La solution qui nous est proposée aujourd'hui - créer un département du développement économique - n'est tout simplement pas acceptable; pour nous, ce n'est simplement pas un département ! Je ne sais pas si certains offices comme on en connaît - l'office cantonal de la population par exemple - ne sont pas même plus importants que ce petit département qui ressemble plus à une activité pour un préretraité... (Rires.) ...et qui sent franchement le sapin... (Rires. Commentaires.)
Des voix. Oh !
M. Stéphane Florey. ...sans dire qu'il sent clairement le formol, mais bon !
Des voix. Oh !
M. Stéphane Florey. Au-delà de ça, il aurait été beaucoup plus simple pour le collège et plus correct vis-à-vis de lui-même de faire une rocade, comme nous l'avions déjà dit lors des précédents débats concernant les changements de départements. Une rocade aurait été largement suffisante et aurait été possible. Créer non seulement un office en disant que c'est un département, mais créer par ailleurs trois départements mammouths ! Voilà finalement de quoi il s'agit.
Je ne mets pas en doute les compétences de ceux qui récupèrent la police, l'office cantonal des poursuites ou même la surveillance des communes. On ne remet pas en cause le fait que vous pouvez gérer ça, mais est-ce que vous arriverez à tout gérer ? Eh bien moi, personnellement, j'en doute ! Parce qu'un conseiller d'Etat n'est pas un superhéros tels qu'on les voit au cinéma; c'est tout simplement un être humain qui a une charge de conseiller d'Etat et, au bout d'un moment, il ne peut tout simplement plus assumer une charge qui serait trop importante. Il faut rester réaliste, je vous invite à garder les pieds sur terre, Messieurs les conseillers d'Etat ! Arrêtez de vous prendre pour des surhommes qui pourraient tout gérer: ce n'est tout simplement pas possible ! Ce n'est tout simplement pas crédible ! Pour ces raisons, le groupe UDC refusera cette proposition de résolution et vous invite fortement à la refuser, Mesdames et Messieurs les députés. Que le Conseil d'Etat revienne vers nous avec une proposition crédible. Je vous remercie.
Une voix. Très bien, bravo !
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, voilà qu'un nouveau tour de magie nous est publiquement présenté. Et comme dans Harry Potter, on ne doit pas prononcer le nom du personnage principal ! (Rires. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Pierre Eckert. Je me suis d'ailleurs laissé dire à l'oreille que, dans son propre parti, une obole substantielle était due si son nom était articulé. (Rires.) Bref, ce personnage n'a pas su prendre ses responsabilités en vue d'une gestion saine de l'Etat, ce que nous ne pouvons que regretter une fois de plus. Car ne nous trompons pas: malgré ce que veut bien en dire le Conseil d'Etat, son fonctionnement et la répartition des départements sont devenus boiteux. Ça ne date pas de ce tour de magie mais du précédent déjà, que nous avons pu admirer en automne dernier.
De notre côté, nous félicitons le grand Dumbledore vert qui revêt maintenant de façon plus durable la cape présidentielle. Nous pensons toutefois que les défis liés au département du territoire sont importants, que cela concerne l'aménagement, l'environnement ou la mobilité, et nous espérons que le cumul avec la charge présidentielle ne perturbera pas trop l'action dans ces domaines. Ce qui nous paraît plus problématique, c'est la fusion de toute la sécurité avec un bouillon qui était déjà peu lié - je veux parler de l'emploi et de la santé - rendant le tout incohérent. Même le public le plus crédule a remarqué qu'il y avait un truc ! Nous eussions largement préféré que l'emploi soit rattaché à la cohésion sociale. Cela dit, nous sommes conscients du fait que la situation inédite à laquelle le Conseil d'Etat est confronté oblige à des décisions suboptimales.
M. Pierre Vanek. Oh, ça, c'est élégamment dit !
M. Pierre Eckert. C'est élégamment dit, hein ! (Rires.) Nous souhaitons également apporter une certaine stabilité au personnel rattaché à ces départements et ne pas changer une nouvelle fois de structure. Un refus de la résolution conduirait également à conserver la répartition précédente et à conserver ainsi au personnage dont nous tairons le nom un certain nombre de prérogatives incompatibles avec les procédures judiciaires en cours. Le groupe des Verts sortira donc sa baguette magique et acceptera cette nouvelle répartition, en espérant qu'aucun sort maléfique ne lui sera jeté par la suite. (Applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC). Si au sortir de Saint-Pierre le train gouvernemental avait fière allure, il est vrai qu'il a vite fallu déchanter pour les raisons que l'on sait, ce train perdant sa principale locomotive. Le groupe démocrate-chrétien a toujours soutenu qu'il fallait un Conseil d'Etat fort pour relever les nombreux défis auxquels cette législature est confrontée. Nous avons clairement soutenu le programme de législature - je crois que nous sommes le seul parti à l'avoir soutenu après le discours de Saint-Pierre. Comme d'autres dans cette salle, nous sommes aujourd'hui un peu inquiets face à certains départements mammouths. Non que nous mettions en cause les capacités des magistrats à les gouverner et à les gérer ou la capacité des hauts fonctionnaires à les administrer correctement. Mais nous pensons que cette nouvelle organisation, la troisième, n'est pas forcément durable sur l'ensemble d'une législature.
Nous mesurons cependant la situation exceptionnelle à laquelle nous sommes confrontés. Nous pensons que notre république doit quand même être administrée, que des décisions doivent être prises, notamment s'agissant de la préparation d'un nouveau budget, et qu'il faut bien accepter ce nouveau fonctionnement. S'il émet quelques doutes sur sa durabilité, le groupe démocrate-chrétien acceptera néanmoins cette nouvelle organisation.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, on l'a dit: nous en sommes à la énième réorganisation et répartition des départements en l'espace de quelques années. Cette énième répartition est due à la crise de l'affaire Pierre Maudet - contrairement à mon préopinant Vert, je le cite. Celle-ci a obligé le Conseil d'Etat à prendre des décisions très claires en enlevant d'abord à M. Maudet la présidence, puis l'aéroport, puis une partie de la sécurité, puis l'ensemble de la sécurité pour lui laisser un microdépartement, parce que, contrairement à ce qui se passe dans Harry Potter, il n'a pas été possible de tout faire disparaître.
Nous ne sommes pas, au parti socialiste, très contents de l'ensemble de cette répartition, notamment en ce qui concerne la création d'un département mammouth: celui de la sécurité, de l'emploi et de la santé, dirigé aujourd'hui par M. Poggia. Ce n'est pas contre M. Poggia; simplement, ce dicastère est tellement important et chronophage que M. Poggia, qui, contrairement à Harry Potter, n'a pas le don d'ubiquité, va se retrouver noyé dans son propre département. Cela va tôt ou tard amener un certain nombre de dysfonctionnements. Il aurait été effectivement mieux de rattacher l'emploi au département de la cohésion sociale. Cela aurait déjà été plus cohérent, mais aussi plus équilibré.
Le parti socialiste votera néanmoins cette résolution, parce qu'il veut ramener de la stabilité - c'est le maître mot - dans l'organisation de l'Etat. Il veut ramener de la stabilité pour les employées et les employés de la fonction publique, c'est extrêmement important. Des dizaines de milliers de personnes, des femmes et des hommes, travaillent aujourd'hui pour l'administration cantonale afin de répondre aux besoins des citoyennes et des citoyens, afin de leur délivrer des prestations. Il est donc extrêmement important qu'on arrête de trimballer cette fonction publique d'un département à un autre, afin qu'elle puisse retrouver confiance dans l'exécutif ainsi que dans l'organisation des départements et l'organisation générale de l'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je voudrais juste préciser ce sur quoi nous allons voter. L'article 65A, alinéa 2, de la LRGC, relatif aux départements, dit ceci: «Le Grand Conseil approuve ou refuse la résolution lors de la séance qui suit la proposition du Conseil d'Etat.» Nous n'avons donc pas à faire de propositions, nous n'avons pas à renvoyer le texte à une quelconque commission pour en discuter nous-mêmes. Nous refusons ou nous acceptons la résolution telle qu'elle nous est proposée, et c'est là-dessus seulement que je vous ferai voter. Je passe maintenant la parole à M. le député Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le MCG salue la quatrième réorganisation du Conseil d'Etat: effectivement, les mesures s'imposaient. Il fallait le faire ! On parle de département mammouth mais, pour ceux qui ne le savent pas, le mammouth est un animal qui a disparu. (Brouhaha.) «Mammouth écrase les prix», ça fera donc peut-être baisser les prix à Genève. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît, une seconde ! (Un instant s'écoule.) C'est vraisemblablement le dernier orateur; c'est en tout cas le dernier orateur inscrit. J'aimerais bien pouvoir l'entendre jusqu'au bout. Vous avez la parole dans le silence ainsi retrouvé, Monsieur le député !
M. Daniel Sormanni. Je vous en remercie, Monsieur le président ! Je reviens au mammouth, animal disparu. Certains traitent ces départements de départements mammouths. Eh bien ma foi, allons-y pour les mammouths ! Mais comme ils ont disparu, ça ne va pas changer grand-chose à la répartition; je crois qu'une cohésion nouvelle a été trouvée. Pour revenir aux mammouths, comme «Mammouth écrase les prix», ça fera peut-être baisser les prix de l'assurance-maladie à Genève ! Voilà, Mesdames et Messieurs. Je salue encore cette répartition qui a permis et va permettre une nouvelle cohésion du Conseil d'Etat. Le MCG la soutiendra et je vous invite à en faire de même.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a écouté avec beaucoup d'attention les personnes qui se sont exprimées. Nous avons entendu de l'incompréhension, du mécontentement, mais c'est in fine quand même un soutien qui semble transparaître des propos, ce dont nous vous remercions par avance. Bien sûr, la situation que nous vivons est exceptionnelle, ce n'est donc évidemment pas idéal. En sortant de Saint-Pierre le 31 mai dernier, nous ne pensions assurément pas nous retrouver dans cette situation quelques mois plus tard.
Ce qui compte néanmoins pour nous maintenant, étant donné les circonstances, c'est en premier lieu de donner une certaine stabilité à notre organisation, tout simplement parce que nos collaboratrices et nos collaborateurs le méritent. Ils ont vécu des mois pénibles, je dois le rappeler - je dois vraiment le dire - et cette stabilité est absolument indispensable. C'est pourquoi un vote positif de votre part ce soir est plus que souhaitable. Deuxième élément: les défis qui nous attendent sont nombreux. La répartition des tâches peut sembler difficile pour certains d'entre nous, mais je peux vous dire que le Conseil d'Etat fait preuve d'une grande solidarité interne dans la gestion des dossiers. Les différents collègues ne sont pas esseulés dans l'accomplissement des tâches, et en particulier des tâches supplémentaires qu'ils se voient confier. Enfin, nous espérons évidemment que cette situation nous permette de travailler concrètement, sereinement avec votre parlement. Seul l'avenir nous dira si ça marchera, mais la volonté de notre gouvernement est en tout cas d'aller dans ce sens-là. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur la prise en compte de cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la résolution 872 est adoptée par 55 oui contre 17 non et 22 abstentions.