Séance du
vendredi 23 novembre 2018 à
18h
2e
législature -
1re
année -
6e
session -
37e
séance
PL 12208-A
Premier débat
Le président. Notre objet suivant est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de minorité a été écrit par M. Boris Calame et c'est M. François Lefort qui le remplace. Je passe immédiatement la parole à M. Alexis Barbey.
M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi propose que les surfaces de toiture soient remises en droit de superficie aux organismes ou entreprises à but non lucratif qui demanderaient à utiliser tout ou partie de la toiture de leurs bâtiments pour installer et exploiter une centrale solaire photovoltaïque. Je passe sur la suite qui est secondaire par rapport à cet élément-clé pour vous dire que, pour la majorité de la commission, ce texte a été vu comme une privation d'une partie du droit de propriété vis-à-vis des organismes qu'on obligerait à mettre leur toit en droit de superficie. D'autre part, les nombreuses auditions nous ont permis de voir qu'il y avait un problème de concomitance lié au vieillissement des toits et au vieillissement des centrales photovoltaïques: il faudrait que les toitures et les centrales aient des cycles de vie alignés. Ce problème rend un grand nombre de projets non pertinents.
Ce projet de loi a été considéré - toujours par la majorité de la commission - comme inutile parce que le mouvement a déjà pris. Nous avons entendu en tout cas deux entreprises du secteur privé ainsi que les SIG nous expliquer que la location des toits industriels allait bon train et que les toits plus petits étaient moins intéressants que ce qu'on pensait. En particulier, lors de l'audition de M. Stéphane Lorenzini et du directeur du secrétariat des fondations de droit public, ceux-ci nous ont expliqué que, sur 112 000 mètres carrés disponibles sur les toits, seuls 4500 seraient utilisables pour des centrales photovoltaïques. Il ne faut donc pas penser pouvoir résoudre le problème de l'approvisionnement en énergie électrique de Genève uniquement avec ce texte: il est pour cela relativement décevant. C'est pourquoi le PLR et la majorité de la commission avec lui refuseront ce projet de loi, et ils vous invitent à faire de même.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, les toits industriels et les toits privés ne constituent pas l'objet de ce projet de loi. Les toits dont on parle ici sont ceux des bâtiments et installations des collectivités publiques, des établissements et fondations de droit public et de leurs caisses de pension. Dans le contexte de la transition énergétique, il existe des objectifs fédéraux élaborés par la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie, la EnDK - il ne s'agit pas d'une assemblée de conseillers d'Etat Verts, vous le savez ! Ces objectifs mis en place depuis 2012 sont extrêmement ambitieux. Pour les réaliser dans les villes en Suisse, l'un des moyens est de favoriser la croissance de la production d'énergie renouvelable, notamment photovoltaïque. L'une des qualités de ce projet de loi est de souscrire à des objectifs tant fédéraux que cantonaux et ces mêmes objectifs sont rappelés dans la convention d'objectifs passée entre les Services industriels de Genève et l'Etat. A cet effet, d'ailleurs, les Services industriels ont produit un cadastre solaire qui montre que la surface utilisable est considérable: il y a un potentiel d'une puissance de 659 mégawatts sur l'ensemble du canton. Sur ce potentiel, une très petite partie est utilisée aujourd'hui: 27 mégawatts de production photovoltaïque installée. Ces 27 mégawatts sont générés par 800 producteurs, dont les SIG, qui possèdent à eux seuls 20 mégawatts de ce total. Si l'ensemble du potentiel de ces 659 mégawatts installables était réalisé, environ 20% de la consommation électrique du canton serait couverte: cela permettrait même de faire monter l'auto-approvisionnement genevois en électricité à 50%.
Les SIG ne peuvent pas tout faire et une aide est nécessaire; c'est ce que ce texte propose. Cette aide pourrait être apportée par des entreprises dont la vocation est justement de construire des centrales photovoltaïques. Développer plus rapidement le potentiel de production photovoltaïque dans notre canton, c'est ce que propose ce projet de loi ! Et cela devrait être une priorité partagée - partagée par tous les partis ! Mais nous l'avons entendu, la majorité ne le veut pas ! Ce projet de loi proposait de faire augmenter rapidement la production d'énergie renouvelable à Genève en rapprochant les lieux de production et de consommation, notamment pour assurer ce qui formera un sujet de débat, l'alimentation et le développement de l'électromobilité. Ce projet de loi proposait d'augmenter la sécurité de l'approvisionnement, mais la majorité ne le veut pas. Elle prétend que ce projet engendrerait une expropriation des toitures par des tiers: nous parlons de toitures publiques ! Il n'en est rien, parce qu'on voit mal l'Etat s'auto-exproprier ! Il n'en est rien parce qu'il s'agit d'une mise à disposition qui serait concrétisée par une convention qui préciserait les conditions.
La majorité peut aussi changer ce soir et donner la priorité à la production d'énergie renouvelable produite localement; c'est ce que nous lui demandons pour matérialiser les ambitieux objectifs fédéraux. Il faut commencer partout en Suisse et il faut donc commencer aussi à Genève: il faut que Genève fasse sa part dès maintenant ! Merci de voter ce projet de loi !
M. Alberto Velasco (S). Sincèrement, si j'étais à droite, je voterais ce projet de loi ! (Rires. Exclamations.) Je suis à gauche et je le vote quand même: je vais vous dire pourquoi. Le rapporteur de majorité vous l'a dit, les toits des entités publiques qui ne sont pas utilisés sont ouverts en droit de superficie aux privés, justement. Franchement, moi, si j'étais entrepreneur, je voterais ce projet de loi ! En plus, Monsieur le rapporteur de majorité, c'est lorsque le toit n'est pas utilisé qu'il est mis à disposition: on n'oblige personne ! On dit seulement que s'il y a des entrepreneurs qui veulent utiliser ces installations pour produire de l'énergie électrique, on peut les mettre en droit de superficie - si les entités publiques ne les utilisent pas. Franchement, je ne comprends pas que la droite, qui défend la libre entreprise, refuse cela ! C'est incroyable !
Ensuite, nous avons traité tout à l'heure plusieurs projets de lois sur l'environnement. Vous savez que produire de l'énergie solaire, c'est produire moins d'énergie polluante, c'est-à-dire de l'énergie de centrales thermiques ou même hydrauliques. Vous savez très bien que pour l'énergie hydraulique, ma foi, il faut parfois inonder des vallées; quand on surélève des centrales hydrauliques, il faut inonder d'autres parties de vallées. Là, nous avons une énergie du futur, une énergie effectivement renouvelable, une énergie non polluante. (Commentaires.) Je ne comprends pas comment on peut aujourd'hui refuser un tel objet: c'est un projet de loi d'avenir. Je tiens à remercier le groupe des Verts et notre ancien collègue Calame qui a présenté cet excellent texte.
Vous savez par ailleurs que l'augmentation des températures nous affecte aussi - il y a un article à ce propos dans la «Tribune de Genève» d'aujourd'hui. Il faudra faire tout le nécessaire pour faire baisser ces températures. Or, voilà un projet qui va dans ce sens, il s'inscrit dans le sens de la diminution de l'élévation des températures sur notre planète. Mesdames et Messieurs, franchement, si vous avez un minimum de conscience environnementale et un minimum de conscience par rapport à la qualité de l'air, vous devez voter ce texte ! C'est une question de responsabilité envers nos concitoyens et envers les générations futures. Mesdames et Messieurs les députés, nous, socialistes, voterons ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est mal foutu. Oui, il est mal foutu, car il ne concerne que les toits des collectivités publiques. Or, les FIDP sont venues nous expliquer qu'elles n'ont pas besoin d'un projet de loi pour agir: elles le font chaque fois que c'est possible, chaque fois qu'il y a une rénovation et chaque fois qu'il ne faudra pas refaire le toit dans l'année qui suit, vu qu'il faudrait tout redémonter en cas de rénovation. Donc, je crois qu'elles agissent ! Vous allez mettre des capteurs sur le toit de l'Hôtel de Ville ? Je ne crois pas ! Vous allez mettre des capteurs dans les anciens locaux de l'Etat ? Je ne crois pas ! Donc, là où c'est le plus important, c'est chez les fondations immobilières, qui ont de nombreux immeubles - et elles le font, elles n'ont pas besoin d'une loi !
Votre projet de loi est mal foutu parce qu'il ne porte que sur les entités publiques; ça ne serait que pour les Services industriels, il n'y a pas une seule entreprise privée de Genève... Parce qu'il y en a un certain nombre, et on en a auditionné une qui dit que, dans le fond, ce serait bien, mais qu'elle est écartée et qu'elle ne pourrait pas installer une centrale photovoltaïque. Oui au photovoltaïque, mais à la condition que tout le monde puisse le faire, que tout le monde puisse obtenir ces droits de superficie sur tous les bâtiments, privés comme publics ! Ce n'est pas ce que les promoteurs de ce texte ont voulu: en commission, on leur a suggéré un amendement, mais ils n'en ont pas voulu. Ils jouent petit bras avec ce projet de loi. Petit bras, mauvais projet de loi: on le refuse ! Voilà, merci !
M. Pierre Eckert (Ve). Beaucoup de choses ont été dites. Les amendements mentionnés n'ont pas pu être adoptés vu que vous n'avez même pas voulu entrer en matière sur ce projet de loi en commission ! La seule chose que je voulais vous dire, c'est qu'on peut mettre à disposition un certain nombre de ces surfaces; il n'y a pas que l'Hôtel de Ville ou d'autres surfaces inscrites au patrimoine qui sont considérées ici. Pas mal d'écoles figurent dans le parc immobilier du canton de Genève: on peut aussi remettre en droit de superficie ces surfaces-là. Maintenant, le projet est peut-être mal foutu, comme l'a dit M. Sormanni - vous lui transmettrez. Nous sommes prêts à l'améliorer, nous sommes prêts à entrer en matière sur deux choses.
La première, c'est la fameuse synchronicité entre la rénovation des toitures et la mise en place d'installations photovoltaïques: nous comprenons le problème, l'horizon de trois ans est peut-être un peu restrictif. Nous sommes prêts à entrer en matière sur un amendement dans ce domaine-là. Nous sommes également prêts à discuter sur la mise à disposition, dans certaines conditions, à des entités privées plutôt que seulement à des entités publiques. Je vous propose un retour en commission de ce projet de loi pour discuter de ces amendements.
Le président. Merci. Je vais passer la parole aux deux rapporteurs et je ferai voter ensuite sur cette demande. Monsieur Barbey, c'est à vous.
M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce n'est pas parce qu'un projet de loi est «mal foutu» qu'il faut le renvoyer en commission pour qu'il soit soudainement mieux foutu ! (Rires.) J'ai l'impression que la partie est bien mal emmanchée et qu'un retour en commission ne changerait rien à ça. Je pense qu'il vaut bien mieux refuser le texte et en déposer un nouveau plus équilibré que celui-ci.
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. François Lefort - sur le retour en commission.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Tout au contraire, je pense que c'est une sage décision ! Après une sage demande de renvoi, c'est une sage résolution qui plaira à M. Sormanni, qui trouve ce projet mal ficelé. Il nous a fait remarquer que cet objet n'avait pas été amélioré en commission, mais il semblerait que les Verts n'aient pas été tout seuls à mal ficeler ce texte, puisqu'il n'y a pas eu d'amendements non plus. Donc, si la majorité de l'assemblée le veut bien, il serait tout à fait sage de renvoyer ce projet de loi en commission pour mieux le fabriquer, Monsieur Sormanni !
Le président. Merci. Je mets aux voix la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12208 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 52 oui contre 40 non.